pas

Chroniques d'un raté

Sur le sentier de l’amour, il ne faut pas s’engager à pas comptés!

Je l’ai vue, de mes yeux vue –vous dis-je– vue, l’élue de mon cœur. Elle était sur le pas de la porte de son jardin, en train de causer avec le facteur. Je suis revenu sur mes pas l’admirer davantage et mieux apprécier, son allure altière, ses cheveux d’ébène et ses yeux couleur d’amande verte. Ô ! Qu' elle est belle! Sa beauté est à même de mettre au pas le plus farouche des ours.

J’ai pris le parti d’attendre que le facteur s’en aille pour lui parler et, à pas de loup, passant d’un tronc d’arbre à un autre, je suis parvenu à être à quelque pas de cette beauté. Mais à mesure que le temps passait, l’appréhension prenait le pas sur l’audace si bien qu’au moment où le vieux Dupont s’en est allé, je ne suis pas parvenu à sauter le pas et parler à la belle. Je me disais qu’ entre la hardiesse et la goujaterie il n’y avait qu’un pas et qu’il vaudrait mieux patienter un chouïa avant de faire le premier pas. Je me persuadais qu’en amour, la précipitation était mauvaise conseillère et que, pour réussir son coup, il fallait procéder pas à pas. Pendant ce temps, la jouvencelle a tourné les talons et a dirigé ses pas vers chez elle. Ainsi la crainte d’un faux pas m’a fait perdre une belle occasion de l'approcher.

J’ai compris, à ce moment-là, que je marchais sur les pas de mon grand frère qui, à quarante ans, vit en cénobite à cause de sa peur panique des filles. «question que cela se reproduise! Mes premiers pas dans le monde de l’amour ne seront pas un Trafalgar! Je vais de ce pas parler à cette beauté !» me suis-je dit tout en sonnant à sa porte.

Mohamed Néjib TAYEB