Mourir

Les mots ne sont plus qu'un désert,

MOURIR

Jean Debruynne,

DESCLEE 1980, page 96

Les mots ne sont plus qu'un désert,

Des guignols pour tromper l'absence,

Et puis les mots, à quoi ça sert ?

Notre seul cri, c'est le silence.

Nous n'avons plus d'autres prières,

puisque tu l'as laissé mourir .

Es-tu le Dieu des cimetières

Ou le matin de l'avenir ?

De cette mort, fais la naissance,

[et] De cette nuit, fais le jour.

Ouvre ta paix comme une danse,

Que midi batte le tambour.

Peuple de Dieu, soyez aimable,

serrez-vous donc à l'intérieur

pour accueillir à votre table

L'invité de la dernière heure.

Il vient du froid et de l'argile,

Il revient du sable et du vent,

Au nom du cri de l’Évangile

Et de Jésus le mort-vivant.

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Quitte ce vieux monde, mon frère,

Mourir, page 96

Quitte ce vieux monde, mon frère,

Ne te mets pas en retard.

Quitte la vieille terre

C'est l'heure de ton départ.

Lève-toi, marche et va vers le pays que Dieu te montre.

Dieu t'attend dans ses bras, cours vite à sa rencontre.

La liberté part en voyage et n'attend que toi pour partir.

Laisse là tes bagages et ton dernier soupir .

Au nom du Dieu vivant le Père de tous les commencements.

Au nom de Jésus-Christ mort sur sa croix, en t'ouvrant les bras.

Au nom du Saint-Esprit qui t'embrasse dans son baptême,

dans ces grandes eaux qu'il sème de bruit,

de feu et de vent du grouillement des vivants.

Au nom de Marie recevant mort ce Jésus-Christ corps de son corps.

Au nom de tous les saints et saintes qui t'attendent au portail.

La mort aujourd'hui est enceinte: Elle entre en travail.

C'est maintenant l'accouchement.

Ta naissance a mis le réveil, ce sont les dernières douleurs.

Tu t'en vas cueillir le soleil.

Aujourd'hui, la Paix est en fleurs...

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MOURIR

Jean Debruynne

Quand il s’agissait de vivre

il ne pensait qu’à mourir.

Quand il a fallu mourir

il réclamait de vivre.

On peut tout dire

sur la mort:

elle ne dira jamais

le contraire.

Mourir c’est risquer sa vie…

A l’entrée de la mort

le temps se déchausse

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1

Ma mort, c'est ma mère,

extrait de MOURIR (Jean Debruynne),

éd.DESCLEE 1980, page 87

1.Ma mort, c'est ma mère,

Ma mort, c'est une jeune accouchée

Qui m'a mis dehors,

Qui m'a arraché

Aux pas de mes passés,

Qui m'a expulsé

Du ventre des vieux mondes.

Ma mort, c'est ma mère, toute ronde.

Au clair de ma mort j'invente la vie

Et je vis mon corps au clair de ma mort.

2.Ma mort, c'est ma mère,

Ma mort, c'est une jeune émigrée.

Pour naître mon corps,

Je l'ai déchirée

J'ai déchiré les cieux.

Je fais mes adieux

Au ventre des enfances.

Ma mort, c'est ma mère, ma naissance.

Au clair de ma mort j'invente la vie…

3.Ma mort, c'est ma mère,

Ma mort, c'est une jeune épousée,

Son fleuve m'endort

Dans un panier d'osier.

Son cercueil en berceau

M'a sauvé des eaux

Du ventre du déluge.

Ma mort, c'est ma mère, mon refuge.

Au clair de ma mort j'invente la vie…

4.Ma mort c'est ma mère,

Ma mort, c'est une jeune insurgée,

Sauvée des remords,

Trois jours naufragés

Au ventre d'un poisson,

Maigre nourrisson

Du ventre d'un baptême.

Ma mort, c'est ma mère, mon je t'aime.

Au clair de ma mort j'invente la vie

Et je vis mon corps au clair de ma mort...

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