deuxième bataille de la Marne

Comme la première bataille de la Marne, celle qu'on a appelée la deuxième bataille de la Marne a été une très grande et très belle victoire.

La première a marqué l'arrêt de l'offensive allemande en 1914; la deuxième a été le commencement de notre offensive victorieuse de 1918.

Ces deux batailles offrent de frappantes analogies; elles sont l'une et l'autre à base de manoeuvres et témoignent de la supériorité de la stratégie française, souple et adroite, sur la lourde science militaire allemande.

La deuxième bataille de la Marne n'est pas, en effet, simplement une bataille défensive-offensive, c'est à dire une bataille dans laquelle les armées françaises, après avoir arrêté l'ennemi sur une position choisie, ont pris à leur tour l'offensive pour le refouler et le battre; elle est une bataille-manoeuvre, c'est à dire que le passage de la défensive à l'offensive a été déterminé par un événement préparé en dehors des limites premières du champ de bataille, événement qui voulait avoir et a eu, une action prépondérante, décisive, et a entraîné le renversement de la situation.

Le l8 juillet, cet événement a été l'intervention inattendue d'une « masse de manoeuvre » formée par deux armées, les VI et Xe, sur le flanc droit et les derrières des Allemands d'abord victorieux.

Cette manoeuvre rappelle bien celle de 1914 quand l'armée Maunoury vint se jeter, dans des conditions semblables, mais avec des forces et un degré de préparation beaucoup moindres, sur le flanc droit de l'armée d'aile du dispositif allemand, l'armée de von Kluck, en marche vers le sud, par l'est de Paris.

Aussi, pour bien comprendre la deuxième bataille de la Marne, est-il nécessaire d'étudier d'abord la partie défensive de cette bataille, du 15 au 17 juillet; puis la partie offensive, à partir du 18.

ORGANISATION DE LA DEFENSIVE

La deuxième bataille de la Marne est caractérisée par un fait initial essentiel, l'absence de surprise du côté français. La surprise est la première condition du succès et cette condition nécessaire a fait totalement défaut aux Allemands.

Le 21 mars (poche de Montdidier), la surprise avait été totale : il en avait été de même le 11 avril (poche du Kemmel), puis le 27 mai (poche de Château-Thierry).

Déjà, le 9 juin (attaque du saillant de Compiègne), l'attaque avait été éventée et était attendue.

En juillet, aucune inconnue; le haut commandement français suit jour par jour les desseins de l'ennemi et ses préparatifs; il a fait le dénombrement de ses divisions et connaît les limites assignés à l'attaque, à droite et à gauche. A peine hésite-t-il sur le jour choisi; encore est-il pleinement renseigné la veille.

Même l'heure du commencement de la préparation par l'artillerie ne lui échappe pas et c'est au point que la Ive armée pourra entamer son propre tir de contre-préparation avant celui de l'ennemi !

Bien plus, le bénéfice de la surprise passe de notre côté et, le 18 juillet, le débouché des Xe et VIe armées se fera en surprise totale, sur les derrières d'un ennemi qui ne songe qu'à poursuivre ses premiers succès au sud de la Marne.

Cet heureux résultat est la conséquence de l'étude approfondie de la situation de l'ennemi, en particulier de ses réserve, à la suite des renseignements recueillis jour par jour.

Ces renseignements étaient fournis par :

1° Notre service de recherches;

2° Les interrogatoires des prisonniers que ramenaient les coups de main.

3° Les rapports des prisonniers français ayant réussi à s'évader;

4° Les reconnaissances incessantes de notre aviation, reconnaissances poursuivies de jour et de nuit.

Il est très intéressant de suivre pas à pas ce travail de coordination qui nous permet d'assister, jour par jour, à la conception du plan de la bataille dans l'esprit des chefs.

PRÉVISION DE L'ATTAQUE PROCHAINE ( Fin de Juin)

A la fin de juin, on estimait au G.Q.G. français que, sur le front occidental, les Allemands disposaient de 75 divisions en réserve, dont une cinquantaine au moins pouvaient être considérées comme disponibles.

Pour le plus grand nombre, ces divisions se trouvaient réparties, à peu près par parties égales, entre le groupe du Kronprinz bavarois qui faisait face aux Anglais, de la mer à la Somme, et le groupe du Kronprinz impérial qui faisait face au G. A. R. et au G. A. C. français, entre la Somme et l'Argonne.

Qu'en conclure, si ce n'est que l'attaque prochaîne à laquelle on s'attend, parce que la situation générale y contraint les Allemands, pourra avoir lieu, soit sur le front anglais, entre la mer et la Somme, soit sur le front français, entre Somme et Argonne, soit sur les deux fronts à la fois et en combinaison?

L'art va être de suivre avec la plus grande attention les préparatifs des Allemands sur l'un et l'autre front, et surtout le déplacement des réserves de l'un à l'autre groupe des deux Kronprinz. Il s'agit de lire et de voir clair dans le jeu de l'adversaire.

LES RENSEIGNEMENTS SE PRÉCISENT (1er Juillet)

Le 1er juillet, il apparaît comme a peu près certain que l'ennemi prépare une grande offensive en Champagne; voilà un premier point.

Les jours suivants, les renseignements se précisent : l'attaque se produira à l'est de Reims, entre la Suippe et l'Argonne.

Bientôt, à la suite de la capture d'un officier de pionniers, on apprend que l'ennemi a l'intention de forcer le passage de la Marne, dans la région de Dormans; les bateaux et le matériel nécessaires pour la construction de passerelles seraient déjà réunis et cachés dans les bois de la rive droite.

Reste à savoir ce que l'ennemi compte faire entre la Marne et Reims.

RENFORCEMENT DU FRONT FRANÇAIS (6 Juillet)

Le 6 juillet, on arrive à la persuasion, que cette partie du front sera englobée dans l'attaque en préparation.

Ainsi, la prochaine offensive se produirait sur les deux flancs du saillant de Reims : d'une part, de la Marne à Reims, contre la droite de la VIe Armée et le front de la Ve; d'autre part, de Reims à l'Argonne, contre la IVe armée.

C'est un front de plus de 120 kilomètres !

Une offensive menée sur une pareille étendue exige au moins de 40 à 45 divisions en première ligne; il en faut bien autant, pour l'exploitation, la grosse masse des réserves allemandes se trouverait donc absorbée et on serait en droit de penser que les Allemands ne feront qu'une attaque unique.

Cependant une conclusion de cette importance mérite réflexion; il faut avoir confirmation des renseignements recueillis, d'autant plus que les Anglais continuent à redouter une attaque dans les Flandres, non sans raison, semble-t-il, puisque plus de 35 divisions restent toujours massées sur leur front.

Toutefois, on ne saurait attendre plus longtemps pour prendre toute une série de précautions nécessaires.

C'est ainsi que nos armées menacées se renforcent par quelques divisions intercalées sur leur front; en même temps, les divisions de deuxième ligne se rapprochent et poussent leurs têtes jusqu'aux deuxièmes positions.

D'autre part, le G. Q. G. rassemble cinq divisions d'infanterie et le 1er corps de cavalerie dans la région au sud d'Epernay et les groupes auprès d'un Q. G. d'armée (IXe armée, général de Mitry), qui pourra en prendre le commandement, le cas échéant.

Enfin, de très puissants moyens en artillerie et en chars d'assaut commencent à être dirigés du côté du G.A.C. Et la moitié de la division aérienne est appelée.

Entre le 7 et le 9 juillet, la situation continue à s'éclaircir. Nos observatoires - il y en a d'excellents sur la montagne de Reims et dans le massif des Monts de Moronvilliers - signalent un mouvement anormal de troupes et de convois chez l'ennemi; de son côté, notre aviation relève en arrière du front un trafic intense sur les voies ferrées. Les déclarations de prisonniers confirment ces indications; ils s'accordent à dire que l'attaque est imminente.

Entre temps, on arrive à savoir qu'il y aura dans l'attaque un secteur passif, s'étendant de part et d'autre de Reims.

Quant aux limites de l'attaque, elles ne paraissent pas devoir dépasser, à l'ouest, Château-Thierry, à l'est, la Main de Massiges.

PLAN ALLEMAND

Dès lors, il semble bien que le plan des Allemands se dégage avec netteté.

Ils veulent encercler la montagne de Reims et, en même temps, s'ouvrir les passages de la Marne.

Dans ce but, l'attaque à l'est de Reims, en Champagne, aura pour objectif la Marne, vraisemblablement, de Condé à Châlons et même plus en amont.

Mais il est indispensable que les forces qui arriveront sur cette rivière ne soient pas arrêtées.

C'est pourquoi l'attaque à l'ouest de Reims ne se produira pas seulement entre cette dernière ville de la Marne, mais se prolongera plus à l'ouest jusqu'à Dormans et Château-Thierry, avec mission de franchir la rivière dans cette dernière région, de façon à pouvoir manoeuvrer par les deux rives de la Marne, en direction d'Epernay.

Ainsi se trouve justifiée cette extraordinaire tentative de passage de vive force de la Marne, sous le feu d'une armée ennemie bordant la rive sud.

Une telle opération pouvait apparaître comme impossible. Vouloir jeter des ponts et construire des passerelles sous le feu des mitrailleuses, sous le feu des canons à tir rapide, n'était-ce pas folie?

Mais, outre que les Allemands ont la fierté de ne pas reculer devant les actions de guerre les plus ardues, ils estiment avec raison que le terrain du combat, quelles que soient ces difficultés matérielles, ne vaut que par les défenseurs qui l'occupent, et ils espéraient bien supprimer ces derniers une fois de plus devant leur attaque, soit en écrasant nos troupes de la rive sud sous un feu porté au paroxysme de violence, soit en annihilant au moyen d'obus toxiques.

II faut ajouter que les boucles de la Marne, à Vincelles, Tréloup, Jaulgonne et Mont-Saint-Père, étaient de nature, par leur forme enveloppante, à favoriser la concentration de feux nécessaire à cette neutralisation. En faisant converger leurs armées d'attaque vers la région Epernay, Châlons, les Allemands visaient à envelopper dans la Montagne de Reims la Ve armée française en totalité et la moitié au moins de la IVe armée, et à les obliger à mettre bas les armes.

Ainsi serait réalisée, mais sur une échelle plus grande encore, une manoeuvre comparable à celle qui avait amené les désastres de Metz et de Sedan en 1870 et d'où sortirait sans doute la fin de la guerre. Aussi avaient-ils baptisé cette formidable attaque, qu'ils espéraient bien être la dernière, « le Friedensturm ». Dans tous les cas, - et c'était à leurs yeux le moins qui pût arriver, - les chemins de Paris se trouveraient largement ouverts.

Un tel plan était certes grandiose, mais il avait le plus grand défaut; il ne tenait qu'un compte tout à fait insuffisant de la valeur des armées françaises de 1918 et de la supériorité de leur haut commandement.

PLAN FRANÇAIS

Cependant, sur tout le front menacé, -c'est tout le front du G. A. C., avec ses trois armées : IVe, Ve et VIe - tout le monde se prépare à la bataille et les divisions, en réserve elles-mêmes, prennent leurs positions de combat.

La seconde moitié de la division aérienne a été appelée; cette division est répartie en deux groupements, l'un à Estemay, l'autre à Saint-Dizier; Elle est ainsi prête à agir rapidement sur un point quelconque du front.

Le plan du général commandant en chef les armées françaises s'est formé à mesure que les renseignements sur l'ennemi se précisaient.

Dès le 7 juillet, il l'a fait connaître aux armées intéressées.

Ce plan, nous le savons déjà, comprend deux parties intimement liées : l'une défensive, l'autre offensive ; elles reposent, l'une et l'autre sur une idée de manoeuvre.

Pour la défensive, il compte que l'attaque sera arrêtée, grâce à la manoeuvre qui consistera à évacuer la première position pour recevoir la bataille sur la position de résistance choisie.

Si un échec se poursuit sur quelque partie du front, l'armée tenue en réserve, la IXe, y parera, en même temps qu'interviendront les réserves particulières des armées encore disponibles.

Pour l'offensive, elle sera déclenchée en temps opportun par l'intervention, sur le flanc droit des Allemands, de la Xe armée qui, depuis les premiers jours de juin, se prépare à attaquer.

L'idée maîtresse du plan a été précisément de rattacher cette action offensive à la bataille défensive qu'on attend et prépare.

Cette entrée en scène de la Xe armée produira le renversement de la situation et, dès qu'elles le pourront, les trois armées engagées de front (IVe, Ve, VIe) passeront à leur tour à l'offensive. Notons ici que l'attaque allemande prévue n'intéresse que la droite de la VIe armée; dans l'esprit du commandement français, la gauche de cette armée doit prendre part à l'offensive de la Xe armée.

Cependant – et ici nous voyons apparaître les inconvénients inhérents à l'attitude défensive, qui reste subordonnée aux évènements – encore faut-il que les prévisions que l'on fait se réalisent.

Quelles seront exactement les forces de l'attaque ? On l'ignore encore.

Le Kronprinz impérial dispose de deux armées : la IIIe en Champagne, la Ire de part et d'autre de Reims. Le front de ces deux armées s'étend précisément de l'Argonne à la Marne, à l'ouest de Dormans.

La IIIe a huit divisions en première ligne, la Ire onze, au total dix-neuf.

Si le Kronprinz parvient à grouper en arrière du front d'attaque une cinquantaine de divisions de réserve, cela fera soixante-dix.

De notre côté, sur ce front, nous comptons également dix-neuf divisions, mais nous n'en avons que douze en réserve, soit au total une trentaine; trente contre soixante-dix, c'est moins de la moitié!

Sera-t-il possible, dans ces conditions, de contenir l'attaque en Champagne, quelques succès que l'on attende de la manoeuvre de dérobement préparée par l'évacuation de la première position ?

On ne sait encore rien au sujet du déplacement des réserves allemandes; l'attaque sur le front anglais apparaît toujours comme possible et, dans ces conditions, les réserves du G. A. C. ne peuvent être augmentées.

Fort heureusement, à partir du 10 juillet, le voile se déchire. D'abord, il se confirme que l'attaque s'étendra de Jaulgonne, à l'est de Château-Thierry, jusqu'à la Main de Massiges, à l'ouest de l'Argonne, toujours avec une zone passive de part et d'autre de Reims. Dans l'esprit des Allemands, cette nouvelle bataille doit être décisive et amener la fin de la guerre.

CONCENTRATION DE TOUTES LES FORCES ALLIEES SUR LE FRONT ( 12 juillet 1918 )

Le 12 juillet, enfin, le commandement français est fixé sur le point le plus important: il n'y aura pas d'attaque combinée sur le front anglais et tout l'effort portera sur le front français, de la Marne à la Champagne.

Bientôt, en effet, on constate que les réserves, accumulées derrière le front du Kronprinz bavarois, en face des Anglais, descendent vers le groupe du Kronprinz impérial. D'après les renseignements recueillis, ce mouvement de rocade aurait commencé le 24 juin et on en déduit que l'attaque se produira vraisemblablement vers le 14 juillet.

Cette dernière déduction est d'ailleurs confirmée par les déclarations des prisonniers qui s'accordent à dire que l'attaque se produira le 13 ou le 14.

Même on arrive à connaître les limites exactes du secteur passif de Reims; il s'étendra du fort de la Pompelle à l'est, à Vrigny, à l'ouest.

Dès lors, il devient possible de jouer librement de nos réserves et de concentrer les moyens derrière le G. A. C. et le. G. A. R. Il n'y a d'ailleurs pas une heure à perdre.

Aussi, dès le jour même, 12 juillet, le général Pétain prélève-t-il cinq divisions sur les réserves de son aile gauche, remises à sa disposition par le général Foch. A partir de ce moment, le général Foch et le général Pétain réunissent leurs efforts pour qu'aucune division, quelle que soit son origine, française, anglaise ou américaine, ne reste en dehors de la bataille inutile.

C'est avec toutes leurs forces que les Alliés, comme les Allemands, joueront cette partie qui doit décider du sort de la guerre.

Dans ce but, le général Foch ordonne un premier prélèvement de dix divisions sur les réserves du maréchal Haig, dont quatre à transporter immédiatement derrière le G. A. C.

A la suite de l'ensemble des mesures prises, la masse des réserves dont disposera le général Pétain s'élèvera à trente-huit divisions d'infanterie et six divisions de cavalerie.

Ces réserves, il les répartit entre le front défensif et le front offensif. Vingt-quatre divisions d'infanterie et trois divisions de cavalerie sont attribuées au G. A. C. pour la bataille défensive, le reste au G. A. R.

Comme le G. A. C. a déjà à ce moment vingt divisions en secteur entre l'Argonne et Château-Thierry, c'est avec quarante-quatre divisions (20 + 24) qu'il recevra le choc allemand.

On estime que ce dernier se produira avec un effectif compris entre soixante et soixante-dix divisions. La manoeuvre compensera la différence.

De ces quarante-quatre divisions, trente et une sont affectées en propre au commandement du groupe ou à ses armées; treize restent en réserve générale, à la disposition du commandant en chef, avec les trois divisions de cavalerie.

Ces treize divisions sont destinées à former trois groupements : l'un, à droite, derrière le point de soudure des IIe et IVe armées, comprenant quatre divisions prélevées sur le G. A. E .; le second, au centre, à cheval sur la Marne, entre Châlons et Epernay, comprenant également quatre divisions; le troisième sera formé de quatre divisions anglaises et d'une division française.

Le 1er corps de cavalerie, avec ses trois divisions, reste au sud de Châlons.

Le Q. G. de la IXe armée est disponible, à Fère-Champenoise.

Comme nous l'avons déjà dit, la IXe armée est destinée, soit à parer aux accidents, aux ruptures de front qui viendraient à se produire, soit à agir en contre-offensive sur le front du G. A. C. quand le moment sera venu.

LA CONTRE-OFFENSIVE EST DÉCIDE POUR LE 18 JUILLET

Le 13, nouvelle précision : on apprend que l'attaque aura lieu le 14, le 15 au plus tard.

Dans ces conditions, le général Pétain estime que la date à laquelle la contre-offensive du G. A. R. sera déclenchée peut être dès maintenant arrêtée; il la fixe au 18 et il envoie au général commandant le G. A. R. le télégramme suivant :

« Attaques VIe et Xe armées, prévues par mon instruction du 12, pourront être déclenchées le 18 juillet au matin.

« Heure H sera fixée ultérieurement.

« J'appelle fortement votre attention sur la nécessité du secret absolu. »

Dès lors, tout est prêt pour cette énorme bataille qui doit décider de la victoire finale; une fois de plus le sort de la guerre va se jouer.

Rien, n'a été négligé pour la préparer; elle sera livrée avec deux groupes d'armées et cinq armées françaises :

Le G.A.C. (général Maistre) avec la IVe armée (général Gouraud); la Ve (général Berthelot) et la IXe (général de Mitry);

Le G. A. R. (général Fayolle) avec la VIe armée (général Degoutte) et la Xe (général Mangin).

La majeure partie des forces françaises, soit 57 divisions, y prendra part, et, en outre, onze divisions alliées (deux italiennes, quatre anglaises, cinq américaines); au total 78 divisions d'infanterie et six divisions de cavalerie.

Toutes les forces françaises disponibles sont en jeu. Entre la Suisse et l'Argonne, il n'y a plus, derrière le front, une seule division en réserve et, quand la contre-offensive se produira, il ne restera plus entre l'0ise et la Somme, sur cette partie du théâtre d'opérations qui couvre directement Paris, qu'une division anglaise.

Il n'était pas possible de pousser plus loin, ni avec plus d'audace et d'énergie, la préparation de la victoire.

ORGANISATION DES POSITIONS DE RESISTANCE

Nous avons déjà longuement analysé les nouveaux procédés d'occupation du terrain et nous en étions restés à l'instruction du 24 juin.

Comme l'application de ces procédés donnait toujours lieu à des différences d'interprétation, le général en chef y était encore revenu le 3 juillet.

« Il doit demeurer entendu, disait-il :

« Que les forces ne doivent pas être dispersées sur le champ de bataille d'armée;

«Que leur gros, infanterie, artillerie, doit concourir à la défense à outrance de la position de résistance ;

« Que cette position de résistance doit offrir une défense continue.

« L'organisation d'une défense continue de la position de résistance est capitale.

« Mais cette idée de continuité n'implique nullement le retour au procédé de combat en ligne déployée dans une simple tranchée. L'échelonnement des combattants par groupes de spécialistes, dans le sens de la largeur et dans le sens de la profondeur, demeure la règle de l'articulation des forces sur les différentes parallèles de la position de résistance.

« Il s'agit seulement :

«D'accrocher la résistance à une organisation continue du terrain, c'est-à-dire de l'obstacle et du couvert ;

« de répartir les moyens de feu de telle manière que tous les intervalles existant entre les centres de résistance et entre les points d'appui soient battus par des feux de flanc et aussi par des feux d'arrière (infanterie et artillerie);

«Enfin, d'adapter les dimensions des intervalles à la nature du terrain, les intervalles étant d'autant plus réduits que le terrain est plus couvert ou plus propice aux mouvements d'infiltration. »

SUR LE FRONT DE LA IVe ARMÉE

Sous la direction du général Maistre, le commandant du G. A. C., ces prescriptions avaient été soigneusement suivies à la IVe armée, où leur application était d'ailleurs facile, car le front y étant resté le même depuis la fin de 1915, à part la zone du massif de Moronvilliers, conquise en 1917; les positions successives y abondaient, toutes puissamment organisées.

La ligne de résistance fut prise dans la position intermédiaire et se trouva ainsi à trois kilomètres de la première position; elle était pourvue de tous les organes de défense nécessaires : abris-magasins, postes de commandement, de secours, communications téléphoniques, etc;

Toutefois, ce ne fût pas sans peine que le 4e corps, qui occupait les monts, se résigna à les abandonner. Outre que leur conquête, en 1917, avait exigé de coûteux efforts, de là on dominait toute la plaine de Champagne, jusqu'à Châlons; il fallut l'intervention du commandant en chef pour faire admettre la nécessité de ce sacrifice.

En arrière de cette position de résistance, se trouvait la deuxième position, à une distance moyenne de 4 kilomètres; elle était tenue par les divisions de deuxième ligne, réserves d'armée.

Plus en arrière encore s'étendait, mais à une distance plus grande, atteignant au centre de l'armée jusqu'à 10 kilomètres, la troisième position, au delà de laquelle se trouvaient les réserves de groupe ou les réserves générales de G.Q.G.

La défense se trouvait ainsi préparée et organisée sur une profondeur de 12 à 15 kilomètres.

Sur la première position, n'avaient été laissés que les avant-postes;

Sur la position de résistance, étaient les divisions de première ligne;

Sur la deuxième, les réserves d'armée;

En arrière de la troisième, les réserves de groupe ou de G.A.G. prêtes à la manoeuvre.

Jamais encore pareille organisation, à la fois large et profonde, forte autant que souple et rationnelle, n'avait été réalisée sur un champ de bataille défensif.

Sa caractéristique essentielle était la manoeuvre de dérobement constituée par l'abandon au dernier moment de la première position, abandon qui faisait tomber l'ennemi dans le vide et l'amenait, à moitié désorganisé, en face d'une ligne intacte où ses efforts devaient être brisés.

Certes, on était en droit de penser que l'échec des Allemands était assuré; aussi les troupes étaient-elles pleines de confiance et l'événement devait montrer combien cette confiance était justifiée.

SUR LE FRONT DES Ve ET VIe ARMÉES

A la Ve armée, la situation était toute différente, car son front, à l'ouest de Reims, était celui sur lequel les troupes s'étaient arrêtées à la fin de mai, lors de la formation de la poche de Château-Thierry; les positions successives étaient plus ou moins continues et de valeur très variable.

En outre, comme cette armée avait été orientée autant sur l'offensive que sur la défensive, le commandement local hésitait à abandonner certaines parties de la première position qui paraissaient particulièrement favorables pour un départ d'attaque.

Finalement, il fut admis que la première position serait, dans l'ensemble évacuée au profit de l'occupation de la position de résistance choisie, mais que l'on conserverait cependant un certain nombre de points de cette première position, ce qui n'était pas pour faciliter la conduite du combat; en outre, cette décision laissait la manoeuvre de dérobement incomplète et devait en diminuer le rendement.

C'est pour toutes ces raisons sans doute que l'arrêt de l'offensive allemande fut moins net sur le front de cette armée que sur le front de la IVe.

L'ennemi réussit à forcer la position de résistance et ne fut contenu qu'au prix d'efforts prolongés sur la deuxième position.

A la VIe armée, la situation était plus particulière encore; le front suivait la Marne et la question se posa de savoir si, dans ce cas spécial, il ne valait pas mieux utiliser le gros obstacle de la rivière et en défendre directement le passage plutôt que de l'abandonner pour se reporter en arrière.

Le haut commandement persista dans sa manière de voir; il était bien évident, en effet, que de ce côté l'ennemi déploierait des moyens particulièrement puissants et que tout ce qui serait laissé sur les bords mêmes de la rivière serait écrasé de feux et broyé. Toutefois, comme il était de notre intérêt de maintenir l'ennemi dans une situation difficile en le laissant s'accumuler sur un espace restreint, la ligne de résistance fut choisie à distance rapprochée, à 1.500 mètres en moyenne de la rivière.

Mais ici encore, cette manoeuvre de dérobement, qui sur le front de la rivière paraissait contraire à tout ce qui avait été fait jusqu'à ce jour dans les guerres antérieures, ne fut pas entièrement acceptée par tous et les conséquences furent les mêmes qu'à la Ve armée; l'ennemi enleva la position de résistance et ne put être arrêté que sur la deuxième position. Trois jours de combat furent nécessaires à la Ve armée et à la VIe pour limiter les progrès de l'ennemi; tandis qu'à la IVe, dès le premier jour, il était manifeste que l'offensive allemande était mise en échec.

SITUATION GÉNÉRALE AU 14 JUILLET

Le 14 juillet, au soir, la situation était la suivante, de la droite à la gauche :

IVe armée (général Gouraud), s'étendant de l'Argonne aux abords de Reims.

Liaison à droite avec la IIe armée, à la Harazée.

Liaison à gauche avec la Ve armée, à Prunay, non loin du fort de la Pompelle.

Front: 50 kilomètres environ, réparti en trois corps d'armée :

8e corps, avec quatre divisions en première ligne et la valeur de deux en deuxième ligne.

21e corps, avec trois divisions en première ligne et deux en deuxième ligne, dont une américaine.

4e corps, avec trois divisions en première ligne et deux en deuxième ligne.

Au demeurant, dix divisions en ligne, ce qui donnait un front de cinq kilomètres en moyenne par division, et six divisions en deuxième ligne.

La Ve armée (général Berthelot) s'étendait des abords de Reims à la Marne.

Liaison à gauche avec la VIe armée, à Vassieux (3 kilomètres est de Dormans).

Front : 50 kilomètres environ, réparti également entre trois corps d'armée :

1er corps colonial, occupant le saillant de Reims avec trois divisions en première ligne et une en deuxième ligne;

2e corps d'armée italien, avec deux divisions en première ligne et une division française en deuxième ligne;

5e corps, avec cinq divisions en première ligne et une en deuxième ligne.

On savait que le saillant de Reims constituerait une zone passive. Sur la partie que l'on estimait devoir être attaquée et qui était tenue par le corps italien et le 5e corps, le front tenu par les divisions de première ligne était également de cinq kilomètres en moyenne.

La VIe armée (général Degoutte), s'étendant des abords est de Dormans à l'Ourcq.

Liaison avec la Xe armée à Troesnes.

Front : encore 50 kilomètres en chiffre rond, réparti entre cinq corps d'armée :

3e corps, avec deux divisions en première ligne et deux en deuxième ligne;

38e corps, avec deux divisions en première ligne, dont une américaine, et deux divisions en deuxième ligne, dont une américaine;

1er corps américain, avec deux divisions en première ligne, dont une française, et une division en deuxième ligne, américaine;

7e corps, avec deux divisions en première ligne et une en deuxième ligne, américaine également :

2e corps, avec deux divisions en première ligne et une en deuxième.

Entre Dormans et Château-Thierry, - et on savait que l'attaque ne dépasserait pas Château-Thierry, - le front des divisions en première ligne était encore de 5 kilomètres.

Au contraire, à partir de Château-Thierry où commençait la zone de la contre-offensive, la densité d'occupation augmentait et s'élevait rapidement à mesure que l'on montait vers le nord.

En face, le GQG estimait que devaient se trouver deux armées allemandes :

La IIIe (von Einem), s'étendant de l'Argonne (vallée de l'Aire) à la Suippe, avec sept divisions en première ligne;

La Ire (von Below), que l'on croyait s'étendre de la Suippe jusqu'à la Marne, à Jaulgonne : En réalité, les Allemands ont attaqué le 14, avec trois armées : la IIIe, de la Main de Massiges à la Suippe; La Ire, de la Suippe à Vrigny; La VIIe (von Boehn), de Vrigny à Jaulgonne. De combien de divisions de renforcement et d'exploitation disposait le Kronprinz impérial en arrière des forces d'assaut, et comment ces divisions étaient-elles réparties entre les armées précédentes ? On ne le saura que plus tard avec exactitude.

Au G. Q. G., on évaluait, le 14 juillet, à soixante-dix-huit le total des divisions disponibles en arrière du front tenu par l'ensemble des deux groupes d'armée des deux Kronprinz, c'est-à-dire, de l'Argonne à la mer, mais toutes ces divisions n'étaient pas en état de combattre.

De ces soixante-dix-huit divisions, combien avaient été dérivées sur le front d'attaque ?

Il est permis de croire que le chiffre de 60 n'est pas exagéré.

Quatrième bataille de Champagne ( 15-18 juillet 1918 )

Nous avons vu que l'attaque était attendue, soit pour le 14, soit pour le 15, au plus tard.

La nuit du 13 au 14 s'écoula sans incident, mais au cours de la journée du 14, les indices d'attaque imminente se multiplièrent, au point que des observateurs purent signaler devant le front de la Ve armée un « véritable fourmillement d'infanterie ».

Dès le commencement de la nuit du 14 au 15, à la IVe armée, toute incertitude disparaissait et on arrivait même à connaître l'heure du commencement de la préparation de l'attaque par l'artillerie et la durée de cette préparation.

En effet, un coup de main exécuté à 8 heures du soir par le 366e régiment d'infanterie (4e corps) ramenait 27 prisonniers.

De leur interrogatoire, il résultait que le jour fixé était le 15, que la préparation commencerait à minuit 10 et durerait de trois à quatre heures.

Ces renseignements furent aussitôt transmis aux trois armées du G.A.C., avec ordre d'entamer aussitôt les tirs de contre-préparation.

De fait, le feu de nos batteries s'alluma sur tout le front, entre 11 heures et 11 heures et demie, écrasant l'infanterie allemande massée dans la zone de départ, avant même que sa propre artillerie ne fût entrée en action.

On devine la stupéfaction des troupes et du commandement allemands! Visiblement, l'attaque était éventée et il n'y avait aucun effet de surprise à escompter.

Mais il était trop tard, même pour décommander l'attaque, et force était de laisser aller les choses suivant le plan minutieusement réglé d'avance.

L'artillerie allemande ouvrit donc le feu à son tour à minuit 10; son tir était dirigé sur notre première position, mais il s'étendait au delà jusqu'à la deuxième et battait plus en arrière les points de passage obligés, tels que ponts et carrefours de route.

Au feu des canons se joignit bientôt celui des minenwerfer. En somme, l'ennemi exécutait une préparation de peu de durée, mais d'une grande violence, pareille à celles qui, depuis le 21 mars, lui avaient assuré le succès dans toutes les attaques antérieures.

Le premier soin du commandement français fut de s'assurer que les zones d'attaque étaient bien celles qui étaient prévues. Dès minuit 40, le général Gouraud faisait connaître que le feu de l'artillerie ennemie ne s'étendait pas, à l'est, au delà de la Main de Massiges et ne dépassait pas, à l'ouest, le fort de la Pompelle. A la Ve armée, le saillant de Reims restait indemne, mais le feu reprenait à partir de Vrigny et allait de l'Ardre à la Marne. A la VIe armée, il se prolongeait le long de la Marne jusqu'à Château-Thierry.

Tous nos renseignements antérieurs se trouvaient ainsi recoupés et confirmés.

La bataille défensive allait donc se livrer dans les conditions prévues, sur une étendue de 90 kilomètres, de l'Argonne à château-Thierry, avec une zone passive de 25 kilomètres environ, de part et d'autre du saillant de Reims.

Le débouché de l'infanterie ennemie commença à partir de 4 h. 1/4.

L'ÉCHEC ALLEMAND SUR LE FRONT DE LA IVe ARMÉE

A la IVe armée sa progression fut très lente. Non seulement le rassemblement des troupes d'assaut et leur sortie des tranchées de départ avaient été entravés par le feu de notre artillerie, mais quand les Allemands arrivèrent sur nos premières lignes, au lieu de le trouver remplies de morts et de blessés, avec les survivants terrés, à moitié asphyxiés, dans les abris; au lieu d'y faire, suivant leur habitude, des prisonniers par milliers, ils constatèrent avec stupéfaction qu'elles étaient vides; et cependant ils restaient toujours sous le feu de nos canons qui avaient suivi leur progression en raccourcissant le tir d'après les signaux de nos guetteurs !

Quand, continuant leur marche, ils atteignirent la parallèle des réduits de la première position, ils furent enfin accueillis par le tir des mitrailleuses des gros d'avant-postes qui se repliaient méthodiquement devant eux.

Ce n'est qu'entre 7 et 8 heures qu'ils parvinrent à aborder notre position de résistance; il leur avait fallu quatre heures pour parcourir de 2 à 3 kilomètres! Non seulement leur élan était brisé, mais ils avaient déjà subi de lourdes pertes et voici qu'ils sont accablés par un feu effroyable, arrêtés en face de tranchées dont ils ne soupçonnaient pas l'occupation et que leur préparation d'artillerie a laissées intactes!

Aussi toutes les attaques tentées contre notre position de résistance restent-elles infructueuses et partout le 21e corps et le 4e maintiennent l'intégrité de leur front.

Il faut ajouter que les réserves qui suivent les troupes d'assaut ne peuvent progresser que sous le feu de notre artillerie qui est restée maîtresse de son tir. Dans la certitude d'un succès initial qui pour eux ne faisait aucun doute, les Allemand ont, en effet, prévu pour leurs divisions de deuxième et de troisième lignes la marche vers le sud en descendant à découvert les pentes méridionales du massif de Moronvilliers, sans prendre même la peine de le contourner, et leurs colonnes sont dispersées dès leur apparition par le feu de nos canons qui tirent à vues directes.

En résumé, l'attaque allemande a cette fois subi un véritable désastre et, dès 11 heures, une accalmie se produit sur le front de la IVe armée qui recueille ainsi sans tarder le bénéfice d'une magnifique manoeuvre de dérobement.

On ne peut lui faire qu'un reproche, c'est d'avoir dépassé le but. En détruisant comme elle l'avait fait les abris de la première position avant de l'abandonner et en « ypéritant » ses tranchées, la IVe armée avait, en effet rendu plus difficile l'offensive qu'elle devait prendre au moment où se produirait la réaction des VIe et Xe armées.

L'AVANCE ALLEMANDE SUR LE FRONT DES Ve ET VIe ARMEES

A la Ve armée, la situation était moins favorable et l'attaque allemande avait progressé beaucoup plus rapidement.

Vers 9 heures, le 2e corps italien et le 5e corps français étaient refoulés; ils perdaient la position de résistance et étaient rejetés sur la deuxième.

C'était surtout sur sa gauche que le 5e corps était menacé; la 8e division, qui s'y trouvait, était en effet réduite à cinq bataillons, par suite de la disparition de quatre bataillons qui avaient été imprudemment laissés sur la première position, et elle était attaquée par les deux rives de la Marne, d'ouest en est, en direction d'Epernay en même temps que de front.

Notons en passant que la perte de ces quatre bataillons, la moitié de la division, nous montre clairement les inconvénients tant de fois signalés de l'occupation en force de la première position, et ce qui serait arrivé sur tout le front attaqué si la manoeuvre de dérobement n'avait sauvé la situation.

A la VIe armée, les choses allaient plus mal encore.

Comme il était facile de le prévoir, l'ennemi avait soumis les abords sud de la Marne à un bombardement d'une extrême violence, puis il avait fait passer en barque, en pleine nuit, des fractions avancées qui avaient, sans trop de peine, refoulé nos avant-postes et gagné assez de terrain pour couvrir la construction des passerelles et des ponts de bateaux.

C'est surtout de part et d'autre de Dormans, entre Sarzy et Verneuil, en face du 3e corps, que l'opération avait réussi.

Dès 6 heures, la position de résistance qui, nous l'avons vu, n'était qu'à 1500 mètres de la rivière et avait sans doute beaucoup souffert du tir de préparation de l'ennemi, était enlevée et, à 9 heures, les Allemands arrivaient devant la deuxième position.

Une poche se creusait ainsi, sur la rive gauche de la Marne, au sud de Dormans, profonde de 5 à 6 kilomètres, large d'une quinzaine.

La rapidité avec laquelle ce résultat avait été obtenu permettait de craindre que l'ennemi n'arrivât à séparer les Ve et VIe armées.

Pour parer à ce grave danger, le général en chef, se rendant compte que la situation ne présentait pas de risques à la IVe armée, mettait aussitôt trois divisions d'infanterie et une division de cavalerie à la disposition du général Maistre pour venir au secours de la droite de la VIe armée et de la gauche de la Ve.

Cependant l'ennemi poursuivait avec la plus grande énergie ses attaques. A gauche, à la VIe armée, elles étaient contenues par la 3e D. U. S. et, de ce côté, la poche était limitée en flanc, mais, à l'est, sur le front de la Ve armée, elle s'étendait jusqu'à l'Ardre et au delà, et son front atteignait bientôt une trentaine de kilomètres.

Le général en chef n'avait plus à sa disposition que deux divisions, l'une au sud de la Marne, l'autre au nord, le 22e corps britannique ne devant arriver avec deux divisions que le lendemain 16. Dans ces conditions, la question se posait de savoir s'il fallait laisser le G. A. R. continuer ses préparatifs de contre-offensive ou puiser dans les réserves qui devaient alimenter cette contre-offensive pour limiter d'abord les progrès de l'ennemi au sud de la Marne.

Considérant qu'il importait avant tout et à tout prix, dans l'intérêt même de la contre-offensive, d'assurer la liaison entre la VIe et la Ve armée, le général en chef se décidait pour la deuxième solution, sauf à revenir à la première dès que la continuité du front serait assurée, et il donnait, entre 9 heures et 10 heures, des ordres en conséquence au G.A. R.

En même temps, il prescrivait au général Maistre d'organiser pour le 16, avec toutes les forces disponibles, une contre-attaque sur la partie de la poche qui paraissait la plus dangereuse, celle qui s'étendait au Sud de Dormans.

Le général Foch agissait de son côté. Assuré, à la suite d'une conférence avec le maréchal Haig, à Monchy-le-Châtel,d'avoir l'appui de deux nouvelles divisions britanniques, il demandait, à midi et demi, au général Pétain de reprendre sans tarder les préparatifs de contre-offensive du G. A. R. et il en était aussitôt décidé ainsi. Par le fait, ces préparatifs n'avaient pas cessé, le contre-ordre n'ayant duré que 9 heures à 1 heure, et une seule division avait été dérivée du côté du G.A.C.

Dans la soirée du 15, la situation n'empirait pas sensiblement. A la IV e armée, toutes les tentatives de l'ennemi pour franchir la position de résistance étaient restées sans résultat.

A la Ve armée, la position de résistance était perdue sur toute son étendue, mais la deuxième position était intacte.

A la VIe armée, il en était de même. De ce côté, sur le flanc gauche de la poche, le long de la vallée du Surmelin, une contre-attaque locale, menée par la 3e DUS et au cours de laquelle elle avait fait 400 prisonniers, limitait net les progrès de l'ennemi.

Dans ces conditions, ll était permis d'espérer que la contre-attaque d'ensemble prévue pour le lendemain 16 stabiliserait définitivement la situation. Cette contre-attaque, organisée par le général Maistre et le général Degoutte, avait été confiée au général Lebrun, commandant le 3e corps, et devait être exécutée avec trois divisions en première ligne et une en deuxième.

L'ATTAQUE ALLEMANDE EST ENRAYEE SUR TOUT LE FRONT

La nuit du 15 au 16 se passa dans un calme relatif, mais la lutte reprenait dès les premières heures du jour.

A la IVe armée les efforts de l'ennemi restent toujours impuissants; même, à la droite, le 8e corps réoccupe les réduits de la première position.

A la Ve armée, l'ennemi continue à progresser. Au sud de l'Ardre, il enlève le bois de Courton et le village de Nanteuil; plus au sud, il s'avance de 2 à 3 kilomètres et occupe Tincourt; cependant, nulle part la deuxième position n'est entamée.

A la VIe armée, la contre-attaque du général Lebrun, exécutée vers midi, ne donne que peu de résultats, par suite de la fatigue des troupes et des difficultés du terrain; néanmoins, elle contribue à en imposer à l'ennemi.

Dès le milieu de ce jour, le général en chef juge que l'attaque allemande n'ira pas plus loin et il pense aussitôt à organiser le passage de la défensive à l'offensive sur le front du G. A. C.; Il importe, en effet, que ce changement d'attitude se produise en même temps que débouchera, le 18, la contre-offensive du G. A. R. entre Aisne et Marne.

Nous avons vu que la moitié gauche de la VIe armée, au nord de la Marne, de Château-Thierry à l'Ourcq, était impliquée dans cette contre-offensive, en union avec la Xe armée, tandis que la moitié de droite, de Château-Thierry à Vassieux, combattait défensivement avec ses 38e et 3e corps.

Il fallait, avant tout, séparer nettement le commandement et l'unifier sur les deux théâtres d'opérations. Dans ce but, le général en chef décidait que le général de Mitry, commandant la IXe armée, prendrait le commandement des 38e et 3e corps et serait rattaché au G. A. C., tandis que le reste de la VIe armée, au nord de la Marne, resterait, avec le général Degoutte, rattaché au G. A. R.

La journée du 17 n'apporta pas de modification sensible sur le front défensif, mais, dans l'ensemble, il apparut nettement que l'ennemi ne persisterait pas dans ses projets d'attaque.

Le général Maistre en profita pour organiser et préparer le passage à l'offensive de ses trois armées.

La IVe armée devait reconquérir sa première position;

La Ve, réoccuper tout le terrain perdu depuis le 15;

La IXe, rejeter au delà de la Marne les troupes allemandes qui avaient réussi à franchir la rivière.

Toutefois, il devint bientôt manifeste que l'attaque sur le front du G. A. C. n'irait pas sans difficultés, tant à cause de l'usure et de la fatigue des troupes résultant de trois journées de bataille que par suite de l'absence de réserves fraîches.

Aussi le général Pétain demandait-il instamment, dans la soirée, l'envoi de nouvelles divisions britanniques.

Fort heureusement, la contre offensive, avec les VIe et Xe armées, allait le lendemain dénouer la situation.

juillet 1918