La 7ème Compagnie du II/117e RI
Bellefontaine (oct - déc 1962)
"Sous le commandement du capitaine SEITZ et de son adjoint le lieutenant N..., nous prenons possession de notre cantonnement à Bellefontaine, un lieu à protéger car il recèle une fabrique d'explosifs. Sa situation est proche de ROCHER NOIR (une plage à l'est d'Alger) le nouveau gouvernement algérien a jeté ses bases provisoires dans cette nouvelle cité tout en béton. Des négociations sont toujours en cours avec notre gouvernement ce qui nous interdit fréquemment la voie d'accès vers Alger. La Cité administrative de Rocher-Noir où étaient installés le délégué général Jean Morin, le haut-commissaire Christian Foucher puis, un peu plus tard, l’Exécutif provisoire présidé par Abderrahmane Farès et « chapeauté » par Bernard Tricot, devenu pour la circonstance délégué du haut-commissaire. Tout ce beau monde transitait par la base de La Réghaïa dotée d’une escadre d’hélicoptères.
Les deux nouveaux officiers gèrent la compagnie avec beaucoup de pragmatisme. On dit qu'ils viennent tous deux de la Légion. Je ne me souviens plus des écussons.
Affecté moi-même dans cette unité en juillet 1962 après la dissolution du 4e Régiment de Tirailleurs, j'avais gardé les attributs de mon ancien corps. Ils savaient que nous avions une existence limitée dans le temps et qu'un départ pour la métropole était imminent. Leur seul souci, est la sécurité du dépôt d'explosifs et la pérennité du site de fabrication. Le reste du temps, hors service, nous étions libres d'agir à notre guise, sans pour autant nuire à la sérénité des lieux. Lors de nos déplacements, nous avions constaté un pillage des biens occasionné par le départ précipité des Européens pour la France ou d'autres horizons. Certains ne voulurent pas que les pilleurs soient les seuls à profiter du butin, ils les en privèrent en ponctionnant le matériel encombrant, tels que les frigos, rares dans les familles françaises à l'époque). Un petit stock s'amoncelait hors du cantonnement dans l'attente de remplir un container. Je n'ai pas le souvenir que l'opération se réalisa car le stock était encore là à notre évacuation des lieux.
La période algérienne se termine avec une rancœur et un goût amer indéfinissable. Chacun ressasse son parcours et revoit les images bonnes et mauvaises à la fois. Cette tragédie aurait pu être évitée si De Gaulle en 1945 avait donné l'Indépendance à toutes les Colonies sur le champ et sans contrepartie. C'est toujours le peuple qui supporte les imprévisions des politiques et c'est le peuple qui est accusé de tous les maux. Combien de morts et de drames auraient pu être évités en Indochine, au Maroc, en Tunisie, à Madagascar et enfin en Algérie. Quel gâchis, mon Général !"
Loisirs et distractions
Hors service, nous errions dans ce cantonnement comme des âmes en peine, cela changeait peu des mois et années précédents, mais c'était la guerre, on avaient bien d'autres soucis comme le maintien en condition, l'entretien de l'armement et du matériel, à l'instruction de ses hommes, le reste du temps, quand il en restait, c'était réservé au courrier, à l'écoute d'un disque, à la lecture ou au bavardage au cercle devant un verre...Mais ici, plus de temps morts que de coutume, une fois les tâches énumérées ci-dessus, il fallait trouver autre chose. Les sorties extérieures étaient proscrites à cause des événements revanchards. Des concours de belotes étaient initiés. Puis en petit comité, des tournées de tarots interminables, jusqu'à l'aube. Au début, pas très attrayantes, on jouait pour des haricots, vient ensuite une attractivité plus prisée, les points payants en petites monnaies, qui au bout de la nuit finissait toute de même en somme conséquente. Pour les plus sportifs, des matchs de foot et de pétanque sur un sol caillouteux occupaient sereinement tout un petit monde , officiers compris, tant qu'il faisait jour.
Parfois, un artiste se produisait à la béate contemplation générale. Dans une chambrée, un gitan endiablé, nous agrémenta d'un prodigieux répertoire andalou sur sa guitare à la limite de l'explosion. Rares moments constructifs qui généraient des langueurs ou de la nostalgie.
Sergent-chef Louis ( huit ans de présence en A.F.N. Maroc et Algérie).
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Fin de la correspondance d'Algérie.
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