1961

Le quotidien d'un sergent-chef des Transmissions en poste dans la région de Fondouk-Rivet et particulièrement à la ferme Barnabé de 1958 à 1959.  Baudoin Michel.

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L'album du lt colonel Jean ROBERT commandant le 2e bataillon du 117e RI 

et le quartier de Rivet (décembre 1961)

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Du Sergent André.F. classe 60/2A, du II/117° RI – 6 ème Compagnie, en poste à la ferme « BARNABE » à 4 km de FONDOUK, de janvier 1961 à juin 1962. Juillet à HUSSEIN-DEY,   août à ALMA MARINE, puis finalement à MENERVILLE jusqu’à la quille le 22 septembre 1962. ( Peloton d’élèves sous-officiers en avril 1961 à DELLYS) :

 

 

« Désigné en renfort pour le 117 RI, plan Orléans VI, j’ai débarqué sur le sol algérien le 18 janvier 1961, après 4 mois de classe au 92 RI à Clermont-Ferrand. J’ai donc été incorporé avec la 60/2A. Sur le port d’ALGER nous avons embarqué sur des GMC direction BLIDA, le QG du 117e RI. A BLIDA, de nouveau dispersion dans les bataillons du régiment, pour moi le point de chute était le 2e bataillon du 117/RI basé à BOU KANDOURA près de la petite ville de L’ARBA

Réception par le chef de bataillon, le commandant Masson et réembarquement pour la 6e compagnie basée à quelques kilomètres près de FONDOUK, et plus précisent à la ferme BARNABE à proximité d’une cave coopérative tenue par un Pied Noir. Il faisait nuit, et dans les GMC sans capote nous étions gelés, protégés et encadrés par des harkis. Seuls le chauffeur et le chef de bord au grade de caporal chef étaient des français appelés. Mais pas un seul mot de leur part pour nous réconforter, nous étions des ‘’bleus bites’’. A l’arrivée (de nuit) nous avons été accueillis par l’adjudant chef Merkel, qui s’est comporté comme un vrai père. Le cuisinier aussitôt nous a préparé de beaux steacks et il était temps d’aller se coucher. Ce renfort était de six appelés, tous venant du 92e RI, (Cussinet, Cordier, Perreira, les jumeaux les deux frères Crétin, et moi-même). Je me souviendrai toute ma vie de cette première nuit en Algérie, une chambre glaciale où la porte fermait très mal et qui desservait la chambre des chauffeurs, et de deux sergents appelés. Il y avait sans cesse des passages, et la porte faisait rentrer le froid à chaque ouverture. 

Le matin nous avons été réveillés très doucement et gentiment par l’adjudant-chef, et comme de bons petits bleus que nous étions aussitôt nous avons exécuté les ordres. Ce qui ne fût pas le même tabac quand il fit irruption dans la chambre des chauffeurs, là nous avons vu passer une avalanche de rangers, accompagnée de mots doux à l’encontre du chef Merkel, nous étions complètement ébahis d’une telle révolte envers un supérieur. Nous n’étions pas habitués à tant d’indiscipline au 92e RI. Le lever des couleurs s’est fait avec le trompette, l’adjudant-chef, et nous, les 6 bleus. Plus tard, nous avons appris que ces gars étaient de la 58, tous des anciens crapahuteurs qui revenaient de PALESTRO, et que nous n’avions pas intérêt à les contrarier. La Compagnie avait été mise au repos dans cette ferme. Nous avons par la suite très vite adopté le pli des anciens, à savoir qu’au lever des couleurs il n’y avait plus que le trompette et Merkel. Cette première matinée nous a permis de faire connaissance avec le capitaine Debelle, commandant de la 6e Cie. Chacun de nous s’est présenté pour un court entretien. Pour mon cas personnel, il m’a tout de suite dit que sortant d’une section d’élèves gradés et ayant obtenu le P1, je serai appelé à passer le P2 (peloton de sous-officiers), et qu’avec mon métier de dessinateur il ferait appel à moi pour mes facilités d’écriture à la plume bâton. Au terme de cette rencontre, il a pu faire le tri des soldats qu’il garderait au PC et ceux qu’il enverrait dans les sections. 

- Cussinet R. jouait dans la fanfare de son village, le poste de clairon lui tendait les bras dès le départ du quillard de la classe 59. Dans le civil il était peintre en bâtiment. 

- Perreira L. était lui aussi dans le bâtiment. Ces deux personnages sont donc restés au PC.

Par la suite, seul Perreira fut amené à se déplacer dans les postes pour mettre ses talents de maçon au service des chefs de section. 

- Cordier R. était de Lyon et devait avoir son permis, donc intéressant comme futur chauffeur. 

- Les jumeaux Crétin furent mutés au poste de Zaïane, le plus mal placé, ce n’était pas par mesure disciplinaire, mais il fallait renforcer ce poste qui était souvent canardé la nuit. 

- Moi, j’ai été affecté à la commandement, dans une section qu’on appelait ‘’contact’’. Nous étions chargés de faire le recensement des naissances, des décès, et surtout rassurer de notre présence la population. Puis, le major m’a souvent appelé pour me servir de la plume bâton, faire les titres des cahiers, faire les étiquettes et mettre le tableau des effectifs à jour. 

Les postes dépendants du PC de la 6e Compagnie se trouvaient dans un rayon de 5 km environ : 

- le 1er était situé sur le hameau de DIB, pas très loin de la piste d’avions de Maison Blanche

- le 2e était à Zaïane, le plus mal placé, en montant sur les montagnes de PALESTRO.

Deux fois par jour un camion faisait la liaison avec les postes pour amener la nourriture dans des norvégiennes, et le courrier, très attendu par tous les appelés. Une section était programmée pour la semaine pour nommer un chef de bord, avec une escorte de 4 soldats minimum, armés jusqu’aux dents. 

Le soir avant la tombée de la nuit, nous devions aussi amener aux hameaux appelés Ouada et Chebenchec, les armes pour les civils, qui étaient chargés eux-mêmes d’assurer leur défense pour la nuit (des vieux fusils de chasse et des Lebels). Beau folklore !!! 

La HARKA

 

Le 1er mars 61, le capitaine me passe au grade de caporal et me mute à la harka. Mon chef de section était un caporal-chef parisien qui était à quelques jours de la quille, classe 58. Cette promotion ne m’apporta pas que des avantages, je dus aller m’installer avec les harkis. Une bonne vingtaine de harkis pour deux appelés français, la catastrophe. Le logement était une ancienne écurie, divisée en boxes, et dans chaque boxe, des lits superposés. Le placard pour mettre notre paquetage était la mangeoire à chevaux, autrement dit le paquetage restait dans le sac et les affaires personnelles dans notre valise, à l’abri du vol. L’hiver il y faisait très froid, juste un poêle à bois, et cette immense porte d’écurie mal fermée.

J’avais au-dessus de moi, un jeune harki de notre âge, et comme les râteliers d’armes n’existaient pas encore, sa mat 49 et ses grenades étaient entre son sommier et son matelas. Il a fallu attendre le mois de mars 1962 pour s’équiper de râteliers avec un cadenas pour entreposer les armes dans les chambrées. A cause surtout des vols d’armes par les harkis.

La carrière de ce jeune soldat harki s’est terminée tristement après les accords d’Evian en 1962. Une nuit, pendant son tour de garde, il a déserté avec sa MAT 49  pour se présenter aux fells, croyant pouvoir se racheter.

Quelques jours plus tard, il a été retrouvé, égorgé, et pendu par les pieds dans un puits. 

Le soir où nous avions une embuscade, mon caporal-chef appelé ne voulant pas prendre de risque nous invitait à passer les deux ou trois heures à ‘’la cote 2000’’. En langage décodé, c’était sur les cuves à vin, en béton, de la cave coopérative à côté du poste. Les harkis mariés rentraient à la mechta et le reste de la section attendait patiemment et en silence l’heure de la rentrée.

Dans cette harka, j’ai donc fait connaissance avec les grandes opérations héliportées, les accrochages, les embuscades et les interventions de nuit, et les escortes privées mais sympathiques du capitaine.

 

Pour ma première grande opération j’ai eu droit au baptême du feu, nous avons dû faire appel à l’aviation avec ses T6 pour en venir à bout. La base de Maison Blanche n’était pas loin. La colline brûlait de partout. Mon capitaine était en contact avec les pilotes.  

A la fin de l’accrochage, il fallait identifier les rebelles tués. Puis soudainement les tirs recommencent, nous entendons de grandes rafales de PM et de FM. Sur le coup, nous pensions que l’accrochage recommençait, puis après interrogation du capitaine, le radio répond, non ce sont les harkis qui coupent les têtes des cadavres au PM pour l’identification. Ils ne veulent pas remonter les corps depuis le fond du talweg.

 

Mais, au bout de quelques temps changement de décor, mon caporal-chef rapatrié est remplacé par un sergent harki, bourré de décorations. Plus d’embuscade à la ‘’cote 2000’’, les choses devenaient sérieuses, pénibles et risquées. En embuscade de nuit, comme caporal je faisais l’éclaireur de pointe. Combien de fois je me suis fait reprendre parce que je ne passais pas au bon endroit, là où était censé passer les fells.

Il faut dire que nous n’avions pas les mêmes intérêts, nous les appelés et eux les harkis. Ils touchaient ‘’la prime à la tête’’ mais pas nous.

Arrive le ramadan, alors c’est la cerise sur le gâteau ! Opération le jour, embuscade la nuit, et au moment de dormir, tu as la lumière, le bruit, la musique et les odeurs de bouffe. Pas moyen de dormir pour reprendre des forces. 

Je demande un entretien avec le capitaine qui m’explique que le seul moyen de m’en sortir est d’accepter de faire le P2 et ainsi d’accéder au grade de sergent. Le salaud, il avait bien calculé son coup, il se souvenait de notre premier entretien où je lui disais que je n’étais pas intéressé par sa proposition de devenir sous/off. Je lui avais donné mes raisons à savoir qu’au terme des 18 mois réglementaires mon employeur, la Cie Nationale du Rhône m’envoyait la paye que je touchais dans le civil. Bête et discipliné et comme je voulais sortir de cette écurie, c’était le seul moyen. Donc OK le 1er avril 1961, je pars au CFSO de DELLYS pour deux mois (Centre de Formation des Sous-Officiers).

J’en ai bavé, la chaleur, et surtout quand il fallait faire le parcours du combattant, moi qui ne suis pas très grand pour sortir de la fosse. [trou au carré aux murs lisses de 2 m.]

 

Mes deux mois à DELLYS m’ont permis d’être nommé au grade de sergent le 1er août 1961. 

Sergent aux deux fonctions

De retour à la ferme BARNABE, plus d’opérations, plus d’embuscades.

 J’oubliais de vous parler de l’adjudant-chef Merkel, ce drôle de personnage. Figurez-vous qu’au terme de sa carrière militaire, il refusait de rentrer chez lui. Il disait au capitaine Debelle ‘’Que veux-tu que je fasse en France plus personne ne m’attends, ma femme je n’ai plus de nouvelle, je n’ai personne, ici je suis bien avec vous.’’

C’est lui qui, le dimanche matin s’occupait de mettre en marche la chaudière à bois et nous appelait pour prendre notre douche. 

Le malheureux, il se faisait plumer tous les mois sa solde au poker par les anciens de la classe 58. Pour l’incorporer dans les effectifs le capitaine l’avait déclaré comme harki. Les mois passaient jusqu’au jour où il a fallu prendre une décision. Nous l’avons vu plusieurs fois pleurer au mess. 

Mon grade m’a conduit à prendre des responsabilités. Je cumulais deux fonctions, celle de sergent à la commandement, et celle de sergent fourrier, chargé du matériel, des armes des munitions et en plus responsable du mess et de ‘’l’appro’’ de la troupe. J’avais comme second, Pierre de Panissières, un garçon de la 60/2 A, gentil, travailleur, nous nous entendions très bien. Nous avons l’occasion de nous revoir et de passer une journée ensemble dans sa ferme. Dernièrement au téléphone, j’ai appris qu’il venait seulement de prendre sa retraite. [2010].

L’encadrement était composé, du commandant de compagnie le capitaine Debelle, son adjoint le lieutenant de carrière Brulard, notre fameux adjudant-chef Merkel, un sergent-major, le sergent-chef Mocoeur et les appelés, caporaux-chefs et sergents, au total 6 à 7 personnes. Pour les alcools du mess nous allions nous approvisionner à Maison Carré, dans un entrepôt réservé à l’armée. Deux ou trois fois par semaine nous allions à  Bou Kandoura faire l’appro de la Cie et nous empruntions la route de Fondouk à L'Arba via Rivet." 

à suivre le récit du sergent André.F. dans la rubrique : Fondouk

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Sergent - mécanicien Pouzat Michel du III/117e RI, CCAS stationnée à Rovigo.

Appelé le 3 .janvier 1961 au 92e RI à Clermont Ferrand pour y faire ses classes et son peloton de caporal. Affecté à l'issue en Algérie le 18 mai 1961, il est affecté au III/117e RI à la CCAS comme mécanicien.En avril 1962, il est retenu pour suivre le peloton de sergent à Dellys, puis rejoint son unité à ROVIGO. C'est l'Indépendance de l'Algérie le 3 juillet 1962. Le 2 août, il embarque sur le "Ville d'Alger" pour une permission de 16 jours. Un accident de la circulation l'oblige à des soins et est muté à la CAR 8 à Lyon. Libéré de ses obligations militaires le 28 décembre 1962. 

Le sergent  Pouzat a bien voulu transmettre le récit de son service militaire destiné à sa famille. A lire absolument : Pouzat.

 Sergent  Francis.F...II/117e RI, 7e Cie, 3e Section stationnée à Rivet.

Le sergent Francis F... est appelé en activité le 4 juillet 1961 au Centre d'instruction du 92 e RI à la 3e Compagnie. À l'issue de son instruction de base il est muté au II/117e RI pour la servir à la 7e Compagnie le 13 novembre 1961. Il embarque à Marseille sur le "Kairouan" et débarque à Alger le 8 novembre 1961.  Il est un temps opérateur radio et portera ce lourd poste au cours des opérations. Il est nommé successivement au grade de caporal le 1er mars 1962 puis au grade de sergent le 1er août 1962 après un peloton à Dellys. Il est pressenti ensuite pour un stage génie, spécialité : " mines et explosifs". Il sert au II/117e RI jusqu'au janvier 1963 date de sa libération du service militaire. Sa classe sera la première à bénéficier d'une réduction de service à 18 mois au lieu de 28. Il regrette néanmoins de ne pas avoir eut la solde de sergent ADL (Au delà de la Durée Légale de service, 18 mois) qui était plus conséquente et aurait compensé quelque peu les responsabilités prises toujours avec spontanéité et dévouement.  

Stage du génie


1ère embuscade de nuit

Nous quittons Rivet pour rejoindre le sanatorium par la voie routière qui serpente vers le sommet. À mi-pente un élément de notre section descend des véhicules et prend un sentier qui mène à un douar. Le reste de la section poursuit son chemin plus haut dans une oliveraie étagée. En un point donné, mon chef de section nous donne l'ordre d'abandonner les véhicules et de nous installer en lisière de crête, face à la direction que nous venons de prendre. La nuit est tombée, on n'y voit pas à 20 mètres. Quand soudain du vallon en contrebas, on entend une fusillade bien nourrie, accompagnée d'éclatements de grenades. Elle s'éternise avec des apaisements et des reprises. C'est sûrement l'élément de chez nous qui vient d'accrocher. Mon aspirant me tire par le bras et nous descendons par un sentier 30 m plus bas vers ce vallon. Les harkis sont restés sur la crête en protection où l'on aperçoit quelques têtes qui se détachent dans le clair du ciel. Accroupis tous les deux, nous tentons de localiser cette pétarade. On n'y voit rien ! Les tirs s'espacent enfin ! L'aspirant, pour la discrétion, s'empare de mon poste radio (SCR 300) et remonte sur le sommet pour ne pas être entendu du vallon. Il rend compte à l'autorité des faits ou prend contact avec l'élément accroché. Je suis seul avec mon PM à faire face à la trouée en me crevant les yeux pour tenter de percevoir une mobilité humaine. Les oreilles sont en écoute intense pour compenser. Rien, plus de bruit ! Je crains une chose : que les belligérants qui se sont entretués remontent par le talweg où je suis. Malgré le froid, je transpire et balaye du regard sans cesse ce bout de terrain aux reliefs étranges. Je m'applique à ne pas trop fixer un objet statique qui prendrait dans mon esprit une forme humaine. Le temps me semble terriblement long et le chef de section ne revient toujours pas. Sur le sommet, les  têtes  se sont évanouies. Au bout d'un temps, je hèle à voix basse le groupe resté sur la crête. Pas de réponse et encore moins de bruit. Le temps me paraît de plus en plus long. J'aperçois un moment des faisceaux de phares de véhicules qui illuminent le ciel. Je me dis, c'est la fin on décroche. Mais le temps me paraît encore bien long avant que l'on m'invite à quitter mon poste. Plus un bruit, plus un indice de présence. Ma concentration est grande et l'inquiétude de mon isolement grandit. Subitement devant moi une tête bouge, je ferme les yeux un court instant car j'ai sans doute trop fixé. Cela bouge à nouveau, à moins de 20  mètres de moi. Ce ne peut être que les fells, rescapés de la fusillade du vallon, remontant le talweg, situation la plus favorable pour eux. Ils doivent avancer prudemment avec, pour plus de sûreté, un éclaireur en tête. Si je tire, j'avertis mes compagnons derrière moi qui m'apporteront leur aide. Si je ne fais rien à coup sûr c'en est fini de moi. Alors je n'ai plus le choix, j'ouvre le feu, une longue rafale déchire l'air et des étincelles  partent en gerbes de la cible suiviies d'un panache de fumée à peine perceptible. Couillon ! C'est un morceau de rocher que j'avais identifié plus tôt. Derrière moi, un half-track apparaît et me baigne du faisceau lumineux de son projecteur. Je lui indique d'un signe du bras  la direction dangereuse et le projecteur fouille les alentours sans rien déceler. L'aspirant accourt, et me demande ce qu'il se passe. Après mon bref récit, il m'avoue qu'il m'avait oublié. Est-ce bien la vérité ou bien une galéjade ? Il m'invite à quitter mon poste et à rejoindre les véhicules avec les autres. Là il m'informe  que le 1er groupe a bien accroché et qu'on a bien failli perdre un soldat car dans la précipitation l'un des hommes a tiré par dessus la tête d'un camarade et l'une des balles a traversé son béret sans le blesser. On apprit par la suite que ce groupe au cours de sa mise en place est tombé sur des fells qui se dirigeaient en toute décontraction vers le douar. La surprise était totale pour les adversaires subitement et mutuellement médusés par cette présence inattendue. Ils se sont tiré dessus sans parvenir à se neutraliser. Voilà donc le récit de ma première embuscade de nuit, elle ne sera pas la dernière mais elles seront tout aussi déroutantes.

Attentat dans un car civil

Nos missions au quotidien sont pratiquement immuables : gardes du cantonnement, patrouilles de jour et de nuit, embuscades de nuit, surveillances routières avec contrôles d'identité, visites des villages des indigènes aux alentours avec son lot de soins sanitaires, de contrôles d'identité, du renseignements sur le passage des fells, parfois d'achats de poulets ou de moutons pour améliorer l'ordinaire. Cette dernière mission n'était pas des plus récréatives. Certains de nos harkis abusaient de leurs prérogatives et se comportaient de façon odieuse. En cette fin d'année, la situation politique laissait présager des lendemains incertains pour eux et quelques uns se désolidarisaient de l'armée française et projetaient, à l'occasion, de déserter avec leurs armes. Cela n'était pas aussi net, mais on voyait bien que plus rien n'était comme avant. Par contre les cadres musulmans d'active respectaient les institutions ouvertement et poursuivaient leurs missions avec foi et fidélité.

Dans le baraquement vie que nous occupions, notre partie communiquait avec celles des harkis par le biais d'une porte. On sentait, de jour en jour, monter une scission des deux communautés, d'autant que certains devenaient agressifs et témoignaient peu d'engagement dans les servitudes. Leurs emplois n'étaient réservés qu'à des opérations sur le terrain. Le reste des charges nous incombait. Ce fut le cas pour celle-ci :

Vers la fin d'un après-midi, la sono mugit son air de rassemblement imminent. Équipés, armés nous nous installons dans les camions Simca prêts en permanence pour toutes les hypothèses. On quitte Rivet sans en connaître la raison puis on roule vers Alger dans cette ligne droite bordée d'orangers. Le convoi stoppe brutalement et en curieux, tous les occupants debout dans le plateau débâché jettent un œil vers l'avant. À la vue d'un spectacle insoutenable, chacun se rassois spontanément, hagard, livide, perdu dans ses pensées. C'est sans doute pour tous la première fois, qu'ils assistent à un tel carnage. Les gradés prennent immédiatement la situation en mains et, nous crient de descendre des véhicules et de nous regrouper afin de couvrir un maximum de terrain pour retrouver le ou les auteurs de la tuerie. Nous défilons devant le car civil où une grenade avait causé tant de victimes fort  mal en point. Des blessés et des morts baignaient dans leur propre sang et dans celui des autres. Apparemment, beaucoup de ces malheureux étaient des Européens. On nous presse pour rechercher les assassins. On oriente mon groupe vers une ferme à l'écart, à  environ 100 mètres de la route. Nous buttons sur un grand portail fermé. On appelle le propriétaire qui met du temps à venir. Après lui avoir expliqué ce qui venait de se passer et l'objet de notre présence, il refuse d'ouvrir sans donner la moindre raison puis quitte les lieux. Mon groupe, composé essentiellement d'appelés, n'avait pas la rigueur ni l'envie d'assurer un travail peu habituel. Sans se concerter mais avec la même réaction, nous avons fait demi-tour. Après tout, dans ce monde complexe qui nous échappait, nous n'avions pas la formation nécessaire pour agir autrement. Il faut le rappeler, nous avions un nouvel ennemi : l'OAS qui s'ajoutait à ceux déjà en charge, puis bien sûr dans nos propres rangs, nos Harkis quelque peu retournés.

Les insignes portés par Francis F. de gaucheà droite : Génie  et 92e RI

Le suivre à Alma Marine

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Sergent Jean Claude Neu…II/117e RI, 7e Cie.

 A propos de l’attentat du car de Rivet dont je fus un témoin privilégié.

"Nous revenions en camion du quartier général, chef de bord notre  adjudant, chef de poste à Souakria, la nuit était tombée et nous vîmes  un car arrêté sur le bord de la route en direction de Rivet. L’adjudant  tente de se renseigner sur la cause de cette immobilisation, quand  surgit un Fell armé d’un PM et arrose la cabine du camion. Mes hommes  et moi avions giclé du côté non exposé du véhicule. Un échange de tirs  et de grenades a permis au car de reprendre la route. De notre côté nous avions à déplorer des pertes, l’adjudant blessé et le conducteur  qui lui s’en est tiré avec une blessure à la main. Un civil algérien avait les  deux jambes arrachées et nous tentions d’enrayer l’hémorragie, Il nous  remercia jusqu’à sa fin en évoquant son « baptême ».

Nous apprendrons  que les Fells avaient décidé de trier et d’égorger sur place les Pieds noirs occupant le bus, avec la complicité du conducteur qui avait été  félicité par le commandement pour son courage et sa détermination à  dégager son véhicule sous le feu des rebelles. L’exécution des civils avait-il commencée avant que nous arrivions ? En tout cas, notre  présence inattendue à freiner probablement le massacre. 

J’ai su plus  tard qu’il y avait eu de nombreux morts et blessés parmi les occupants du car.

 Dès la fin de cette tragédie, je reçu l’ordre de monter une embuscade  en zone montagneuse, s’en est suivi une opération d’envergure qui n'a  rien donné."

Note de la rédaction : Cet attentat date du 8 décembre 1961, on y dénombre 6 morts et 18 blessés parmi les passagers. Celui narré par le sergent Francis n'a pu être daté, il se situe probablement en début 1962.

Autre témoignage :


Philippe ROUX Médecin Lieutenant de Réserve évoque son intervention auprès des victimes de l'attentat du car civil à Rivet. 

 

Mon sursis n’étant pas encore terminé, le service militaire étant toujours de 27 mois, je vais demander mon incorporation fin 1960. Après des classes en section d’infirmier militaire et l’apprentissage des armes et de la fonction de Médecin militaire j’ai pu choisir mon affectation. Étant donné qu’il n’y avait que 2% de places en Métropole, je me suis retrouvé sur le « Ville d’Alger ». 

À peine débarqué à Alger, je suis affecté à MENERVILLE au 1/405ème RAA, où je vais passer le premier semestre. La région et surtout la ville sont très calmes, il y a peu d’opérations à l’extérieur et je fais essentiellement de la médecine en AMG (Aide Médicale Gratuite) dans les villages de montagne. Beaucoup d’officiers ont fait venir leur famille et m’incitent à en faire de même. Mon Épouse et Laurence vont donc venir profiter du climat et de la mer, elles ne rentreront à Bordeaux que pour l’accouchement de notre second enfant. 

En milieu d’année : remaniement des secteurs militaires et je suis affecté au 117e  RI, à BOUKANDOURA qui se situe entre l'Arba et Rivet .

Ce n’est plus aussi cool, je ne fais plus d’A.M.G. et les opérations de plusieurs jours se succèdent et sont plus meurtrières. Au repos, nous restons enfermés à la ferme, sans même aller à l’Arba.


Voici ce que j’ai à dire de l’attentat du car de Rivet

 

Après avoir lu :

 

Sergent Jean Claude Neu…II/117e RI, 7e Cie.

A propos de l’attentat du car de Rivet dont je fus un témoin privilégié.

"Nous revenions en camion du quartier général, chef de bord notre adjudant, chef de poste à Souakria, la nuit était tombée et nous vîmes un car arrêté sur le bord de la route en direction de Rivet. L’adjudant tente de se renseigner sur la cause de cette immobilisation, quand surgit un Fell armé d’un PM et arrose la cabine du camion. Mes hommes et moi avions giclé du côté non exposé du véhicule. Un échange de tirs et de grenades a permis au car de reprendre la route. De notre côté nous avions à déplorer des pertes, l’adjudant blessé et le conducteur qui lui s’en est tiré avec une blessure à la main. Un civil algérien avait les deux jambes arrachées et nous tentions d’enrayer l’hémorragie, Il nous remercia jusqu’à sa fin en évoquant son « baptême ».

Nous apprendrons que les Fells avaient décidé de trier et d’égorger sur place les Pieds noirs occupant le bus, avec la complicité du conducteur qui avait été félicité par le commandement pour son courage et sa détermination à dégager son véhicule sous le feu des rebelles. L’exécution des civils avait-il commencée avant que nous arrivions ? En tout cas, notre présence inattendue à freiner probablement le massacre.

J’ai su plus tard qu’il y avait eu de nombreux morts et blessés parmi les occupants du car.

Dès la fin de cette tragédie, je reçu l’ordre de monter une embuscade en zone montagneuse, s’en est suivi une opération d’envergure qui n'a rien donné."

Note de la rédaction : Cet attentat date du 8 décembre 1961, on y dénombre 6 morts et 18 blessés parmi les passagers. Celui narré par le sergent Francis n'a pu être daté, il se situe probablement en début 1962.

 

Je suis sûr de la date du 8 décembre (une date de fête familiale) et j'ai quitté l'Algérie dans les derniers jours de décembre 1961.

 

Nous revenions d’une opération de 3 jours dans les montagnes au sud de la Mitidja, en coopération avec d’autres unités, plusieurs milliers d’hommes. J’avais quitté le 117ème, devant me rendre à Alger pour faire hospitaliser les 4 fellagas blessés que j’avais secourus. Devant prendre la Nationale N 8, je n’avais qu’une protection légère (2 jeeps avec affut de mitrailleuse) et l’on m'ordonne de me dérouter par la Départementale D 59, route qu’il ne fallait jamais emprunter… Je réclame une protection supplémentaire, "elle viendra, mais je ne dois pas l’attendre…" C’est fort probablement la compagnie du Sergent Jean Claude Neu…II/117e RI, 7e Cie qui a été envoyée.

 

Je trouve donc un car de ville arrêté avec, je pense, 10 morts et 50 blessés. On dirait maintenant que le pronostic vital des 4 passagers de  mon ambulance n’est pas engagé et je les fais mettre en attente au bord de la route. Je n’ai que 2 infirmiers et les harkis-soldats des jeeps. Je dois mettre en pratique le « triage de guerre » et ne sélectionner que 4 blessés susceptibles de survivre que je vais emmener à Alger, après quelques soins rapides à ceux qui me paraissent moins atteints.

 

Je me souviens très bien de cet arabe, petit, peut-être de la trentaine, qui n’avait pas perdu connaissance et qui était amputé de ses deux membres inférieurs en haut du fémur, pas de place pour mettre un garrot. J’ai pensé qu’il était inutile de lui donner une place dans l’ambulance. Morphine à haute dose et je demande à mes infirmiers de renouveler au besoins les doses.

 

Et il a survécu, des « passants » l’ayant chargé dans leur voiture et amené à l’hôpital. Quelques jours plus tard ses sauveteurs me l’ont amené à BOUKANDOURA. C’était il y a 63 ans et j’ai toujours ce souvenir présent.

 

Horrible souvenir qui ne me quitte pas.

 

Tout comme celui de la centaine d'enfants que j'ai vu mourir de diphtérie, ne pouvant que faire un rapport. Il n'y avait jamais eu de vaccinations dans ce village et quand le sérum arriverait-il ?

 

Quand je suis arrivé dans ce poste, il y avait plusieurs dizaines de femmes avec enfants qui toussaient. Croup, toux (rauque, spécifique du croup). Cela n'a rien évoqué pour moi, j'ai pu avoir très rapidement un hélicoptère et emmener un enfant à Alger pour avoir un diagnostic. Pour se poser à l'hôpital Mustapha, il nous fallait l'autorisation d'un Médecin hospitalier qui ayant entendu la toux de l'enfant, malgré le bruit ambiant nous a ordonné de repartir immédiatement. Pendant mes études (années 1950), il n'y avait plus de diphtérie en France et l'on ne nous faisait pas entendre d'enregistrement.

 

Les médecins du début du XXe siècle étaient préparés à réaliser une trachéotomie pour sauver le patient. Mon Père Médecin Généraliste à Paris, avait dans sa sacoche un nécessaire à trachéotomie…

 



POUR MEMOIRE : CV du Médecin Lieutenant Philippe ROUX.


Etudes de Médecine

 

P.C.B. – Une première année en Fac des Sciences, obligatoire pour commencer les études de Médecine.

Nouvelle Faculté de Médecine pour les 2 premières années.

Puis ancienne faculté.

6ème année stage interné à l’hôpital de Créteil.

 

Service militaire

 

Résiliation du sursis militaire en octobre 1960, avant son échéance, car la guerre d’Algérie se prolonge et la durée du service militaire est toujours de 27 mois.

Classes d’infirmier à la SIM à côté de l’hôpital Robert Piqué puis la formation médicale et maniement des armes, à Libourne, suivie d’un concours qui détermine le choix de l’affectation. Sur 600 candidats (Médecins, Pharmaciens et Vétérinaires), il n’y avait pratiquement aucune chance de se retrouver en métropole… Le major de la promotion ayant choisi l'affectation au près du Général de Gaulle, je n'ai pu choisir que l'Algérie…

 

C’est donc Marseille, le paquebot pour arriver à Alger. Et en 2 jours, je me retrouve à Ménerville (maintenant Thenia), à 54 kms à l’est d’Alger. Affecté au 1/405 RAA, la situation est calme : peu d’opérations et je fais surtout de l’A.M.G., comme beaucoup d’officiers, je loge en ville et fais venir Françoise et Laurence.

 

Le 17 juillet 1961, je suis muté à Boukandoura (près de l’Arba au sud d’Alger) au 2/117 RI, la situation est vraiment malsaine et nous ne sortons de la ferme-cantonnement que pour des opérations « musclées ». Mon activité AMG est limitée à une consultation de temps en temps, vers l'Arba, le sthéto dans la main gauche, la droite tenant le PM. J'étais aidé par une infirmière autochtone, sans jamais chercher à savoir qui je voyais dans ce village de regroupement, isolé, ni comment elle distribuait les médicaments que nous avions.

 

Le 8 décembre 1961, je dois intervenir pour l'attentat du car de Rivet.

 

Fin décembre 1961, retour en France et de multiples affectations : Tours (en corps de troupe puis salle militaire de l’hôpital civil), Châteauroux (salle militaire de l’hôpital civil), Bordeaux (Hôpital Robert Picquet - Service de médecine). J'y ai essentiellement vu des appelés en recherche d'une raison d'être jugés médicalement inaptes au service militaire. Je n'étais pas présent dans le service lorsque s'est présenté une véritable urgence, ce qui m'a valu une punition : l'affectation en juillet et août au Fort du Verdon, en tant que Médecin de la colonie de vacances…

 

Milieu août je bénéficie d’une permission libératoire jusqu’au 10 octobre. Avec un « tour de passe-passe », m’étant inscrit à l’ordre des Médecins à Paris, avant de résilier mon sursis, j’ai pu m’installer à La Sauve Majeure.

 

Ayant refusé toutes les périodes militaires, je suis resté au grade de Lieutenant, jusqu’à ma radiation de l’armée.


12 décembre 1961 : A l'occasion de Noël, 2500 FLN sont libérés des prisons métropolitaines. Ils rejoindront pour la plupart l'Algérie, alors même qu'il ne reste plus qu'une seule katiba réduite à 60 hommes dans toute l'Algérie.

Bilan de l'année 1961

1623 tués, 4541 blessés chez les militaires français ;

13253 tués, 4773 prisonniers chez le FLN.

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Pour bien comprendre les événements de 1962

Se référant aux décisions du Comité, M. Debré écrit le 23 décembre 1961, la Directive très secrète suivante : Directive au Délégué Général et au Commandant Supérieur des Forces en Algérie

La présente directive a pour objet de vous préciser les mesures qu'il vous appartient de prendre en exécution des décisions prises en Comité des Affaires Algériennes le 20 décembre 1961. Au cours des semaines à venir, votre première mission en matière d'ordre public est de prévenir d'abord et de réprimer éventuellement les entreprises de l'O.A.S. Vous devrez empêcher en particulier cette organisation subversive de devenir maîtresse, même pour une brève période de temps, de villes comme Alger et Oran.

Vous préviendrez les tentatives de cette nature en affirmant et en portant à la connaissance des populations la détermination des Autorités responsables à s'opposer immédiatement et par la force à tout mouvement insurrectionnel et de le briser sans faiblesse. Vous prendrez préventivement et au grand jour un certain nombre de dispositions illustrant cette résolution. Vous vous efforcerez par une campagne menée par vos services d'information et de propagande, de séparer les raisonnables des violents. Il importe avant tout d'éviter qu'un climat de guerre civile puisse se développer. Vous vous mettrez en mesure de faire face à une épreuve de force si elle vous est imposée et d'en triompher.

A cet égard, tout en assurant l'étanchéité des barrages frontaliers, vous réviserez les dispositifs des unités du maintien de l'ordre et des unités militaires en vue de cette mission prioritaire. Pour assurer l'exécution rapide des plans résultant de cette directive, vous porterez à proximité d'Alger et d'Oran les forces militaires jugées nécessaires. Vous choisirez, aménagerez dans les deux villes des réduits capables de résister à une insurrection, bien pourvus en moyens de liaison.

Si l'insurrection s'instaure dans Alger et Oran :

- les unités de l'Armée tiendront les réduits dont il vient d'être parlé;

- les escadrons de gendarmerie et les C.R.S. maintiendront ou rétabliront l'ordre dans la rue, en s'appuyant à ces réduits;

- les forces militaires portées préalablement aux environs de ces deux villes y pénétreront formées en colonnes et disperseront les éléments insurrectionnels;

- les communications civiles de toute nature seront immédiatement coupées entre la ville et l'extérieur.

Si les forces de l'ordre sont attaquées ou si elles rencontrent des résistances dans leurs mouvements, elles feront usage de leurs armes après les sommations réglementaires. Vous devrez utiliser auparavant tous les moyens d'intimidation - grenades lacrymogènes en particulier - qui sont en votre possession.

signé: Michel DEBRÉ

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Soustelle analyse ainsi le discours de De gaulle dans L'ESPÉRANCE TRAHIE éditions de l'alma, 1962 : 

"Dans son dernier discours de l'année, le Président de la République annonçait que 1962 verrait le regroupement en Europe de la plus grande partie de l'armée française. Deux divisions devaient être retirées dès Janvier. "D'une manière ou d'une autre", la France se "dégagerait" de l'Algérie en 1962.

Bref, tout échouant, on se résolvait à la fuite. Et il est bien certain qu'on peut toujours terminer une guerre en se retirant devant l'ennemi et en lui abandonnant les objectifs qu'il convoite. Observons seulement que telle n'était pas, heureusement pour la France, la doctrine du général De gaulle en 1940. Ce discours consternant clôt la série des déclarations du Chef de l'État en 1961. Comme il ne reste plus maintenant qu'à annoncer la date du départ, on peut admettre qu'à peu de choses près l'évolution est terminée.

Juin 1958 : "Français à part entière... terre française aujourd'hui et pour toujours... Vive l'Algérie française!"

Octobre 1958 : la "paix des braves".

Septembre 1959 : l'autodétermination à trois branches, la sécession condamnée.

Janvier 1960 : "la solution la plus française".

Mars 1960: la "francisation" est écartée, l'Algérie sera "algérienne".

Juillet 1960 : l'Algérie aura son gouvernement.

Novembre 1960 : elle sera un État.

Avril 1961 : cet État sera indépendant.

Décembre 1961: en tout état de cause, on "dégage" et on s'en va!

Tels sont quelques-uns des points qui permettent de tracer la courbe toujours descendante suivie par la politique algérienne du Chef de l'État. Aussi faut-il bien comprendre que, lorsqu'on vante la "continuité" du nouveau régime, on veut simplement dire que le même homme demeure à sa tête, entouré des mêmes figurants; Mais s'il existe une continuité personnelle - mis à part les fréquents remaniements - il n'y a pas de continuité politique. En ce qui concerne l'Algérie, on peut surtout reprocher à la IVe République de n'avoir jamais clairement formulé aucune politique; la Ve, elle, en a eu, en trois ans, au moins trois principales, sans compter les variantes: celle de l'Algérie française, celle de l'autodétermination, celle de l'abandon pur et simple."

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En métropole, depuis 1956 (date de début de statistique séparées) le FLN a fait 11 567 agressions, 3 889 tués, (un pour cent de la population immigrée) 7 678 blessés (2% des immigrés). Sur la même période, en algérie, 15 674 musulmans ont été tués par le FLN, soit 2 pour mille de la population, on voit que le FLN métropole a été particulièrement actif, là étaient les éléments "riches" et "évolués" de la population. Jean Viala

 1962