L'abbaye Notre-Dame de Daoulas

Eglise abbatiale. Façade romane
Eglise abbatiale. Bas-côté et choeur néo-romans

In memoriam

Ayant eu le privilège extraordinaire, mais bien entendu inconscient de cela à l'époque, de faire mes "petites écoles" chez les Franciscaines de l'abbaye Notre-Dame, je me rends compte aujourd'hui de l'impact d'un destin si particulier. Chaque pierre de ce lieu ou chaque statue touchée me rappelle aux souvenirs d'une enfance idéalisée. Aussi, en écrivant ces lignes, mes pensées émues vont vers quelques visages encore bien ancrés dans ma mémoire, comme ceux de soeur Agnès, soeur Saint-Jean ou de soeur Marie de la Trinité, ou bien encore de l'attachant gardien de ce "sanctuaire", Jean Le Boulanger (+ 2002).

Nota : Les pages de ce site consacrées à l'abbaye seront peu nombreuses, réservant le résultat de mes recherches à l'ouvrage que je prépare actuellement sur l'abbaye Notre-Dame de Daoulas.


Entre histoire et légende ...

La vie de saint Jaoua raconte la "fondation" du premier monastère de Daoulas. On la doit au dominicain Albert Le Grand (Vies des saints de la Bretagne Armorique, 1636, édition revue et corrigée Quimper, J. Salaün éd., 1901, p. 52-56), qui la écrite d'après un "vieil légendaire" de la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon. Voici quelques extraits concernant plus particulièrement l'abbaye de Daoulas:

IX. Puis, il alla voir le seigneur du Faou, qui, depuis qu'il avoit tué les saints abbez Tadecq et Judulus, estoit possédé du diable qui l'avoit cruellement tourmenté ; il chassa, par le signe de la croix le diable, guérit parfaitement le patient, l'instruisit & catéchisa, le fit baptiser par saint Jaoua et, luy mesme, le tint sur les sacrez fonds, et lui donna son nom, le faisant nommer Paul. A l'exemple de ce seigneur, toute sa famille, et généralement tous ses sujets, renoncèrent au paganisme et receurent le baptesme. La bonne dame, mère du nouveau converty, dépescha en poste à Kerarroué, vers Arastagn son frère, pour luy porter la nouvelle de la conversion et guérison de son neveu ; le comte Arastagn en fut fort aise, et alors dépescha deux Gentils-hommes de sa maison vers le Faou, prier S. Paul et saint Jaoua de le venir voir, ce que les saints luy accordèrent, et s'en allèrent de compagnie avec ces gentils-hommes.

X. Le prince Arastagn, adverty que les saints le venoient voir, leur vint à la rencontre, bien accompagné de ses sujets, les receut et festoya fort bien et accorda avec eux que son neveu du Faou, en réparation du meurtre par luy commis és personnes des saints abbez Judulus et Tadecq, fonderoit un monastère au lieu mesme où il tua S. Judulus, et que, pour éternelle mémoire, ce monastère portast le nom du martyre de ces deux saints et seroit appellé Mouster Daougloas, c'est à dire, le monastère des deux playes ; lequel il doteroit et renteroit suffisamment pour la nourriture et entretien des religieux qui y feroient l'office. Le seigneur du Faou consentit de bon cœur à faire cette réparation et suplia S. Jaoua de prendre le soin de l'édifice ; ce qu'il accepta volontiers, et fit telle diligence que, dans peu d'années, le monastère fut parfait et accomply, beny & dédié par l'évesque de Cornoüaille, et saint Jaoua en fut beny premier abbé : c'est le bourg & abbaye de nostre Dame de Daougloas, diocèse de Cornoüaille, de l'ordre des chanoines réguliers de S. Augustin.

Une fin tragique : la colère du ciel !

En 1790, c'est la foudre qui eut le dernier mot et non les révolutionnaires ... L'église abbatiale succomba aux dures intempéries du dimanche 21 novembre. Quelques mois plus tard on dressa un devis des réparations qui ne furent probablement jamais exécutées, puisque le choeur de l'église fut démoli par Perrot et Roujoux qui firent transporter à Brest les pierres tombales qui s’y trouvaient en grand nombre.

Source : Quimper, ADF, 18 L 100. District de Landerneau / Département du Finisterre

Etat des dégats faits par le tonnère a l'église paroissiale (cy devant collégiale) de la ville de Daoulas, le dimanche au soir 21 novembre 1790

Le pan de couverture du clocher de la dite église, en ardoises, faisant face à l'ouest, frangé du haut en bas par le tommère, est a refaire a neuf sur planches resciées, sur la hauteur de trois toises et demie, et la largeur de deux toises et demier, et qui donne de superficie huit toises trois quarts, prisées a faire et fournir, y compris les frais d'achaffaudage, a raison de seize livres dix sols la toise, faisant la somme de cent trente deux livres < 132 l.

Lors de cette réparation il faudra fournir et mettre en place 144 pieds de chevrons de 3 pied 4 pouces à 4 s. le pied faisant la somme de 28 livres 16 s.

La couverture du dôme dudit clocher aussi en ardoises, frangée a l'ouest et au nord, et absolument ébranlé par le tonnère dans ses autres parties est a refaire, dans les parties emportées et a remanier a bout dans le surplus, le tout aussi sur planches resciées, ayant ensemble 8 toises à 18 l. la toise a 160 l. 16 s.

De l'autre part 160 l. 16 s.

Cause de la difficulté de l'échaffaudage, faisant la somme de 144 l. cy 144 l.

Le coq d'amortissement dudit clocher emporté par le tonnère sera remplacé par une forte girouette en fer peint a l'huile, et le collier en plomb a l'endroit de la verge de fer qui portoit le coq, fondu, aussi à refaire, le tout évalué 36 l. cy 36 l.

Le rampant vers nord de la couverture de la nef, du bas coté et du cloitre, fortement endommagé, a réparer en recherche dans une superficie évaluée à 9 toises a 15 livres la toise font la somme de 135 livres

La garniture en chaux et sable sous le larmier au pourtour du clocher a refaire a neuf évaluéee avec quelques autres reprises et rejointoyement la somme de 40 livres

La fenetre bout du couchant de la chapelle du Faou, dont le vitrail est emporté par le tonnère sera bouchée en maconnerie de moelon évaluée à 2 toises enduite et blanchie de chaux a l'intérieur et crepie a l'extérieur prisée pour faire et fournir 18 livres cy 18 l.

La porte ouvrant sur le cloitre et menant aux dortoirs, et la fenêtre de la sacristie ouvrant sur le dit cloitre, a réparer dans les endroits endommagés ezstimé 6 livres 6 l.

De l'autre part 539 l. 16 s.

Sur la chapelle dite du Faou, au dessus de la chambre menant à celle du clocher, deux noues et le rampant au couchant de la couverture a refaire, évalue à 10 toises a 15 l. faisant 150 livres.

Un bout de filière de 12 pieds sur 5 et 7 pouces a remplacer 7 livres 14 sols

Une réparation aux parties ébranlées de la maconnerie et rejointoyement en chaux 30 livres

La fenêtre sur la chambre au dessus de la chapelle du Faou, a boucher en maconnerie dans la partie basse, et fournir a l'imposte un chassis dormant deux volets sur gonds et pentures et fermant a loquetaux de fer le tout peint de deux couches d'ocre a l'huile, dans chaque volet une vitre morte, le tout estimé a faire et fournir 12 livres

Une recherche générale sur la couverture de ladite église, évaluée a 10 toises a 10 livres la toise 100 livres

Le plancher des deux chambres de la chapelle du Faou et du clocher fortement endommagé et en partie pourri par les eaux pluviales a réparer dans une superficie évaluée a 5 toises a 13 l. 10 s. la toise faisant la somme de 67 livres 10 sols

Total de la présente estimation 906 livres 10 s.

Nous Claude de Kericuff, demeurant a Daoulas, expert du district de Landerneau, certifie avoir fait et vérifié le present en présence et à l'aide de François Marie Le Gall, menuisier, et François Creismeas, couvreur, a chacun desquels nous avons payé trente sols pour la journée, à Daoulas le 10 février 1791

[Signe :] de Kericuff

[Signe;] françois marie le gall menuisier

Le témoignage d'Emile Souvestre sur une ancienne tradition de Daoulas (début XIXe siècle)

J'entrai un jour dans une chapelle de la paroisse des "Deux Meurtres" (Daoulas). Une jeune femme était agenouillée devant une statue de Marie et semblait prier avec ferveur. Tout à coup je la vis se lever tenant à la main un de ces petits bonnets de soie semés de paillettes et bordés de dentelles d'argent, en usage dans nos campagnes pour les nouveau-nés. Elle alla le déposer sur la tête de l'enfant Jésus que la Vierge tenait entre ses bras et sortit en pleurant. Qu'est ce que cela demandai-je au paysan qui m'accompagnait? C'est une mère qui a perdu son fils, me dit-il, et qui vient de donner en cadeau son bonnet de baptême à l'enfant Jésus pour faire à son pauvre défunt un camarade dans le ciel.

Émile Souvestre, Les derniers bretons, Paris, 1836, p. 180-181.

Cette scène s'est passée dans l'église abbatiale, dans la chapelle absidiale où se trouve une statue de la Vierge à l'Enfant.