Dix
PLUS, MOINS OU MIEUX D'ETAT ?
Les hommes qui ont de hautes fonctions sont à trois titres serviteurs :
Serviteurs de l'Etat, serviteurs de leur gloire et serviteurs des affaires.
Francis Bacon
L
ors des élections professionnelles du 25 juillet 2003, les Forces Citoyennes, fondées par le patron (à peine sortant) des patrons, n’obtient que 5 sièges. L'U.C ne fera pas mieux. Le premier parti à avoir claironné la privatisation connut le plus net recul des partis en lice. Eté 2009, les élections suivantes dotèrent les chambres professionnelles de plus de SAP. Entre-temps, le parti du libéral Ali Belhaj s’était fait fondre dans le PAM et le parti non moins libéral d’Ahmed Ziane s’était réduit en miettes électorales.
Ce qui devrait inciter la droite déclarée libérale à s'interroger sur sa raison d'être si mal aimée par ceux qu'elle est supposée défendre. Peut-être reproche-t-on à ces libéraux de manquer cruellement de... libéralisme ! Auquel cas, ces partis sont appelés, pour corriger le tir, à se débarrasser des mauvais tireurs. Tellement la différence est flagrante entre le libéralisme qu'ils nous promettent et celui auquel ils nous soumettent.
Le Maroc fait partie de l’Organisation mondiale de commerce depuis 1994. Il est lié par un accord d’association avec l’Union Européenne depuis 1996, des accords de libre-échange avec la Tunisie, l’Egypte et la Jordanie depuis février 2004 et avec les Etats-Unis depuis mars 2004. Pourtant, des libéraux continuent de défendre un marché protégé par les barrières douanières, choyé par les niches fiscales et les agréments… agrémenté de passe-droits … Ce n’est pas un hasard si « Passer des privilèges à la concurrence » est le titre de l’un des rapports de la Banque mondiale sur le développement du Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.
Quand les produits de céramique (tuiles, articles de vaisselles, de ménage et d’ornement) ont souffert des importations massives à partir de l’Espagne, le secteur n’a pas hésité à déclencher la clause de sauvegarde. 2009, la Société nationale d’électrolyse et de pétrochimie (SNEP) demandera l’activation des mesures de protection au ministère du Commerce extérieur. Dans le sillage de celles instaurées en 2000 pour protéger les producteurs de bananes et en 2008 pour le riz. D’autres opérateurs (plasturgie, confiserie, biscuiterie…) ont cherché à en bénéficier.
Le Doing Business (qui classe les pays en fonction des facilités accordées aux affaires sur leurs territoires) met le Maroc à la 128 è place. Une place de mauvais choix que l’on doit à « l’obtention de permis et de licences d’importation». Tant que, «la rente de portier», dans l'arène de l'échange commercial, favorise les vendeurs protégés des rigueurs de la mondialisation et de la compétition, planqués dans leurs niches fiscales.
« Ta’hil », «Moukawalati » et « Idmaj » sont critiqués par le Conseil économique et social pour leur déconnexion de la réalité. D’où les nouvelles tentatives : «Moubadara/ Initiative », dédiée à l’emploi au sein des associations de proximité œuvrant dans le champ socio- pédagogique et, « Taatir/ Encadrement » orientée vers les chômeurs de longue durée.
Une désillusion notamment due au faible soutien apporté par les chambres professionnelles. Parce qu’elles ne disposent pas des moyens logistiques pour assurer l’information et le suivi des candidats.
Ce n’est pas leur premier raté. Du Commerce et de l’Industrie, des Pêches maritimes, en passant par le Tourisme, les Services et l’Artisanat, ces Chambres ne sont pas si professionnelles qu’on le croit. Ni suffisamment ouvertes sur les acteurs qu’elles prétendent encadrer.
La nouvelle Constitution ne leur demande plus, à l’instar de la précédente, d’être au même niveau des partis politiques, en vue de « contribuer à l’encadrement et à l’organisation des populations ». Désormais, si pour l’article 7 « les partis politiques œuvrent à l’encadrement de à la formation politique des citoyennes et citoyens… », pour l’article suivant « les organisations syndicales des salariés, les chambres professionnelles et les organisations professionnelles de employeurs contribuent à la défense et à la promotion des droits et des intérêts socioéconomiques des catégories qu’elles représentent ».
Entre encadrement politique des citoyens et promotion des droits corporatistes, c’est loin d’être la même mission ! De quoi douter des capacités « représentatives » des Chambres professionnelles, ayant rarement dépassé les guéguerres corporatistes et les ambitions égoïstes des candidats opportunistes.
Au lieu d'être l'occasion de s'interroger sur les choix économiques et de débattre des moyens de les mettre en œuvre, les futures équipes se forment à hui-clos dans le confort des salons, autour de bons méchouis. Au moment où l'option libérale, naguère tant décriée, s'est débarrassée de sa nature frileuse, le calme plat de telles campagnes est très préoccupant.
Pour accéder à la chambre des Conseillers, beaucoup de leurs présidents sont tentés de convaincre leurs grands électeurs, devenus si petits devant le marchandage de leurs voix. Un autre faux départ vers une Chambre des Conseillers que le bicaméralisme marocain voulait source d'initiatives législatives et forum de propositions ouvert sur les potentialités entrepreneuriales.
Pour ne rien arranger, ces chambres professionnelles n’ont pas toujours les moyens budgétaires de leurs missions. Leurs faibles ressources fiscales alimentent des comptes de plus en plus déficitaires. Suite aux multiples exonérations, le décime additionnel équivalent à 10% de la patente se déprécie au fil des ans.
Le déficit concernant leur fonctionnement interne est encore plus profond. On y entend surtout parler des erreurs de gestion, des marchandages, des chantages, du copinage, du maquillage des P.V.... Il est même arrivé que le bureau exécutif de la fédération des chambres de commerce, d'industrie et des services soit relevé de ses fonctions par le ministère de tutelle.
Abdelhakim Kemmou qui, nom du père, voulut se faire un prénom à la tête de la Chambre de commerce et d’industrie de Casablanca, se vit rattraper par une mise en examen judiciaire à propos d’une accusation de détournement.
Pour sa souscription d’assurance, la CCI d’Agadir s’est directement adressée au bureau de courtage de … son président. Certains membres se sont investis dans l'intermédiation pour l'obtention des visas. D’autres ont plié bagage, après s'être servis dans les caisses.
Plusieurs missions qui auraient pu être confiées à ces chambres ont été détournées en ... Office de développement industriel, en Office des foires, en Centre Marocain de la Promotion des exportations.... Tant que ces Chambres, supposées s’ouvrir à la mise à niveau, tardent à se mettre elles-mêmes à niveau. Pour une remise en ordre de leur cadre d'organisation, une remise en forme de leurs sources de financement, une remise en état de leurs dépenses de fonctionnement, une remise en cause de leurs « techniques » d'élection.
En l'espace d'un quart de siècle, le territoire du Maroc aura connu trois modifications : 1956, la fin du protectorat ; 1969, le retour d'Ifni ; 1975, la Marche verte. Autant d’élargissements contraignant l’axe Casablanca-Kénitra à moins de concentration économique, le pouvoir central à plus de décentralisation politique.
A l'occasion du discours du 20 août 1996, Hassan II montrait ce qu'on pourrait attendre de la Chambre des conseillers : « Nous avons constaté la présence, à Rabat, de groupes de jeunes ayant des diplômes supérieurs et qui revendiquent un emploi...Que se serait-il passé si cette Chambre existait ? Et bien le gouvernement les aurait convoqués les uns après les autres et leur aurait demandé de quelle région ils viennent et aurait enfin contacté les communes régionales élues pour coopérer avec elles en vue de trouver un emploi à ces chômeurs. La capitale ne peut être au fait de tout, alors que la région, les communes locales régionales, les chambres professionnelles régionales, la classe ouvrière dans la région peuvent former des commissions pour tenter de trouver à chaque diplômé un emploi qui convient à sa formation et répond aux besoins de sa région ».
La deuxième chambre fut ouverte. Mais rien n'y ressemble au scénario royal. Depuis, elle continue d’héberger plusieurs notables dont les voitures neuves croisent d’anciens jeunes diplômés chômeurs qui ont pris des coups de vieux et...de matraque.
Difficile alors de ne pas voir dans cette chambre qu'un doublon avec celle des représentants. Ses membres, plutôt défenseurs d’intérêts locaux, corporatistes ou syndicalistes peuvent s’y prendre autrement, notamment au sein de Conseil économique et social. La réforme de la constitution n’osa pas aller aussi loin.
En attendant, les séances publiques des deux chambres du parlement se ressemblent à tous points de vue. Jusqu'à répéter les mêmes questions posées aux mêmes ministres par des parlementaires des mêmes partis. D’où l’accumulation de centaines de questions restées sans réponse. Car dès que les caméras s’éteignent à 18 heures, aucun député n’accepte d’assumer sa mission de questionnement sans se faire voir sur le petit écran. L’image avant le message.
Au Parlement, certaines questions d'actualité ne trouvent la réponse des ministres qu'un an plus tard. Face à l'auditoire aux rangs clairsemés des séances présumées plénières, les ministres se font rares. Seuls les préposés à la corvée du jour viennent répondre à des questions à répétition et à dimension trop locale. Pendant ce temps, les points d'ordre invoqués à tout vent, les pugilats et les accrochages verbaux tentent une trop pâle animation.
La mission d’issue de secours à toute crise politique fut sans doute le plus grand péché originel de la chambre des conseillers. A des mois des élections législatives de 1997, la montée annoncée des partis de la Koutla dictait certaines précautions. L'ouverture d'une deuxième chambre semble avoir été destinée à refaire - ou défaire si nécessaire - tout ce que tenterait celle des représentants.
Aujourd'hui, de telles précautions ne sont plus nécessaires. Au vu des coalitions interchangeables, la majorité et l'opposition ont, à coup de consensus, brouillé toutes les pistes de séparation entre la droite administrative et la gauche nationale et démocratique.
Tentant de corriger le tir en instaurant une plus nette répartition des tâches, la nouvelle constitution consacre la prééminence de la chambre des représentants qui peut à elle seule mettre en jeu la responsabilité du gouvernement et recevoir en priorité les projets de loi. Ce qui confine dans une mission plus étroitement territoriale, une deuxième chambre à effectif plus ramassé.
60% sont issus, au suffrage universel indirect, des collectivités locales au niveau des régions. Les deux cinquièmes restants seront désignés par les chambres et les organisations professionnelles au niveau des régions, en plus des syndicalistes élus au niveau national.
Pour ses défenseurs, le bicaméralisme est enraciné dans les plus anciennes démocraties. En fait, il n'est ni nécessairement bon ni définitivement mauvais. C'est sa perception et son fonctionnement qui peuvent en affecter la portée. Dans notre cas, c'est surtout le contenu qui sied très mal au contenant.
Le visage d’un enfant est loin de laisser deviner celui que prendra plus tard l’adulte qu’il sera. La même chose est vraie en matière constitutionnelle où il y a des entités mort-nées. D’autres, imprévues, que les circonstances ne tardent pas à en aiguiser les traits. Voire les déguiser !
Le pays ressemble si bien à cet endroit, décrit par Courteline, où ceux qui arrivent en retard croisent dans l’escalier ceux qui partent en avance ! L’expression « train de sénateur», employée pour désigner la lenteur, va comme une pantoufle à la lente cadence des va-et-vient entre les deux Chambres. Entre les Chambres et l’exécutif, entre l’exécutif et ses multiples ramifications. Il est très significatif que pour le langage populaire bechouiya et bissiassa ont la même signification ! Jugez-en :
- Le code du travail, élaboré au début des années 80, n'a pu franchir le cap du gouvernement qu'en l'an 2000, pour être déposé au bureau de la Chambre des conseillers. Après un cheminement qui dura une vingtaine d'années, il est enfin voté en juin 2003.
- Pour les cinq constitutions que le Maroc a connues depuis 1962, le droit de grève demeure garanti. Une loi organique précisera « les conditions et les formes dans lesquelles ce droit peut s’exercer ». La constitution révisée en 2011 refait la même promesse !
- La législation sur la Concurrence connut une première version dès le début des années 80, au démarrage du programme d'ajustement structurel. Une seconde mouture a été concoctée huit ans plus tard. Un conseil de la Concurrence ne sera installé qu’en 2008. Avant son entrée à la constitution de 2011.
- La réforme du code de procédure pénale qui remonte au début des années 80 n'est arrivée dans les couloirs du Parlement qu'en l'an 2002.
- La convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes a été adoptée par l’ONU en décembre 1979. Le Maroc l’a ratifié en Juin 1993 pour ne la publier au Bulletin officiel qu’en 2001.
- L’article 76 de la loi sur l’urbanisme prévoit des normes de construction que devrait préciser un décret qu’on attend toujours !
- La convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes a été adoptée par l’ONU en décembre 1979. Le Maroc l’a ratifié en Juin 1993 pour ne la publier au Bulletin officiel qu’en 2001.
- Les premiers textes d'application du dahir portant création des régions ne virent le jour qu'après deux ans d'exercice des premiers conseils élus dans les seize régions.
- Le projet d'Assurance Maladie Obligatoire a mis 15 ans en commissions et sous-commissions, avant d'être mis au jour en 2005 pour démarrer en 2012. Alors que, le temps passant, on discute d’une couverture médicale pour des anciens combattants de plus en plus défunts !
- Depuis 1959, les 20 000 victimes des huiles frelatées attendent d’être indemnisées. En 2010, une aide matérielle leur sera enfin accordée après un demi-siècle d’attente. Du moins pour les de moins en moins survivants !
- Le Maroc est doté d’une loi antitabac depuis 1991. Après avoir fait l’objet d’un amendement voté par les deux Chambres du Parlement, elle n’est jamais entrée en vigueur.
- Fin 2000, la Chambre des représentants adopte le texte portant création du Conseil supérieur de la fonction publique prévu par un dahir de ...1958.
- La Haute cour pour les ministres existe sur le papier depuis le référendum constitutionnel du 14 décembre 1962. Le projet de loi organique y afférent n’a été approuvé au parlement qu’en Janvier 2008!
- La déclaration de patrimoine, prévue dès 1992, relancée en 2005, n’arrivera au vote du parlement qu’en 2008. Le décret d’application, en ne mentionnant que le déclarant et ses enfants mineurs, oublie volontairement les conjoints et les enfants majeurs. Ce qui laisse la porte grand’ ouverte aux « affaires » du père, menées au nom du fils et / ou de sa mère !
- La Constitution de 1996 a prévu l’institution des Cours régionales des comptes, « chargées d’assurer le contrôle des comptes et de la gestion des Collectivités locales et de leurs groupements ». Or, les attributions, l’organisation et les modalités de fonctionnement sont régies par la loi n° 62-99 formant code des juridictions financières qui n’a été adoptée qu’en juin 2002. Ce n’est que deux ans plus tard que la Cour des comptes s’est attelée à une mission confiée huit ans plus tôt !
- Un Conseil Economique et Social, prévu dans la constitution révisée de 1996, sera mis au jour 14 années plus tard !
- Promulguée en 2007, la loi sur les archives n’est toujours pas entrée en vigueur. Seul le décret relatif à la création de l’organisme Archives du Maroc a été publié au BO, il en reste quatre autres.
- Il aura fallu 8 ans pour que le Fonds d’entraide familiale puisse fonctionner. Prévu depuis 2004 par le code de la famille, ce n’est qu’en janvier 2011 que la loi de finances lui en donne les moyens. Sauf qu’il fallait encore attendre le décret fixant les règles de ce fonctionnement qui ne sera publié qu’en octobre 2011.
- Le texte sur la protection du consommateur, publié au BO du mois d’avril 2011 aura battu le record du code de travail qui avait mis plus d’un quart de siècle à sortir.
- Après celui de Hay Hassani homologué en décembre 2011, ce n’est qu’en 2012 que les 34 plans d’aménagement du Grand Casablanca tentent de rattraper plusieurs années de retard.
- En 2003, fut introduit le dossier « réforme des régimes de retraite » dans le dialogue social. 2004, le premier ministre, Driss Jettou, a constitué une Commission nationale et une Commission technique. En 2012, les composantes de la commission n’arrivaient pas encore à finaliser la copie qui doit être rendue à la commission nationale.
Pendant ce temps, certains textes continuent de gérer des situations depuis longtemps dépassées par les événements. Ainsi, le code de commerce (1913), le Dahir instituant un registre de commerce (1921) ou la législation sur les paiements par chèque (1939) n’ont été abrogés que plus d’un demi-siècle plus tard par le code de commerce du 1er août 1996. Les immatriculations foncières sont toujours régies par le dahir de 1915, les bibliothèques publiques par celui de 1931… Les textes de loi qui régissent l’Office des changes sont essentiellement promulgués à l’époque coloniale et, faisant encore référence à la résidence générale, sont basés sur la prohibition générale.
En revanche, dans d’autres cas, la machine s’emballe si vite qu’elle anticipe la promulgation des lois. Dans l’affaire Talsint, le prospecteur pétrolier texan, Michael H. Gustin, a été mis en contact avec Othman Skiredj, fils du général de l’armée de l’air marocaine. Les promoteurs de Medi Holding ont proposé à l’entrepreneur américain de le faire bénéficier des avantages fiscaux d’un code des hydrocarbures non encore … voté !
es investisseurs ayant conclu des conventions avec l’Etat bénéficient de près de 6,5 milliards de DH au titre d’aides publiques directes. Les entreprises installées à Tanger jouissent d’une exonération de 50% de la TVA. Etendue à Al Hoceima, Berkane, Boujdour, Chefchaouen, Smara, Guelmim, Jerrada, Laâyoune, Larache, Nador, Oued Ed Dahab, Oujda- Angad, Tan-Tan, Taounate, Taourirt, Tata, Taza, Tétouan.
Le paysage patronal est parsemé de niches défiscalisées pudiquement appelées dépenses fiscales. En 2010, les 384 exonérations fiscales ont totalisé 29,8 milliards de DH. Soit 3,8% du PIB et 17, 9% des recettes fiscales totales.
Pourtant, pour certains secteurs, les exonérations ne semblent pas générer de la croissance. Encore moins une juste répartition. Est-il normal que des riches propriétaires agricoles utilisent des bouteilles de gaz butane subventionnées pour faire marcher leurs moteurs d’extraction d’eau ? Alors qu’ils vendent des fruits exonérés d’impôts parfois aussi chers que ceux d’une Espagne qui paie 300dh la journée à nos travailleuses saisonnières.
Suite au redressement fiscal infligé à la RAM en 2007, son patron estimera que « l’environnement fiscal imposé à la compagnie la défavorise par rapport à ses concurrents Low Cost ». En fait, si depuis 50 ans la RAM a fait croire qu’elle était bénéficiaire, c’est parce qu’elle s’est auto-appliqué la non retenue à la source et le non paiement de d’IGR sur les compléments de salaires. L’argument majeur de Driss Benhima est de « donner un environnement fiscal spécial, suite à l’Open Sky ». Sauf que cette compagnie, grâce à l’externalisation de plusieurs services et fonctions, arrive à sous-payer des hôtesses de l’air et des agents au sol en CDD, fourgués à la sous-traitance maltraitante d’une filiale très profiteuse de l’armée résignée des diplômés low cost !
■Tous les grands-parents se rappellent des promesses de Ben Barka de distribution à chacun une part des recettes du phosphate! Le plus dur sera d’habituer les mentalités d’assistés au nécessaire recul de générosité. Elles remontent aux premières générations du Mouvement national, séduites par les discours socialistes, communistes ou égalitaristes de ceux qui, tout en luttant contre un Etat omniprésent, promettaient aux Marocains de se faire entretenir par un capitalisme d'Etat-omnipourvoyeur.
Au moment où les Marocains apprenaient à compter sur le makhzen pour creuser un puits, balayer devant leurs portes, donner un emploi administratif à tous leurs enfants, les thèses d'antan contribuaient à percevoir l'Etat comme un patriarche nourricier tout puissant. Ce n’est pas un hasard si, des structures mentales à leur expression verbale, le même mot (al hiba) s’applique dans le double sens de l’aura et tu auras !
Dès lors, à l’entrée d’un nouveau siècle de compétition mondialisée, des diplômés sont encore prêts au suicide si l’administration refuse leur embauche ! Les diplômés sans emploi d’Attajamou, Al-Itihad, Achouâla, Assoumoud, Arabita, Attansikia, Al Moustakbal, Annidal, Attoumouh, Al Ghad, et Al Majd multiplient les sit-in et quelques passages à l’acte d’immolation par le feu !
Privilégiant le recrutement basé sur la sélection par la manifestation, donnant l’avantage au chômage militant par rapport à l’emploi compétent, le gouvernement intègre des centaines de diplômés chômeurs dans les rangs de la fonction publique. Sans tenir compte de l’appel d’air que cela risque de provoquer pour les prochaines années dans les autres villes du royaume.
L
Parmi les raisons du blocage de l'élan de croissance dans la région de Laâyoune Boujdour, Sakeïa El Hamra, un ancien wali-directeur de l'Agence pour le développement des provinces du Sud relève cette « conception assistantielle de l'intervention des pouvoirs publics, fondée d'abord sur la charité et la gratuité. Au détriment de l'utilisation des efforts infrastructurels de l'Etat comme locomotive d'entraînement des initiatives créatrices. La subvention des besoins vitaux des populations et l'attribution de monopoles à de grandes familles sahraouies n'ont pas édifié les bases d'une activité économiquement saine ».
Basri avait convaincu Hassan II d’accorder un régime spécial au Sahara pour encourager la sédentarisation des populations. L’Etat ne perçoit ni TVA, ni TIC sur la majorité des produits de première nécessité. Pas d’IR ou d’IS non plus, alors que ses fonctionnaires perçoivent des majorations de salaire allant de 50 à 75% selon les provinces.
Le Centre régional d’investissement de Laâyoune insiste sur le cadeau fiscal qu’offre une exonération totale des impôts et taxes associées ainsi que l’impôt sur le revenu. Une aubaine que ne manquent pas de convoiter plusieurs vrais faux entrepreneurs, inscrits dans le tribunal de commerce de Laâyoune, pour des activités réellement menées dans d’autres provinces du pays !
L’ensemble des prébendes subventionnées dans les provinces du sud s’élèverait, selon les estimations de Fouad Abdelmoumni à au moins mille dirhams par mois pour au moins 300 000 bénéficiaires. En effet, le système de distribution de la carte, dite « cartiya » accorde à son porteur sahraoui une redevance mensuelle qui n’est pas loin d’égaler le Smig, en plus d’une gratuité sur les transports publics. Un éditorialiste est allé jusqu’à qualifier ceux qui réclament une rente comme des mercenaires au même titre que ceux qui sont au service d’Alger.
Octobre 2010, le tribunal militaire a condamné l’ex- délégué de la promotion nationale à Laâyoune à dix ans de prison. La même année, le ministère de l’Intérieur a ouvert une enquête sur les 2 200 lots de terrains attribués en toute illégalité à des notables de Laâyoune. Une enquête aussitôt fermée !Comme n’a jamais été ouverte aucune enquête de dissuasion du détournement du carburant distribué dans le Sahara.
Sans oublier certains coûts collatéraux du « watan Ghafour Rahim ».Un rallié du Polisario refusera de quitter son hôtel de luxe s’il n’est pas nommé aux plus hauts grades de la fonction publique.Devant la commisssion des affaires étrangères, de la défense et des affaires islamiques, le député Hassan Edderham déclara que « 90% de ceux qui vont à l’étranger pour défendre le dossier du Sahara ne connaissent pas sa vraie situation et vont que pour le voyage et le shopping».
Pour tant de raisons, les provinces récupérées, après avoir bénéficié d’un investissement public de plus de 20 milliards de DH en 30 ans, continuent d’avoir une structure économique dominée par l’élevage et la pêche. L’Etat- nounou y est tellement imposant qu’aux 20 000 emplois publics correspondent à peine 3000 postes dans le secteur privé. Paradoxalement, ajoute un opérateur, «la décentralisation des pouvoirs a trop bien fonctionné dans la région. Le pouvoir démesuré, des années durant, du Wali qui pouvait vous imposer le nombre de gens, voire les personnes à recruter, a pu freiner les velléités d'investissement ».
La note de cadrage relative à l’élaboration d’une plateforme pour un modèle de développement des provinces du sud, présentée début 2013 par le Conseil Economique et Social et Environnemental, confirme à quel point l’économie de ces régions reste peu diversifiée et fortement dépendante des secteurs de la pêche et de l’administration publique. Les exonérations de l’IS et de la TVA n’ont pas inversé la tendance. Encore moins la gouvernance territoriale qui « n’a pas favorisé une forte implication des acteurs ni une cohérence des politiques publiques ».
Pendant longtemps, le développement économique s'est fait dans la couveuse d’un Etat-nounou. Maternisant une génération d’entrepreneurs qui, tout en manifestant leur penchant pour moins d'Etat, demandent plus d'exonérations et de protection. Le trop d'Etat découle de la volonté du législateur, mais aussi de la passivité des entrepreneurs qui se tournent, dès que les choses tournent mal, vers l'Etat subventionneur qui s'oriente aussitôt vers le contribuable payeur.
Dans libéralisme, il y a liberté. Mais elle ne peut libérer de toute obligation. N’empêchant nulle part les comportements prédateurs et égoïstes des hommes, aucun système n’est idéal. Le capitalisme, comme la démocratie, a fini par s’installer comme « le pire des systèmes, à l’exception de tous les autres ». Sauf qu’une liberté d’incitation, sans contrepoids de dissuasion ne sert que ceux qui la détournent dans leurs propres intérêts, pas toujours propres.
Ce qui nécessite un minimum de rigoureuse régumation. Or, le Maroc dispose d’un Haut Commissariat au Plan …sans Plan ! Un peu comme s’il était doté d’un ministère du pétrole ! Car on n’a pas de pétrole, ni Plan de développement national. Au moment où la Constitution, avant révision, stipulait que « les dépenses d’investissement résultant des plans de développement ne sont votées qu’une seule fois, lors de l’approbation du Plan par le Parlement ». Et alors que la charte communale et la loi d’organisation régionale invitent à examiner et voter le plan de développement économique et social de la commune et de la région « conformément aux orientations et aux objectifs du plan national ».
Le dernier né de la série des plans quinquennaux remonte à la période 2000-2004. Depuis, alors qu’on ne fait plus de Plan national, on en confectionne à toutes les sauces sectorielles. A tous les horizons. Qui son « Plan Azur » pour le tourisme, Qui son Emergence 209-20I5 pour l’industrie, qui son « Maroc Vert 2020» pour l’agriculture. Qui son « Rawaj 2020» pour le commerce. Qui son « Artisanat du Maroc 2015 ». Qui son « Maroc Export 2018 ». Qui Son Logistique Contrat pour les transports et l’équipement. Qui son Energie Plan solaire 20I5. Qui sa Pêche Halieutis 2020.…
La constitution révisée en 2011 change ainsi la disposition précédente : « les dépenses d’investissement nécessaires à la réalisation des plans de développement stratégiques ou des programmes pluriannuels, ne sont votés qu’une seule fois, lors de l’approbation de ces derniers par le parlement et sont reconduites automatiquement pendant leur durée… ». Ce qui promet, à défaut de plan national, d’au moins légalement ficeler les stratégies sectorielles et et leur suivi pluriannuel.
Pour nous éviter ces ministres qui, doutant de leurs moyens présents, risquent de laisse entrevoir un meilleur lendemain, de plus en plus lointain. Quand ils ne seront plus là !
Chacune de ces feuilles de route implique plusieurs administrations, opérateurs privés et touche plusieurs activités et localités. Pour éviter tout risque de télescopage, il est nécessaire de veiller sur la cohérence entre la vision centrale, les options politiques sectorielles et la coordination territoriale entre les divers acteurs intervenants.
La promotion des exportations se fait sans aucune coordination entre Maroc Export, la SMAEX, l’Etablissement de contôle et l’OCE. Encore moins entre l’Agence marocaine du développement des investissements (AMDI), l’Agence nationale de la PME et les Centres Régionaux d’Investissement (CRI).
Faute de synchronisation, des super stratégies et super visions frôlent parfois l’enlisement. Entre décoller l’étiquette centralisatrice d’un plan à moyen terme et échapper à la dictature du court terme, il n’y a pas que la solution de tout noyer dans la dispersion des responsables, au risque d’entrainer la dissolution des responsabilités.
En fait, dès le milieu des années 80, on s'était mis à juger inconvenante, sinon incongrue, toute idée de Plan national dans un monde réglé par la compétition évaluée au jour le jour, à la toise de la sacro-sainte rentabilité. Dans la plus orthodoxe des religions libérales, pourvue du seul destin garantissant le meilleur des mondes : le marché auquel on attribua le pouvoir de tout organiser jusqu'à s'autoréguler.
Progressivement, les gouvernements successifs finiront par laisser tomber la stratégie de plan national au profit des visions éparses de programmation sectorielle. Au risque de coller à cette réplique de Molière dans Les Fourberies de Scapin, mettant en garde contre « ceux qui, par trop prévoir, n’osent rien ! ».
Les premiers ministres se présentent au parlement pour seulement parler de carnets de routes. Or, pour redresser la voiture, il est bon de savoir où se trouve la route. S'il ne faut pas aller trop loin pour éviter à l'économie de se trouver sous le poids et le carcan de l'Etat, il ne faut pas refuser à celui-ci toute intervention autrement conçue, différemment perçue au service d’un développement intégré.
La seule observation des conjonctures ne suffit pas. Alors que le pire serait de laisser faire la force des choses. A commencer par voir les choses en face et ne pas suivre le conseil de Ronald Reagan quand il exhorta les Américains : « oubliez la crise, elle disparaîtra ».En vue de mieux entrevoir les manœuvres qu’impose un meilleur guidage de l’économie nationale, à fois dans sa variance structurelle et sa mouvance conjoncturelle.
Certes, l’Etat-omnipourvoyeur et premier employeur n’est plus aujourd’hui qu’incitateur et régulateur. Sauf qu’un mieux d'Etat, initiateur de créativité, peut apporter davantage qu'un moins d'Etat, réducteur des opportunités. Il s'agit de quitter les édens condamnés de l'Etat-providence où sont confinés tant d’opérateurs économiques. Pour s’arracher d'un Etat schizophrène, à la fois libéralisateur et subventionneur, planificateur et décentralisateur. Libéralisateur pour les uns, rentièrisateur pour quelques autres !