Le dessin de presse semble d’un accès plus facile à l’actualité que la lecture d’un article en ne posant pas le problème de compréhension en terme linguistique – sauf lorsqu’il s’agit d’en saisir le texte qui l’accompagne. Cependant, si l’on peut décrire les éléments qui le compose, il est moins évident de les reconnaître et de pouvoir les interpréter. Certains symboles peuvent répondre à des spécificités culturelles que le dessinateur partage avec ses lecteurs ainsi que les allusions et stéréotypes qu’il propose. De même, il faut avoir un minimum de connaissance de l’actualité afin de reconnaître les lieux, personnages et actions qui sont représentées. Un travail sur le dessin de presse dans la presse française permettra d’élargir ses capacités à analyser ce type de document et de reconnaître des éléments récurrents dans cet espace culturel.
Le dessin de presse répond à plusieurs fonctions : donner une opinion, critiquer, illustrer l’actualité, faire rire. Ces diverses fonctions peuvent être contenues dans un même dessin.
Nous retrouvons dans la presse le dessin éditorial comme celui de Plantu pour Le Monde donnant l’opinion du dessinateur en regard de l’actualité. D’autres dessins répondent aux mêmes fonctions comme les dessins pamphlétaires de Charlie Hebdo ou les caricatures et dessins satiriques qui peuvent être une allusion ou une attaque à un personnage en exagérant certains de ses traits. Les dessins d’humour cherchent à illustrer un événement en ayant recours au rire et à la moquerie.
Diverses techniques et procédés peuvent être employés par le dessinateur de presse1 :
Le paradoxe par lequel il s’agit d’illustrer une situation contraire à ce qu’il est coutume de penser.
La caricature en montrant et développant certains aspects d’un personnage.
La répétition qui, outre le comique de répétition, lorsqu’elle est associée à une chute retournant la situation présentée, révèle les contradictions d’une situation.
L’allégorie personnifie une idée abstraite par un personnage auquel sont associés certains symboles caractéristiques (Anastasie et ses ciseaux pour personnifier la censure).
L’utilisation d’un stéréotype cherche à rendre reconnaissable une situation ou un groupe social ou culturel par l’idée dont se fait communément le public cible (les patrons en costume et fumant un cigare)
La provocation cherche à faire réagir en transgressant certaines normes sociales, langagières ou culturelles (par ex. les dessins relatifs à la religion).
L’allusion consiste à évoquer une certaine chose ou personne de manière indirecte. Sa compréhension peut être difficile à des lecteurs hors de la sphère culturelle. (par ex. parler du restaurant « Le Fouquet's » pour parler des amitiés privilégiées de M. Sarkozy avec certains hommes d’affaires d’importance qu’il y a rencontré le soir de son élection en 2007).
La comparaison de plusieurs situations met en valeur ce que le dessinateur peut vouloir critiquer.
L’ironie consiste à faire comprendre le contraire de ce que l’on dit réellement afin d’accentuer le ridicule ou le décalage d’une situation.
Le détournement consiste à utiliser un objet ou symbole pour une autre fonction que celle pour laquelle il est destiné.
La métaphore exprime une abstraction ou un concept par un objet dans un rapport d’analogie.
L’anachronisme est un mélange d’éléments d’époques différentes (par ex. représenter un homme politique actuel en Napoléon afin d’en critiquer l’autoritarisme)
Pour analyser d’un dessin de presse, l’étudiant en fera la description (la dénotation) et cherchera à en interpréter la signification (la connotation).
La description concernera celle des lieux, des personnages (sexe, âge, attitudes…), des objets, de la position des divers éléments présents, des actions, de l’utilisation des codes de couleurs, de la lumière et des ombres. On portera également attention au texte concernant les paroles exprimées par les personnages dans les bulles, le titre ou la légende et aux codes sonores (onomatopées et bruits)
Pour faire l’interprétation du dessin, on s’attachera à expliquer la signification des symboles et à retrouver les techniques et procédés utilisés pour développer le message que le dessinateur cherche à faire passer. On en indiquera également la fonction.
Ce dessin sera mis en perspective avec l’actualité à laquelle il se réfère ainsi qu’avec la place qu’il occupe dans le journal, en tant que dessin éditorial, dans la rubrique « opinions » ou en illustration d’un article.
Activité :
L’étudiant s’intéressera à étudier divers dessins de presse afin d’élargir sa connaissance des symboles, techniques et procédés utilisés. Une lecture régulière de la presse lui permettra de comprendre plus aisément le contexte d’un dessin d’actualité.
Nous pouvons retrouver de grands noms de dessinateurs sur le site de l'organisation initiée par le dessinateur français Plantu : http://www.cartooningforpeace.org/
Autres caricaturistes:
Plantu (Le Monde - France): https://twitter.com/plantu
Chappatte (Le Temps - Suisse + New York Times): https://twitter.com/chappatte
Dilem (TV5 et Liberté Algérie): http://information.tv5monde.com/dilem; https://www.liberte-algerie.com/dilem
Kroll (Le Soir - Belgique): https://www.facebook.com/PierreKroll/
Shooty (DennikN - Slovaquie): https://dennikn.sk/komentare/shooty/?ref=menu
Dans la Pravda (Slovaquie) : https://nazory.pravda.sk/kresba/
1Cahier pédagogique de l'exposition « Cartooning for peace »: http://www.cartooningforpeace.org/wp-content/uploads/2012/04/GENEVE_PEDAGOGIQUE.pdf
Voici un extrait d'un éditorial de Riss, directeur de publication de Charlie Hebdo, au sujet des limites de la liberté d'expression. Quelles sont-elles ?
À l’occasion de la sortie du livre Charlie Hebdo, 50 ans de liberté d’expression, une question nous est souvent posée : a-t-on le droit de rire de tout ? La réponse que nous faisons est simple : la loi définit un cadre suffisamment grand pour exprimer nos opinions, et nous acceptons qu’en matière de liberté d’expression, comme pour les autres libertés fondamentales, il existe des limites qui ne sont pas celles d’une censure qui réprime, mais celles du droit qui protège autrui des excès que sont la diffamation, l’injure, l’appel au meurtre ou l’incitation à la haine raciale. Charlie Hebdo a toujours milité contre toutes les formes de censure, mais n’a jamais eu la naïveté de croire qu’aucune borne n’était nécessaire et que la loi n’avait pas la légitimité d’en créer pour servir l’intérêt général.
Les impuissants au pouvoir, Riss, paru dans l'édition 1472 du 7 octobre 2020