2 - Lettre Deuxième

Lettre Deuxième[1]

Réponse à l’attention de Jezabel Charlotte Smith

De la part de Harald Smith

Chère Charlotte,

Pardonne ce silence : j’avais besoin, pour un certain temps de la solitude et des ombres, histoire de faire le point avec moi.

J’étais moi –même une ombre, et j’errais dans la solitude avant de te rencontrer.

Quelques lueurs éphémères venaient éclairer mon chemin ; las, ce n’étaient que des chimères.

Puis je te rencontrai ; et il me sembla que je pouvais donner un nouveau sens à cette existence.

Tu me libéras de mes démons, et car tel est ton pouvoir, tu me réconcilias avec moi-même ; cette dette là, je ne pourrai la rendre.

Je vis très vite que les sentiments que j’éprouvai me semblaient réciproques.

Je crus que notre hymen serait le socle indestructible sur lequel je pourrais rebâtir mon existence.

Les anciens démons qui m’habitaient me quittèrent bien vite, me laissant envisager l’avenir avec sérénité, puisque avec toi.

Ce socle, nous le nommâmes la Rose Adamante ; c’était notre secret ; ce fut aussi la raison de notre chute.

Mais dans un premier temps la magie opéra ; puisqu’il y avait un domaine ou nul à part nous ne pouvait accéder, nous avons pu construire le reste, pierre par pierre autour de ce pivot indestructible.

Une famille qui devint immense ; des amis qui devinrent des frères d’armes, des frères de sang, une Société qui devint une Guilde, puis une Principauté, à présent l’un des grands Impériums de l’univers.

Et nous étions nous même indestructibles puisque dans notre foyer résidait le secret de notre force, de notre quête.

On ne voit jamais la chute arriver. Je ne te blâme pas de ce qui est survenu ; tu n’es pas en cause, pas plus que notre ami commun ; c’est mon manque de perspicacité qui est seule cause de la brisure de la Rose Adamante.

Tu avais essayé de me prévenir ; je ne t’ai pas écouté, je ne l’ai pas voulu. Et pourtant je suis diseur de vérité ; ces signes que je n’ai pas su interpréter, je les avais si souvent décrypté ailleurs dans d’autres foyers. Mais on ne voit jamais ce qui nous est trop proche. J’aurais du comprendre cependant les motifs qui te poussaient à quitter ta famille pendant si longtemps, pour ne revenir exténuée, couverte de sang et de malédictions auprès des tiens que le temps de la guérison, de la convalescence.

Non le mal était trop profond ; avais – tu conscience toi- même de la bataille qui se jouait dans ta poitrine ? Sans doute non, car nous sommes éternellement étrangers à nous – mêmes ; ainsi n’avons-nous pas su voir l’évidence, l’inéluctable.

Je tiens à dire encore une fois que je ne porte nul jugement ; le cœur a ses raisons, il est toujours le plus fort. Sans doute le confort et le quotidien d’un foyer te sont devenus supplices, sans doute les lisières de notre chambre sont devenus ta prison.

A présent tu es libre.

Louve tu es, et loup je suis, aucun de notre sang ne peut aller contre la liberté.

Ainsi je te libère de moi ; ainsi je te libère de notre amour.

Suis ta destinée, et deviens celle que tu dois être.

Il n’y a plus d’entraves ; il n’y a plus mari, enfants et parents.

Je pense que pour quelques temps il est nécessaire que tu oublies tout le reste, pour découvrir vraiment quelle rose palpite en toi ; dès à présent j’ai la certitude que ce n’est pas une rose adamante ; et si cette fleur a des parfums plus capiteux que ceux que je t’ai offerts, méfie – toi des ronces ; les fleurs les plus éclatantes sont aussi les plus vénéneuses.

Et puisque tu es libre, il faut bien que je le devienne à mon tour. J’ai compris que ma formation était incomplète ; j’ai compris que ma suffisance était grande ; un véritable champion aurait su prévenir le malheur qui est tombé sur nous. J’ai donc repris les chemins du monastère. Je dois reprendre les enseignements de l’épée, je dois forger la Lame de ma sincérité et ne plus la laisser se détourner de son but avant la fin des temps.

Je veux enfin que tu saches que si je ne suis plus ton mari, je reste le défenseur des nôtres, Néhorin, Rose Adamante, mais avant tout notre famille.

Je te considère toujours comme mon amie, ma confidente et mon alliée. Ce que nous avons partagé, je ne le partagerai plus avec quiconque jusqu’au jour de mon trépas.

Il reste aussi une immense tendresse dans mon cœur. Celle – ci ne te quittera jamais, quels que soient tes actes, tes errements et tes accomplissements.

Puissent les dieux veiller sur toi jusqu’à la fin des temps

Ton ancien compagnon,

Harald Smith du loup

[1] Par OD