Tribune libre : une recette simple et efficace pour se débarrasser d’un adversaire politique
Futur candidat, à l’approche des élections municipales, en mars 2026, et peut-être de nouvelles élections législatives, rien de mieux, pour assurer votre succès électoral, que quelques recettes qui fonctionnent bien.
Je vous conseille sans ambages la meilleure d’entre elles, de nos jours, qui est d’accuser de VSS (Violences Sexistes ou Sexuelles) votre adversaire potentiel.
D’abord, commencez par dénicher un fait, même totalement anodin, par exemple une simple approche sentimentale, même sans lendemain : c’est très courant entre adultes, et une telle initiative peut être réalisée avec tact, ou pas, mais ce paramètre n’a aucune importance. Il vous faut juste un prétexte.
Ensuite, vous construirez un « récit augmenté » autour de ce qui s’est passé : utilisez tous les éléments que vous pourrez trouver qui environnent cette approche pour embellir votre récit. S’ils s’appuient sur des éléments réels, c’est mieux, mais, là aussi, vous pouvez laisser aller votre imagination. Veillez juste à ce qu’il ne soit pas simple de vérifier ce que vous avancez : procédez par insinuations.
Après, laissez filtrer des bribes d’information sur les réseaux dont vous disposez : le bouche à oreille, les réseaux sociaux, en spécifiant bien que vous tenez cela d’autres personnes, et que vous n’êtes pas tout à fait sûr de leur réalité.
Idéalement, cherchez des relais d’opinion : par exemple des journalistes qui vous sont redevables, car vous leur fournissez parfois des informations qu’ils exploitent. Ainsi, ils n’hésiteront peut-être pas longtemps entre leur conscience et leur intérêt professionnels.
Si vous-même avez une certaine position institutionnelle, votre parole n’en sera que mieux acceptée : dans ce cas, vous pourrez même grossir le trait et ajouter à votre histoire des éléments complètement oniriques dont vos interlocuteurs n’imagineront même pas que vous puissiez avoir ainsi travesti les choses.
Appuyez-vous largement sur les personnes avec qui vous partagez des intérêts politiques communs : ceux-là n’hésiteront pas un instant à relayer votre histoire, aussi invraisemblable soit-elle, à charge de revanche. C’est ainsi que fonctionnent parfois les groupes humains, et souvent les partis politiques.
Mieux encore, si vous avez barre politiquement ou professionnellement sur votre cible, vous pouvez y aller franchement et lui rendre la vie impossible en vous appuyant sur vos inventions, car l’accusation de VSS tétanisera l’entourage et l’entraînera dans votre récit : soyez rassuré, vous n’aurez quasi pas d’oppositions, et serez même surpris de voir à quel point.
Si votre adversaire est un homme, beaucoup de femmes diront que leur parole est tellement décrédibilisée que, pour une fois, l’occasion est à saisir. Quant aux hommes, la plupart y réfléchiront à deux fois avant de ne pas se joindre à l’hallali, de peur d’être accusés à leur tour… en particulier par leur compagne. Les clivages de notre époque sont ainsi faits, pour votre bonne fortune.
À notre époque, après MeToo, les dénonciations fusent de partout, et la plupart du temps à bon droit : elles permettent de punir des faits délictueux parfois anciens. Mais, dans la vague, certaines de ces dénonciations sont malavisées, grossissant des faits qui n’ont trait qu’à la sphère privée.
Dans le champ politique, l’affaire Julien Bayou en est emblématique, mais elle n’a pas suffi à ce que la prise de recul devienne un réflexe dans ces affaires. Pourtant, il y a déjà eu un précédent célèbre, l’affaire Dominique Baudis en 2003 : l’accusé ayant été totalement innocenté, après deux ans quand même, on aurait pu penser que ces exemples auraient pu inciter à un automatisme de réflexion dans de telles affaires d’accusations : soyez rassuré, il n’en est rien.
Vous pouvez donc y aller franco : certains diront « il n’y a pas de fumée sans feu » quand les autres n’oseront pas aller contre l’opinion générale.
Et voilà vite le présumé coupable de facto complètement ostracisé, même parfois dans sa propre famille, ce qui pourra, avec un peu de chance, avoir des répercussions sur son équilibre mental : il sera mat, sans combattre et sans même comprendre ce qui lui est arrivé.
Voyez, c’est facile, la recette est très simple à mettre en œuvre : juste du « story telling ».
Évidemment, pour vous livrer à ce jeu, encore faut-il que vous n’ayez pas l’once d’une probité intellectuelle : mais c’est sans doute votre cas, car on sait que cette vertu est bien peu courante.
Didier Missenard
conseiller municipal et communautaire à Orsay, en Essonne
ex-premier adjoint au maire d’Orsay
ex-vice-président de la communauté d’agglomération Paris-Saclay
Post-Scriptum :
- toute ressemblance avec une situation existante ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d’une pure coïncidence.
- pour éviter toute ambigüité, je précise que cet envoi traite des ressorts politiques de l’action. Il ne s’agit en aucun cas d’une réflexion générale sur la question des VSS : ici, les VSS ne constituent qu’un prétexte qui rend possible des stratégies proprement politiques. L’auteur réaffirme donc son soutien entier aux victimes de telles violences avérées.