Champ de Foire Penanguer

Ce tableau d'Eugène Boudin (1824-1898)* présente une scène de marché à Daoulas. On y devine en arrière-plan, la rue de l'Eglise ; à droite, près des arbres, le Champ de Foire, appellation actuelle, connu comme ancien Marc'hallac'h (Vente Christie's, New-York, 5 mai 2011, lot 320).


Champ de Foire (ou Marc'hallac'h)

C'est bien ici mon quartier natal ... Voici ce qu'écrivait Robert Oheix en 1881 :

"A chaque pas, autour de ce qui forme le bourg actuel, et notamment au point encore nommé la Place du Marché (Marc'hallac'h), la pioche rencontre des débris considérables et des restes d'importantes constructions. Parmi ces débris, on montre la masure des Sept Saints, en racontant que, dans ce lieu, naquirent le même jour sept enfants, d'une mère déjà chargée de famille, et aussi pauvre que féconde. Les habitants de Daoulas, auxquels, ainsi qu'il arrive souvent, la prospérité n'avait point enseigné la charité, effrayés de ce supplément de bouches à nourrir, chassèrent la mère et les enfants. En prenant la route de Brest, la pauvre femme se borna à murmurer :

Brest croîtra, Daoulas déchoira ; quand vous bâtirez une maison, il en tombera trois.

Brest var cresq ; Daoulas var discar ; pa saofot eun ti, é couézo tri.

Brest accueillit les réfugiés de Daoulas et les a longtemps honorés comme saints ; une rue porte encore leur nom, l'église des Sept-Saints les avait pour patrons. Aussi, depuis le jour où la prédiction fut faite, se réalise-t-elle à chaque moment : Daoulas ne décroît plus, ce serait difficile ; mais Brest élargit constamment sa ceinture, toujours trop étroite".

Source : Robert Oheix, "Légendes armoricaines", dans la Revue de Bretagne, 1881, p. 260-261. Adolphe Joanne, dans son Itinéraire général de la France, Bretagne, Paris, Hachette, 1867, p. 285, semble être le premier à mentionner ces travaux du Marc'hallac'h : "La décadence de Daoulas date de longues années ainsi que le témoignent les traces de constructions que la pioche du laboureur rencontre fréquemment sur un vaste terrain dit le Marc'hallac'h (la place du marché)..."


* Eugène Boudin, considéré comme l'un des précurseurs de l'impressionnisme, avait épousé en 1863 une fille de Hanvec, Marie-Anne Guédès, née le 17 avril 1835 à Ruzaden.

En relation avec la masure des sept saints citée plus haut, se trouvait, le carrefour des Sept Saints, signalé dès 1630. Cette année-là "maître" Gabriel Omnes, "scribe" des cours de Daoulas, d'Irvillac et de Logonna, notaire public, donna à l'abbaye une rente de 20 sols sur un "ancien jardin situé rue du Baslit*, et contigu au carrefour vulgairement appelé les Sept Saints" (Jean-Luc Deuffic, "Les documents nécrologiques de l'abbaye Notre-Dame de Daoulas", dans Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. 107, 1979, p. 123).


* Aujourd'hui, le Valy
Daoulas. Dessin d'Eugène Boudin, vers 1865. Carrefour des Sept Saints.

Le Champ de Foire

Comme son nom l'indique, c'est ici le lieu où se tenaient les foires de Daoulas avec, à l'origine, l'existence de halles (appelée "cohues") et de "boutiques". Elles sont connues dès le début du XIVe siècle, lorsqu'en 1317, Hervé de Forquilly, abbé de Daoulas, accepta une donation faite par Hervé de Léon, seigneur de Noyon.

Au XVIIe siècle, un document imprimé, la Pancarte des debvoirs et droits seigneuriaux deus à Messire Jean de Treanna, chef de noms et d'armes, chevalier seigneur de Lanvilo, Kervern, Kerazan, Tremaria, de Coetnempren, Liscoet, Coeteles, etc. comme voyer féodé et héréditaire de la terre, seigneurie et chastellenie de Daoulas, membre de la principauté de Léon, énumère quelques droits sur les différentes foires se tenant alors à Daoulas :

Foire de Saint-Gilles : le 7eme denier que les dits abbé et couvent lèvent à cette foire.

Foire de Saint-Nicolas : à cette foire, le jour de la fête de M. saint Nicolas :

De chacun étal de boucher, 1 denier. De chacun mercier, 1 denier. De chacun porc, 1 denier. De chacune peau crue, 1 denier. De chacun cordonnier, 1 denier, fors de ceux de la ville de Daoulas.

Foire de Saint-Barnabé : pareil droit comme à la foire saint Nicolas.


Quelques témoignages anciens sur le Champ de Foire (Marc'hallac'h), tirés des archives de l'abbaye de Daoulas :

1455 : "Hotel Quentreuc Bihan au Marhalla".

1528 : Louis et Hervé Le Godec vendent à l'abbaye la moitié d'une "maison couverte d'ardoises ô ses courtils*, parcs et pièces de terre de jouxte situés au Marchalleach".

En 1651 on mentionne le Marchallach huella, ce qui suppose un Marchallach izella (Quimper, ADF, 1 H 26).


* Jardin où l'on cultivait le lin.
Plan cadastral du quartier de Penanguer en 1825

Dans le prolongement du Champ de Foire se trouve Penanguer (le "bout" du village). Notre maison natale (n° 426-427), était au début du XIXe siècle, avec le n° 425, possession de la famille Mauzurié Keroualin, importante lignée de négociant à Landerneau, dont on peut voir la maison familiale sur le Quai du Léon.

Autre curiosité : le n° 431, dans la venelle, était alors la propriété de Louis François Auguste de Rohan Chabot, abbé, duc de Rohan, prince de Léon.

Une des plus anciennes mentions de Penanguer remonte à 1504. A cette date fut établi un "contrat d’acquet" entre les religieux de l’abbaye de Daoulas, le 3 février 1504, et Catherine Levenez, veuve de Guillaume Perot, d’une sixième partie d’une maison, crèche, mazières de jouxte, avec ses vergers et courtil, la dite maison fermée de fossés, en un même clos, une petite cornière de terre, hors ledit clos, une sixième partie d’un courtil et verger, cernés de fossés et murailles au-dessous dudit étage, et la sixième partie d’un autre courtil à lin et vergers y estant, le tout au terrouer de Penanguer".

En 1532 , on signale "une pièce de terre à lin et verger enclos, nommé Liorz an Béon, au terrouer de Pennaquer".


Calvaire du Champ de Foire - Photo:© G. Le Moigne (Logonna)

Calvaire du XVIe siècle. Inscriptions :

M. CLAVDE LANCHEC

1590 REDE 1585

Statues géminées :

Vierge & Madeleine

Jean & Pierre

Piétà

Anges au calice

(Y. P. Castel, Atlas des croix et calvaires, 1980, p. 65, n° 403)

Penanguer au début du XXe siècle.