3 - Les larmes qui coulent...

Les larmes qui coulent sont amères mais plus amères encore sont celles qui ne coulent pas.

[Proverbe gaélique]

Je n’aime pas pleurer en sa présence. Les larmes visibles sont une faiblesse. Et j’ai toujours voulu qu’il ne me connaisse que la force. La force de tout endurer, comme une pierre de granit, que n’érode nul vent ni tempête. Non, pas granit. Plutôt du basalte. Pierre noire, luisante, comme si le noir profond de ses ténèbres pouvait renfermer la lumière des larmes qui ne coulent point.

Nous avons combattu cote à cote, toujours, jamais l’un contre l’autre. On a chassé ensemble. On a tué ensemble. On a failli mourir ensemble. On s’est toujours soigné nos blessures. On a bâti quelque chose qui maintenant nous dépasse et qui n’a plus besoin de nous. Sauf pour le défendre. Et nous le défendrons ensemble. Jusqu’à la mort, s’il le faut. Car il n’a jamais eu peur de mourir et moi, je n’ai plus peur maintenant.

Si nous mourrons, dans cet affrontement pour le destin de ce macrocosme, ce monde qui est le notre, le seul qui le soit, j’aimerais parfois, par pure faiblesse, d’embrasser la mort avant lui. N’est-ce pas cruel. Chaque fois qu’il partait au combat, je ne savais s’il me revenait ou bien s’il rejoignait celle qui ne faisait que me le prêter : la mort. C’est peut-être pour cela que je ne pleurais pas.

Je l’ai toujours su consacré à la vie, parce que consacré à la mort. Cela ne peut-être autrement pour l’enfant du crépuscule et des cavernes profondes. Celui qui a été pendu sur les branches de l’Arbre au-dessus des Ténèbres ne peut que descendre dans les Ténèbres. Celui qui a tant servi la Mort ne peut que revivre ayant reçu l’étreinte des Ténèbres et faire revivre en donnant cette étreinte à son tour.