Saint-Nicolas

le château de Daoulas

Quiconque voit le centre historique de Daoulas aujourd'hui a du mal à s'imaginer que dans ce coin de Saint-Nicolas se trouvait un château, une importante forteresse médiévale. Pourtant, on devinait encore en 1868, entre la route impériale n° 170 et la rivière, une motte de 30 mètres de diamètre et de 8 mètres de hauteur, entourée de douves de 10 mètres de largeur. Le château de Daoulas, dont subsistaient encore en 1840 les restes d'une tour ronde, était situé à environ 50 mètres au sud de la motte.

A cette époque, le recensement de la population indique toujours le quartier du "Vieux Château", avec la présence d'un ou de deux ménages.

On peut se rendre compte de l'importance de l'ancien château en additionnant les surfaces des parcelles 118, 119 et 120 : 2900 m2, 40m sur 70m. Pratiquement la surface d'un terrain de football !

Cadastre de 1825. Quartier Saint-Nicolas

Une enquête menée en 1479, pour la reconnaissance des droits seigneuriaux des vicomtes de Rohan, mentionne l'imposant château de Daoulas, naguères bien emparé et fortifié pour la tuition du païs, qui, les Anglois lors menant guerre en Bretagne, fut en grand part d’iceluy ruiné et desmoly .

Construit sur un des îlots de la rivière la Mignone* qui se jette dans la rade de Brest, il a laissé sur l’ancien cadastre plusieurs micro-toponymes significatifs comme cette Maison du château. Forteresse typique des fonds de vallée, elle supplanta – sans doute dès la fin du XIe siècle – une motte féodale de laquelle subsiste encore le nom de « Valy » donné à une rue voisine. Valy vient du vieux français bayle, latin bacula (palissade), qui est la basse-cour du château, zone enceinte par une fortification.

C'est vers 1350 que fut en grande partie détruit le château, ainsi que plusieurs bâtiments de l'abbaye Notre-Dame.


* Sans doute d'un hydronyme celtique (entrant de même dans la composition du nom de la ville d'Avignon, et signifiant "marais")
Une motte féodale
Reconstitution d'une motte féodale en Allemagne. Au sommet, la tour. En contre-bas, la basse-cour ou bayle (valy en breton)

En 1680, le prince Louis de Rohan-Chabot déclarait détenir cet

« ancien chasteau de laditte ville de Daoulas avecq ses mottes, rempartz, clostures et douffres, a présant en ruine, jardins, chapelle et collombier, à cause de laquelle seigneurie a aussy droict de contraindre ses hommes, subjects et vassaux, tant en proche qu’arrière fieff, de faire les charrois, tournées et travaux requis pour les réparations des bastiments dudit chasteau, réparations des douffres et fossés que même les réparations du quay, pontz, moulins, audittoirs, prisons … qui se pratiquoient lors que les seigneurs de Léon faisait leur séjour et demeure audict chasteau … » .

C'est le chroniqueur Guillaume le Breton (chapelain du roi de France, Philippe Auguste) qui nous fournit la plus ancienne mention du château de Daoulas. L'historien relate en effet qu'en l'année 1163, le comte Hervé de Léon et son fils Guyomarc'h furent capturés par le vicomte du Faou, son frère et son fils, et incarcérés dans la forteresse de Châteaulin. Les Léonards en firent le siège, et capturèrent à leur tour les seigneurs du Faou qui furent emprisonnés dans le château de Daoulas (apud Douglasium), où ils moururent de faim et de soif (Gesta Philippi Augusti, édit. 1882, p. 178).

Dans la seconde moitié du XIIe siècle, la femme du sénéchal de Daoulas possédait un droit particulier sur la "cervoise" (sorte de bière, décoction fermentée d'orge ou de toute autre céréale) produite au château. De même, un chanoine de l'abbaye Notre-Dame célébrait tous les jours une messe dans la chapelle castrale et y était nourri.

Les archives contiennent plusieurs documents relatifs aux ruines de l'ancien château. Ainsi, le 20 avril 1515, l'abbaye achetait la maison du « vieux château », rue de la Fontaine (Saint-Nicolas), à Isabelle Cosic, représentée par Tanguy Le Mescam (Quimper, ADF, 1H 34).

Un rentier de 1624, relève les "cheffrantes ... du sieur de Lanenguer et du Querisit, cy devant nommé, de neuf livres douze sols tournois sur une maison située proche les ruines du chasteau de Daoullas vulgairement appellée "la maison du chasteau" auparavant tenue par Margueritte Godec" (Quimper, ADF, 1H 30).

Les recensements et dénombrements de la population de Daoulas pour le début du XIXe siècle, font à plusieurs reprises état du Vieux château. Celui de 1846 (Quimper, ADF 6M 249) en énumère les habitants : Victor Guivarch et Marie-Anne Ivinec, son épouse; leur fille Jeanne ; Alain Ivinec, père de Marie-Anne; Jean Galéron et sa femme, Marguerite Nédélec, fileuse.

La Place du Valy au début du XXe siècle et aujourd'hui : le moulin-pont a pris de la hauteur, la voiture a remplacé le vélo ... et les rues sont vides ...

Chapelle Saint-Nicolas

La statue mutilée en kersanton de saint Nicolas dans sa fontaine, le porche renaissance du manoir de Kerisit, et quelques reproductions du début du XXe siècle, sont les seuls témoins de l'existence de la chapelle dédiée à l'évêque de Myre. Un tableau représentant saint Nicolas et les trois petits enfants ressuscités, qui devait provenir de cette chapelle, se trouvait dans l'oratoire de Notre-Dame des Fontaines, mais semble aujourd'hui perdu ...

Saint Nicolas. Kersanton

Au XVe siècle déjà, une rue Saint-Nicolas menait à la chapelle, dans laquelle se trouvait l'hostel Bléas (1435).

Charles VIII, roi de France, en 1492, confirme le droit de l'abbé (Dom Guillaume Le Lay) et couvent de Daoulas à prendre les offrandes qui se font en la chapelle Saint-Nicolas.

Chapelle Saint-Nicolas avec, au loin, le viaduc. Début du XXe siècle.

La chapelle Saint-Nicolas de Daoulas, connue dès le XVe siècle, semble l’émanation de l’ancienne chapelle castrale où officiait tous les jours, pour le seigneur de Léon, un chanoine de l’abbaye Notre-Dame. Sur ce détail tirée d'une reproduction du début du XXe siècle on remarque le porche gothique qui a servi à restaurer une des entrées du manoir du vieux Kerisit. Sa dimension pourrait nous donner une idée de la largeur totale de l’édifice. Cette chapelle ne semble pas avoir de transept, donc une simple nef. Y est accolé un petit bâtiment où se distingue une cheminée. Peut-être s’agit-il de la sacristie ? Le cadastre de 1825 montre bien une petite construction, mais décollée de la chapelle. La grande baie, au milieu de la façade, obstruée, correspond-t-elle à la maîtresse vitre où se voyaient les armes des seigneurs de Kerisit : "d’azur à une fasce d’or surmontée d’une étoile du même" ? Le mur du côté droit paraît incomplet à son sommet, signe de transformations anciennes.

Chasse au blaireau. Gaston Phébus. Bibliothèque Mazarine 3717 f. 89v

Près de cette chapelle, et de la "rue" qui y descendait (dite Saint-Nicolas, ou de la fontaine), se trouvait un champ ("parc" en breton) dont le nom pourrait surprendre : Menbroc'het (en français: pierre des blaireaux).

L'acte qui le mentionne remonte quand même à 1515 !

Compte de fabrique de la chapelle Saint-Nicolas

Années 1706-1707

Quimper, ADF, 1 H 88

Compte tant en charge que descharge que fournit et rend à monseigneur l'Illustrissime et reverendissime evesque de Quimper et comte de Cornouaille, noble homme Jan Hacbec, marchand de cette ville de Daoulas, fabrique de la chapelle de saint Nicolas, pour une année d'exercice dernière, de la recepte et depance qu'il a faict des deniers de laditte chapelle depuis le 5e aoust 1706 jusques à ce jour 16e septembre 1707

Et premier,

Charge

Le comptable se décharge de la somme de unze livres trois sol un denier qu'il a receü de François Le Lann son predecesseur pour son relliquat de compte, cy 11 l. 3 s. 1 d.

Il se decharge pareillement de la somme de cinquante livres qu'il a receu de Jan Callac pour des pierres à luy vandu par advis des parroissiens cy 50 l.

Se charge aussy de vingt neuff livres un sol huit deniers provenü de la quaite faite en cette parroesse pour laditte chapelle cy 29 l. 1 s. 8 d.

Le comptable se charge d'avoir receu du sr de Villaroux aprés laditte quaite quinze sols cy 15 s.

De Mademoiselle Le Par vingt huict sols six deniers cy 1 l. 8 s. 6 d.

Du sieur Gouhant trante sols cy 1 l. 10 s.

De Monsieur de Plaisance vingt sols cy 1 l.

De mons. Maguet prêtre pour des petits bouts de plancher neuff sols six deniers cy 9 s. 6 d.

Se charge ledit comptable de vingt huit sols un denier reçeu en offrande et dans le tronc depuis le 10e aoust 1706 jusqu'au 24e octobre 2 l. 8 s. 1 d.

Il se charge encore de sept livres cinq sols receu les 5 et 6 décembre feste et foire de saint Nicolas cy 7 l. 5 s.

Plus de cinq livres douze sols reçeu du sieur D'Allichamps pour un reste d'ardoise à luy vandü cy 5 l. 12 s.

Se charge aussy de dix sept livres saize sols huit deniers reçeu en offrande et au tronc depuis le 6e décembre 1706 jusques au 16e septembre 1707 cy 17 l. 16 s. 8 d.

Comme de deux livres pour une chemise vandüe à Sebastien Piriou cy 2 l.

et de sept livres deux sols pour des pierres de masconnerye vandues au sieur Gourhant cy 7 l. 2 s.

Descharge

Le dit comptable demande descharge de la somme de trante sols qu'il a payé à François Le Lann son predecesseur pour remboursement du droit de visitte à Messieurs les Commissaires cy 2 l. 10 s.

Demande aussy descharge de la somme de quatre livres sept sols payé à L'Hallegoet de Landerneau pour des clouts nécessaires aux réparations de ladite chapelle cy 4 l. 7 s.

Comme aussy de trois livres huit sols payé à Yves Le Cann pour réparer le pignon de laditte chapelle cy 3 l. 8 s.

PLus vingt sols payé pour l'ouvrage de Allain Leon à changer les chevrons sur ledit pignon cy 1 l.

Demande encore descharge de la somme de trante livres pour prix de quinze milliers d'ardoise à raison de quarante sols les milliers cy 30 l.

Plus de sept livres pour une douzaine de chevrons fournys dans les réparations de la dite chapelle 7 l.

Demande descharge de deux livres sept sols six deniers pour le 1er terme de la capitation de ladite chapelle cy 2 l. 7 s.

Plus une livre dix sols payé au Maout pour charroyer les ardoises et chevrons 1 l 10 s.

Prand descharge de la somme de dix sept livres douze sols payé à valloir au vitrier sur son marché de vitres de ladite eglise cy 17 l. 2 s.

Comme aussy demande descharge de trante cinq sols pour despanses faites en pasant marché avecq lesdits vitriers cy 1 l. 25 s.

Pour une demie journée à Ollivier Page maneuvre quatre sols cy 4 s.

Demande descharge de la somme de huit livres pour deux bariques de cheau consommé aux réparations du coeur de ladite chapelle cy 8 l.

Demande pareillement descharge de vingt et huit sols pour du fer en verge achepté à Landerneau pour les vitres cy 1 l. 8 s.

Demande en outre descharge de trante six sols payé à Yves Le Cann pour blanchir ladite chapelle cy 1 l. 16 s.

Requiert aussy descharge de quarante quatre sols payé à Tanguy Le Briz aussy pour blanchir ladite chapelle cy 2 l. 4 s.

Demande encore descharge de deux livres et quinze sols payé à Jan Sallaun de Rozmellec pour des clouts qu'il a fourny à ladite chapelle cy 2 l. 15 s.

Demande descharge de la somme de huit livres payé à François Le Lann couvreur d'ardoise pour entier payement de l'ouvrage par luy entrepris avecq l'ancien fabrique cy 8 l.

Demande pareillement descharge de trois livres qu'il a payé audit Lann pour cinq jours de travail qu'il a fait excédant son marché sur laditte chapelle cy 3 l.

Plus de dix huit livres qu'il a payé à Allain Léon pour lambrir le coeur de laditte chapelle 18 l.

Davantage de la somme de trante deux livres sept sols six deniers qu'il a payé à Monsieur Le Par de cette ville pour soixante et quatorze planches de sapin quy ont entré au lembris de laditte chapelle cy 32 l. 7 s. 6 d.

Demande aussi descharge de cinq livres deux sols payé à Guillaume Lisquivit cerrurier pour les clestres* (claies ?) de la grande vitre de laditte chapelle cy 3 l. 2 s.

Demande encore descharge de deus livres payé pour des clouts au lembris de laditte chapelle cy 2 l.

Plus de deux livres dix sols payé à Monsieur Dumoulin, prêtre pour le second terme de la capitation de laditte chapelle cy 2 l. 10 s.

Davantage de vingt sols payé à Jan André et Ollivier Page pour avoir hôtez les atraits [1] de laditte chapelle 2 l.

et de quinze sols payé à Ollivier Le Par pour de la cheau qu'il a fourny à laditte chapelle cy 15 s.

La charge du présant compte monte a la somme de cent trante sept livres un sol six deniers cy 137 l. 7 s. 6 d.

Et la descharge à celle de cent cinqante et neuff livres un sol cy 159 l. 1 s.

partant la descharge exede la charge de la somme de vingt et une livres dix neuff sols six deniers de laquelle somme ledit comptable demande qu'il luy en soit tenüe compte le tout sauf erreur obmission, double employ, ..., fait ledit jour et an que devant,

signatures

Guillaume Kervella prêtre vicaire perpétuel

Jean René Dumoulin, prêtre

Yves Gourvez, prêtre

Mr Dumoulin

M. Le Guermeur, syndic

G. Bodiou

Legall

Nous continuons encore le comptable jusqu'à la prochaine visite faict a Daoulas le 17 septembre 1707. B. De Kermellec, commissaire de la visitte

Paul gi: de Bouloign [2], recteur de Plourach, promoteur

Pennanrun, greffier

[1] Matériaux, déblais.

[2] Gilles Paul Le Bouloign, décédé à Lopérec le 18 juin 1722, âgé de 60 ans.