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Journal d’un jeune incompris

Mardi 31 août

Rédiger un journal intime a toujours été, pour moi, un projet qui me tenait à cœur. Toutefois, avant même que vous ne teniez des propos calomnieux au sujet de ma prétention outrancière ou de ma fatuité démesurée, je m’empresse de vous expliquer pourquoi je me suis attelé à cette tâche.

D’abord, loin de moi l’intention de faire de ma vie un film à succès qui tienne l’affiche et fasse salle comble pendant des semaines. Qu’on parle de moi m’importe peu. Je suis de nature trop pudique pour n’être pas capable de tenir en bride mon ego.

Au demeurant, me tiendrez-vous rigueur si je vous dis que je vous tiens quitte de lire ces feuillets?

Au final, c’est plus pour moi que pour vous que j’ai écrit ce journal. Je suis quelqu’un de très lucide et je sais que mon œuvre ne verra peut-être jamais le jour: le monde littéraire est une cohue où un garçon de dix-huit ans n’a quasiment aucune chance de tenir le haut du pavé.

Tout ce que j’ai fait participe de la générosité qui me caractérise. En effet, de même qu’il y a ceux qui tiennent maison ouverte à l’attention de ceux qui ont besoin de gîte et de couvert et d’autres qui, par bonté de cœur, tiennent compagnie à des vieillards solitaires, de même, mon cœur mis à nu sera une sorte de don charitablement fait à tous ceux qui ont souffert. Il tient lieu d’une hostie exposée dans l’ostensoir à la méditation des communiants du mystère de l’existence.

Ne croyez pas que ce fût facile de mener à terme ce projet: il a fallu que je tienne tête à mes appréhensions multiples, la bride haute à ma propension d’y régler quelques comptes et ma langue quand je risquais de lever le voile sur l’intimité d’un autre…

J’espère sincèrement ne vous avoir pas trop tenu la jambe !

Au revoir !

Mohamed Néjib TAYEB