La géologue Marie-Agnès Courty a lancé une depuis plus de 15 ans une recherche d'archéostratigraphie sur les indices d'un impact de bolide (astéroïde ou une comète) d'environ un km de diamètre, qui aurait touché la Terre à proximité des îles Kerguelen il y a environ 4000 ans.
L'époque contemporaine de ce cataclysme serait celle de la dynastie chinoise Xia, de la civilisation Harappa dans la vallée de l'Indus (nord-ouest de l'Inde) qui a alors atteint sa pleine maturité; les pyramides égyptiennes de la IVème dynastie du plateau de Gizeh sont alors achevées depuis moins de 500 ans.
"Sous le choc cataclysmique, des millions de fragments arrachés des fonds marins sont catapultés dans l’espace. À peine quelques heures plus tard, ils retraversent l’atmosphère, et une pluie de projectiles incandescents tombe sur l’ensemble de la planète. En touchant le sol, ces petites boules de feu, de quelques micromètres à quelques centimètres de diamètre, créent un effet de souffle brûlant qui soulève d’immenses quantités de poussière et allume des incendies ravageurs. Suivent quelques jours de torpeur. Puis des pluies diluviennes.
Car en s’écrasant violemment dans l’océan, le bolide céleste s’est vaporisé. Le panache d’eau et de poussières formé par l’impact s’est ensuite répandu dans l’atmosphère, puis condensé en épais nuages, qui ont éclaté en pluies intenses. Pour les populations antiques, la terreur est totale"1. L’auteur de ce scénario aux accents de fin du monde s’appelle Marie-Agnès Courty.
Marie-Agnès Courty est géologue de formation, et actuellement coordonnatrice du Centre d'archéostratigraphie et paléoenvironnement de la préhistoire.
Elle reconstitue l’histoire des hommes et de la planète en auscultant les couches géologiques. Et c’est dans des échantillons de sol et de sédiments provenant du monde entier qu’elle a découvert les indices d’un cataclysme et bâti ce scénario.
En 1990, Marie-Agnès Courty, alors chercheuse du CNRS travaillant au Centre européen de recherches préhistoriques, à Tautavel (Pyrénées-Orientales), découvre une couche de matériaux fondus alors qu'elle exécute une prospection de géoarchéologie sur le site d’Abu Hagheira situé en Syrie. Il s'agit de matériaux pulvérulents, d'agrégats de la taille de grains de sable et des verres de type volcanique; certains matériaux avaient fondu à des températures supérieures à 1500°C. Plus tard, au sein de plusieurs échantillons datant de 4 000 ans, la géologue découvre d'autres grandes quantités de billes de matériaux fondus. Or, ces sphérules sont notamment produites lors de gros impacts météoritiques.
Marie-Agnès Courty a la certitude que ce matériau est d'origine météoritique.
Elle a, depuis 15 ans, étudié de nombreux échantillons provenant de multiples endroits, Amérique du sud, Europe, Asie, Indonésie, fond marin de l'océan Indien... Partout, elle retrouve des scories, toujours datées de 4000 ans, parmi lesquelles elle détecte des "traceurs d'impact" : des nano diamants et des gouttelettes de métal. Leurs quantités respectives dans les échantillons désignent un point central : quelque part dans l'océan Indien, du côté des îles Kerguelen. Cette origine supposée colle bien avec la découverte la plus étonnante : la présence dans cette « couche 4000 », comme elle l'appelle, d'organismes marins reconnus sans ambiguïté comme ceux vivant dans les mers australes (classes de foraminifères et de radiolaires en particulier), faune antarctique inconnue au Moyen-Orient, en Europe et en Asie centrale.
Trouvé en Syrie au milieu de blocs basaltiques, ce radiolaire est un micoorganisme marin) a vécu en Antarctique. Crédit : M.-A. Courty
Les travaux de Marie-Agnès Courty se sont heurtés au début à la résistance de certains chercheurs : en effet l’iridium, les spinelles nickélifères et le quartz choqué, caractéristiques associées aux impacts météoritique n’apparaissent pas dans la « zone des 4000 », et le cratère formé dans les fonds sous-marins n’a pas encore été localisé.
Mais l'impact d'une comète implique-t-elle nécessairement un pic d'iridium et de spinelles nickélifères ? Sait-on parfaitement modéliser l'impact d'un tel bolide, en fonction de son angle d'impact et de sa composition.
Comment expliquer la présence d’organismes marins des mers australes, aux antipodes de l’antarctique, si ce n’est par l’effet d’un bolide s’écrasant dans l’hémisphère sud et arrachant des milliers de fragments océaniques ?
La piste australe va se confirmer au fur et à mesure que Marie-Agnès Courty reçoit des carottes marines en provenance de toutes les mers du globe.“Que ce soit en mer de Chine, en mer Rouge, en Méditerranée, en mer Noire ou près des Galapagos, je retrouve toujoursmes traceurs d’impacts datés de 4 000 ans. Mais plus je m’approche des îles Kerguelen et du 69e parallèle sud, plus le nombre de scories porteuses de ces traceurs augmente.”
Les îles Kerguelen - Crédit CNES
En Irlande, Mike Baillie, spécialiste de paléoécologie à Belfast, a repéré un évènement cataclysmique du même type que celui étudie par Marie-Agnès Courty (changement climatique brutal,dû selon lui à l'impact d'une comète) en étudiant les cernes des arbres. Il situe l'événement vers 2350 avant Jésus-Christ.
Si ces hypothèses se révèlent exactes, elles nous ameneront à revisiter quelques grands mythes de l'humanité, tels que celui du Déluge. Car les civilisations d’époque, qui rassemblaient environ 30 millions de personnes, ont dû être frappées par cette pluie de matière brûlante, probablement suivie d'un voile noir persistant durant des mois...
Par-delà les mythes, ce cataclysme, corrélé à la chaine des perturbations climatiques qui a pu en résulter, pourrait apporter un éclairage nouveau à la disparition de certaines cultures situées au Moyen orient et en Asie.
Voici le détail de ce passionnant dossier, avec la synthèse détaillée de Ciel et Espace, les interviews de Marie-Agnès Courty auprès de Futura Sciences, et les références des études pluridisciplinaires (biologie, géologie, archéostratigraphie, etc.) qui se rattachent à ses travaux.
ØDossier Ciel et Espace
Un astéroïde a t'il percuté La Terre à l'époque des pyramides ?
Ø Interviews de Marie-Agnès Courty
- Article Futura Sciences
- Ciel et Espace
http://www.cieletespacephotos.fr/main.php/v/Reportages/Deluge/?g2_page=1
- France Inter
http://geoarch.free.fr/spip.php?article40
Ø Foraminifères, radiolaires
Ø Sphérules
Ø Les îles Kerguelen
http://www.institut-polaire.fr/ipev/les_regions_polaires/iles_subantarctiques/archipel_de_kerguelen
Ø Iridium
ØRecherches de Mike Baillie
Journal of Archological Science 25,2 (1998), pp. 185-86
Ø Akkad
http://en.wikipedia.org/wiki/Tell_Leilan
1 Extrait interviews Ciel et Espace et Futura Science
Bibliographie
H. Weiss et A. Courty, « The Genesis and Collapse of the Akkadian Empire: the Accidental Refraction of Historical Law », dans Liverani (dir.) 1993,p. 131–155 ; débat poursuivi, cf. par exemple S. Cleuziou, « La chute de l'empire d'Akkadé : homme et milieux au Moyen-Orient », dans Les nouvelles de l'archéologie 56, 1994, p. 45–48 et J.-J. Glassner, « La chute d'Akkadé, les volcans d'Anatolie et la désertification de la vallée du Habur », dans Ibid., p. 49–51 ; puis H. Weiss et A. Courty, « La chute de l'empire d'Akkadé ... (suite). Entre droite épigraphique et gauche archéologique, y a-t-il une place pour la science ? », dans Les nouvelles de l'archéologie57, 1994, p. 33–41
Le climat de l'Homme - II: La malédiction d'Akkad . Elizabeth Kolbert. The New Yorker . 2 mai 2005.
^ Leilan.yale.edu , Harvey Weiss et al., La genèse et l'effondrement du Troisième Millénaire nord civilisation mésopotamienne, Science, vol. 291, pp 995-1088, 1993
^ Leilan.yale.edu , HM Cullen, le changement climatique et l'effondrement de l'empire akkadien: Preuve de la mer profonde, de la géologie, vol. 28, pp 379-382, 2000
Mike Baillie, « Third Millennium BC Climate Change and Old World Collapse »
From Journal of Archeological Science 25,2 (1998), pp185,86
Dalfes, H.N., Kukla, G. and Weiss, H. (Eds) 1996
Springer-Verlag (Published in cooperation with NATO
Scientific Affairs Division), Berlin, Heidelberg, New York, Barcelona,
Budapest, Hong Kong, London, Milan, Paris, Santa Clara, Singapore,
Tokyo
ISBN 3-540-61892-9
xiv, 728 pages, 156 figures, 35 tables
Baillie, M.G.L. (2007). Tree-Rings Indicate Global Environmental Downturns that could have been Caused by Comet Debris, Chap. 5 in Bobrowsky, Peter T. and Hans Rickman (eds.), Comet/Asteroid Impacts and Human Society: An Interdisciplinary Approach, Springer-Verlag, Berlin. ISBN 3-540-32709-6, pp. 105-122.
Courty M-A., Goldberg P., Macphail R.L.,Soils and micromorphology in archeology, Cambridge, 1989
Conférence :