Cinq
JURASSIQUES PARTIS
La différence entre le politicien et l'homme d'Etat est la suivante :
le premier pense à la prochaine élection, le second à la prochainegénération.
James Freeman Klark
On
raconte qu'au terme d'un mois de Ramadan, des personnes attablées à la terrasse d'un café scrutaient le ciel pour voir le croissant lunaire annonciateur de l'Aïd El Fitr. En vain. Quand, au hasard du regard, un passant montra le bon côté du ciel. Trop heureux de sa découverte, il pointa du doigt une autre direction et s'écria: «en voici un autre!». Moralité: un excès de confiance peut faire perdre le Nord en le voyant partout.
Croyant avoir un œil sur tout et ne pouvant donner que ce qu'ils n’ont pas, certains finissent par bâcler chaque brin des nombreuses responsabilités qui finissent par les dépasser. Des cumulards endurcis, parfois doublés de nomadisme et d’absentéisme, investissent des Chambres et des Conseils d’une très douteuse représentativité.
Loin de l’unanime présence à l’ouverture royalement solennelle du deuxième vendredi d’octobr, selon une source parlementaire, seuls 30% des conseillers participent régulièrement à toutes les séances d’une même session. Alors qu’une soixantaine n’y met jamais les pieds après la séance inaugurale.
Ne trouvant pas des parlementaires dans les deux Chambres, allez aux nouvelles dans les sièges de leurs partis transformés en poste restante ! On vous répondra que beaucoup d'entre eux, depuis la formalité de leur accréditation de candidature, n'ont jamais revu les locaux où ils sont sensés rencontrer leurs «frères » et informer de ce qu'ils font pour leurs électeurs.
Pourtant, chaque parlementaire coûte au budget de l’Etat une indemnité mensuelle de 36000 DH. A laquelle s’ajoutent 7000 DH pour les présidents des commissions et les membres de Bureau. 2 500 DH sont versés pour chaque jour de déplacement à l’étranger. A la fin du mandat, ils perçoivent une retraite équivalente à mille dirhams par mois pour chaque année de députation.
Sans oublier les grosses remises offertes par le transport aérien, les exonérations douanières pour l’acquisition d’une voiture de luxe. Le transport ferroviaire étant gratuit, au même titre que les communications téléphoniques qui transforment certains bureaux de groupes en téléboutiques sans jetons.
Combien parmi eux ont pris la peine de recruter un assistant? Un besoin d'autant plus justifié que certains députés ne savent ni lire ni écrire. Au retour de l'ascenseur, ils pourraient contribuer à traduire le principe de "un homme, une voix" en "un député, un emploi". A moins qu'ils ne soient adeptes que d'«un billet, une voix»! En 2010, comble des paradoxes, les budget consacré à l’expertise et au recours à des spécialistes chargés d’aider les députés à parfaire leurs méthodes de travail n’a pas été dépensé !
Il aurait été plus judicieux de s’inspirer du parlement français qui scinde l’indemnité des députés et des sénateurs en plusieurs parties différemment fonctionnelles, dont une enveloppe de rémunération de collaborateurs de 9 093 euros par député et de 7 510 euros par sénateur.
Chez nous, moult parlementaires font tellement de parlement buissonnier qu'ils se contenteraient d’une députation par correspondance. Un règlement intérieur stipule qu'au cas où le député persiste à ne pas siéger, son nom est cité à l'ouverture de la séance qui suit, et un prélèvement est effectué en fonction des jours d'absence. Il n'a jamais été appliqué ! Le serait-il, les députés pourront toujours « justifier » une absence aux motifs impossibles à vérifier.
Pourtant, le travail ne manque pas. Dans l’exercice du pouvoir législatif, la constitution en vigueur apporte même une certaine division du travail entre les deux chambres : « Les projets de loi sont déposés en priorité sur le bureau de la chambre des représentants. Toutefois, les projets de loi relatifs notamment aux collectivités territoriales, au développement régional et aux affaires sociales sont déposés en priorité sur le bureau de la Chambre des Conseillers ».
En attendant, les deux chambres se contentent le plus souvent de l’arrivage des textes du gouvernement pour étoffer l’ordre du jour des commissions permanentes. Signe d’une permanente emprise gouvernementale, réductrice de l’image d’utilité et de crédibilité du parlement aux yeux des populations.
En plus d’un absentéisme notoire, sévit parfois un présentéisme absent ! Celui des membres qui, sans grand bagage ni apport de formation sur le tas, se contentent de venir se faire voir. Elu depuis 1997, le député U.C.Mohamed Zemmouri ne prit la parole que durant la session d’automne 2012 !Pour enfin avoir droit à un Parlement sans mal élus, sans absentéisme, sans illettrisme, il aura fallu attendre l'arrivée du Parlement ...pour enfants !
Malgré tout, beaucoup d’absents retrouvent le chemin de la réélection. Les plus futés s’arrangent pour cacher leurs mauvaises graines semées par une «gestion» sortante. Parfois, Ils changent leur lieu de candidature pour se faire oublier et re-promettre de nouveaux monts et merveilles sur un autre terrain de chasse. Abandonnant ainsi une contrée saignée à blanc pour se lancer à la conquête de la suivante. Tel cet amateur de jeu vidéo qui redémarre après l'énième mort -déjà oubliée - de son héros virtuel.
Les marocains sont de grands cumulards. Des responsables de la santé publique sont actionnaires dans des cliniques privées. Un responsable de club de foot logeait son équipe dans son propre hôtel et s’envoyait les factures. Des enseignants portent la deuxième casquette de président de l’association des parents d’élèves…
Parmi nos hommes politiques, les cumuls n'en finissent pas de s'accumuler. Il y en a qui confondent carte de visite et C.V. Certaines cartes de visite, devenues pliantes pour satisfaire l'étalage complet des responsabilités, finissent par ressembler à des dépliants publicitaires. Des responsabilités qui continuent quelques fois à servir leurs ex-dépositaires, longtemps après s'en être déchargées. Tel cet Ancien ministre. Chargé des relations extérieures de AAM. Alarme. Vol-Incendie. Télésurveillance 24 H sur 24. Gardiennage avec chien. Automatisme. Contrôle d'accès Vidéo. Hôtesses d'accueil.
Moult candidats, se présentant à tout ce qui se présente, arrivent à cumuler des fonctions de député-président d'un conseil communal, de conseiller préfectoral, de vice-président d'un conseil de région et d'une communauté urbaine... Non sans finir par occuper un fauteuil ministériel qui, à son tour, les autorise à exercer leur autorité sur les organismes publics placés sous tutelle.
Il est arrivé que la double casquette soit si mélangeuse des genres qu’Omar Bahraoui est devenu président d'une commune puis de la Communauté urbaine de Rabat alors qu'il était en plein exercice de sa fonction de directeur des Collectivités locales au ministère de l'Intérieur. Ou le cas de Khalid Naciri, devenu ministre de la communication tout en gardant la direction de l’Institut supérieur de l’administration ainsi que tous les avantages en nature qui l’accompagnent ! Ahmed Taoufik, ministre des affaires islamiques, perçoit une grosse prime mensuelle en tant que directeur de la Fondation Al Saoud !
Une confusion retrouvée dans une curieuse duplicité au code de la presse. Lorsque plusieurs procès en diffamation contre l’USFP ont été déclarés irrecevables parce que des juges ont refusé de séparer la double fonction d’Abderrahman Youssoufi en tant que Premier ministre et directeur du quotidien du parti.
Ce qui conduit à quelques situations gênantes. Au moment où des journalistes du quotidien du RNI ont fait état de leurs mauvaises conditions socioprofessionnelles à leur directeur-ministre des ... Droits de l'Homme ! Ou des grévistes de l’imprimerie de l’Istiqlal à un autre directeur-ministre...de la Solidarité.
Parfois, les cumulards finissent par s’imposer un ordre de priorités. C'est le cas de la responsabilité à la tête d'une Région. Le système politico-administratif régional, produit d'une collectivité locale de deuxième génération, d'un second degré, ne dispose pas de suffisamment de garanties pour éviter d'occuper un second rang. Des multi présidents, au risque de «hiérarchiser» leurs élections, desservent forcément la dimension régionale.
Ce qui peut donner des candidats ni satisfaits ni remboursés ! A la manière de ce malheureux candidat au renouvellement du siège de Conseiller de Tata. Selon la section locale de l’AMDH, les envoyés d’un acheteur de voix auraient déclarés en public : « nous avons vendu nos chameaux et nous avons donné l’argent à des ânes !». De là à qualifier de mouchtarine (acheteurs) les occupants de la chambre des moustacharine (Conseillers), il n’y a pas qu’un jeu de mots !
En effet, dans la ploutocratie ambiante, beaucoup d’élus indirects sont convaincus que la richesse n’est pas incompatible avec la représentation élective. Ils donnent volontiers l’exemple du Congrès américain, dont es 535 membres possèdent 3,6 milliards de dollars. « Je crois en la division du travail. Vous nous faites élire au Congrès ; nous passons des lois qui VOUS permettent de gagner de l’argent », déclara sans gêne Boies Penrose, sénateur républicain, à ses soutiens financiers dès 1896. Différence de taille : chez nous, plus que les lois, se sont les passe-droits, les rentes et le réseautage qui LEUR permettent de gagner de l’argent !
Peu d'élus de la deuxième Chambre daignent retourner à leurs communes, notamment rurales, choisies pour servir de voie de passage à la députation indirecte. Il y a un certain mépris de la part de ceux qui désertent une assemblée jugée suffisamment pauvre pour ne pas permettre d'y trouver leur compte. Abdelouahed Radi observera que, «les députés ont pris l'habitude de faire beaucoup de choses à côté. De faire de la députation amateur. Si bien que finalement le député, après avoir terminé ce qu'il a à faire ailleurs et qu'il a un peu de temps, vient faire un tour ici par curiosité!».
Hors classe partisane, le cumul des décideurs jamais passés par la case électorale n’est pas moins flagrant. Mounir Majidi, secrétaire particulier du roi, coordinateur de la gestion des palais, gestionnaire de SIGER (holding royal qui comprend la SNI et l’ONA avant leur fusion), propriétaire de la société d’affichage urbain FC Com, Mentor du Festival Mawazine de Rabat… Alors qu’Ali Fassi Fihri reste patron de l’office de l’eau potable au moment de sa nomination à la tête de l’ONE, puis de la fédération de foot ball…
Le cumul en large, embrassant le plus de fonctions, peut s’ajouter au cumul en long qui garde les mêmes fonctions entre les mains vieillissantes du même superman qui ne souffre ni départ à la retraite ni départ volontaire.
Un premier pas insuffisamment décisif est initié par la constitution révisée. Le mandat de membre de la chambre des représentants est incompatible avec la fonction ministérielle, la présidence du conseil de la région et avec l’exercice de plus de deux présidences d’une chambre professionnelle ou de conseil de la ville. Le texte interdit également de cumuler le mandat de député avec celui de membre de la cour constitutionnelle ainsi que toutes les institutions prévues par la nouvelle constitution.
Peut mieux faire ! Le chômage politique étant aussi flagrant que le chômage économique, on devrait réfléchir au moyen d'obliger un élu en situation de cumul à conserver le dernier mandat obtenu, de limiter les mandats électifs à un par personne, à deux le nombre de mandats successifs dans une même fonction. Pour encourager l'alternance, éviter la sclérose, prémunir contre l'usure du pouvoir et la perte d'indépendance par rapport au corporatisme, au clientélisme, à l’affairisme.
ans « Pouvoir et religion au Maroc », Najib Mouhadi retrouve dans les rouages partisans les mêmes structures d'hiérarchisation dans les zaouia où « le wali, le salih, le cheikh, baraka ou agouram est un personnage mi-mythique, mi-réel, puisant son autorité dans une relation fortement personnalisée et empreinte de soumission intégrale ». Une sorte de rente de pole position cultuelle, masquant toute insuffisance intellectuelle.
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Avec peu de compétences, insuffisamment de prestance et beaucoup de suffisance, des «barons» arrivent à s'assurer une présence inamovible auprès du patron dans des bureaux politiques garantis cent pour cent hermétiques. En ne garantissant plus la présidence communale ou la députation, ils peuvent au moins les placer dans la file d'attente des ministrables, des ambassadables, des pédégéisables, voire des gouverneurables ou walyables…
Le militantisme de base, pour commencer à un âge précoce, doit être favorable à la promotion interne. Hassan II avait à peine treize ans quand il associa un autre jeune, Abderrahmane Youssoufi, alors âgé de moins de vingt ans, à la préparation des manifestations des jeunes élèves le 29 janvier 1944, à la revendication de l'Indépendance. Depuis, on a oublié que la meilleure façon d'amener les jeunes à la politique est de rajeunir ceux qui en font depuis trop longtemps.
Tant de zouama, contrairement à la fameuse pile, s'usent sans vraiment éclairer.Ce qui contredit ceux qui reprochent au «makhzen» d'avoir permis à Haj M'hamed El Makri d'être resté à la tête des ministres de 1917 à 1955. Ou à Driss Basri d'être resté à l'Intérieur de 1971 jusqu'en novembre 1999. Ou quand ils donnent l'exemple de ce consul du Maroc à New York qui, après avoir accompagné l'ambassadeur Ahmed Osman au moment de sa nomination en 1965, était encore en place lors du passage au nouveau millénaire !
Faut-il avoir été en prison, voire contre le régime, ou contre notre intégrité territoriale, pour mériter la considération du watan ghafour rahim (pays clément et miséricordieux)? Dans une lettre ouverte envoyée au ministre de la communication, l’ex-numéro 2 des Forces Royales Air, emprisonné pour « divulgation de secrets militaires », estime que « nos anciens militaires prisonniers à Tindouf…ont battu des records de détentions. Enfin libérés, fiers de retrouver leur pays, leurs familles, la gratitude et l’estime de la nation, ils sont mis à la retraite d’office, même les plus jeunes. Leur pays les rejette pendant qu’il accueille avec faste et honneurs les anciens insurgés ennemis devenus repentis ».
Alors qu’un jeune homme de 28 ans est à la tête d’un parti genevois en Suisse, un jeune loup Marocain devra attendre une génération, voire plus, pour qu’un strapontin se libère dans la vielle bergerie ! Dans les jurassiques partis et des syndicats, Allal El Fassi, Abderrahim Bouabid, Abdallah Ibrahim, Maâti Bouabid, Arsalane El Jadidi, Mahjoub Benseddik…sont tous morts sur leurs trônes syndicalo-partisans.
A force d'empêcher une légitime aspiration aux relèves, à coup de rentes électives, on perpétue le blocage de l'alternance des générations et des compétences. Beaucoup de cadres abandonnent, convaincus de l'inutilité de leur militance. Au grand bonheur des éternels ex-nouveaux-présidents-députés se présentant à tout ce qui se présente. Pour eux, l'important n'est pas de briller, mais de durer !
e RNI puis l’U.C ont battu tous les records de report des congrès plusieurs fois annoncés. Il aura fallu la contrainte d’adaptation à la loi sur les partis politiques pour que le rassemblement d’Ahmed Osman consente enfin à la tenue d’un congrès en 2007. Soit six ans après le précédent et … 23 ans entre les deux premiers.
Pendant longtemps, On a mesuré le succès d'un congrès à l’aune de sa capacité à faire réélire un président. Sans la moindre candidature concurrente, l’unanimisme tient lieu de légitimité démocratique. Si congrès il y a, beaucoup préfèrent reprendre les mêmes pour tout recommencer, assurant la meilleure conservation aux fossiles politiques. A la faveur du repêchage assuré par l'incontournable commission des candidatures.
Le septième congrès de l'USFP lui substitua «la commission de qualification» chargée de faire le tri parmi les candidats au Conseil national appelé à élire le bureau politique. Ce qui n’a pas empêché le courant «fidélité à la démocratie » de fustiger «la dénaturation des opinions critiques exprimées par les militants lors de la discussion de la plate-forme officielle, le bourrage systématique des listes dans les régions et dans les structures considérées fidèles à la hiérarchie ». Simon Lévy, membre fondateur du PPS, rappelait que le mal était général : « lors du prochain congrès, on n'hésitera pas à pratiquer l'lnzal (parachutage) des congressistes. Comme cela a été le cas lors du précédent congrès ».
Pour éviter de secouer les cocotiers, les plus malicieux s'arrangent pour tenir un semblant de congrès, noyé dans la plus grande salle couverte, derrière le plus grand nombre d'orateurs et l'inévitable traiteur- restaurateur. Un vrai faux congrès qui soumettra à l'applaudimètre, préalablement réglé, les recommandations émanant des seuls avis autorisés. Le tout couronné par la lecture d'un communiqué final rédigé, comme son nom ne l'indique pas, avant l'ouverture des portes. Dans certains cas, les RG sont au courant des nominés avant les « militants » des congrès extraordinairement… ordinaires.
Au départ, notre paysage partisan s'est imprégné de l'arrivée des premiers zouama issus du mouvement national. Ils ont infligé à leurs partis une rigidité structurelle inadaptée aux automatismes de la démocratie interne. La légitimité organisationnelle étant ainsi écartée, seule la légitimité historique faisait foi. Dans ces conditions, il est difficile de convaincre du bien-fondé d'une réforme constitutionnelle donnant plus de pouvoirs à un premier ministre devenu chef de gouvernement. De la part des partis qui, faute de démocratie interne, accordent très peu de pouvoirs à leurs propres troupes.
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Au moment d’entrer dans un nouveau siècle et un nouveau millénaire, la troisième génération de l'après-Indépendance vit la 45 ème année du mandat de Mahjoub Benseddik. la 40 ème de Abderrazak AFilal, la 23 ème de Noubir Amaoui. La 43 ème de Mahjoubi Ahardane, la 22 ème de Ahmed Osman. Habib El Forkani déplora l'exagération du leadership partisan et sa transformation en une sorte de «roi du parti» !Plus enclins à prévaloir leur passé qu'à faire valoir notre avenir, ils suscitent plus de questions qu'ils n’apportent de réponses.
Avant son départ du RNI, Abderrahman Kohen écrira : « Démocratisons les structures et le fonctionnement de notre parti avant de revendiquer la démocratisation de la vie politique ». A défaut d'appliquer d'aussi bons principes à son parti, il a préféré créer le sien. Non sans risque de revenir aux schémas anciens. Car dans les partis - filiales, le naturel dictatorial revient vite au galop directorial.
Faisant part de sa propre conception de l'organisation interne d'un parti politique, Mahjoubi Aherdane a tenu à préciser que «Bouazza Ikken (avant d'aller fonder l'Union Démocratique) a été «désigné» par ses soins pour faire partie du bureau politique «parce qu'il n'était ni au Congrès et n'a pas été choisi par le Comité Central». Le patron du MNP est convaincu que «le Bureau Politique doit exécuter les instructions du Secrétaire Général. Ses membres sont de simples conseillers».
Au PPS, à l'occasion du vote des documents du 6 ème congrès, le texte de Simon Lévy, intitulé «nous sommes toujours sur la voie», (la zilna ala attariq) a été rejeté par le bureau politique. La même démarche, sous d'autres formes, fut menée par Khalid Jamaï, membre du bureau exécutif de l'Istiqlal. Octobre 2000, il annonce la création d'un courant politique réformateur «socialiste-démocratique» au sein du parti. Pour certains de ses «frères égalitaristes », une telle tentative de mise en place d'un courant n’était qu'un... «courant d'air ».
Dans ces partis où l’on est très jeune très longtemps et où on est obligé de se vassaliser pour durer, les bases sont davantage sollicitées pour cautionner des décisions prises au sommet que pour contribuer à leur élaboration.
Ce qui conduit aux désertions et aux scissions. Ceux qui restent, quand ils ne font pas de la résistance, prennent vite l'habitude de venir applaudir les mêmes tribunables. Parfois, pour sauver les apparences, les apparatchiks s'entourent de quelques dociles courtisans. Qu'importent les références, ils peuvent aller aussi loin qu’on leur autorise, en sachant transformer «je pense donc je suis » en «je ne pense pas donc je vous suis»!
Dans l'attente, sur les bancs de touche, beaucoup de cadres de valeur continuent de faire banquette. Certains patrons voyous sont tellement habitués à leurs ouvriers corvéables qu'ils n'acceptent dans les partis qu'ils investissent que des cadres jetables.
L’existence d’une société de droit influe beaucoup sur le fonctionnement de l’entreprise et limite les dérives et les violations de la loi. Or, beaucoup de patrons confondent trop souvent propriété privée des ressources physiques et appropriation des ressources humaines.
Quand certains cadres sont «tolérés» pour leur compétence, c'est pour servir de lest, à peine bons à faire monter un dirigeant. Avant que, à la manière d'un dirigeable, ils soient lâchés dans Ard Allah al Wassi'â (la vaste terre d'Allah)! Un peu à la manière de ces parents qui montrent à un enfant comment parler et marcher, pour ensuite lui dire de se taire et de s’asseoir !
D'où le développement d'une culture de «cour» et de pratiques de renvois d'ascenseurs, à l'aune du clientélisme, du copinage, de la cooptation. Si, entre-temps, un besoin de candidatures ministrables se fait sentir, on peut toujours accepter de jouer le rôle de couveuse instantanée, offrant le maillot du parti à des ministres fraîchement étiquetés. Ce qui permet quelques fois d’occuper un maroquin sans le vote des marocains et sans avoir visité le siège du parti supposé d’appartenance politique !
Beaucoup de « Jeunesses » sont créées dans le giron de certains partis parce que cela fait «organisé», «structuré» et «implanté». En plus, cela peut rapporter quelques subventions et des voyages à l'étranger. Avant de retomber dans la clandestinité, elles auront au moins servi à «élire» leur «représentant» au bureau politique. Peu importe que, à l'instar de «1'U.C des générations de l'après indépendance», le patron de jeunes soit sexagénaire! Ou qu’Ouzzine Aherdane, patron de la jeunesse du MNP, né en 1947, ne soit parti qu’en 2008 !
Certaines amours font des fous, certains mariages des cocus, certaines élections des têtus. Sur les 26 partis en lice lors des élections législatives du 27 septembre 2002, des «patrons » comme Aïssa El Ouardighi, Abderrahim Lahjouji, Mahmoud Archane, Abdelmjid Bouzoubaâ n'ont pas été élus. Sous d'autres cieux, ils auraient démissionné. Ils ne l’ont pas fait. Les législatives suivantes ont fait tomber Smaïl Alaoui, Abderrahim Lahlouji, Ahmed Kadiri, Ahmed Benjelloun, Abdessamad Benlekbir… Depuis, ayant compris que le patronat partisan peut se passer de la représentation populaire, de plus en plus de ténors ne se présentent plus aux législatives et aux communales.
Tout en exprimant leur adhésion au « processus de démocratisation» externe, ils donnent rarement l'impression de se soucier de leur démocratie interne. Avant de mettre la défense de l'Etat de droit à la tête de leurs revendications, les partis tardent à se transformer eux-mêmes en partis de droit.