Voici la synthèse de mon intervention orale au conseil municipal du 10 avril 2025, explication de mon vote : je me suis opposé à l'adoption de ce budget.
Budget primitif (BP) 2025 de la ville d’Orsay :
analyse, commentaires, questionnements et explication de vote
Les indicateurs budgétaires de la commune
- l’emprunt proposé est à hauteur de 4 M€ alors que la ville n’a, je crois, jamais, dans un budget primitif, autorisé davantage qu’un maximum de 2,5 M€ d’emprunt : 1,8 M€ en 2021, 2 M€ en 2022 et 2023, 2,5 M€ en 2024. L’emprunt réalisé a été de 1,8 M€ en 2021, 1 M€ en 2022 et 2023.
La note d’information affirme que « L’évolution des charges financières est le résultat d’un recours à l’emprunt adapté à la capacité de remboursement de la commune. » Or, si l’emprunt est souscrit entièrement, la dette remontera à presque 18 M€. L’augmentation proposée de la dette durant cette année serait ainsi de 12% de son encours.
Il est à remarquer aussi que la commune a d’ores et déjà levé emprunt pour 1 M€ au 24 mars 2025, ce qui est très tôt dans l’année.
La dette par habitant à Orsay est de 944 € en 2024 ; elle passerait à 1500 € si l’emprunt de 4 M€ est réalisé. En moyenne, en France, la dette par habitant est de 545 € : la commune se place ainsi au début du 3èmequartile de notre strate de population : il n’y a qu’un quart des communes qui ont une dette par habitant supérieure.
Le délai de désendettement de la commune est de 12 ans. Pour notre strate de population, la médiane est à 4,8 et le 3ème quartile est à 7 : nous sommes bien au-delà, au 9ème décile. Autrement dit, il n’y a qu’une commune sur dix dans notre strate de population qui ait un délai d’apurement de la dette qui soit supérieur.
- l’épargne brute (recettes de fonctionnement – {dépenses de gestion + frais financiers}) par habitant est de 92 € vs 224 € sur la moyenne des communes.
- l’épargne nette (épargne brute – remboursement du capital de la dette) est à nouveau prévue négative : -400 k€ (elle est négative du même ordre de grandeur dans les trois derniers BP).
- le taux de rigidité des charges ({charges de personnel + annuité de la dette} / recettes de fonctionnement) sera de 0,61 comme l’an dernier.
La commune a un taux supérieur à 0,58 depuis cinq ans (0,62 ; 0,58 ; 0,58 ; 0,61 ; 0,61) alors que la situation budgétaire est considérée comme alarmante dès deux ans consécutifs à plus de 0,58. Ce taux élevé pointe la grande difficulté qu’il y aura à revenir à une situation budgétaire saine.
- Le poids de la charge financière dans les dépenses de fonctionnement ({remboursement du capital de l’emprunt + frais financiers} / dépenses nettes de gestion) est de presque 8% contre 2,5% en moyenne parmi les communes.
- Le taux apparent de la dette (charges financières/encours) est de 11% contre 2% en moyenne parmi les communes.
- les charges de personnel sont évaluées à 18,3 M€ soit les 2/3 des dépenses nettes de gestion : ce ratio très élevé implique une réduction de la capacité d’investissement et des marges de manœuvre en cas de retournement de conjoncture.
Remarques et interrogations sur les prévisions budgétaires
- le coût prévisionnel de l’énergie (gaz & électricité) est budgété en augmentation de 2% : cette augmentation paraît irréaliste du fait du contraste entre la rigueur climatique des hivers 2024 et 2025 : les mois de janvier à mars 2025 ont été beaucoup plus froids cette année que l’année dernière, et la consommation du stade nautique s’est notoirement accrue du fait de la panne de la bâche du bassin extérieur.
- on constate un quasi doublement des « autres dépenses de fonctionnement » (ch. 014 atténuation de produits 67 charges exceptionnelles 68 dotations aux amortissements et provisions) pour 1,2 M€. Cet accroissement exceptionnel n’est expliqué d’aucune façon.
- la ligne « Entretien » est prévue en baisse pour -8,3% : les contrats d’entretien ne faisant qu’augmenter d’année en année, elle interroge.
- est budgétée une baisse de la dépense en eau de 20%, substantielle et surprenante, mais non argumentée là non plus.
- la ligne « taxe d’habitation & majoration pour résidences secondaires » est annoncée en baisse pour -25% ? Même si une explication est à trouver dans la sous-déclaration des possessions immobilières, la baisse semble très importante (en moyenne, en France, elle est de -10%).
- pour les dépenses d’investissement :
- en catégorie 2 : aucun projet n’est prévu pour les bâtiments logeant nos agents, qui sont tous des « passoires thermiques ». Non plus que pour les bâtiments de l’hôtel de ville (façade du bâtiment historique et dégâts structurels sur le bâtiment Ouest), ni pour la toiture de l’église qu’il a fallu bâcher à titre provisoire ;
- en catégorie 6 une acquisition foncière de 64 k€ est budgétée. Aucune précision n’est donnée quant à son objet, qui interroge ;
- en catégorie 7 : si 147 k€ pour prévus pour les études de la rénovation du groupe scolaire de Mondétour, aucune somme n’est budgétée pour les travaux eux-mêmes. Quelle date de démarrage est-elle envisagée pour ce projet très coûteux ?
- dans le PPI 2026-2030 :
- en catégorie 2, les 420 k€/an sont en sous-estimation du fait du vieillissement du bâti, sauf à laisser se dégrader encore plus nos 63 bâtiments ; rien n’est prévu pour le stade nautique dont la vétusté est patente ;
- en catégorie 7 des sommes considérables sont prévues surtout pour 2026-2027, sans doute irréalistes au regard des indicateurs précités ;
- les subventions en recette sont sans aucun doute surestimées, vu la conjoncture actuelle, l’état des finances du département, de la région, et la réduction notable du Fond Vert.
- pour ce qui est des projets d’investissements structurants et stratégiques :
- sont prévus des équipements sportifs structurants sur 2028-2030 : ils ne semblent pas avoir jamais été évoqués, et interrogent, car la commune est déjà dotée d’un nombre très important de telles installations en regard de sa population ;
- équipements scolaires et restaurants : est budgétée une somme de 7,8 M€ vs 3,3 M€ en recettes de subventions. Sous réserve que les subventions soient obtenues, il y aurait nécessité de financer 3,5 M€ sur 4 ans soit 0,9 M€ par an, ce qui paraît peu réaliste au vu des capacités d’investissement de la commune.
D’autre part, ne sont pas pris en compte les équipements publics liés à l’OIN :
- des équipements à installer sur les ZACs (cuisine, mobilier, équipement de la cour pour les écoles, mobilier pour l’équipement socio-culturel) ;
- le coût en fonctionnement de ces équipements (personnel + fluide + entretien).
Au vu des indicateurs précités et des questions quant à la plausibilité du budget proposé, la trajectoire de la commune ne semble pas du tout s’infléchir. Auquel cas la commune n’aura très vite plus assez de ressources propres pour rembourser sa dette et devra :
- soit réduire encore ses investissements, déjà très limités ;
- soit recourir à de nouveaux emprunts (ce qui est problématique puisque la dette est déjà élevée et que ce budget la donne en augmentation) ;
- soit augmenter ses recettes (mais le pouvoir de taux de la commune est réduit, et la principale taxe, la taxe foncière sur le bâti, est déjà très élevée puisqu’elle place en 2023 la commune en septième position sur les 194 communes de l’Essonne) ;
- soit réduire ses dépenses en rationnalisant et réduisant les services publics, ce qui ne semble absolument pas être le chemin suivi.
Si la situation n’est pas redressée au plus vite, la commune perdra sa capacité d’autofinancement et risque de rentrer dans les marges de surveillance de la préfecture.
Conclusion
Comme je le dis depuis plusieurs années, une politique budgétaire de court terme a prévalu après que la dette héritée en 2008 eut été résorbée pour moitié dix ans plus tard. Aucune prospective n’a été, depuis, menée, avec pour résultat que tous les indicateurs que j’ai cités pointent : la commune est déjà rentrée dans de graves difficultés, comme en témoignent en particulier les consignes données aux services de décrémenter de 8% leurs budgets propres par rapport à l’an dernier, soit de 10% avec l’inflation. Ces problèmes vont être aggravés par le vieillissement de notre patrimoine, et par l’émergence de l’Opération d’Intérêt National sur le plateau de Saclay, qui pèsera lourdement sur le budget communal avant que les éventuelles recettes fiscales qui en proviennent ne suffisent à amortir les dépenses induites : en tout cas, ce ne sera pas le seul projet à date sur la ZAC de Corbeville, l’arrivée d’Eurocontrol, qui nous renflouera puisque cette organisation intergouvernementale est exemptée de taxes, tout comme l’est l’hôpital.
Or, la responsabilité des élus, notre responsabilité, est de piloter la commune pour le long terme, au-delà des échéances électorales.
J’estime qu’il faudrait dès maintenant mettre sur pied un plan de sauvetage, plutôt que d’emprunter des sommes inconsidérées et de s’obstiner à ne rien vouloir réduire des services à la population.
Je ne voterai pas ce budget, que j’estime suicidaire pour une collectivité où j’habite depuis plus de quarante ans, et à laquelle je tiens.
Orsay, le 10 avril 2025
Didier Missenard, conseiller municipal, conseiller communautaire
ex-premier maire-adjoint, ex-vice-président de la communauté d’agglomération Paris-Saclay