La bataille de Daoulas

Deux anciens documents font expressément mention d'une Place de la bataille dans les environs de l'abbaye de Daoulas. Ainsi, le 3 septembre 1399, don était fait à « l’abbaye par Hervé Bonezcat et Jeanne, fille de Derien Callac, du quart du moulin Botesegues (Daoulas) et d'une pièce de terre en la place de la Bataille près Pontguenolle ».

Plus tard, en 1470, l’abbaye Notre-Dame recevait d'Ollivier Le Parc, « le Parc Maucuff, scitué entre le parc d’Yves Le Guern, d’un cotté, et le parc d’Ollivier Le Gac, plus la moitié d’un autre parc, appelé la terre an Moan, estant entre le parc Plas an Bell d’un cotté et le ruisseau Gwasguenolé de l’autre, d’un bout sur le Parc Cardreuc, et l’autre sur la terre an Hospital (1). »

L'endroit en question, Plas an Bell (en français Place de la Bataille), se trouve en fait près de la "frontière" entre Daoulas et Dirinon, un peu au-delà du manoir du Cras, de Croas Guenolé, là où se dresse un très un joli calvaire du XVIe siècle, et du ruisseau de même nom (Goasguenolé). La parcelle 320 de l'ancien cadastre de Dirinon, porte effectivement le nom de Parc an brezel (autre nom breton pour désigner bataille et guerre), mais l'indication du document de 1470, laisse penser que la "Place de la Bataille" se trouvait sur le territoire de Daoulas, au niveau de la parcelle 267 nommée en 1825 "Douar ber" (la grande terre).

Quelle est donc cette bataille qui marqua si profondément la mémoire populaire ? Probablement un épisode de la fameuse « guerre de succession » de Bretagne, ou « guerre des deux Jeanne » (Jeanne de Penthièvre et Jeanne de Montfort), suite au décès du duc Jean III, en 1341.

Charles de Blois ayant trouvé la mort devant Auray (29 septembre 1364), la place devint libre pour Jean IV de Montfort, reconnu seul duc de Bretagne. Par effet, cela engendra une arrivée massive de troupes anglaises sur le sol breton, avec comme résultats de violentes exactions. Le second traité de Guérande (4 avril 1381) signifia la fin du conflit. Pour autant, il ne mit pas un terme aux hostilités. Restait à déloger les Anglais des nombreuses places fortes qu’ils occupaient. Ainsi, forcés de lever le siège de Brest, ces « fils d’iniquité » ravagèrent tout le littoral de la rade en 1387, et particulièrement l’abbaye de Landévennec dont ils brûlèrent ou enlevèrent les titres, où ils s’emparèrent « des croix, calices, reliques, livres, linges et ornements réservés au culte divin ». On peut penser que Daoulas fut également pillée et incendiée durant ces années, car les Anglais ne quittèrent les lieux qu’en 1396. Les archives de l'abbaye sont muettes entre juin 1384 et mars 1386.

Le 10 décembre 1393, une lettre de supplique, adressée au Saint-Siège par l'abbé de Daoulas, Jean Guerault de Penhoat, lui fit obtenir du pape Clément VII (Robert de Genève) des « indulgences pour l’église du monastère de Notre-Dame de Daoulas, en grande partie détruite par les ennemis du roi de France ». L'obituaire de l'abbaye précise que Jean Guerault gouverna « avec éloge ce monastère pendant 48 ans. Il a fait l’acquisition de Keranguinezec Coëterou et d’une partie importante de Forquily ; de plus, il nous a acquis beaucoup d’autres biens, a fait faire le baton pastoral, la fenêtre du chapitre, bati la chapelle St. Gilles (chapelle du Faou), y a renouvelé le plomb et restauré la chapelle Marie-Magdeleine, le choeur, le cloître, le refectoire, le dortoir. En un mot, il a refondu presque tout le monastère. l’an du S. 1398. »

C'est à cette époque que fut également ruiné le château de Daoulas (voir).


Bell, breton guerre, bataille (Ou brezel)"Doees an bell, g. la deesse de la bataille" (Catholicon, de Jean Lagadeuc,1499)(1) L'hôpital Sainte-Anne, à Daoulas.
Calvaire de Croas Guenolé, attribué par notre ami Yves-Pascal Castel au Maître de Saint-Thégonnec . Photo Jean-Yves Cordier
Siège de Brest par les Français (1386). Jean Froissart, Chroniques, Flandre, Bruges, XVe siècle. Paris, BnF, département des Manuscrits, fr. 2645, fol. 116v.

Plan cadastral de 1825 : la "Place de la bataille" se situe au niveau de la parcelle 267, appelée alors "Douar ber".

Les parcelles 265-266 nommées "Foennec Moan" ont gardé leur dénomination.