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Journal d’un jeune incompris

Vendredi 15 août

Je vais, à l’instar des surréalistes, m’essayer à l’écriture automatique. Je tenterai d’écrire au fil de la plume ce qui me passe par la tête :

«, où es-tu passée? Les femmes et les muses, toutes pareilles! Elles passent leur temps devant le miroir à se faire belles au lieu de nous filer un coup de main! Faut-il que je la passe à tabac, la mienne muse, pour qu’elle daigne me souffler une de ces belles phrases dont elle a le secret! Je ne sais pas ce qui lui arrive ces jours-ci: je lui ai passé commande d’un poème, d’une oraison funèbre et d’une allocution inaugurale et elle les a tous passé à l'as. Il est vrai que j’en suis, en partie, responsable. Mon adorable muse est un tantinet vaniteuse et elle aime bien qu’on lui passe de la pommade de temps en temps. Distrait par d’autres occupations, j’ai oublié, ces temps-ci, de lui passer la brosse à reluire. Elle fait donc grève et passe son chemin chaque fois que je l’appelle.

J’ai vraiment besoin qu’elle passe l’éponge sur ma rusticité au plus vite : mes anciens textes sont passés à la trappe et ma dernière pièce n’a pas passé la rampe. Les critiques m’ont passé au laminoir. En effet, au dernier colloque littéraire, l’un d’entre eux, qui venait de passer mes textes au peigne fin, a révélé au public présent une liste circonstanciée de mes plagiats et mes gallicismes pour dire, à la fin, que je n’étais qu’ un piètre écrivain. A cause de ce type, je suis passé par toutes les couleurs sans pouvoir trouver un mot pour ma défense !»

Passons outre ces insanités. Les surréalistes qui ont préconisé l’écriture automatique n’avaient pas raison. En effet, à lire ce qui est écrit ci-dessus, on voit bien que son auteur, malgré sa volonté de produire un texte littéraire, passe à côté de l’essentiel : toute œuvre exige son tribut de sueur, de réflexion et de travail avant de postuler à une quelconque qualité littéraire.

Mohamed Néjib TAYEB