Qu’est-ce qu’une langue agglutinante ?

reculer
avancer

Qu’est-ce qu’une langue agglutinante ?

au début
table des matières
à la fin

A fiúnak tetszett az ajánlat; tüstént fölcsapott, s ment az emberrel csillagnézést tanulni. Mikor már eléggé jártas volt a tudományában, mestere egy messzelátót adott neki (A négy fortélyos testvér).

« Ces belles promesses séduisirent notre jeune homme, qui devint bientôt un astronome si habile que, lorsqu'il eut terminé son apprentissage, son maître lui donna une lunette … » (Les quatre frères habiles)

Fille regardant les étoiles

Les éléments de la syntaxe hongroise détaillés jusqu’ici font toujours allusion au fait que cette langue est du type agglutinant. Mais qu’est-ce que cela veut dire au juste ? Les verbes du hongrois se conjuguent (coniugātiō – l’union) et ses noms se déclinent (dēclīnātiō – l’inclinaison, l’écart) comme dans la citation ci-dessus, et pourtant ce sont les deux manifestations possibles de ce que les linguistes appellent la flexion – par la suite le hongrois serait quand même une langue flexionnelle ? Cette confusion ne serait-elle pas causée simplement par l’omission d’avoir déterminé exactement ce que ces termes désignent en quelle langue et quand (c’est-à-dire dans quel siècle ☹) ?

La classification typologique des langues se fait encore souvent, pour simplifier les choses, selon des catégories datant de 1836 (.deu) qui ont été définies par le linguiste prussien Wilhelm von Humboldt. Il avait en effet établi qu’une langue peut être isolante, agglutinante ou bien flexionnelle (à flexion externe ou interne) ou, si on prend en compte non seulement des mots mais aussi des proposition entières, polysynthétique. Seulement voilà, il s’avéra vers la fin du ⅩⅩᵉ siècle que ces catégories qui ont l’air si simple ne le sont pas du tout. Elles sont plutôt le résultat de trois constitutifs mutuellement indépendants (.eng) que l’on ne peut point réduire à une seule dimension. De plus, ces distinctifs fondamentaux ne dépeignent presque jamais une langue entière, mais seulement certaines de ses fonctions grammaticales.

En ce qui concerne les grammaires hongroises, le fait que ces notions-ci n’avaient pas une traduction précise comme on le voit dans l’exemple suivant, avait certainement compliqué les choses :

termes typologiques
    1. La connexité du signe
    2. La typologie morphologique s’intéressa dès le début à la manière par laquelle les fonctions grammaticales trouvent leur expression dans une langue donnée. Et le trait le plus typique des signes grammaticaux est comment le signifiant se connecte aux mots.
  1. Prenons par exemple le premier mot souligné dans la citation qui y est suffixé et dont le nominatif s’appelle fiú (le garçon, le jeune homme) ce qui se dit boy en anglais et יֶלֶד /ˈje.led/ en hébreux. Ces lexèmes forment en même temps les radicaux des mots correspondants, à l’exception du dernier qui possède une racine à compléter avec des voyelles qui est dénotée par j⁕l⁕d. Dans ces trois langues, le marquage du datif (dat, dativus) se fait de la façon suivante :
    1. dat = a fiúnak = לילד /laˈje.led/ = to the boy
    2. Dans la première variante, le signifiant est enchaîné au radical – c’est la méthode de la concaténation que nous connaissons déjà des chapitres précédents. Dans la seconde, il y a un changement des sons du thème qui sont en quelque sorte (d’après les anciens grecs et les latins ☺) « fléchis » – c’est donc la méthode de la flexion interne, et il faut remarquer à ce propos que cette « suffixation » du type afro-asiatique (.deu) était à l’origine de la théorie des racines hongroises du ⅩⅨᵉ siècle, bien que cela n’ait rien à voir avec la concaténation elle-même.
  2. La flexion interne n’est pas une méthode linéaire, tout comme la conjugaison et la déclinaison des langues germaniques qui sont bien illustrées par la traduction allemande de l’autre signification du mot fiú qui est « le fils » (en utilisant comme d’habitude des abréviations latines) :
    1. der Sohnnom sing → die Söhnenom plur
    2. L’anglais démontre la troisième possibilité de connexion en détachant le signifiant du datif du radical – c’est la méthode isolante qui ne diffère de la méthode analytique (ἀναλυτικός – relatif au déliement) que dans la mesure où celle-là se réfère plus exactement à l’utilisation de verbes auxiliaires conjugués, et constitue de ce fait la contrepartie à la méthode synthétique (συνθετικός – ce qui relève de la composition) de conjugaison.
    3. Mais les deux dernières méthodes ne font plus partie de la dimension de la fusion qui décrit à quel point un signifiant donné – ou la majorité des signifiants si on prend la langue en sa totalité – est attaché au radical : en lui étant accolé, en lui causant une modification, ou bien en étant isolé de celui-ci. Le hongrois n’utilise que la méthode de concaténation, tandis que les langues indo-européennes font recours à toutes les trois, bien que dans des proportions différentes selon les langues.
    4. L’exclusivité du signifié
    5. Comme le chapitre sur la sémiotique nous a déjà fait apprendre, chaque signe (dyadique) comporte deux parts : le signifiant et son signifié. Si le marquage se fait d’une façon exclusive, alors il n’y a qu’un signifié unique qui soit lié à un signifiant donné comme au suffixe -nAk du hongrois. Dans le cas contraire, le signifiant peut représenter plus d’un signifié à la fois.
  3. Pour ce qui est de cette seconde variante, c’est encore l’allemand qui fournit un bel exemple avec le signe -e du pluriel masculin qu’on pouvait observer dans la section précédente. Ce signe n’a pas de signifié exclusif puisqu’il peut aussi bien représenter – entre autres – le singulier des adjectifs par exemple, comme on peut le vérifier sur l’analogue du premier sens de fiú qui est formé à partir d’un tel adjectif :
    1. jungadj → der Jungenom sing
  4. Un tel signe à représentation multiple qui expose plusieurs signifiés par le même signifiant ne peut révéler sa fonction à lui seul (c’est pourquoi le cas d’un nom allemand n’est reconnaissable qu’à l’aide de son article ou de son adjectif épithète, et les formes verbales conjuguées nécessitent la présence du pronom personnel, ce que l’on connaît aussi du français). Le signe n’a de sens que dans un paradigme défini, par exemple :
    1. -e = nom singm, f, n / nom plur / dat singm / acc singf / 1. sing / 3. sing / …
  5. L’unicité et la multiplicité de l’exposition du signifié forment la dimension de la représentation où le hongrois se distingue par des exposants uniques, étant donné que chaque fonction grammaticale est marquée par un signifiant bien défini – du moins par une sémiotique appropriée. Bien sûr, cela n’est vrai que si les voyelles sont groupées par archiphonèmes (.pdf.hun), et les suffixes sont considérés strictement agglutinants dans le sens de la section précédente. Ainsi, il n’y a pas de suffixe « pronominal » *-nAk ce qui fait que le suffixe du datif reste sans équivoque :
    1. -nAk = dat3. plur = 3. sing + plur = ⁕n + ⁕k
    2. L’exclusivité du signifiant
  6. L’inverse du cas décrit ci-dessus est façonné par des signifiés qui sont associés à plusieurs signifiants. L’exemple même en est le pluriel masculin de l’allemand déjà mentionné. En effet, les deux traductions de fiú recquièrent deux signifiants différents : le suffixe -(e)n de la variété « faible » est un signe concaténant, tandis que le ⸚ e est un signe non linéaire. Mais il s’agit dans les deux cas du même signifié :
    1. nom plur m = die Jungen / die Söhne / …
    2. Ce ne sont que deux exemples choisis parmi la multitude de signifiants possibles dont chacun appartient à une classe de déclinaison (.deu) précise, c’est-à-dire à un paradigme de flexion – ce qui donne à l’opération « / » son nom de « disjonction non exclusive paradigmatique ». Une telle déclinaison (ou conjugaison) par classes est en général la conséquence de l’utilisation de signes non linéaires qui, comme on le sait déjà, n’existent pas dans le hongrois.
    3. La dimension de la flexion est donc caractérisée par la présence ou l’absence de classes de flexion. Et comme le hongrois n’en possède pas (même si de nouvelles grammaires hongroises persistent à soutenir le contraire ☹) puisqu’il n’utilise que des signes uniques qui sont tous concaténants, il ne peut en aucun cas être flexionnel.

La typologie moderne

Tout comme la complexité des signes des langues indo-européennes rendait l’étude sémiotique de ces signes très difficile, elle avait aussi embrouillé la mise au point d’une typologie vraiment universelle. Il n’est donc pas étonnant qu’il eût fallu attendre jusqu’en 1999 pour que le linguiste allemand Franz Plank (.eng) reconnaisse la nécessité d’une classification plus précise qui se baserait sur des attributs plus élémentaires que d’usuel, et de plus indépendants l’un de l’autre.

La particularité des langues agglutinantes est qu’elles sont en fait plus simples à caractériser que les langues indo-européennes. Ainsi, le hongrois a de toute évidence une représentation unique, une fusion par enchaînement et une flexion sans classes – ce qui le distingue fortement des langues qui font l’objet des études habituelles de la linguistique européenne.

En plus, ce ne sont pas que les signes univalents qui manquent à ces dernières, mais aussi certaines autres régularités qui pourraient faciliter l’analyse et qui existent par chance dans le hongrois, comme par exemple celle des →groupes syntagmatiques

La classification du hongrois
avancer
web analytics
joomla analytics
Contrat Creative Commons

Tanulj magyarul!fr de Pierre GAAL est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons paternité 2.0 France.

Contact Fiche de l‘éditeur Mentions légales