Sept
DEMOCRATIE A VENDRE
Si un homme vous offre la démocratie et qu’un autre vous offre un sac de blé, à partir de quel degré de famine préférez-vous le grain au bulletin de vote ?
Bertrand Russel
S
ilvio Berlusconi avait déclaré à des proches qu'un industriel ou financier, arrivé à un certain niveau, ne pouvait pas se désintéresser de la politique, « pour ne pas dépendre de l'effet de prince ». Mais il faut se méfier des candidats patrons qui vont aux élections moins pour faire comprendre des programmes que pour défendre leurs intérêts bien compris. Convaincus de l'efficacité du réseautage et des zones d'influence, ils confondent impunité et immunité.
Pour certains patrons voyous, ayant pignon sur rue, toute la participation à l'effort de développement national se réduit au rôle de prévaricateurs. Tant qu'à investir, autant le faire aussi dans les institutions «représentatives». Ils vont ainsi à des fonctions électives «prêtes à rapporter » comme ils iraient commercer dans le prêt-à-porter.
Après avoir vécu une campagne électorale permettant tous les coups au nom de l'argent sale, il est difficile à un mal élu de ne pas succomber aux combines de récupération de ses «frais»!
Le 26 décembre 1996, les Représentants avaient voté la levée de l’immunité parlementaire du député MDS de Taroudant, Mohamed Seghir. Les douze demandes suivantes adressées au Parlement par le Premier ministre en janvier 2000 n'eurent aucune suite.
Pour la période allant d'avril 1998 à mai 2002, 48 enquêtes préliminaires ont été menées dans des affaires mettant en cause des parlementaires (33 concernant la première Chambre et 15 intéressant la deuxième) et 51 dossiers ont été déférés devant les tribunaux (25 députés et 26 conseillers). En 2010, une trentaine de parlementaires ont été cités dans des affaires en justice. Ces investigations concernaient des cas de créances non honorées, de faux et usage de faux, de chèque sans provision, de mauvaise gestion. Pourtant, aucune demande de levée d'immunité les concernant n'est arrivée jusqu'à la Commission parlementaire de la Justice.
L'immunité parlementaire est donc une disposition parfaitement codée par la Constitution qui stipule qu'elle n'est ni totale ni permanente. Ayant pour seul but de protéger l'exercice de sa mission parlementaire, elle n’autorise pas le député à se situer au-dessus de la loi. Dans la vie économique et sociale, d'un point de vue civil et pénal, il est un citoyen comme les autres.
Pour la constitution révisée en 2011, « aucun membre du Parlement ne peut être poursuivi ou recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion d’une opinion ou d’un vote émis par lui dans l’exercice de ses fonctions, hormis le cas où l’opinion exprimée met en cause la forme monarchique de l’Etat, la religion musulmane ou constitue une atteinte au respect dû au Roi ». Ce qui ne peur couvrir les cas de flagrant délit, l’infraction au code la route, le chèque sans provision, l’achat des voix…
A la veille des rendez-vous électoraux de 1997, alors que la presse de l'opposition mettait en garde contre «les ennemis irréductibles de la démocratie», les partis signaient avec Driss Basri une Charte d'honneur. Engageant tous les candidats et tous les intervenants publics à garantir la transparence des campagnes électorales et à régler les différends électoraux. Elle sera surtout un moyen de contrôler les espaces autorisés de la supposée compétition électorale.
Pour fructifier leur statut de rentiers de la représentation, ils ont ainsi adhéré aux divers consensus concoctés par le « parti clandestin » qu’ils ne cessent de fustiger dans leurs gazettes. Ni le gouvernement, ni les partis n'ont respecté les engagements de cette Charte. Ils ne remettront pas en cause les résultats des scrutins «corrigés » de l'Intérieur !
Des fausses élections seront dénoncées par leurs propres candidats mal élus. Dont Mohamed Hafid qui confia à Asahifa que « tout le monde sait que le groupe USFP au Parlement comprend des « mouzawarine » (faux élus). Une vérité que la direction du parti connaît, que tous les Itihadiyine connaissent ». Plus tard, répondant à un journaliste sur la pratique du quota appliqué au PPS, Simon Levy répondra sans hésitation: «cela n'est un secret pour personne».
Pour leur part, feignant le strict respect d'une neutralité très passive, des autorités locales réussissent à joindre l'utile à l'agréable. Se contentant de laisser distribuer le plus d'argent possible par les candidats favoris, elles arrivent à leurs fins sans avoir à intervenir dans le déroulement du scrutin.
Ainsi, l’encadrement territorial et central des populations peut s'avérer plus efficace que celui des partis. Pour y arriver, le nombre des auxiliaires d'autorité n'est pas loin des 20 000 mokaddem qui se voient confier des fonctions allant de la préparation du certificat de résidence à la distribution des cartes d'électeurs.
Leur équivalent en Espagne, les sereno, ont disparu après le départ de Franco. Chez nous, leur omniprésence est sans commune mesure avec l'effacement des coordinateurs locaux des partis qui passent le plus souvent inaperçus. Sauf à chaque élection législative et à chaque renouvellement du tiers de la chambre de conseillers. Il leur arrive même de collaborer à l'achat des votes pour le compte de candidats ...adverses.
Le départ de Driss Basri a fait couler beaucoup d'encre. Comme beaucoup de ministres de l'Intérieur de pays sous-démocratisés, il a été lâché, quasiment lynché, après avoir été longtemps léché. Dans une interview, Khalid Jamaï demandera de «réfléchir en toute logique : si tout le monde rend Driss responsable de tout ce qui s'est passé en 20 ou 30 ans dans ce pays, cela signifie qu'il en était le roi et que Hassan II n'avait aucune autorité. La réalité atteste du contraire... Nous devons avoir le courage de juger la manière dont s'exerçait le pouvoir».
A condition que soit également jugée la manière dont les partis exerçaient leur pouvoir... de tantôt s'opposer, tantôt participer. Alors que d'aucuns n'hésitaient pas à faire un va-et-vient permanent entre les deux états d'âme. Fustigeant les quotas après en avoir bénéficié et remettant en cause des partis de «l'administration» pour aussitôt gouverner avec eux.
Mohamed Chabate, estime qu'«Il faut quand même reconnaître que le ministère de l'intérieur solutionnait plusieurs problèmes. On lui reproche d'avoir falsifié les élections. Il faut reconnaître qu'il l'a fait pour le compte de beaucoup de gens qui aujourd'hui parlent trop, il a été le bienfaiteur pour plusieurs d'entre eux ».
Si ce ministre de l'Intérieur, ministre d'Etat, était devenu le ministre des tas d'attributions, s'il était devenu si puissant et si incontournable, c'est qu'il gérait une stratégie qui avait l'adhésion de tous les partis, certains plus visiblement que d'autres.
Un architecte, Mohamed Amine Boucetta, estime que «vis à vis des élus, l'Agence urbaine représentait, aux mains de Basri, un instrument très efficace pour favoriser ou briser la carrière politique d'un président et pour constituer tout dossier compromettant sur tel ou tel conseiller. Il est vrai que les conseillers, souvent élus par la grâce de l'ex-ministre de l'Intérieur, sont bien trop contents de jouir d'un pouvoir, même contrôlé, qui leur permet de s'enrichir impunément, ne manifestant aucune velléité de contrer la politique urbaine de l'Agence».
Une bienfaisance qui assure, en plus d’une pérenne rente électorale, la jouissance matérielle de certains responsables partisans, syndicaux, administratifs, sécuritaires… Voire des artistes qui critiquent sur scène le petit moqaddem et bénéficient de licences de taxis ou d’autocars, après l’avis favorable du wali ou du gouverneur! Beaucoup parmi ceux qui devaient être la conscience du peuple finiront par prendre surtout conscience de leurs propres intérêts. D’où le couac du ministre de l’Intérieur, Mohand Laenser lorsque, répondant à une question orale au parlement, il se lancera dans un « Non je ne dévoilerai pas les noms des bénéficiaires des agréments de taxi … Est-ce qu’on peut demander à une banque de dévoiler les relevés de ses clients ? ». Un lapsus pour le moins révélateur !
Après la première élection législative partielle de l'alternance consensuelle qui eut lieu à Thar Souk, la Koutla, fraîchement ministrabilisée, fit part de « la dénaturation des résultats ». Affirmant que «la nouvelle étape politique impose aux appareils gouvernementaux d'assumer leurs responsabilités entières afin de donner aux principes et pratiques de l'Etat de droit toute leur signification». Ce fut la première fois que le gouvernement faisait endosser la responsabilité... au gouvernement !
Un journaliste de l’Express expliquera ainsi l’échec des velléités de changement et de moralisation d’AbderrahmanYousoufi : « Au-delà du rôle personnel de Basri, sur lequel se focalisent les critiques, c’est tout un système qui s’oppose aux réformes. Des fonctionnaires, et dans le secteur privé, des groupes familiaux très protégés, qui dominent plusieurs secteurs, et toute une bourgeoisie qui s’est enrichie dans les années 1980 grâce au clientélisme. Or le Premier ministre ne veut heurter de front ni les uns ni les autres ». Le « afa allah amma salaf » (Dieu pardonne les faits passés) d’Abdelilah Benkirane, devenu chef di gouvernement, s’inscrit dans la même ligne de l’opposant moralisateur devenu gouvernant effaceur.
ans « Le sujet et le mamlouk », Mohamed Ennaji établit un lien structurel de cause à effet entre sollicitude royale et gratitude des élites, tissé depuis les premiers sultans. L’auteur y décrit « un des ressorts fondamentaux de la servitude (qui) consiste à mettre l’individu en situation de quémandeur chronique, de le rabaisser, de lui faire admettre et reconnaître le besoin qu’il a du maître (…). Pris dans le moule de la servitude, le solliciteur met le doigt dans un engrenage qui l’amène insensiblement, de palier en palier, dans une situation tout compte fait peut enviable(…). L’élite finit par se laisser gagner par le besoin ou la fascination. C’est les bras grands ouverts et avec une bienveillance extrême que ses membres sont accueillis au moindre balbutiement de sollicitation ».
Au commencement, la rente d’élite prit l’apparence religieuse. Selon les travaux de la sociologue Mouna Hachim, les Beni Hilal, puissantes tribus guerrières, tireront profit de leur savoir-faire en s’alliant tour à tour, moyennant terres, richesses et exonérations, aux différentes dynasties berbères et arabes régnantes au Maroc. A leur sujet, A. Laroui écrit dans Histoire du Maghreb : « Ces Hilaliens, de soldats devinrent pasteurs, mais c’est toujours en tant que combattants qu’ils s’introduisent dans les luttes politiques à la recherche de meilleures rétributions».
Si le machrek fut le berceau des prophètes, le Maghreb se rattrapa en parsemant toutes ses contrées d’une multitude de marabouts. Non sans interférences partisanes et mélange des genres. Car les Regraga, en bons combattants de la foi, après avoir soumis les tribus berbères, désignèrent un marabout à la tête de chacune d’elles ! La rente cultuelle ne tarda pas à distribuer ses fruits à leur descendance qui, s’attribuant le titre de Chorfa, profitera de cette discrimination consanguine pour être exemptée d’impôts, voire recevoir des populations toutes formes de ziara (offrandes).
Plus près d’ici et maintenant, In Du Makhzen au Makhzen, El Hamiami khatate et Mohamed Hounaïne expliquent la fragilisation des partis par «la collusion entre les partis traditionnels et le pouvoir, venant du partage des richesses (administration, banques, assurances, industrie, terre) toutes largement héritées du colonialisme puis de la marocanisation ».Ce qui arrosera celui des chasseurs d’activités naissantes dans les industries et le commerce de substitution aux activités économiques et financières d’un pays en reconstruction postcoloniale.
Durant les années 70, la marocanisation prit l’apparence d’une volonté politique d’amener les sociétés à capitaux étrangers à coopter un actionnaire marocain à hauteur de 51% du capital. L’objectif annoncé était de développer un entrepreneuriat marocain doté d’un capital national plus imposant. Sauf que, des discours à la méthode, beaucoup de bonnes affaires furent saisies par les plus - disant et mieux initiés, sans forcément compter parmi les plus compétents et les plus entreprenants.
La vague de marocanisation, initiée en I973, sans ouvrir la voie libérale, redistribuera les sociétés étrangères entre des familles de notables et d’entre-preneurs du makhzen économique. Ce qui fera émerger ou confirmer la plupart des grands conglomérats familiaux postcoloniaux. Certains, à la faveur des nominations de souveraineté ou de technocratie, vont investir le leadership politique, voire l’arène gouvernementale sans passer par la moindre militance.
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Dans ce sillage, au début des années 1990, des militants des partis traditionnels, naturellement ambitieux, à la fois dégoûtés par l'attente et leur impuissance à faire changer les choses, se sont rendu compte que leur promotion sociale ne pourra venir que d'une acceptation des promotions professionnelles qui leur sont proposées. Le pouvoir a concentré ses efforts sur certaines catégories socioculturelles, notamment dans le milieu de l'Université et des affaires.
Face à ces catégories considérées comme potentiellement «meneuses», le makhzen avait pris conscience que la force réelle des partis dits démocratiques vient de leur capacité de «nuisance ». Le paysage politique, vidé de ses talents d’opposants réels ou potentiels, videra progressivement l’espace partisan de sa signification d’encadrement et d’organisation des citoyens, pour une mission plus terre à terre de promotion interne des notables et des apparatchiks.
Jusqu’à la versatile élite religieuse qui mettra beaucoup d’eau dans son thé ! Tel Zemzemi qui, interdit de prêche en 2001, s’est retrouvé au parlement bien payé sans jamais y prendre la parole. Puis, décidant de ne pas se représenter, il disposera d’une « grima » de consolation !
Pour se justifier, Selon la charia version Zemzemi, les grimates font partie des donations en vigueur dans les dynasties islamiques, « notamment du temps de khalifas rachidines qui donnaient aux familles sans revenus et aux femmes du prophète leurs besoins pour une année ». Badou Zaki, Mouna fettou, les enfants d’Abdelkader Rachdi et tant d’autres sont-ils de la même trempe ?
La rente d’élite court à partir du moment où, constate Omar Serghouchni, «le candidat au pouvoir commence par se faire remarquer en attaquant, il persiste dans son hostilité pour faire monter les enchères, puis il fait amende honorable pour occuper la place que le système lui assigne».Une grande partie de l'élite politique est ainsi devenue tributaire de relations de loyauté qui ne sont reconnues et entretenues que parce qu'elles sont liées aux stimulants matériels assurés par le makhzen.
Quant aux nouvelles élites montantes, elles sont vite bloquées au contact des rudes sélections économiques et sociales. Ceux qui passent entre les mailles du filet, observe Mohamed Ennaji « viennent des milieux socialement et politiquement favorisés. Elle est une espèce protégée. Son chemin est tracé à la naissance, elle est gavée, chouchoutée, et à la clôture de son parcours scolaire, placée. Elle ne sait pas ce que la compétition veut dire, ayant été extraite de son milieu et grandie in vitro, c’est pratiquement une espèce de laboratoire ».
L’ingérence de l’Etat ne concernera pas que les partis de l'administration. Février 2001, Simon Levy, membre du comité central du PPS, explique que, «pour être au fait de nos divergences au sein du PPS, il faut remonter aux élections de 1993, avec 1’intervention, une fois encore, de l'appareil de l'Etat. Non seulement au niveau des élections, mais aussi à travers une certaine ingérence dans les affaires internes du parti ».
Pour sa part, Mohamed Noubir Amaoui déclara, au lendemain de sa fracassante sortie du sixième congrès de l'USFP que «dans notre histoire politique, la règle est que le chef d'un parti doit être accepté par l'Etat quand il n'est pas nommé ».
Beaucoup plus tard, fin 2012, au lendemain du vote au congrès de l’USFP, Ahmed Zaïdi fit part de l’ingérence de l’Intérieur pour orienter des réprésentants de certaines régions vers l’élection de Driss Lachgar !
Au moment où l’Etat prétendait mettre à niveau les partis dits de droite, feu Hassan II avait fait appel à des technocrates pour reprendre en main certaines formations. Mohamed Kabbaj devait réformer l’UC, Hassan Abouyoub le MP et Abdelaziz Meziane Belfkih le RNI. Les deux premiers ont accepté la mission, avant de démissionner.
Or, sans une élite plus progressiste qu’opportuniste, non corruptible par les plus hautes fonctions et les vraies fausses élections, insensible à toutes les belles rentes qui remplissent les bouches pour mieux les fermer, aucune vraie quête démocratique ne peut aboutir à la restructuration sociétale.
Si l’on étudie, comme l’historien américain Timothy Tackett, les membres des trois ordres – clergé, noblesse et tiers-état – convoqués en mai 1789 pour les Etats généraux de France, on peine à trouver les suspects habituels de la sédition. A l’exception d’une centaine de députés du tiers-état et d’une partie du clergé constituée des prêtres de paroisse, l’immense majorité du millier de délégués qui convergent à Versailles appartient aux catégories les plus privilégiées de l’Ancien Régime.En l’espace de cinq heures, l’Assemblée nationale anéantit des privilèges vieux de neuf cents ans.
En s’attaquant au secteur des télécom, le Conseil de la Concurrence a communiqué la première des nombreuses études engagées. D’autres concernent l’huile de table, le ciment, la grande distribution, l’immobilier, les banques, le bois, le marché de gros… En attendant de voir cette instance de défense de la concurrence s’intéresser un jour aux propres bureaux d’études, aux méthodes de réseautage pas toujours propres.
Le Maroc dispose de moult bureaux d’études qui, en plus de compter des consultants qui connaissent parfaitement de quoi ils parlent, ne demandent pas d’être payés en devises. Pourtant, un seul cabinet (McKinsey) rafle coup sur coup les plans Emergence I et II, Maroc Vert, Halieutis, Azur, le plan national de la logistique et celui de l’énergie solaire…
D’autres bureaux d’études qui concoctent les réformes libérales sont peuplés d’anciens activistes de gauche qui ont choisi de mettre leur savoir militant aux enchères. Quitte à le vendre à leurs adversaires d’hier, ces militants-chercheurs sont devenus des experts mercenaires. Parfois, l’intégrité morale qu’ils clament ne les empêche pas de « pomper» sans modération dans les Tavaux du Haut Commissariat au Plan. A. Lahlimi déplore que « des sociétés d’études soumissionnent à des marchés et s’approprient systématiquement nos données, nos thèses, nos analyses et nos projections. Encore plus, elles ne défalquent pas de leurs marges le coût de ces travaux ! ».
A la confection des modalités d’accords de Libre-échange avec les Etats-Unis et l’Europe dont nos partenaires disposent d’une multitude d’experts qui s’arrangent pour y glisser le maximum d’avantages qui arrangent leurs opérateurs. C’est loin d’être le cas pour nos échanges mal protégés par des études pauvrement menées, richement payées ! Résultat, le Maroc a signé des accords de libre-échange avec 55 pays dont 23 préférentiels. Alors que sa balance commerciale reste déficitaire !
La vision 2020 du patronat s’est appuyée sur l’expertise de deux cabinets étrangers, chèrement payés pour défoncer des portes ouvertes : Comme « adopter un nouveau modèle de croissance axé sur l’investissement productif et orienté vers l’export ». Ou des objectifs visant à faire croître le PIB par habitant, consolider la consommation intérieure, mettre en place des systèmes d’incitation et de péréquation entre régions par une politique renforcée d’aménagement du territoire intégré, rénover le partenariat public-privé pour un pilotage plus concerné des grands dossiers à fort enjeu économique.
Autant d’évidences qu’on pourrait dégager d’une bonne journée d’études consacrée à l’écoute des patrons concernés. Des évidences que nous payons en précieuses devises. Il suffit pourtant d’user de partenariats d’universités dont les thèses d’un très haut niveau rejoignent aussitôt après leur soutenance la poussière des bibliothèques boudées.
Dans les cabinets ministériels, le recrutement partisan est loin d’être une promotion des compétences, préparées aux futures fonctions gouvernantes. C’est surtout une planque rentière. Quand des cabinards se font payer sans faire acte de présence, ni correspondre aux missions proposées. Il est arrivé qu’un attaché au département des finances soit diplômé en … chirurgie dentaire !
Peut-être l’argent ne fait-il pas le bonheur. Mais il assure sûrement la liberté des idées et la garantie de dignité. La réciproque est tellement vraie que, dans les sociétés de besoins comme la nôtre, où le paraître conditionne l’être et l’avoir prime sur le savoir, un pauvre savant cherche d’abord à être moins pauvre que plus savant. Imaginez combien parmi nos élites éviteraient de vendre leur âme s’ils pouvaient bien gagner leur vie du fruit de leurs livres, de leurs articles, de leur musique, de leur théâtre…
L’intellectuel, au sens où l’entend Edward W. SAID, n’est ni un pacificateur ni un bâtisseur de consensus, mais quelqu’un qui engage et qui risque tout son être sur la base d’un sens constamment critique. Quelqu’un qui refuse quel qu’en soit le prix les formules faciles, les idées toutes faites, les confirmations complaisantes des propos et des actions des gens de pouvoir et autres esprits conventionnels.
Pour ce penseur, Le choix majeur auquel l’intellectuel est confronté est le suivant : soit s’allier à la stabilité des vainqueurs et des dominateurs soit considérer cette stabilité comme alarmante, une situation qui menace les faibles et les perdants et prendre en compte l’expérience de leur subordination. C’est toute la différence entre l’intellectuel empêcheur de tourner en rond et l’élite casée prête à tout compromis, parfois jusqu’à la compromission.
En mai 1850, Marx ne peut plus payer son loyer. Expulsée, la famille ne devra son statut qu’à l’aide financière d’un ami. Quand Franciska meurt en avril 1852, le couple ne peut pas payer les pompes funèbres, un voisin leur prête deux livres pour enterrer l’enfant. La raréfaction des piges de Marx les plonge dans une crise qui durera jusqu’à la fin des années 1860. En 1883, Marx s’éteint paisiblement dans son fauteuil, apatride et pauvre. Quelques jours plus tard, ils n’étaient que onze à assister aux funérailles de l’homme dont Engels dira que « son nom durera à travers les âges, tout comme son œuvre ».
est au regard du dopage que l'idéal sportif est le plus menacé. Il en est de même de notre « processus démocratique » au cours duquel des dopés ne cessent d'usurper des places sur les podiums électoraux. Dans la course au parlement, aux communes, aux régions et aux chambres professionnelles, on a laissé tant de joueurs remporter un semblant d'élection pour aussitôt changer de maillots d’équipe et s’occuper de leurs propres performances, pas toujours propres !
Certes, sur notre terrain électoral, les seuls dopants autorisés vont de la distribution des tracts à l'organisation des meetings. En passant par certaines dépenses de logistique qui doivent rester en- deca du plafond autorisé. Pourtant, les campagnes électorales s'autorisent des festins aux discours tellement élémentaires qu'ils se réduisent à l'argument «alimentaire».
Des festins tellement arrosés de billets que, peut-être dans nos écoles, assistera-t-on un jour à l'énoncé des exercices arithmétiques du genre :
- « Brahim est payé 200 DH lorsqu'il vote pour un candidat au conseil communal et 500 DH pour le futur député. S'il a aussi garanti le vote de sa femme et de sa grande fille, combien d'élections lui reste-t-il pour s'acheter une moto à 5000 Dh ? »
- Pour être «tête de liste» aux communales, un candidat a déboursé 150 000 dirhams. Combien doit-il demander à chaque fois pour se faire rembourser ? Sachant que, devenu «grand électeur », il pourra commercialiser sa voix pour élire le président de la commune, pour ramener un sortant de la chambre des conseillers, pour choisir le président de la région !
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Pour choisir entre les candidats à l'élection américaine, les militants ont versé 25$ chacun. Des milliers d’adhérents, à 20 euros sur internet, ont permis au parti socialiste français de compter 220 000 votants pour les primaires préalables aux présidentielles! Dans leur cas, l'électeur finance son parti pour obtenir une bonne élection. Dans le nôtre, les candidats distribuent de l'argent pour obtenir un semblant d'élection.
Hassan II n'a pas manqué de préciser que « la carte d'électeur, à elle-même, ne suffit pas. L'électeur qui se rend aux urnes avec dans une poche la carte d'électeur, alors que l'autre ne contient pas l'argent nécessaire pour entretenir sa famille, perd cette liberté et son attachement à la démocratie et aux élections ». Parfait diagnostic qui souffre de n’être jamais allé jusqu’aux soins requis !
Comment alors vouloir assouvir des faims de justice morale et sociale quand la faim physique n'est pas vaincue? La pauvreté ne serait pas loin de la mécréance, avait mis en garde le Prophète Mohamed. Puissions-nous sortir un jour du terrible dilemme entre des candidats suffisamment riches pour croire s'acheter la démocratie et des électeurs suffisamment pauvres pour devoir vivre à ses dépens.
Quand le sous-encadrement politique rejoint le sous-développement économique et social, des candidats sont assurés de gagner grâce à la désaffection grandissante de la majorité abstentionniste qui permet aux plus mauvais électeurs d'être les plus nombreux. En 1991, les islamistes d'Algérie (au nom du F.I.S.) l'ont remporté dans l'écrasante majorité des circonscriptions électorales sans dépasser la moitié des voix exprimées parce que plus de 50% des électeurs ont boycotté les urnes.
D’autres candidats ploutocrates peuvent se servir du même sous-développement, n'investissant pas contre mais dans la pauvreté. La méritocratie reculant devant la «privilégiature», la démocratie convoitée continue de ressembler à ...un artichaut. Quand il est en fleur électorale, il promet profusion et fraîcheur des couleurs. Avec le temps, il devient une plante piquante dont une petite partie seulement est mangeable !
112 000 familles des anciennes médinas habitent des maisons qui peuvent s’écrouler à tout moment. Depuis le milieu des années 80, la seule ville de Fès a déploré 200 décès.
En se substituant à la défunte SONADA, Idmaj Sakane ne fera pas mieux. Tant il est avéré que des maires ou leurs adjoints, en quête de députation ou de réélection communale, ferment volontiers les yeux sur les baraques qui poussent à chaque campagne électorale. On ne change pas une équipe d’électeurs qui fait gagner !
Les photos satellites prises entre 2008 et 2009 attestent combien l’habitat anarchique n’a jamais cessé de progresser dans les plus grandes villes du pays comme Casablanca, Marrakech, Rabat, Temara, Salé, Kénitra…. Il y a tellement un avant et un après-élections qu’à Marrakech, les logements anarchiques sont passés de 17.000 en 2007 à 23 000 en 2010. Les législatives et les communales sont de grandes bâtisseuses !
Les habitants des douars implantés à la lisière des périmètres urbains, en principe interdits de certificats de résidence, pouvaient s’inscrire sur les listes électorales et alimenter la convoitise des futurs candidats. Un droit de vote qu'on a fait passer avant le droit au logement. Parce qu'il est facile de distribuer des droits qui, n'engageant à rien économiquement, sont détournables politiquement.
A tel point que, dans certaines grandes villes, où l'on compte encore des milliers de baraques, certains agents d'autorité se sont frotté la main : «donnez-moi un grand bidonville, je vous ferai l'élu que vous voulez !», pourraient-ils affirmer. Tant de déviances passées, à la manière de Lahraouyine et Dar Bouazza du côté de Casablanca, attestent d’une «enrichissante » collaboration entre des agents d’autorités et des mal élus.
Les 68.000 familles casablancaises qui «vivent» dans 800 regroupements de bidonvilles sont certainement pour beaucoup dans «l'élection» des centaines de membres de conseils communaux et de plusieurs parlementaires. Combien d'élus ont défendu la délocalisation des populations bidonvilloises vers des quartiers d'habitat plus décent ? Pas beaucoup. De peur de dilapider leur capital-voix dont l'état de dépendance permet de s’acheter des sièges d’élection. Une pauvreté électoralement si payante que Californie et Anfa, parmi les quartiers casablancais les plus convoités, ont été représentés par des élus issus des grandes poches qui continuent d'étaler leur tôle entre les lotissements de haut standing.
Ce réflexe d’une très égoïste inhumanité ne date pas d’aujourd’hui. Trois siècles av. J.C., Aristote constatait qu’ « en général, les hommes qui ont augmenté la puissance et la gloire de leur patrie, citoyens, magistrats, particuliers, tous, sous quelque domination que ce soit, deviennent les causes de sédition. Soit que des envieux, jaloux de leur gloire, intriguent contre eux, soit qu’eux-mêmes, élevés si haut, ne veuillent plus d’égalité ».
Quand, dans notre monde rural, huit habitants sur dix n'ont pas accès à l'eau potable, le dernier notable du coin qui creuse un puits ou offre une fontaine publique présente tout un programme. Plus besoin de bourrage des urnes ou de maquillage des PV !Pour «bricoler » un semblant d'élection, il faut être plusieurs : un pseudo-parti, un très ancien concept d'autorité, beaucoup d'ignorance et de pauvreté et très peu de dignité et de citoyenneté !
Il est arrivé à des candidats fortunés de servir en un seul repas de campagne l'équivalent de plusieurs mois de salaire d'un professeur d'université tenté par l'expérience parlementaire. Un décret fixe le plafond des dépenses qui, représentant le niveau plancher pour beaucoup d'investisseurs électoraux, peut s'avérer dissuasif pour des cadres aux idées sans...pétrole. Surtout pour le scrutin de liste, dont chaque candidat désigné en tête est tenu de trouver ses colistiers-lièvres et de mettre la main à la poche pour financer sa campagne. L’Etat a nationalisé le financement des partis. L’argent sale l’a "notabilisé".
■Au commencement, en décembre 1986, fut la décision de Hassan II de doter les partis et les syndicats de vingt millions de dirhams à répartir tous les ans entre les organisations politiques. Non sans compter les sommes importantes allouées directement par le palais. De l'aveu de Abdallah Kadiri, le PND de Arsalane El Jadidi a reçu en une seule année électorale 2,5 millions de DH, gratifiés d’un autre million de DH !
Les dons pouvaient être en nature. Tel cet immeuble destiné à abriter les journaux du RNI et qui, selon Abdellah Stouky, a été détourné de son affectation «militante » vers une destination purement commerciale. Des membres du bureau politique ont reproché au président Ahmed Osman de ne pas avoir rendu des comptes depuis le dernier congrès qui remontait à deux décennies. « Le président détient tout le patrimoine du parti et sa femme risque de se l’approprier », confia un ancien ministre RNI à un organe de presse !
En effet, avant la loi de février 2006, les partis politiques dépendaient du code des associations de 1958 et ne pouvaient détenir des biens immobiliers ou de comptes bancaires en leurs propres noms. La poche du Zaïm et les caisses du parti ne faisaient qu’une seule et même cagnotte.
Juillet 2006, Ahmed Osman, Alami Tazi, Mohamed Bentaleb, Ahmed Lakrafes ont été sommés par le tribunal de s’expliquer sur certaines anomalies de gestion, notamment liées à l’utilisation de l’aide publique et à la vente d’espaces publicitaires par les journaux du parti. Sans suite !
A la même époque, Abdelhadi Alami annoncera un livre blanc consacré aux « chauds dossiers financiers du parti, restés en suspens depuis des années et qui doivent s’ouvrir de manière définitive ». Depuis, rien à signaler ! Il fallut attendre l’exil doré de Driss Basri pour nous apprendre qu’ « qu’une bonne partie de l’aide publique a été détournée en cadeaux aux petites amies de certains zaïms ».
Alors que les législatives de 2007 coûtaient au contribuable pas moins de 200 millions de DH, les échéances électorales de 2009 (partielles, professionnelles, communales) revenaient à 550 millions de dirhams. Dont 200 millions déboursés aux formations politiques et aux centrales syndicales. 30 millions pour la campagne pour le renouvellement du tiers de la Chambre des conseillers et la même somme pour les syndicats également concernés par ce scrutin. En plus des 50 millions de DH de financement des élections des chambres professionnelles.
Les partis, disposant aussi de ressources provenant des cotisations des militants ou des parlementaires, se sont vus imposer un plafond de 100 000 DH par an et par donateur. Une campagne électorale pour les législatives coute en moyenne 500 000 DH en milieu urbain et 1 MDH en milieu rural. L’aide de l’Etat se limite à 250 000 DH par candidat élu. Si les cinq ans d’indemnités versées à un parlementaire ne couvrent même pas ses frais de campagne. Et si, au lieu de réclamer la subvention étatique c’est plutôt lui qui met la main à la poche pour se réserver la tazkia dans une circonscription favorable, il faut croire que nous avons les plus altruistes du monde politicien!
■ Dans un passé plus lointain, «l'assistance étrangère» aux « révolutionnaires » n'était pas moins généreuse. Mohamed Fquih Basri raconte dans quelles conditions « la première imprimerie du parti fut financée par l'ancien président algérien Ben Bella... il y a également l'argent de l'armée de Libération, de l'Algérie et des autres pays. Et je suis disposé à présenter le numéro des comptes bancaires de ceux qui ont bénéficié de ces sommes ». Après son décès, on ne le saura jamais !
Dans une lettre de démission datée du 6 juin 1980, Mohamed Abed El Jabri raconte : «depuis mon élection, je ne me suis jamais demandé comment le parti gérait ses problèmes financiers. Je considérais que dans un parti de l'opposition, c'était une question de confiance, d'autant plus que le responsable des finances était supposé recevoir des aides de personnes qui ne voulaient peut-être pas être connues. Aujourd'hui, je considère que c'était une erreur.... J'ignorais et j'ignore toujours tout ce qui a trait à sa gestion et à son financement, comme j'ignore tout ce qui concerne sa participation à la société de distribution. Je n'ai pu trouver d'explications à certains faits... dont celui de n'avoir jamais vu la moindre déclaration sur les finances du parti depuis que je suis devenu membre du bureau politique. Comme je n'ai pu expliquer pourquoi certains de nos adversaires politiques et de classe affirment publiquement avoir donné à l’USFP une aide de X millions. Je ne peux croire ou démentir ces dires, parce que j'ignore vraiment tout ce qui touche à cette zone interdite. Et j'ai pu entendre, dernièrement, qu'un chargé des comptes à l'USFP n'a pu fournir les justifications nécessaires à propos de dizaines de millions de centimes qu'il avait dépensés... »
En France, il a fallu attendre la réforme du 11 mars 1988 pour mettre fin à l’opacité de financement sans obligation de plafonnement ni de déclaration des sources. D'où les mises en examen qui ont rattrapé aussi bien le socialiste Henri Emmanuelli, le communiste Robert Hue que le gaulliste Alain Juppé... Dans le procès ELF, l'ex-PDG a affirmé que l'argent détourné profitait aux candidats à la présidence. A gauche comme à droite !
■Au Maroc, la loi sur les partis, promulguée par dahir du 14 février 2006, leur impose de présenter régulièrement un rapport financier certifié et rendu public par voie de presse. Sauf que la loi imposant de justifier l’utilisation des subventions publiques eut peu d’effectivité, vu le faible écho des multiples injonctions de la Cour des Comptes. Alors que certaines formations sont incapables de justifier la moitié de leurs dépenses, 13 autres n’ont même pas présenté des comptes !
Dès mars 2006, l’Union des Mouvements Populaires donnait la preuve que cette loi était faite pour être enfreinte. A l’ouverture du congrès constitutif, sans attendre l’avis d’aucune instance « représentative », Aherdane se présenta seul à la présidence, suivi de Mohand Laensar et Mohamed Fadili, respectivement au secrétariat et vice-secrétariat général. Ils ont tous été «élus» à l’applaudimètre! Ensuite, alors que la loi en question devrait s’y opposer, on a permis au trio dirigeant de désigner le quart du bureau politique, dix pour cent du bureau national et du comité central.
Une tentative d’application de l’article 5 de la loi sur les partis a été avortée pour permettre au PAM de profiter du mercato gratuit des notables transhumants. Un autre passe-droit sera pardonné à l’UC. Lorsque, début 2006, il remplacera la moitié des membres manquants à son bureau politique, au mépris des dispositions de ses statuts, bien avant la tenue de son congrès.
Autant de laxisme aurait été évité si les pouvoirs publics pouvaient cibler leurs subventions électorales en les soumettant à des critères plus contraignants, tenant compte de la mission d'encadrement et d'organisation confiée par la Constitution. Sur la base, inspirée de l'exemple allemand, d'un cahier de charges qui tiendrait compte de certaines dispositions organisationnelles, comme le nombre des locaux, le personnel permanent qui y coordonne les activités du parti et du syndicat…
tilisation de l’argent pour influencer les électeurs, abus de fonction, utilisation de violence ou de menace, campagne électorale anticipée, non-respect des critères d’inscription sur les listes électorales et des conditions d’une vraie campagne, menaces, insultes et diffamations, coups et blessures, atteinte aux biens matériels d’autrui, faux et usage de faux…Telles furent les armes de guerre pour la conquête des butins communaux.
La bataille fut encore plus acharnée quand il s’est agi de former les équipes conquérantes des nouveaux conseils locaux. Des chaises ont volé, des noms d’oiseau ont fusé, des urnes ont été brisées… Après la valse des disparitions volontaires ou forcées, des intimidations et des promesses d’intéressement.
A quelques exceptions près, on va d’abord aux élections pour gagner une présidence communale, régionale ou préfectorale, y préparer une éventuelle entrée ou rentrée à la chambre des conseillers, y défendre ses intérêts d’entrepreneurs devenus preneurs, y améliorer son vécu quand on reste simple conseiller.
Le sous-développement économique est un frein à la démocratisation politique. Non pas qu'on ait plus de pauvres que d'autres. Mais parce que, à la pauvreté, s'est ajouté un grand déficit d'encadrement des syndicats et des partis et une carence notoire de dignité humaine, alimentée par l'autorité d'un ancien concept qui, se mettant du côté des rapaces, s'est détourné des moineaux.
Il serait angélique de croire que des gouvernants reçoivent une illumination démocratique parce qu’ils ont remporté ou acheté un scrutin. Le passé est là pour nous démontrer que la démocratie fait parfois le lit de ses pires ennemis. La république de Weimar a succombé sous les assauts électoraux du nazisme. Hitler n’est devenu vraiment Hitler qu’après avoir, démocratiquement, conquis la chancellerie allemande.
La corruption électorale a marchandisé un vote devenu sans opinion. A la toise d’argent, entre les mauvais électeurs et les mal élus, les droits de l’homme ne sont pas que politiques. Leur défense superficielle peut amener l’apparence d’une démocratie d’opinion à cacher une ploutocratie de pognon.
Faut-il aller jusqu’à refuser la démocratie à des peuples qui la réduiraient à une compétition électorale ? La réponse est lourde de pièges mais il est évident que la démocratie est un ensemble de droits, de devoirs et de normes qui la définissent. Faute de les mettre en œuvre, elle n’est qu’illusion. Les pires ennemis de la démocratie savent en détourner les usages pour en exploiter les faiblesses. Au nom de la démocratie !
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