Dans cette classe, une imprimante 3D a été reçue suite à la participation à un concours. Les élèves de 3e primaire sont bien évidemment curieux de voir fonctionner cette machine qui revêt un caractère magique et possède le statut de jouet plutôt que d'instrument de travail et d'apprentissage.
Ci-dessous nous décrivons les quatre premières activités impliquant la fabrication de pièces avec l'imprimante 3D. Ensuite, nous faisons l'analyse de ces activités des points de vue pédagogique et didactique.
Ainsi, la première utilisation de cette imprimante a été pour imprimer des objets déjà programmés, fournis avec l'imprimante, en l'occurrence des hiboux.
Au cours de cette première impression, les élèves ont pu se rendre compte du fonctionnement de l'imprimante :
découvrir l’impression en 3D par superposition de couches;
comprendre que la matière est fondue avant de suivre un plan d’impression par couches;
comprendre que l’imprimante suit un dessin modélisé sur un ordinateur à l'aide d'un logiciel de modélisation 3D.
Après avoir compris lors de la première activité que l'imprimante doit recevoir de l'information pour imprimer, la deuxième activité est préparée par l'enseignant-e. L'objectif est que les élèves découvrent et comprennent un logiciel qui permet de modéliser un objet à imprimer. Le logiciel choisi par l'enseignant-e est Tinkerkad.
Au cours de cette deuxième activité, les élèves découvrent les différents outils contenus dans le logiciel; ils manipulent ce logiciel pour fabriquer un badge avec leur prénom; ils prennent connaissance des unités de mesure utilisées par cet environnement numérique; ils pensent leur badge en fonction des contraintes données par l'enseignant-e.
Les consignes données aux élèves sont :
-la tâche à réaliser :
fabriquer un badge avec son prénom inscrit dessus; les dimensions du socle sont données (hauteur, largeur, longueur),
-pour y parvenir, avec Tinkercad :
dessiner un socle de dimensions données, inscrire son prénom à la bonne dimension pour qu’il s’insère correctement sur le socle,
fusionner les deux afin d’imprimer un seul objet (badge).
Les difficultés rencontrées par les élèves sont :
utiliser le millimètre, réaliser des conversions centimètre - millimètre;
utiliser les différents solides et leurs différents éléments de détermination (hauteur, largeur, ...);
voir dans l'espace, imaginer un objet en trois dimension sur un plan en deux dimensions (écran d'ordinateur ou tablette) (déconstruction dimensionnelle, R. Duval, 2005);
gérer le manque de précision lié à l'usage d'une tablette numérique; cela peut être plus simple avec un PC et une souris;
comprendre le vocabulaire propre à Tinkercad et la dénomination des solides disponibles, même si la reconnaissance visuelle de l'icône permet d'y remédier rapidement.
Au final, les badges imprimés ne répondent pas toujours aux contraintes imposées au départ. Pour certains, c'est l'épaisseur du badge, pour certains c'est le prénom qui dépasse quelque peu du socle, pour d'autres le prénom n'occupe pas l'espace disponible sur le badge, ... Mais cette activité permet de rencontrer les objectifs fixés (découvrir et utiliser un logiciel de modélisation 3D, utiliser des unités de mesure de longueur, fabriquer une pièce).
Pour éviter que la pièce imprimée ne corresponde en tous points aux contraintes énoncées, l'enseignant-e peut vérifier les qualités de l'objet à imprimer avant de l'envoyer vers l'imprimante. Il est également possible que ce travail de validation soit effectué en groupe d'élèves.
Ce travail de validation peut se poursuivre par une réflexion sur les éléments à modifier pour que l'objet conçu corresponde à l'objet souhaité.
Ce travail de validation de l'objet produit est une forme d'évaluation formative des capacités de l'élève soit à utiliser le logiciel de modélisation, soit à comprendre la consigne donnée, soit encore à voir et agir en deux dimensions pour réaliser un objet en trois dimensions. Ces difficultés mises à jour peuvent être prises en charge lors de séances de remédiation selon différentes modalités de travail et en fonction des difficultés révélées. : un élève plus fort travaille avec un élève qui a besoin de soutien, l'enseignant accompagne davantage l'élève qui a des difficultés, ...
Incompréhension de la consigne
Expliquer autrement, montrer un exemple imprimé préalablement.
Maîtrise technique de Tinkercad
Accompagner l'élève dans l'utilisation de Tinkercad en lui demandant préalablement ce qu'il souhaite réaliser. Ensuite lui préciser les fonctionnalités à utiliser mais le laisser utiliser Tinkercad.
Difficulté à gérer la 3D en 2D
Ceci est à travailler probablement séparément dans des activités spécifiques en mathématique (voir page modélisation).
La troisième utilisation de l'imprimante s'insère dans un projet de construction de maquette suite à une semaine de classe de forêt. Dans cette classe, les élèves décident de construire la maquette de leur hébergement pour communiquer aux parents des éléments de leur séjour. La maquette est réalisée en assemblant des pièces de carton. Un problème de construction est mis en évidence quand il s'agit de construire les tables, chaises, étagères, lits, ... Des éléments qui sont plus difficile à construire en carton. La fabrication de ces éléments à l'aide de l'imprimante 3D apparaît comme une évidence. Il est donc décidé de modéliser ces éléments à l'aide de Tinkercad et de les imprimer.
Cette fabrication permet à nouveau aux élèves d'utiliser Tinkercad et d'en accroître leurs connaissances. L'objectif de cette activité est d'imprimer des tables, des chaises et des lits superposés à la bonne échelle, celle de la maquette déjà assemblée.
Ce calcul d'échelle avait déjà été réalisé au préalable pour la construction de la maquette : détermination des plaques en carton pour les murs, découpage des portes, ... La même échelle a donc été utilisée pour ces nouveaux éléments.
Du point de vue de la modélisation avec Tinkercad, il s'agit de décomposer une table, une chaise, ... en différents solides à assembler (regrouper) afin que l'imprimante puisse l'imprimer. En effet, Tinkercad ne contient pas d'objet "table" ou "chaise". Il faut le construire à partir d'éléments géométriques disponibles dans l'outil numérique comme la boîte (représentée par un cube, ou plus généralement un parallélépipède rectangle) ou le cylindre.
Ce travail de déconstruction des objets est ici assez simple. En l'occurrence, chaque élément de la chaise est visuellement bien séparé des autres : l'assise, les pieds (piètement), le dossier. De plus, ces éléments composant une chaise sont facilement reconnaissables et l'association avec un objet 3D disponible dans Tinkercad est aisée. Nous pouvons dire que l'élément est assez semblable à l'objet prototypique disponible dans le logiciel : l'assise ou le dossier peut facilement être associé à une boîte.
Dans cette activité, il est donc aisé pour les élèves de déconstruire la chaise en éléments qui seront modélisés par des objets 3D disponibles dans le logiciel. Il en est de même pour une table, une étagère ou des lits superposés. Tous ces objets sont fabriqués par juxtaposition d'éléments.
L'activité qui suit demande davantage de réflexion pour déconstruire l'objet et fabriquer ses différents éléments constitutifs.
Tout comme pour les chaises, ... fabriquées précédemment, l'enrouleur à fabriquer s'insère dans un projet plus large. Il s'agit de construire un ascenseur qui va permettre de faire monter des voitures. Le système de poulies est déjà en place, il reste à fabriquer l'enrouleur avec sa manivelle... (voir l'activité de fabrication d'un enrouleur pour plus de détails)
Outre les difficultés liées à la déconstruction de l'objet technique et à la négociation des grandeurs et formes des éléments constitutifs, une autre difficulté est apparue, d'ordre technique, liée à l'utilisation de Tinkercad : comment dessiner des pièces trouées, comme par exemple l'enrouleur ?
Cet apprentissage requiert également de pouvoir centrer ces perçages. Des tutoriels sont utilisés en classe par les élèves pour prendre connaissance de ces techniques. L'institutrice intervient également pour aider les élèves plus en difficulté. Les élèves s'entraident le plus souvent.
Les activités proposées aux élèves leur permettent, progressivement, de mieux comprendre le fonctionnement du dispositif d'impression en 3 dimensions. Les élèves, une fois le côté magique dépassé, comprennent que le travail le plus important, et qui leur incombe, est de penser l'objet, de l'imaginer, parfois de le déconstruire en objets plus simples que l'imprimante pourra imprimer correctement. Comme ce fut le cas pour l'enrouleur.
Un autre intérêt de ces activités est de montrer aux élèves leur capacité d'entreprendre la fabrication d'un objet complexe tel que l'enrouleur.
Ainsi cette activité permet de mettre en œuvre et de mobiliser des savoirs, des savoir-faire et des compétences inscrites dans les référentiels du domaine 3 (mathématiques, sciences, géographie physique, technique, technologie). Le point commun entre ces référentiels est l'activité de modélisation et de représentation en deux dimensions d'un objets en trois dimensions.
Il est important aussi de signaler que, même si les deux dernières activités proposées ci-dessus s'inscrivent dans une pédagogie par projet, et que souvent dans cette perspective, ce qui compte c'est la réalisation finale, le livrable, ... l'enseignant-e n'a à aucun moment "fait à la place des élèves". C'est dans la collaboration entre élèves que les solutions sont réfléchies, trouvées, partagées, ... Dans les cas où l'enseignant-e intervient, cette intervention est centrée sur la problématisation de la situation, sur un étayage qui amène les élèves à analyser la situation sous un autre angle. L'activité de l'enseignant.e est alors de poser des questions aux élèves pour les sensibiliser à des approches différentes du problème ou de la difficultés. Son rôle est aussi d'amener les élèves à verbaliser ce qui pose question, ce qui est problématique. Il se sert de cette verbalisation pour emmener les étudiants vers la production de solutions possibles.
Ces activités et cette activité d'étayage de la part de l'enseignant amène progressivement les élèves à travailler des compétences liées aux domaines 6 (la créativité, l’engagement et l’esprit d’entreprendre) et 7 (apprendre à apprendre et à poser des choix).
L'évaluation des apprentissages
L'évaluation des apprentissages s'effectue à partir de plusieurs indices et ne doit pas nécessairement faire l'objet d'une pratique particulière à un moment particulier à ce stade de la formation.
Un premier indice est la qualité de l'objet produit si celui-ci a fait l'objet d'un travail individuel. Cependant, ce n'est pas le seul indice.
Tout au long du travail de réalisation des objets, il est opportun d'observer le travail des élèves pour vérifier si progressivement ils maîtrisent l'utilisation du logiciel d'un point de vue technique.
De même, ces activités s'organisent souvent en groupe, la collaboration (travailler ensemble pour résoudre un problème ou pour atteindre un objectif) y est recommandée plutôt que la coopération (chacun s'investissant selon ses points forts). L'investissement de chacun dans la tâche peut aussi être évalué. De même que la dynamique de collaboration.
Au terme de cette séquence d'activités, il peut être demandé à chaque élève de rédiger un court texte sur les apprentissages qu'il pense avoir réalisés. Il peut aussi être demandé aux élèves d'exprimer ce qui lui a plu dans ces activités. Cette évaluation personnelle peut être déposée dans un portfolio (classique ou numérique) accompagnée de photos des réalisations, ...