Chers amis nous avons enterré Jean-Claude hier, Certains de vous présents, ont souhaité que je leur fasse parvenir , le texte de l’hommage que je lui ai rendu à l’Eglise des Minimes. Je vous l’envoie à tous . Merci , Merci profondément de votre soutien pendant cette difficile période .
Hélène m’a suggéré de faire un petit texte pour toi Jean-Claude .C’est courageux de sa part puisqu’elle sait que tout au long de notre immense amitié, une pudeur que l’on croyait virile et qui n’était qu’imbécile, a fait que les marques d’affections entre nous, s’exprimaient le plus souvent par des vacheries. Nous en rions ensemble et Dieu sait si ton rire de Jean-Claude était, tonitruant rugissant énorme et surtout contagieux.
Je resterai malgré le chagrin, par fidélité à notre affection, sur ce ton ironique, mais je suis aujourd’hui un clown triste, très triste. Je sais intimement au plus profond de moi que tu ne l’aurais pas voulu autrement;
Il y a ici en plus de ta famille, une grande variété de personnes : que ce soit des gens que tu as soignés, ceux avec qui tu as travaillé, des médecins, des Rotariens, des Wagnériens, des associations humanitaires et bien d’autres encore. Cela prouve s’il en était besoin l’immense palette de tes talents, tes passions, ta curiosité insatiable, tes coups de cœur. Tu étais si généreux Jean-Claude, qu’il est impossible de tout évoquer de toi, je me contenterai donc de quelques minuscules fragments, choisis, parmi les mille facettes de ta riche personnalité,
Tu étais un grand sportif : (si, si croyez moi), avec ta carrure de demi de mêlée à l’ancienne, je me souviens toujours de toi te lançant nombre de défis tous plus homériques les uns que les autres avec un enthousiasme inébranlable.
Il y a eu ta planche à voile, que d’aucuns et surtout les CRS en bord de mer appelaient le « Vaisseau Fantôme » , quand en grand wagnérien s’il en est, tu disparaissais à l’horizon sans espoir de retour.
Tu étais aussi un redoutable joueur de Squash, surtout, je peux en témoigner pour les arcades sourcilières de tes adversaires, que tu ouvrais à grands coups de raquette … mais tu les recousais par la suite.
Tu as joué au tennis, avec beaucoup d’abnégation et force jurons, je pense que tu étais très doué, mais souvent, et ce n’était pas ta faute, soit le terrain n’était pas assez grand soit le filet pas assez petit.
Il y a ici quelques uns de tes amis golfeurs, ils peuvent tous témoigner de l’énergie désespérée que tu mettais à satelliser cette petite balle de 4 cm de diamètre, par-dessus une boule de 40.000 km, certains trous numéro 18, de Téoula, de Seilh et de Vieille Toulouse … en rigolent encore.
Tu avais hérité de ton père l’amour du bricolage : Pour ce qui est d’hériter de ses talents… les avis sont partagés, tu pensais être un bricoleur de génie méconnu, la plupart des artisans appelés à la rescousse pour venir réparer certaines de tes erreurs, pensaient le contraire. Mais on le sait : Le temps qu’un homme découvre que son père avait sans doute raison, il a généralement un fils qui pense qu’il a tort. … Nous avons tous en tête cette maison en perpétuel chantier, devant les yeux effarés de la pauvre Hélène. La Rochefoucauld disait « que c’est une grande habileté que de savoir cacher son habileté », vu sous cet aspect je peux dire qu’en matière de bricolage, tu étais très habile. Je ne sais quel pisse froid, a dit que « la seule chose que l’on peut obtenir à temps d’un artisan, c’est un cercueil », Putain !! si tu savais combien je donnerai et combien nous donnerions tous ici, pour t’entendre une fois encore, râler, tempêter éructer parce que celui là aussi t’aurais fait faux bon au dernier moment.
Tu étais un grand optimiste : (si si croyez- moi, ) c'est-à-dire que tu étais très optimiste sur l’avenir du pessimisme. Parce que tu étais aussi très intelligent, et comme disait Desproges L’intelligence est le seul outil qui permet de mesurer l’étendue de son malheur. Tu étais un peu perdu dans la vie, cette histoire pleine de bruit et de fureur, racontée par un idiot et qui ne signifie rien. Alors, tu avais compris qu’il n’y a guère le choix qu’entre le désespoir ou la crise de fou-rire. Tu savais qu’il n’y a qu’un seul héroïsme : c’est de voir le monde tel qu’il est et de l’aimer quand même et surtout tu avais compris qu’« Etre un homme c’est bien ; mais il y a encore mieux : être humain ».
Je te disais souvent qu’à force d’aller au fond des choses, on risque d’y rester, mai tu étais têtu comme une bourrique. Heureusement, pour ce qui est de l’optimisme il nous reste Jean- Francis, le seul Cassandre capable d’annoncer des prévisions plus noires que les tiennes.
Tu étais un grand séducteur : je ne parle pas de tes beaux yeux bleus, de tes cheveux de jais, de ton immense culture que tu savais si bien partager, de ton humour british ravageur , de tes enthousiasmes juvéniles, de ta voix de tribun, non je dirais comme un des écrivains que nous avons aimé passionnément tous les deux : Albert Camus : « Le charme ? une manière de s’entendre répondre oui, sans qu’on ait posé aucune question claire », Et tu avais assurément beaucoup de charme parce qu’il il faut bien le reconnaitre, on te répondait souvent oui, et les questions étaient rarement claires. Jean-Claude, il faut le dire tout net, tu étais parfois chiant, mais tu partageais avec les enfants et les âmes pures, ce talent incroyable qui fait que l’on finissait par t’aimer aussi pour tes défauts.
Je me foutais parfois, pas trop souvent, il fallait vraiment que tu m’aie particulièrement énervé, de ta taille mais toi tu répondais comme Pythagore « Un homme n’est jamais aussi grand, que quand il est à genoux pour aider un enfant »,et tu en as tant aidé que t’étais le plus grand d’entre nous..
Tu étais un bon Médecin (dans tous les sens du terme): tout le monde le sait ici, et va croire que je radote. Mais moi j’ai eu la chance d’avoir été ton élève (quand on sort de la Fac et de l’Hôpital, on ne sait rien de rien ou presque de la médecine). Tu as été mon mentor et avec amour, générosité et patience, tu m’as tout appris pour que je grandisse dans ce métier où il faut faire face à la souffrance et à la finitude de l’homme. Tu m’as surtout appris qu’on ne soigne pas l’homme en général, on soigne l’individu en particulier. Une association en médecine, comme chacun sait, c’est comme un mariage…mais il n’y a pas le lit pour se réconcilier, heureusement nous n’en avons jamais eu besoin !!! Nous étions, considérés comme les « Blues Brothers » de la médecine des Minimes, et ça a swingué vraiment fort tous les deux. Plus tard, un peu par charité, ou du fait de ta nature toujours pleine de doutes et d’humilité, … tu venais souvent ( c’est un euphémisme) me demander des avis, ( surtout sur les maladies de Fanny !!..),
Je suis passé progressivement du statut de petit frère à celui de grand frère, mais cela n’a aucune importance, puisque nous étions frères avant tout, et nous avons toujours tâché de faire du bon boulot ensemble, mon pote, à tel point que je me demande comment la mortalité humaine reste toujours à 100%. dans ce quartier.
Un soir que nous nous lamentions sur l’insignifiance de nos efforts d’hommes et de médecins face à la misère humaine, je t’ai raconté cette parabole: Sur une grande plage sont venus s’échouer des millions d’étoiles de mer . Un homme observe depuis la dune ce phénomène avec désarroi. Au loin, il aperçoit un jeune garçon . Celui-ci ramasse une à une les étoiles de mer et les remet à l’eau. Cette action lui parait particulièrement vaine car le nombre d’étoiles de mer échouées est innombrable. Il s’approche donc de l’enfant et lui dit » C’est complètement inutile ce que tu fais, il y a tellement d’étoiles de mer échouées, tu ne pourras pas les sauver toutes, que tu le fasses ou non cela ne fait aucune différence » . Le jeune garçon le regarde alors et remettant à l’eau une nouvelle étoile de mer lui dit ceci : « Oui, mais pour celle-ci, cela fait une différence. »
Comme d’habitude tu as éclaté de rire, tu t’es foutu de ma gueule, en hurlant mais qu’il est con, mais qu’il est con, celui-là !!.. Pourtant, j’ai su à la petite lumière dans tes yeux quand on s’est embrassé en partant que ça t’avait touché… Et puis comme l’a si bien dit notre copain urologue qui t’envoie le bonjour du Liban L’idéal de la vie n’est pas l’espoir de devenir parfait, c’est la volonté d’être toujours meilleur.
Voilà, mon cher Jean-Claude j’en ai fini, avec mes petites moqueries pleines d’amour. J’aurais pu évoquer que depuis ton départ les actions de « Apple » sont en chute libre, que le pôle nord a perdu la boussole, que la pinacothèque de Munich va fermer ses portes ou encore que Bayreuth va être rebaptisé. Mais je préfère « la paix des illusions » .et te livrer quelques pensées plus intimes.
Je suis d’accord avec Brassens, nous n’étions pas des amis choisis par Montaigne et La Boétie (même si c’était moi, parce que c’était toi), Nietzsche parlant de Montaigne disait: « Du fait qu’un tel homme a écrit, en vérité, on a plus de plaisir à vivre sur terre ». Je dirai la même chose pour toi, Jean-Claude, comme je pense tous les gens ici présents, du fait que tu ais existé, Jean Claude, nous avons eu plus de plaisir à vivre sur cette terre.
Voilà, chers amis, j’en ai bientôt fini avec cet hommage, je n’ai pas parlé de Cossima Hélène, de Siegfried Rémy , d’Isolde Fanny, de Julian d’Anna et d’Hugo, ils savent qu’ils sont dans mon cœur et que je serai toujours là pour eux ainsi que Corinne.
Les morts vivent tant qu’il y a des vivants pour penser à eux, nous pensons tous ici si fort à toi,
Jean-Claude et mort trop jeune, vous savez qu’on ne devient vieux que quand les regrets dépassent les rêves, et Jean-Claude était un grand rêveur, devant l’éternel. Nous savions bien tous deux, par nos vie et notre métier que nul n’est indispensable, mais pour moi tu resteras à jamais irremplaçable.
Ces derniers temps, je l’avoue piteusement, Je t’ai un peu négligé cher ,Jean-Claude, je pensais avoir le temps, j’attendais d’être moi aussi à la retraite pour refaire avec toi des voyages, pour refaire avec toi le monde en des soirées interminables où nous luttions tous deux contre deux de nos ennemis communs, le bon vin et la bonne chère, et il faut bien le dire, nous n’étions pas des lâches nous ne nous sommes jamais enfui devant l’ennemi. Mais nous n’avons jamais abusé de l'alcool, il a toujours été consentant.
Jean-Claude tu pars trop tôt, beaucoup trop tôt, je te remercie, mon frère, mon ami, mon pote ,mon copain, mon compère, mon associé, mon camarade , , de m’avoir donné , par cette disparition tellement imprévisible une dernière et belle leçon, Fais gaffe Philippe on n’a pas le temps mec , il faut te dépêcher de dire à tous ceux que tu aimes que tu les aimes, , la vie va trop vite, tu crois toujours avoir le temps, tu penses avoir trop de travail, trop de responsabilités, trop de devoirs, et puis voilà ça arrive…trop vite…
En sortant d’ici je vous en supplie : méditez ce dernier conseil de Jean-Claude : Il faut se dépêcher de dire à tous ceux qu’on aime, qu’on les aime, tout le reste peut attendre.
Salut l’ami , salut l’artiste, nous t’aimons…