Résumé
Londres, au début de l'hiver... Lynley, Havers, Nkata, Saint James et les autres sont sur le pied de guerre, pour traquer un adversaire particulièrement redoutable : un meurtrier en série dont les cibles sont de jeunes métis laissés-pour-compte.
Est-ce pour cela que leur disparition est, dans un premier temps, passée inaperçue ? Toujours est-il que la police n'entame que tardivement les recherches. Consciente de l'ampleur de la tâche, la hiérarchie de Scotland Yard convoque pour prêter main-forte à Lynley un psychologue formé au métier de profileur. Persuadé que celui-ci va lui mettre des bâtons dans les roues, Lynley se braque. L'enquête démarre à grand renfort de publicité. Les conférences de presse du chef de la police se succèdent, auxquelles est instamment prié d'assister le sergent noir Winston Nkata. Histoire de montrer qu'au Yard, on n'a pas de préjugés racistes.
Les victimes appartenant à des milieux défavorisés, le lecteur pénètre dans le Londres strié de suie et de graffitis des zones sensibles. Aux antipodes des quartiers cossus où vivent Lynley et ses semblables...
Précisions
SPOILERS : Je mets ici la traduction du commentaire qu'Elizabeth George a fait sur ce roman, sur son site officiel (Rubrique : Essays By Elizabeth George => Elizabeth's message to readers, about With No One as a Witness).
Je n'ai rien d'une traductrice professionnelle. Je fais simplement une traduction sommaire de cet article pour ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas le lire en anglais.
De plus comme toujours, je traduis, je mets en ligne, plus tard je me relirai et vais sans doutes m'exclamer "Audrey, comment as-tu osé publier une page avec tant de fautes !".
Merci donc de faire preuve d'indulgence, et bien sur, toute aide ou correction est la bienvenue.
Message d'Elizabeth George pour ses lecteurs.
C'est de ma relectrice de longue date que j'ai eu la première indication que mon treizième livre, Sans l'ombre d'un témoin, avait le potentiel de toucher à un profond niveau émotionnel mes lecteurs du monde entier. Quand Susan a fini de lire le second jet, la première chose qu'elle m'a dite était que quand elle a atteint le passage avec la mort de la femme de Thomas Lynley, elle a du mettre le livre de côté pendant quelques jours avant de pouvoir continuer. J'ai compris sa réaction, d'autant qu'elle m'avait clairement dit depuis longtemps qu'Helen était son personnage favori. Mon second relecteur, qui avait le troisième jet du roman a eu à peu près la même réaction. Cependant, aussi bien Susan que Mims ont dit qu'ils attendaient de voir ce qui arriverait par la suite dans la vie de Lynley, tout en voulant comprendre pourquoi j'avais pris la décision d'éliminer un de mes cinq personnages principaux, et de le faire de façon aussi brutale et inattendue.
Étant donné que c'est une question qui m'a été posée très fréquemment pendant ma tournée nationale de signatures - aussi bien celle de Sans l'ombre d'un témoin, que celle du roman suivant : Anatomie d'un crime - je veux donner à mes lecteurs qui n'ont peut-être pas eu la possibilité de venir à une de mes séances de dédicaces aux Etats-Unis, Angleterre, Allemagne et Australie, la chance de connaître un peu du processus qui m'a amené à prendre la décision de supprimer Helen.
Pour comprendre cette décision, vous devez prendre en compte les deux alternatives qui s'offrent à un écrivain quand il décide de créer une série avec des personnages récurrents. Une série de ce genre peut être traitée en figeant les personnages dans le temps, les lieux et les évènements. Ou elle peut être traitée en autorisant les personnages à mûrir, changer, évoluer dans le temps. Les personnages qui ont été figés dans le temps, les lieux et les évènement sont par exemple Hercule Poirot, miss Marple, Sherlock Holmes (à l'exception évidente du voyage aux chutes d'eau) et le Dr Watson. Plus schématiquement peut-être, Nancy Drew est figée dans le temps, lieu et contexte, étant cette éternelle vieille fille de 70 à 80 ans dans un cabriolet qui est devenu par la suite une voiture de sport. Le langage évolue. Pas Nancy.
D'un autre côté, nous trouvons des personnages qui ne sont pas figés dans le temps, lieu et contexte, mais qui vont de l'avant, évoluent, changent et se développent dans les livres de Martin Cruz Smith avec Arkady Renko, dans les romans de Winston Graham avec Poldark, ainsi que dans les livres pour enfants de Laura Ingalls Wilder avec ses "Little House Books" et ceux de L.M. Montgomery avec les livres sur "Anne of Green Gables".
Quand un écrivain écrit des romans policiers et que les personnages récurrents sont figés dans le temps, lieu et contexte, le lecteur se focalise exclusivement sur le crime à élucider et sa résolution. La lecture consiste alors à découvrir qui a commis le crime avant que l'écrivain donne la réponse. Avec ce genre de livre, il n'est pas demandé au lecteur de s'attacher aux personnages mais plutôt de participer à un jeu mental avec l'écrivain. Par conséquent, la plupart des personnes ne lisent pas Agatha Christie pour en apprendre plus sur la vie d'Hercule Poirot ou celle de Miss Marple. Poirot et Miss Marple ne changent pas d'un livre à l'autre, rien ne change dans leur vie, ce sont des détectives qui emmènent le lecteur dans une aventure autour d’un crime. De plus il n'est pas demandé au lecteur de s'intéresser particulièrement à la personne assassinée ni aux suspects dans ce genre de romans qui sont généralement lus pour se divertir et non pour vivre une expérience blessante ou enrichissante pour l'âme.
Malheureusement, avec un choix de personnages qui par décision de l'auteur ne changent pas du tout, l'écrivain court le risque de créer ce que j'appellerais "la scène obligatoire". Ce que j'entends par là est que l'écrivain commence à penser que, par exemple, tante Maria Lucia - qui a été introduite dans le premier roman, qui prépare bien la cuisine italienne, qui a l’oreille compatissante, avec un sens de l'humour, un bec-de-lièvre, [an overbite and, alas, exophthalmic eyes], doit apparaitre dans chaque livre, cuisinant de bons plats italiens, faisant des commentaires sarcastiques et ayant l'oreille compatissante. Alors l'écrivain la met dans chaque roman, peu importe si sa présence a un rapport avec l'histoire. Le problème est que l'écrivain finira par se trouver à court de recette italiennes, de commentaires sarcastiques pour cette pauvre tante Maria Lucia, et au final le personnage deviendra aussi lassant que ses pizzas.
D'un autre côté, quand les personnages principaux ne sont pas figé dans le temps, lieux, et contexte, le lecteur reçoit beaucoup plus d'éléments et s'en préoccupe plus. L'écrivain fait son possible pour faire de ses détectives des individus réels, vivant de vraies expériences humaines. L'écrivain essaye également de donner complètement vie aux personnages affectés par le crime, en plus des personnages récurrents. Les romans concernent les personnages. Il y a un mystère à résoudre (puzzle à reconstituer) mais ce n'est pas l'objectif principal de l'écrivain.
Assez tôt, avant de me lancer dans mon premier essai d'écriture sur des crimes anglais, j'ai pris la décision de créer le second type de série, autorisant mes personnages à évoluer et mûrir dans le temps. J'ai fait cela pour une seule raison : j'aime écrire le genre de livre que j'aime lire. Personnellement, je n'aime pas particulièrement lire des livres qui se résument à un puzzle à reconstituer, sans se préoccuper des personnages. Je n'aime pas plus les romans d'intrigue comme le Code DaVinci. Je préfère que mes lectures m'exposent aux personnages avec leur misère, leurs joies, leurs défis et leurs succès. Ce sont des personnages qui reflètent ce que William Faulkner disait que tous les personnages devraient refléter : le cœur humain tourmenté.
S'étant embarquée dans une série dans laquelle les personnages ne sont pas figés, l'écrivain doit s'assurer que chaque changement qu'il fait est un changement qui ouvre l'histoire, pas un qui la ferme. Des écrivains de soap opéra ont compris ce principe : Quand John et Mary, après une cour agonisante de sept longues années - [finally seal the deal, you can depend upon something coming up fairly soon to destroy their marital bliss]. Une épouse disparue depuis longtemps et déclarée morte va réapparaître. Un enfant illégitime auparavant sombre secret dissimulé va frapper à la porte. Quelqu'un sera écrasé par un camion. Quelqu'un va devenir amnésique ou au contraire retrouver la mémoire, idem avec la paralysie ou la perte de la vue. Vous mettez ce que vous voulez. Ca n'a pas d'importance. Ca arrivera. Et ça arrivera parce que, quelque soit la chose dont il s'agisse, elle sert à ouvrir l'histoire.
Pendant peut-être six ans avant d'écrire "Sans l'ombre d'un témoin", je savais qu'Helen Clyde - comme je l'ai toujours nommée - allait mourir. Quand on me demandait à des séances de dédicaces si je me débarrasserait un jour d'un de mes personnages, j'ai toujours répondu avec honnêteté : "Oui. Il est prévu qu'un des personnages meure". Mais je cherchais le moyen de mettre en scène cette mort, et ce devait être un roman dont le thème supporterait non seulement l'histoire d'un crime, mais également cette douloureuse perte pour Lynley. Quand j'ai commencé à penser à "Sans l'ombre d'un témoin", j'ai compris que j'avais [trouvé le bon roman pour cela]. Je savais que ce développement ne serait pas populaire, mais je savais également que ce serait artistiquement approprié.
Pourquoi ? La réponse est simple. La mort d'Helen, contrairement à celle d'aucun autre personnage, avait le potentiel de toucher de façon importante tous les personnages qui lui survivraient. Sa mort était comme une grenade lâchée dans leur esprit : les conséquences m'autorisaient une myriade d'histoires, basées sur l'impact dévastateur de ce crime sur les autres personnages. La mort d'aucun autre personnage n'aurait fait cela pour moi. Aucune autre mort ne s'en serait même approché.
Des personnes m'ont demandé pourquoi j'avais choisi de la tuer d'une façon aussi brutale et dénuée de sens. La réponse est simple : parce que c'est ainsi que les gens meurent tout le temps. A Londres. A New York. A Los Angeles. A Washington D.C. Partout dans le monde. Des personnes sont au bon endroit - à la maison, au travail, dans un restaurant, à la plage, dans un centre commercial, dans le métro - au pire moment possible. Jill Dando, personnage public de la télévision britannique a été tué justement de cette façon, juste devant chez elle dans un quartier ordinaire de Londres. En décembre dernier, un avocat a été assassiné - sans raison - alors qu'il sortait de la station de métro de Kensal Green. Il y a quelques années, un garçon âgé de 2 ans, James Bulger, a été capturé dans un centre commercial en Angleterre par deux garçons de 10 ans, et brutalement torturé et assassiné, son corps laissé sur une voix de chemin de fer pour être coupé en deux par le prochain train. Malheureusement, c'est le genre de choses qui arrivent dans notre monde, et depuis le début de ma carrière, je voulais que mes livres reflètent notre monde.
Des lecteurs diront "Je ne lis pas pour être exposée à ce qu'il y a dans notre monde. Je lis pour m'évader de la réalité". A ces lecteurs je dois dire avec regret "Alors vous devez lire les romans de quelqu’un d’autre". Depuis mon premier roman, j'ai évoqué des sujets lourds : l'inceste, trahir son pays, la pornographie, le harcèlement à l'école, les naissances illégitimes, les mariages arrangés, la drogue, la prostitution, le sado-masochisme, etc. Je n'ai pas de raison d'écrire, je pense, si mes romans ne montrent pas un portrait du monde tel qu'il est.
Les lecteurs diront alors : "Ne vous souciez-vous pas de nous ? De ce que nous voulons lire ?". Et là il me faut répondre : si je me concentrais uniquement sur ce que je pensais que le lecteur veut lire, je devrais à chaque pas réfléchir à deux fois et je finirais pas écrire [I would end up writing to a formula]. Ce serait quelque chose de ce style : Le personnage de Barbara Havers est autant apprécié que celui de Lynley ; les lecteurs veulent voir ces deux personnages résoudre des crimes. Par conséquent, je devrais construire chaque livre autour de cela. En pensant de cette façon, l'histoire s'essoufflerait, tournant toujours autour de Lynley et Havers, et plus important, en ne me laissant aucune opportunité d'exposer le lecteur a un plus grand univers, ni de m'exposer à un plus grand défi artistique. L'intérêt pour l'écriture me quitterait et les livres giseraient inertes, sans vie et sans passion.
Tout ceci me ramène inéluctablement à la mort d'Helen Clyde. La philosophie à laquelle j'ai toujours adhéré est la suivante : quand un écrivain écrit, comme John Steinback l'a dit de façon si éloquente, il cherche à former une trinité, et cette trinité n'existe que si le travail, l'écrivain et le lecteur sont réunis. C'est une communion dans laquelle le lecteur est invité dans un monde créé par l'écrivain et où on lui demande de ressentir quelque chose à propos de ce monde et des personnages qui s'y trouvent. C'est le but des romans. D'un certain côté bien sur les romans divertissent. Mais d'un autre, à un niveau plus profond, ils émeuvent. En créant les scènes qui ont mené à la mort d'Helen dans Sans l'ombre d'un témoin, j'ai cherché à mettre le lecteur dans la position de Lynley. Mon but était que le lecteur ressente, - même de façon marginale - un peu de ce que Lynley ressentait quand il a du autoriser l'arrêt des machines qui maintenaient en vie sa femme et son fils. Si le lecteur avait terminé le roman, l'avait mis de côté, puis était allé dans sa cuisine prendre une bière et un sandwich, le roman aurait échoué dans son but. Il n'y aurait eu aucune trinité. Mais les lecteurs n'ont pas fait cela. Ils se sont senti concernés par ce roman. Ils ont pleuré. Ils ont éprouvé de la colère. Ces réactions ont montré que le roman avait réussi à faire ce que les romans sont toujours supposés faire.
Des personnes m'ont demandé : Etiez-vous préparée à la réaction violente de vos lecteurs ? Et à cela je dois répondre non. Bien que j'ai su que ce roman affecterait les personnes - comme je l'ai dit précédemment en me basant sur les réactions de mes relecteurs - je ne savais pas comment les lecteurs réagiraient. Je n'imaginais pas non plus qu'il y aurait des personnes qui n'arriveraient pas à contrôler leurs émotions pour arriver au point où ils reconnaissent le pouvoir qu'ont les mots pour les émouvoir avant de donner voix à leur réaction initiale.
J'ai reçu tout type de lettres de la part de personnes, ayant tout type de vie et venant de tout le globe. Certains d'entre eux [ont pesté contre mois avec fureur/ railed at me furiously], d'autres ont dit bravo pour un travail bien fait, d'autres ne se préoccupaient de rien d'autre que le fait qu'Helen Clyde soit morte, tuée par moi, et ils se trouvaient - comme Lynley - en pleine tourmente.
Dans le roman qui suit, Anatomie d'un crime, je voulais m'éloigner de la mort d'Helen et la voir d'une perspective totalement différente. En créant ce roman, je savais que je pourrai créer une controverse chez mes lecteurs car j'excluais totalement du livre les principaux personnages, pour ne laisser qu'une brève apparition à Winston NKata et Barbara Havers dans les dernières scènes. Mais je voulais accomplir deux objectifs. Je voulais revenir en arrière dans le temps et tourner le prisme de la mort d'Helen pour permettre au lecteur de voir les évènement qui ont amené à cela, mettre le lecteur dans la position de tout connaître de ce crime, plus que la police ne le saura jamais. Je voulais également forcer le lecteur à se préoccuper de Joël Campbell autant qu'il se préoccupait d'Helen Clyde, bien qu'il ait participé à sa mort.
A l'origine, l'histoire de Joël faisait partie du roman précédent, Sans l'ombre d'un témoin, et mon intention était de créer cette histoire [as part of an hour-glass plot structure]. Mais tandis que je la rédigeais, j'ai commencé à réaliser qu'il s'agissait d'une histoire plus importante que ce qui pouvait être mis en histoire secondaire dans un livre. J'ai vu tout l'aspect social, culturel, émotionnel, familial, et psychologique avec lesquels Joël devait faire, ne pouvaient être correctement traités sans que Sans l'ombre d'un témoin fasse plus de 1500 pages. Cela me semblait trop long, obligeant le lecteur à se souvenir de plus d'une trentaine de personnages. Alors j'ai supprimé tout ce sujet et quand il a été temps d'écrire le roman suivant Sans l'ombre d'un témoin, l'histoire de Joël était ce que je voulais écrire.
J'ai été largement satisfaite de la réaction à ce roman. Dès qu'un écrivain dévie de la norme - la norme étant ce qu'il écrit habituellement - c'est quelque chose d'effrayant. Il ne sait pas comment les vendeurs, les lecteurs, les éditeurs et les critiques vont réagir. Le fait que certains lecteurs aient choisi de ne pas le lire parce qu'il n'est pas à propos de Lynley et Havers m'attriste, c'est vrai. Mais j'ai été autrement excitée par la façon dont le roman a été encensé par mes autres lecteurs, mes éditeurs, mes collègues et les critiques. Le voir apparaître dans la liste des meilleurs romans de 2006... Ca a été une expérience magnifique qui m'a montré que le risque en valait la peine.
Lynley revient dans le roman suivant, Le rouge du péché, qui, je l'espère, sera apprécié des lecteurs. Cela se passe quelques semaines après la mort d'Helen, il est en Cornouailles, ou il essaie de se remettre. En allant en Cornouailles, son intention était de ne jamais être un policier à nouveau. Mais les choses ne se passent pas comme il l'entendait. Comme c’est souvent le cas dans la vie en général.
Whidbey Island, Washington
14 Février 2007
[NDM (Note de Moi ^^) maintenant que vous avez eu une traduction approximative, je vous recommande de lire l'article original sur le site d'Elizabeth George]
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