Des tuyaux pour comprendre les phrases

La phrase hongroise

reculer
table des matières
avancer
au début
à la fin

Est-elle vraiment chaotique?

(0) Hol volt, hol nem volt, messze földön, réges-régen volt egy vénséges vén anyóka.

Yoda
    • L’obstacle le plus grand pour la compréhension d’un texte hongrois, c’est probablement l’ordre absolument variable des mots dont la morphologie est en plus très flexible. Même avec les phrases hongroises les plus simples, il vaut mieux d’être un poète, ou bien Yoda (.eng) pour les comprendre :Mesekönyvet olvasok Livre de contes je lis.

Bien qu’il nous paraisse inhabituel, cet ordre et encore plus sa variabilité sont des plus naturels. Je me rappelle d’une petite fille qui jouait au loup avec sa petite soeur dans un supermarché jusqu’à en perdre de vue leur mère. Quand la mère les appela, elle répondit « Ici je suis Maman! ». Du point de vue de la petite fille, cette phrase reflète parfaitement son intention de signaler sans équivoque sa position à sa mère. Dans la langue des adultes cependant, il y manque le complément principal du verbe qui devrait suivre celui-ci (comparez vous-mêmes). Pourtant, en hongrois cet énoncé obéit visiblement à la règle de primordialité : « Itt vagyok anya! » Toutefois, puisqu’il n’y a pas d’ordre fixé des mots, il faut essayer de deviner la catégorie grammaticale de chaque mot qu’on vient de lire (ou d’entendre) à partir de ses suffixes. De cette façon on pourra tirer des conclusions quant à la fonction du mot dans une proposition.

Qui pourrait le faire?

Le mot est un article

(1) Kint élt a hegyek közt a kunyhóban, egy tisztásnak a szélén, egy falka libával.

Az anyóka minden áldott reggel fogta a botját, és kibicegett a vadonba.

Un article défini ou indéfini dont l’apparence n’est jamais changée se trouve toujours devant un nom ou un adjectif apposé à un nom. Dans sa forme « az » qu’on utilise devant une voyelle un tel article se différencie d’un pronom démonstratif par le fait que ce dernier est toujours suivi d’un article quand il ne s’agit pas d’un prédicat nominal : az a tisztás cette clairière-là.

C’est ainsi un des deux cas dans lesquels le hongrois emploie l’article défini d’une manière un peu inhabituelle. Le second cas, c’est le possessif qui prévoit l’article aussi bien pour une possession simple comme a botját (sa béquille acc) que pour le possesseur comme p.ex. dans la phrase suivante :

Neked még egyenes a hátad, könnyen jár a lábad : meg sem érzed Tu as les épaules (les épaules à toi) droites et les jambes (les jambes à toi) solides : ce sera peu de chose pour toi.

Si le nom déterminé par l’article est au nominatif, c-à-d. quand il n’a aucune désinence, et s’il n’est pas inclus comme possesseur dans une construction possessive enchaînée, il pourrait bien être un sujet comme az anyóka la mémère qui remplit cette fonction dans la seconde phrase de (1).

C’est vrai en particulier pour les soi-disant prédicats nominaux qui sont dépourvus de tout verbe : A liba madár L’oie [est] un oiseau. En fin de comte, c’est toujours un substantif qui est le sujet d’un tel prédicat : Az erdő a sötét C’est la forêt [qui est] sombre (et pas la clairière, p.ex.).

Si le nom après l’article est à l’accusatif, il faut continuer l’analyse par la section suivante.

À part cela, l’article sert à introduire un →complément circonstanciel partiel : a hegyek közt parmi les montagnes, a kunyhóban dans la cabane, egy tisztásnak a szélén au bord d’une clairière, egy falka libával avec un troupeau d’oies, a vadonba dans (vers) le fourré.

Enfin, pour en savoir plus sur les articles, il est conseillé de lire la page « L’article défini ».

Qu’est-ce qu’on utilise?

L’objet désiré

(2) Azzal egy kis szelencét nyomott az ifjú kezébe. Si des -tt doubles à la fin d’un mot marquent bien le prétérit ou passé simple, un suffixe de la forme -(V)t* indique avec une grande probabilité la présence d’un nom à l’accusatif : egy kis szelencét une petite boîte.

Mais la désinence accusative est équivoque puisqu’en réalité le suffixe -tt fait partie de -((O)t)t dans lequel toutes les composantes entre parenthèses sont optionnelles, et ce suffixe peut donc se réduire à la désinence accusative :

    • Az éveitől igazán nem várt volna ilyen élénkséget az ember (verbe) À voir son grand âge on ne s’y attendait pas qu’elle soit si vive.
    • Az anyóka 3 éve várat valakit : a hercegnő szüleit (verbe) La mémère fait attendre quelqu’un depuis 3 ans : les parents de la princesse.
    • A hercegnő meglátta a kuckóból lett várat (accusatif) La princesse aperçut le château que fut devenue la cabane.

Ce suffixe peut même apparaître comme -(Vt)t, donnant ainsi des →adverbes ou bien des postpositions :

Ott a falka mögött baktatott a libapásztorlány Là, derrière le troupeau marchait la gardeuse d’oies.

En plus, on ne devrait pas oublier que la désinence accusative peut très souvent manquer après les suffixes pronominaux de la 1e et 2e personnes du singulier comme p.ex. dans kipihenheted magad tu peux te reposer.

Il y a pourtant un critère qui simplifie les choses : s’il y a un objet direct dans une proposition complète, il y a aussi un verbe comme prédicat (.hun).

Il faut aussi savoir que l’accusatif est important pour pouvoir déterminer par les règles les suffixes objectifs ou subjectifs du →verbe : a szelencét nyomta ou bien egy szelencét nyomott.

À qui est-ce que l’on fait?

Un nom au datif ou un verbe à la 3e personne du pluriel

(3) Elmondta az ifjúnak a következő történetet : Három lánya volt a királynénak…

Dans cet exemple-ci, la désinence -nAk a été attachée à un nom, mais elle pourrait aussi bien l’être à un →verbe comme dans l’exemple suivant :

Az öregasszony közben úgy simogatta a libáit, mintha édesgyermekei volnának Cependant la vieille caressa les oies comme si elles étaient ses propres enfants.

Si par contre cette désinence n’est pas accolée à un verbe, alors elle marque le datif qui, dans le cas du possessif, fait du nom un possesseur. Si en plus on trouve que le verbe « être » dans une de ses formes fait office de prédicat dans la proposition, il faudra traduire celui-ci plutôt par « avoir » comme dans l’exemple nº (3) : … volt a királynénak la reine avait …

Sans un tel verbe, le nom au datif pourrait bien faire partie d’une possession enchaînée dans laquelle au moins l’avant-dernier possesseur est en général mis au datif :

az öregasszony lányának a libái les oies de la fille de la vielle.

Dans le hongrois il y a encore le cas particulier du datif ergatif (.eng) qui sert à marquer le sujet d’un infinitif conjugué :

Gazdag ember gyerekének nem kell cipekednie Les enfants des riches ne doivent pas porter [un fardeau] si lourd.

Quant au datif normal, il s’agit tout simplement d’un objet indirect qu’on traite comme un →complément circonstanciel. C’est notamment le cas dans la 1e proposition de la phrase nº (3) : az ifjúnak au jeune homme.

C’est à qui?

Un suffixe pronominal (.hun)

(4) Szedd a lábad szaporán, ezt a batyut ugyan le nem akasztják többé a hátadról!

Il y a une kyrielle de suffixes qui attribuent une possession ou une action à une personne précise :

    1. -Ok, -(V)m, -(U)nk;
    2. -(V)d, -Vl, -sz, -(V)tOk;
    3. -(j)A, -i(k), -nÁ, -nAk, -Ák.

Un autre suffixe pronominal du pluriel est quelque peu équivoque : -(j)Uk. Celui-ci se réfère à la 1e personne quand il s’agit d’une action, mais fait appartenir une possession à la 3e personne.

La phrase nº (4) nous propose plusieurs de ces désinences personnelles : szedd prends, lábad tes jambes, le nem akasztják on ne les détache pas (3. plur).

En trouvant de tels suffixes pronominaux, il faut encore contrôler s’il ne s’agit pas de compléments circonstanciels qui feront l’objet de la section suivante.

Comment c’est fait?

Un complément circonstanciel

(5) Örvendezve mentek gyorsan tovább, és csakhamar odaértek a házikóhoz.

Körülötte ott gubbasztottak a fehér libák, szárnyuk alá dugták a fejüket, és aludtak.

Les compléments circonstanciels fournissent des informations supplémentaires de l’événement décrit par la proposition. Ils peuvent avoir plusieurs variantes :

    • un participe adverbial qui a la forme -vA comme p.ex. örvendezve en ayant le coeur en liesse;
    • un adverbe qui est dérivé d’un adjectif à l’aide du suffixe -(A)n comme p.ex. gyorsan rapidement;
    • un nom pourvue d’une désinence quelconque à part celle de →l’accusatif et (pas toujours) du →datif comme p.ex. a házikóhoz à la petite maison;
    • un adverbe avec la fonction d’un pronom qui se reporte à quelque chose qui est extérieure à la proposition, Un tel mot est toujours terminé par un →suffixe prnonominal comme p.ex. körülötte aux alentours de [la petite maison];
    • une postposition qui est un adverbe strictement associé au substantif qui le précède comme p.ex. szárnyuk alá sous leurs ailes;
    • un adverbe proprement dit, c-à-d. un mot qui n’est pas dérivé d’un adjectif comme p.ex. csakhamar bientôt. Ces adverbes-là, il faut bien sûr les connaître déjà ou bien les trier par exclusion dans les sections à suivre.

Un adverbe peut être bien entendu mis au comparatif ou au superlatif comme un adjectif : tovább encore plus loin. À l’envers, cela peut arriver à un adjectif avant qu’il soit transformé en adverbe : gyorsabban plus vite.

En ce qui concerne les postpositions, il faut faire attention à celles qui se terminent en . En effet, celles-ci ne sont pas du tout des compléments circonstanciels, mais plutôt des →adjectifs :

A legkisebbik királylány hófehér bőrű, rózsaszín arcú, gyöngy hajú volt La plus petite fille du roi avait une peau blanche comme la neige, un visage rose, [et] des cheveux blonds.

Qu’est ce qui se passe?

Le verbe est d’une grande valeur

(6) Só nélkül a legjobb étel sem jó.

Én úgy szeretem édesapámat, mint a sót.

Il est temps maintenant d’analyser le radical du mot entendu. Les verbes se caractérisent par trois groupes de suffixes dérivatifs :

    1. Il y a certains suffixes qui ne s’appliquent qu’à des verbes comme p.ex. -hAt, -kOd, -Og, -Ong, -ít, -VlVg, -(V)ll, -dOs, ou -tAt;
    2. Certains autres ne sont pas si explicites comme p.ex. -Ad, -int, -Ul, -An, ou -(Á)sz. Ceux-ci n’engendrent pas obligatoirement que des verbes;
    3. Les groupes composés des suffixes terminés par -l, -t, et -z sont aussi de bons candidats pour désigner un verbe, mais ils sont trop complexes pour être énumérés ici. On devrait donc consulter « Les éléments agglutinants de la langue hongroise » pour en savoir plus.

Quoi qu’il en soit, un verbe construit d’une telle manière est si primordial dans le hongrois que tous les verbes importés d’une autre langue doivent impérativement être adaptés à ce modèle (.hun).

Donc dans la seconde phrase de (6) il y a le verbe szeretem je l’aime. Par contre, la première phrase a un prédicat nominal qui se passe d’un verbe : sem jó il [n’est pas] bon (non plus).

Comment il est?

Les substantifs et les adjectifs pour finir

(7) Ha sírva fakadt, nem könny hullott a szeméből, hanem csupa igazgyöngy.

Az ajtó kinyílt, s kilépett a királylány selyem ruhájában, az arany hajával, az almavirág orcájával, és olyan volt, mintha egy angyal szállt volna le az égből.

Si aucune des catégories discutées jusqu’ici ne s’appliquait pas au mot examiné, il doit s’agir d’un substantif ou d’un adjectif. Un substantif (au nominatif) sert la plupart du temps, comme d’ailleurs un pronom, de sujet à un verbe : könny [des] larmes, igazgyöngy [de] vrais perles, az ajtó la porte, a királylány la princesse, egy angyal un ange.

Par contraste, si le substantif n’est pas le sujet lui-même, il pourrait appartenir ou bien à une →possession enchaînée, ou à un prédicat nominal (juste comme à la fin de la section précédente) :

Az öreganyó nem is boszorka, hanem jóságos tündér La vielle [n’est pas] une sorcière mais une bonne fée.

Il est clair que des adjectifs peuvent aussi devenir de tels attributs : A gyönyörű lány nagyon szomorú La fille magnifique [est] très triste. Pour ce qui est du pluriel, il faut y mettre aussi bien le sujet que son prédicat avec le suffixe -(V)k : A libák fehérek Les oies [sont] blanches.

Autrement l’adjectif est simplement apposé à un nom : csupa rien que, selyem en soie, arany en or, almavirág coloré comme la fleur du pommier.

Il en va de même pour les participes formés à l’aide des suffixes -((O)t)t ou qui sont en générale utilisés comme des adjectifs apposés : minden áldott reggel tous les saints matins, az ő síró szeméből de ses yeux larmoyants.

Et puis maintenant, c’est la dernière occasion de chercher le mot inconnu dans le dictionnaire

La morale de l’histoire

Au début il y avait le verbe

(8) Manapság már nem fordul elő ilyesmi, mert hiszen ha a könny gyönggyé válnék, a világ tenger sok szegénye mind meggazdagodnék.

Maintenant que toutes les composantes de la phrase sont déterminées au point de pouvoir la comprendre grosso modo, il est tout de même utile de se retourner vers le verbe. Pensons d’abord aux verbes [est] resp. [sont] qui peuvent manquer dans le cas d’un prédicat nominal, mais qu’il serait bénéfique de s’imaginer comme s’ils appartenaient à la phrase pour de bon.

Il est en effet temps d’appliquer la règle focale pour découvrir l’énoncé principal d’une proposition : már nem ne … plus, gyönggyé en perle, mind tous.

La phrase nº (8) montre en plus une particularité puisqu’elle emploie le conditionnel des verbes à -ik : válnék [elle] se transformerait en …, meggazdagodnék [il] deviendrait riche.

La traduction des phrases modèles est parachevée ici.

| au suivant |

* Note :

Pour la notation abrégée des suffixes voir le tableau des cas grammaticaux.

| retour |

La gardeuse d’oies
joomla analytics
Document made with KompoZer
Contrat Creative Commons

Tanulj magyarul!fr de Pierre GAAL est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons paternité 2.0 France.

Contact Fiche de l‘éditeur Mentions légales