Qu’est-ce que le groupe syntagmatique ?

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Qu’est-ce que le groupe syntagmatique ?

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De most már a királykisasszony egy cseppet sem búsult … Jól megnézte a királyfit s mondta lelkes szóval (A hű szolga) :

– Ha te szeretsz, én is szeretlek, feleséged leszek, ásó, kapa s a nagy harang válasszon el minket.

« Ces paroles consolèrent la princesse; son cœur en fut touché, et elle consentit à épouser le roi. » (Le fidèle Jean)

L’amour récurrent

La syntaxe de la suffixation

Comme nous le savons déjà, l’élément de base de l’alphabet morphologique est le morphème (μὀρφημα – la « forme » comme l’unité minimale de signification). En outre, le trait le plus typique de l’agglutination est qu'elle enchaîne des morphèmes d’une façon répétée. Mais l’opération de la répétition facultative est le joker avec lequel on peut définir chaque syntagme de suffixation tout bêtement comme :

Synt = ⁕ + morf

Le joker peut ici représenter comme d’habitude tout ce qu’on veut : le néant, un autre morphème, ou même un syntagme entier. Cette description par récurrence* est régulière à gauche, ce qui veut dire qu’un tel syntagme ne peut être augmenté que de manière que ce soit son tout dernier élément qui définisse sa fonction – cet élément-là est dans le sens strict du mot terminal, et ne se laisse remplacer par rien d’autre. En plus, la simplicité de la formule fait que chaque structure binaire est définie sans équivoque par l’ordre des ses composants, et la formule illustre aussi indirectement le principe fondamental qui fait engendrer cet ordre. En effet, en augmentant un syntagme, on ne fait que d’y ajouter plus d’information (.eng), ce qui s’explique intuitivement par la comparaison de la proposition soulignée dans la citation en haut avec son interprétation syntactique. La proposition en question qui se traduit par « [elle] regarda avec insistance le prince » se compose d’un complément adverbial (adv, adverbium), d’un prédicat verbal (præd, prædicatum) et d’un complément d’objet (obj, objectum) :

l + megnézte + a királyfit = adv + præd + obj

Il est vrai que les suffixes sont des morphèmes qui dans leur majorité expriment des fonctions syntaxiques – comme c’est le cas ici – mais au-delà de ces repères, ils n’offrent à eux seuls aucune information sur l’action elle-même, son mode d’exécution ou son objet. Par conséquent, l’ordre d’un syntagme agglutinant (et suffixant) est par principe dégressif parce que l’information exposée par ses composants va en diminuant. Par définition, plus un élément apporte du nouveau ou de la précision, plus il a une valeur d’information. La « quantité » de l’information dépend donc de son importance pour l’expression voulue de l’énoncé.

Donc si on enchaîne deux morphèmes (ou plus) sur le niveau le plus élémentaire (0), c’est-à-dire sur celui de l’énonciation pour former une unité plus grande, le morphème le plus général (gene, genericum) sera toujours positionné à la fin du syntagme, pendant que l’autre, plus spécifique (spec, specificum) le précédera :

Synt = ⁕ + morf = ( Synt | morf | ∅ ) + gene = ( spec ) + gene

Le composant général est celui qui insère le syntagme dans son contexte respectif, tandis que la part plus spécifique n’en fait que d’améliorer la description en l’augmentant par récurrence vers la gauche. À l’échelle des mots, la paire spec–gene fut baptisée « déterminant–déterminé » (.pdf.hun) par le linguiste hongrois Sámuel Brassai qui reconnut un demi-siècle avant Lucien Tesnière (sans jamais avoir publié dans une langue différente du hongrois, bien qu’il fût l’auteur de livres de cours de français, d’allemand et de latin, entre autres ☹) la nécessité d’abandonner la discrimination entre le sujet et le prédicat qui est incontournable dans la syntaxe classique du type latin, et qui vient à l’origine de la philosophie mais qui est plutôt gênant quand le sujet n’est point exprimé, ou le sujet logique diffère du sujet syntaxique. Quoique ces termes soient couramment utilisés depuis lors, ils ne se réfèrent qu’à des mots entiers (comme chez Tesnière d’ailleurs), et ils n’ont aucune utilité dans la description de structures suffixées puisque ce ne sont ni les suffixes qui déterminent les radicaux, ni les derniers qui déterminent les premiers ☺.

récursivité

La fonction des syntagmes

La morphologie à syntagmes réguliers a pour conséquence la réduction de la fonction de chaque syntagme à celle de son dernier morphème, ce qui est bien illustré par le mot feleséged (ta femme) qui est composé des parts suivantes (nomn, nomen – le nom; apad, appositum adjectivum – l’adjectif apposé; auto, autoflexivum – l’auto-référence; obj poss, objectum possessivum – l’objet possédé; sing, singularis – le singulier) :

feleséged = (((félnomn + (V)s)apad + Ág)auto + (V)d)obj poss 2. sing = obj poss 2. sing

C’est une particularité très intéressante, puisque normalement la fonction d’un syntagme n’est pas si évidente. Prenons par exemple le pendant allemand du mot ci-dessus dans l’original du conte (poss, possessivus, ~a, ~um – possessif; nom, nominativus – le nominatif; f, femininum – féminin; præf, præfixum – le préfixe; m, masculinum – masculin; Attr, attributum – le syntagme attributif) :

deine Gemahlin = ((deinapad poss 2. sing + e)nom f sing + ((gepræf + Mahl)nom m + in)f)Attrposs f sing = Attrposs f sing

L’irrégularité de la structure de l’exemple allemand résulte d’une part de la distribution de la fonction à exprimer sur plusieurs morphèmes, et d’autre part du fait que ce ne sont pas les suffixes qui forment des paradigmes, mais les mots entiers ce qui empêche l’établissement d’une liaison directe entre les suffixes et leur fonction. Alors qu’il existe ici aussi un élément principal, c’est toujours un mot plein. Cet élément principal, souligné dans chacun des exemples, est dans les deux cas le « noyau » syntaxique de la structure, ce qui fait que l’ordre dégressif n’est que la généralisation de ce que Tesnière (.pdf.eng) appelait l’ordre « centripète », dans lequel les éléments subordonnés qui dépendent du noyau « vont » en quelque sorte vers celui-ci parce qu’ils le précèdent.

L’ordre interne des groupes

Il ne nous faut pas d’aller aussi loin que Lucien Tesnière avec sa grammaire de dépendance qui est mieux adaptée à l’étude des langues slaves (et de leurs parents) dont elle est issue qu’à celle d’une quelconque langue agglutinante. Mais il avait fait une observation primordiale en ce qui concerne l’ordre syntagmatique : à savoir qu’il en existe deux, celui qui est centripète que nous connaissons déjà, et celui qui lui est opposé, donc centrifuge dans lequel l’élément subordonné « s’en va » du noyau puisqu’il lui succède. Du point de vue de l’information exposée par une telle structure, elle est naturellement progressive.

Quand le linguiste américain Joseph Greenberg (.eng), un des maîtres de la linguistique comparée en synchronie considérait les rapports définissant le choix de l’ordre des mots, il en conclua (.pdf.eng) que les séquences dégressives sont harmoniques entre elles puisque dans beaucoup de langues, comme par exemple dans les langues agglutinantes, mais aussi dans les langues dravidiennes, elles caractérisent presqu’en exclusivité les syntagmes.

Par contre, les séquences progressives sont tout au plus dominantes parce que leurs variantes dégressives peuvent aussi bien être présentes dans la même langue (quand il existe des universaux linguistiques [.eng] harmoniques). Les syntagmes dominants sont typiques du berbère, de l’hébreu, du thaï, etc. Mais on les rencontre aussi dans les langues indo-européennes. Une fois que le mariage est fini dans le conte (c’est-à-dire son original), la princesse est devenue la « femme du roi » :

    • die Gemahlin des Königs (progressif et dominant) = des Königs Gemahlin (dégressif)

À cause de l’ordre variable des syntagmes, la grammaire originale de Tesnière se voulait sans direction. Par conséquent, la tradition structuraliste fait abstraction de l’ordre linéaire – ce qui n’est pas d’un grand secours si on cherche justement à déterminer ce dernier ☹. Mais il y a aussi d’autres caractéristiques indo-européennes qui contrecarrent la description grammaire des langues agglutinantes. En effet, comme le linguiste Paul Garde l’avait remarqué, les langues indo-européennes n’ont pas simplement un ordre linéaire dominant, mais leurs prépositions et préverbes forment en quelque sorte une « marque de fabrique » (.pdf), ce qui a naturellement une forte influence sur leur perception de la grammaire en général.

Donc, une comparaison de l’ordre linéaire du phylum indo-européen et du hongrois s’impose :

Le tableau ci-dessus démontre clairement qu’à l’encontre des langues indo-européennes, l’ordre linéaire du hongrois est strictement uniforme (même si les élèves ont tendance à éprouver cela à l’inverse ☹). De ce fait, le hongrois ne connaît ni les prépositions (præp, præpositio), ni les préfixes (præf, præfixum) puisqu’ils seraient progressifs tous les deux. Pour la même raison, la langue ne possède non plus des préverbes dans le sens usuel du mot !

La liste des groupes syntagmatiques

Le groupe syntagmatique est dans le hongrois un syntagme connexe qui est toujours dégressif et qui donc doit être augmenté de façon régulière vers la gauche. Il peut être introduit par une négation (neg, negatio), un article défini (art def, articulum definitum) ou non (art ndef, articulum indefinitum), ou par une combinaison de ceux-ci. Ce commencement est sans équivoque, et comme il a l’air d’une « immanis diruptio » (.lat), on l’appelle un Big Bæng d’après la désignation allemande Bestimmungsangabe (la détermination) – après tout, le « Grand Boum » serait bien le début de tout ☺.

Voici donc les groupes qui décrivent tous les syntagmes de la langue :

    • le groupe syntagmatique le plus élémentaire est celui de l’agglutination que l’on connaît depuis les préliminaires d’en haut;
    • l’attribut qualificatif interne : « Az aranynap kastélyában egy elátkozott királylány (une princesse ensorcelée) várja a szabadulását. » (La boule de cristal [.hun]);
    • la possession interne : « Mikor eljött a szedés ideje (le temps de la cueillette), jelentkezett az ördög a részéért. » (Le paysan et le Diable [.hun]). La possession externe dont le possesseur est obligatoirement signalé par le datif ne forme pas un groupe syntagmatique puisque la position de celui-ci est indépendante de celle de son objet possédé : « Az volt a dolga, hogy kezére (… la main) járjon a szakácsnak (du cuisinier). » (Le roi Barbabec [.hun]);
    • le nom personnel que l’on n’a pas l’habitude de considérer comme un syntagme grammatical est important dans ce contexte parce qu’il démontre de par son ordre inverse hors de pair en Europe la prévalence absolue du principe dégressif dans le hongrois, et constitue en fait l’aboutissement logique des deux groupes précédents : le minuscule fils du tailleur (a szabó kis fia – attribut) est Jeannot, le fils du tailleur (a Szabó fia Jankó – possession interne), qui s’appelle Jeannot « Graine de Haricot » (Petit Poucet; aki a Babszem Jankó [.hun] – nom personnel);
    • la relation : « Pergett, pergett, aztán hirtelen eltűnt a szeme elől (de sa vue). » (Le fuseau, la navette et l’aiguille [.hun]);
    • la modification adverbiale : « Merthogy mind nagyon okosak (très intelligents) voltak, nem sokáig tartott a tanakodás. » (Les musiciens de Brême [.hun]);
    • la détermination prédicative qui est le Big Bæng lui-même : « A fiú pedig többet nem törődött (ne s’[en] préoccupa pas) vele, harangozott s aztán szépen hazament, lefeküdt, egy szó nem sok (n’[y est] pas beaucoup), annyit sem szólt senkinek, elaludt. » (Conte de celui qui partit pour apprendre la peur [.hun]);
    • le prédicat proprement dit : « Egyszer egy macska az erdőben kószált (erra dans la forêt), és találkozott a rókával. » (Le renard et le chat [.hun]);
    • l’attribut démonstratif : « Hát ennek a gyereknek (de cet enfant-ci) ugyan mi lett a neve ? » (Chat et souris associés [.hun]);
    • le mot composé : « Hajdanában réges-régen, hetedhét (sept fois sept) országon túl élt egyszer egy király. » (Les souliers usés au bal [.hun]);
    • la conjonction : « Este kiszabta a cipőt, hogy (pour que) majd másnap elkészíti. » (Les lutins [.hun]).

Le rôle des groupes syntagmatiques

À la seule exception de la conjonction qui est tout à fait neutre, chaque groupe syntagmatique constitue une réponse plus ou moins minutieuse – dépendant de la profondeur de la récurrence – à une question précise dans laquelle la part générale (gene) est un point fixe, et la part spécifique (spec) du syntagme est remplacée par un interrogatif. Les exemples cités répondent donc aux questions suivantes (en raison du manque de régularité, les traductions françaises sont loin d’être unidirectionnelles ☹) :

    • [A] (ti)ed – le tien : mi [a] (ti)ed – qu’est-ce qui est à toi ? A feleséged – ta femme.
    • Királylány – la princesse : milyen királylány – quelle princesse ? Egy elátkozott királylány – une princesse ensorcelée.
    • [Az] ideje – son temps : mi ideje – le temps de quoi ? A szedés ideje – le temps de la cueillette.
    • Jankó – Jeannot : milyen Jankó – quel Jeannot ? Babszem Jankó – Jeannot « Graine de Haricot ».
    • [Valami] elől – du devant de … : mi elől – du devant de quoi ? A szeme elől – de sa vue.
    • Okosak – intelligents : hogyan (mennyire) okosak – intelligents à quel point ? Nagyon okosak – très intelligents.
    • Kószált – [il] erra : hol kószált – où erra-t-[il] ? Az erdőben kószált – [il] erra dans la forêt.
    • Törődött [vele] – [il] s’[en] préoccupa : tényleg törődött [vele] – il s’[en] préoccupa vraiment ? Nem törődött [vele] – [non,] il ne s’[en] préoccupa pas .
    • [A] gyereknek – de l’enfant : melyik gyereknek – de quel enfant ? Ennek a gyereknek – de cet enfant-ci.
    • Hét – sept : hány hét – combien [de fois] sept ? Hetedhét – sept fois sept .
    • Majd másnap elkészíti – [ils les] prépare le lendemain : mi az összefüggés – quel est le rapport ? Hogy majd másnap elkészíti – pour qu’[il les] prépare le lendemain.

La définition exacte

Le tableau ci-dessous résume les groupes syntagmatiques présentés en haut et les unités qui les composent et qui doivent être considérées comme étant déjà ↑ réduites. La règle veut que deux mots ou morphèmes consécutifs – c’est-à-dire sans Big Bæng intercalé – forment un groupe syntagmatique si, et seulement si leur ordre est conforme à l’une des descriptions données dans le tableau (où les éléments sont désignés en latin, et ceux avec un « + » superposé pouvant être enchaînés).

Les groupes syntagmatiques

Comme on l’avait déjà mentionné plus haut, les langues agglutinantes ont essentiellement un ordre dégressif. Pourtant, du peu de telles langues que l’on trouve en Europe, il n’y a que le hongrois qui s’y tienne d’une façon absolument conséquente. Notablement, le finnois et l’estonien préfèrent l’inverse, c’est-à-dire l’ordre progressif pour le prédicat (0), le basque pour l’attribut qualificatif interne (2) et le turc pour la négation (7). Bien sûr, l’ordre du nom personnel (5) est aussi différent dans chacune de ces langues puisqu’elles suivent toutes la convention européenne. Celle-ci prend ses origines dans la tradition étrusque et romaine que les Hongrois ne connaissaient pas lorsqu’ils arrivèrent en Europe au Ⅸᵉ siècle, quand l’habitude des noms de famille commença tout juste à se propager à partir de Venise. (Comme quoi l’ordre de l’attribut qualificatif des Romains se devait d’être tout aussi dominant qu’eux-mêmes ☺, cf. Circus Maximus).

Les deux plus hauts niveaux de priorité, c’est-à-dire les numéros 8 et 7 servent à délimiter les groupes syntagmatiques à droite respectivement à gauche, comme les éléments final et initial d’une paire de parenthèses dans un langage de Dyck (.eng) qu’on utilise en informatique à fin de mieux reconnaître les structures logiques d’un langage de programmation. En plus, le suffixe fonctionnel se trouve toujours au bout du groupe – à l’exception de l’attribut démonstratif qui est en réalité un double groupe syntagmatique qui exige la répétition de ce suffixe sur chacun de ses deux sous-groupes, comme l’exemple correspondant l’a déjà montré. La position exclusivement finale du suffixe fonctionnel va à l’encontre de beaucoup de langues puisque même le finnois requiert la suffixation distribuée sur chaque membre de l’attribut qualificatif interne.

La priorité des groupes syntagmatiques indique quel groupes ils peuvent dissocier, à savoir ceux qui ont un index moindre (sauf le dernier, la Conj qui est toujours considéré comme un mot unique; sub, subjectum – le sujet; obj, objectum – l’objet) :

    • 7 : A királykisasszony nem mond7 [semmit] = (a királykisasszony)sub + (nem mond)BBng7 + [semmit]obj – La princesse ne dit rien;
    • 8>7 : A királykisasszony nemet8 mond = (a királykisasszony)sub + (nemet mond)Præd0 – La princesse dit non;
    • 7>0 : A királykisasszony nemet nem7 mond = (a királykisasszony)sub + (nemet)obj + (nem mond)BBng7 – La princesse ne dit pas non.

La définition du Big Bæng (7) pourrait suggérer qu’il ne s’agit que de la négation du prédicat – qu’il soit verbal ou nominal – mais en dehors de cela, il peut aussi dissocier les autres groupes nominaux, du nº 1 au nº 5, du moment la résolution du præd a laissé entrevoir la structure de cette détermination prédicative dans son intégralité :

BBng = neg + ver | ( neg ) + ( art def ) + ( art ndef ) + nomn

La priorité du mot composé qui vaut −1 tient compte du fait que sous certaines conditions, l’adjonctif verbal peut se détacher de son verbe :

« A kék fényű lámpásról sem feledkezett meg (oublia), azt is magával vitte. » (La lumière bleue [.hun])

Structures internes et externes

La possession (4) est une relation qui est établie entre un sujet possédant (sub poss) et l’objet possédé (obj poss). Tous les deux sont en fait des attributs qualificatifs internes (Attr, nº 2) qui ne prennent part dans la relation de possession que grâce à des suffixes spéciaux qui les lient aux personnes de la conjugaison, par exemple à la troisième (les éléments optionnels se trouvant entre parenthèses) :

Poss3. = (sub poss) + obj poss =

(Attrints + (nAkdat poss + A(z)art def)exts) + Attr + (j)A(i(k)) | (j)Ukposs objt 3. sing|plur

La grammaire classique hongroise (.hun) ne fait guère la différence entre les structures des groupes numéros 2 à 4, et encore moins entre leurs versions internes (ints, internus) et externes (exts, externus). Même si leurs rôles syntaxiques se ressemblent, ils diffèrent d’un point de vue morphologique et syntactique. En outre, les groupes numéros 3 et 4 peuvent paraître bien exotiques aux yeux d’élèves de langue indo-européenne.

Par exemple, dans le groupe possessif interne nº 4, la possession suit directement le possesseur avec lequel elle forme un bloc uni. Ce possesseur-ci se trouve donc toujours au sein de la même structure que sa possession, et le suffixe -nAk du datif possessif n’est pas obligatoire sur lui. Mais dès le moment où le possesseur est détaché de sa possession par un Big Bæng – moyennant un article défini dans ce cas – ce suffixe devient impératif et rend le possesseur indépendant de sa possession. Ce possesseur-là constitue alors un groupe syntagmatique autonome qu’on appelle un possessif externe. Notons pour l’anecdote que le possessif interne est un héritage ouralien (.pdf.hun), tandis que le possessif externe marqué par le datif est un des caractéristiques de l’aire linguistique européenne (.pdf.eng).

De même, l’attribut qualificatif interne est étroitement lié au nom qui le suit comme pars generica au sein du groupe syntagmatique nº 2. L’attribut qualificatif externe qui n’est apposé à aucun nom engendre un prédicat attributif qui peut être composé ou non, dépendant de la présence d’une copule. Dans ce cas, il doit aussi y avoir un accord en nombre avec le sujet.

La tâche des groupes syntagmatiques

Les groupes syntagmatiques sont les constituants primordiaux des phrases hongroises que l’on ne saura éviter à apprendre à manipuler (en vue d’être capable de moduler le sens de l’énoncé, ce que nous devrons encore examiner de plus près ☹). La régularité des règles de réécriture dévoilées jusqu’ici fait qu’il soit possible, à l’aide des définitions binaires des groupes syntagmatiques qui ont été données, de décider mot par mot si le mot suivant appartient encore à un groupe, ou il en introduit un nouveau.

Par exemple, en rappelant la toute première citation de ce cours, nous pourrions dire le soir du jour quand la princesse était encore accablée de tristesse, qu’« aujourd’hui elle n’avait aucun appétit » :

L’assemblement syntagmatique

Est-ce que la structure profonde est-elle nécessaire ?

La suite de groupes syntagmatiques ne révèle que la structure superficielle du langage. Mais selon la grammaire générative et transformationnelle, il en existerait une autre que le fondateur de ce courant de pensée de la philosophie linguistique, Noam Chomsky désigna par le terme de la structure profonde. Les relations de cette dimension « sous-jacente » sont décrites ou bien suivant la dépendance des mots entre eux, ou bien suivant la constituance des structures logiques. La première approche est le domaine de la grammaire de dépendance, et la seconde celui de la grammaire structurelle. La différence la plus importante entre les deux est que la grammaire de dépendance ne reconnaît pas que la dualité du sujet et du prédicat soit fondamentale, et part de ce fait toujours du verbe dans son analyse. Par contre, la grammaire structurelle élit le nom qui est en dehors de la phrase verbale comme le sujet syntactique.

On peut bien observer la disparité des structures qui résultent des approches différentes sur l’exemple de la section précédente :

    • la structure superficielle linéaire est formée par trois syntagmes :
    • Aujourd’hui elle n’avait aucun appétit =
    • (aujourd’hui) + (elle + ne + avait) + (aucun + appétit)
    • la structure hiérarchique profonde de dépendance est :
    • ((aujourd’hui)adv + (elle)sub + (ne)neg + avait + ((aucun)apad + appétit)obj)ver
    • la structure hiérarchique profonde de constituance est (avec np, nominal phrase – la proposition nominale; advp, adverbial phrase – la proposition adverbiale; ap, adjectival phrase – la proposition adjective; vp, verbal phrase – la proposition verbale) :
    • (elle)np + (ne + (avait + (aujourd’hui)advp + (aucun + appétit)ap)vp)vp

La structure linéaire c’est-à-dire syntagmatique de la phrase est dans les deux cas distincte de la structure hiérarchique syntaxique ☹ ! Mais comme les groupes syntagmatiques du hongrois sont connexes, les unités syntaxiques de la phrase consistent de ces mêmes groupes (num, numeralis – le numéral; subs, substantivum – le substantif) :

  • Ma semmi étvágya nem volt =
    • (ma)Attradv + (semmi + étvágy + (j)A)Poss + (nem + volt)Præd
    • (ma)adv + ((semmi)num + ((étvágy)subs + (j)A))sub + ((nem)neg + volt)ver
    • (ma)advp + (semmi + étvágy + (j)A)np + ((nem)neg + volt)vp

Si le modèle de dépendance ne tient compte que du supplément principal du verbe, et le modèle structurel relâche l’exigence concernant le sujet, alors la structure superficielle se confond avec chacune des deux structures profondes ! Cela veut dire que la structure interne de la langue concorde avec sa représentation externe, c’est-à-dire sa structure superficielle est à la fois la représentation de sa logique. Autrement dit, le hongrois est homoiconique (ὁμοιοεἰκών – à l’image semblable), comme certaines langages de programmation (.eng).

La conséquence

La syntaxe de tradition occidentale s’efforce à décrire la structure « profonde » d’une langue et les « transformations » qui conduisent à la structure visible. Par conséquent, une grammaire de ce type sera toujours de peu d’utilité pour le hongrois puisque, du fait de son homoiconicité, celui-ci ne fait pas appel à de telles transformations – la langue est en effet essentiellement régie par des phénomènes d’ordre linéaire. (Ce clivage se manifeste d’ailleurs souvent dans les traduction automatiques sur Internet dont les logiciels opèrent sur des arbres syntaxiques hiérarchiques ☹).

De plus, l’analyse globale des dépendances hiérarchiques ne concerne que les cas de concordance qui dépendent en fait de la valence des mots, c’est-à-dire de leur capacité d’attirance envers d’autres mots, mais qui n’ont aucune influence sur l’ordre linéaire. En dehors de cela, la syntaxe hongroise ne devrait s’occuper que de l’analyse locale des suffixes et de l'ordre linéaire de deux éléments consécutifs !

Cela faisant, les groupes syntagmatiques peuvent toujours être ramenés à la fonction de leur pars generica qui est déterminée par sa →catégorie lexicale. Encore faut-il pouvoir identifier cette dernière…

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* Remarque :

La récursivité n’est rien d’autre que l’auto-référence appliquée par répétition. La philosophie a tendance à la regarder comme un paradoxe (.eng), bien que cette méthode de définition se soit avérée depuis le milieu du ⅩⅩᵉ siècle comme l’un des outils les plus importants (.hun) de l’informatique et de la linguistique.

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