Qu’est-ce que le syntagme ?

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Qu’est-ce que le syntagme ?

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A béka jóízűen falatozni kezdett, de bezzeg a kicsi királykisasszonynak elment az étvágya. Mikor aztán a béka jól lakott, azt mondta (A békakirályfi) :

– Most már eleget ettem, fáradt vagyok, álmos vagyok, vígy a szobádba, fektess selyem ágyadba s feküdj le te is, aludjunk.

« La grenouille mangea de bon appétit ; quant à la princesse, chaque bouchée lui restait au travers de la gorge. À la fin, la grenouille dit : « J’ai mangé à satiété ; maintenant, je suis fatiguée. Conduis-moi dans ta chambrette et prépare ton lit de soie; nous allons dormir. » » (Le roi Grenouille ou Henri de Fer)

Le roi Grenouille

Les composantes de la signification de la parole

Selon le linguiste suisse Ferdinand de Saussure, le fondateur du structuralisme, la signification du langage parlé ou écrit ne résulterait que du contraste entre les expressions diverses associées à des notions précises qui serait produit ou bien par l’arrangement de celles-ci dans la phrase, ou bien par un pouvoir de substitution réciproque. Il appela la disposition séquentielle syntagmatique tandis que la relation de substitution se nomme paradigmatique d’après Roman Jakobson (pour Saussure, ce n’était encore rien d’autre qu’une association par parenté étymologique, par signification ou par suffixation).

Ce seraient donc ces deux dimensions que l’on retrouve dans chaque langage que constituent la disposition séquentielle inclusive « de ceci et de cela » et le choix exclusif pour une position séquentielle donnée « de ceci ou de cela » (Daniel Chandler : La sémiotique pour débutants [.eng]).

La direction linéaire habituellement horizontale de l’écriture est celle de la combinaison des mots par « et », donc la direction du choix des mots par « ou » doit être représentée verticalement. Pour en donner l’idée, figurons-nous que dans le conte de Grimm ci-dessus, si la grenouille avait bien de l’appétit, la princesse n’en avait pas. On pourrait alors dire :

une phrase française

Paradigme et syntagme

Dans la phrase ci-dessus, chaque structure verticale constitue un paradigme (παράδειγμα – le modèle, l’exemple) qui, du moins dans le cas des catégories conjugables ou déclinables, peut aussi être lui-même composé d’autres paradigmes ; dans le cas d’un paradigme simple, il s’agit de mots différents ayant la même catégorie grammaticale, tandis que dans le cas des paradigmes composés, ce sont des collections de formes grammaticalement différentes du même mot.

Par contre, un syntagme (σύνταγμα – le rassemblement) est un groupe d’éléments connectés logiquement entre eux qui auront été choisis pour l’occasion dans des paradigmes appropriés, mais qui présentent aussi un certain rapport séquentiel au sein du groupe. Si les composants sont contigus, ils peuvent s’enchaîner pour former des structures de plus en plus grandes, comme par exemple des mots, des groupes de mots, des phrases, etc. (Notons en passant, que pour des raisons historiques ou peut-être même techniques, on n’a pas l’habitude de considérer dans les langues indo-européennes les mots comme des syntagmes ☹.)

Par ailleurs, le nombre et la personne des syntagmes particuliers doivent s’accorder comme de toute évidence entre le sujet et le verbe.

À partir de l’exemple illustré, on peut construire 3456 phrases correctes par substitution « verticale », c’est-à-dire tout en gardant l’ordre horizontale des mots – ce qui fait déjà du français une langue des plus flexibles. Il va de soi que c’est encore sans tenir compte des temps composés à l’aide du participe « eu » (ce qui doublerait ce nombre) puisque nous ne pourrions pas faire la différence en hongrois, étant donné qu’il n’y a pas de tels temps dans celui-ci.

Il faudrait encore observer que la distinction des genres qui est la plus visible dans la 3ᵉ personne des pronoms est – avec des phénomènes phonétiques incontournables – probablement à l’origine des paradigmes de flexion. En effet, on retrouve même dans l’anglais qui ne conjugue ni décline pratiquement plus la démarcation him-her-it qui distingue le pronom masculin du féminin et du neutre (m–f–n). Comme cette distinction se base plus ou moins clairement sur la classification sexuelle des êtres humains, on pourrait aussi bien la qualifier d’anthropomorphe (ἀνθρωπόμορφος – à la forme de l’homme).

1ᵉ observation

Certains de leurs traits caractéristiques font que les syntagmes des langues indo-européennes se prêtent mal à une description simple par des règles universelles :

    • La phrase verbale n’est pas nécessairement connexe, comme le montre son imbrication avec la phrase de négation dans l’exemple illustré. De plus, on pourrait aussi dire « elle n’a vraiment pas eu … » en insérant un mot de plus dans les deux phrases déjà imbriquées ;
    • Comme la grenouille peut aussi bien avoir « un très bon appétit » qu’« un appétit très bon », l’ordre interne des syntagmes n’est pas fixe. C’est particulièrement vrai pour les adjectifs épithètes du français ;
    • Le principe même de la flexion empêche les mots d’avoir une structure interne syntagmatique (c’est-à-dire purement séquentielle) puisqu’ils se présentent souvent sous des thèmes divers au grès de la conjugaison ou de la déclinaison. Ainsi, le verbe « avoir » commence par « av- » ou « au- » selon les temps, tandis que son participe passé prend la forme de « eu ». Aussi, rappelons-nous, si la grenouille n’est pas belle, elle a tout de même un bel avenir en tant que beau prince ☺…

Le syntagme agglutinant

Dans les langues agglutinantes, ce n’est pas la distinction des genres qui forme le paradigme fondamental*. En plus, elles ne connaissent pas la flexion thématique, et par conséquent les paradigmes syntaxiques n’ont aucune structure « cachée ». Comparons donc l’exemple d’en haut à son homologue hongrois, dans lequel l’utilisation de certains archiphonèmes (.pdf.hun) pour les voyelles des suffixes s’impose (A=a,e; O=o,ö,e; U=u,ü et V=A,O) :

magyar mondat

2ᵉ observation

La phrase française correspond à trois syntagmes distincts en hongrois. On peut les énumérer ici sans se préoccuper des détails de leurs caractéristiques que nous apprendrons à connaître plus tard : le premier est un adverbe attributif (Attradv), le deuxième un groupe possessif (Poss) et le dernier un prédicat (Præd).

Mais l’on peut déjà constater les faits suivants :

    • Il n’y a aucune imbrication ;
    • Il n’existe pas de paradigmes de déclinaison, ni de conjugaison – il n’y a que les suffixes pronominaux (személyrag) qui se regroupent en un paradigme commun ;
    • Les points critiqués auparavant se trouvent tous rectifiés, parce qu’ici chaque syntagme est d’un seul tenant, son ordre interne est fixe et chacun de ses éléments, c’est-à-dire les mots sont tout aussi syntagmatiques que la structure entière.

Contre toute apparence, la composition des syntagmes hongrois obéit à des règles plus strictes que celles du français, sans pour autant entraver la flexibilité du langage. En effet, bien qu’avec seulement 2448 possibilités il y en ait un peu moins au départ que pour la phrase française (si le hongrois connaissait les genres, il y en aurait 8/6 fois plus, soit 3264 ☺), on pourrait quand même moduler l’énoncé en permutant sans restrictions les trois syntagmes. Cela augmenterait le nombre des possibilités à 14688 (3!×2448) tandis que la seule variation séquentielle permise par l’exemple français concerne la place des adverbes, ce qui ne ferait que de doubler le nombre des phrases possibles.

Ces données laissent à deviner que la syntaxe du hongrois a une construction « horizontale » fondamentalement différente de celle des langues indo-européennes. Cela va sans dire que pour en saisir les règles, il faudra alors disposer de moyens adéquats qui, quant à eux, ne peuvent se dériver que d’une compréhension approfondie de →l’opération d’agglutination

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* Note :

Les langues ouraliennes auraient plutôt préféré de faire la distinction entre l’animé et l’inanimé (.eng). Ce serait alors une perception écomorphique (οἶκόμορφος – à la forme de la maison) qui s’oriente sur l’habitat, c’est-à-dire l’environnement. Cela conduirait d’ailleurs directement à la dualité du subjectif et de l’objectif, ainsi qu’à la possibilité de l’auto-référence de la 3. sing.

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