Qu’est-ce que la phrase ?

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Qu’est-ce que la phrase ?

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Otthon az asszony egy termet építtetett, és körülvétette jó vastag falakkal, hogy egy szikrányi fény se szivároghasson be, és biztonságban legyen odabent a férje. Ajtót is ácsoltak a teremre kemény tölgyfából, a sarkait megvasalták, kulcslyukat pedig nem csináltak rá, nehogy valami ravaszdi sugaracska átlopakodhassék rajta (A táncos-dalos kis pacsirta).

« Là-bas, elle fit murer une salle en bouchant si bien les ouvertures qu’aucun rai de lumière ne pouvait passer. » (L’alouette qui chante et sautille)

La jeune femme aux lions

L’étude de la syntaxe jusqu’ici nous a fait découvrir qu’à cause de l’agglutination, les morphèmes forment des syntagmes qui sont les mots, qui à leur tour forment des syntagmes plus gros qui sont les groupes syntagmatiques. On pourrait même deviner que ces groupes formeront encore des syntagmes, mais qui seront cette fois-ci des phrases. On peut voir cela en analysant la proposition soulignée dans la citation en haut :

L’analyse d’une phrase

Le classement ci-dessus résulte sans équivoque de la définition des groupes syntagmatiques. Ici, c’est juste l’ordre du prédicat (Præd) avec son objet à postposition (Reltobj) et des deux adverbes attributifs (Attradv) qui importe. En effet, c’est à la syntaxe de la phrase toute entière que nous nous intéressons maintenant.

Notions de base

Par contre, les choses ne sont pas si évidentes avec la définition des notions grammaticales même les plus communes. Prenons par exemple le concept absolument élémentaire du « mot » qui, pris en soi-même, n’a même pas de fonction syntaxique. On pourrait penser que sa définition est simple dans toutes les langues, tout en étant valable pour chacune d’elles.

Pourtant, depuis le début du ⅩⅩᵉ siècle il n’a pas été possible de déterminer cette abstraction avec une exactitude suffisante (du moins en dehors du monde des ordinateurs ☺). Les structuralistes européens (.hun), en tant qu’adeptes de Ferdinand de Saussure, évitaient même son usage en la remplaçant par le « signe », tandis que les structuralistes américains se trouvèrent confrontés au paradoxe du « morphème libre minimal » qui avait été choisi comme critère de définition par Leonard Bloomfield, mais qui ne reconnaissait pas les mots anglais pourtant très courants « the » ou « of » comme tels parce que ceux-ci ne se rencontrent jamais seuls

Les règles génératives du hongrois élucidées dans les chapitres précédents s’avèrent utiles même de ce point de vue. Une fois qu’on aura compris comment les syntagmes (Synt) s’alignent pour former des groupes syntagmatiques, les définitions suivantes seront aussi faciles à appréhender :

    • l’article est une part spécifique de la limite gauche, c’est-à-dire du commencement (ou Bæng) d’un syntagme nominal qui n’est pas une négation;
    • le mot est un syntagme minimal, mais qui appartient encore à une catégorie lexicale, c’est-à-dire un dont la priorité est inférieure à huit;
    • le terme syntaxique est par contre un syntagme maximal (ce sont ceux-là qui sont délimités dans les exemples) que l’on peut interchanger avec d’autres termes tout en respectant les principes de l’ordre des mots, et qui, dans sa totalité, joue le rôle sémantique d’un sujet, d’un prédicat, d’un complément d’objet, etc.;
    • le prédicat est un syntagme verbal dans lequel le supplément est un syntagme quelconque – éventuellement vide – appelé la préposition verbale, qui forme le centre d’intérêt de la phrase. Entre cette préposition et la postposition verbale qui n’est rien d’autre que le syntagme suivant le verbe, il existe un rapport temporel bien défini;
    • la phrase (SYNT) est un groupe maximal de termes syntaxiques qui soit encore dégressif.

Quant à ce qui concerne la structure de la phrase, il nous suffit d’en distinguer deux. La première est la proposition conjonctive (CONJ, conjunctio), et la seconde la proposition prédicative (PRÆD, prædicatio) qui ne sont pas régulières contrairement à tous les syntagmes rencontrés jusqu’ici (c’est la raison pour laquelle l’analyse grammaire classique qui se fait au niveau des phrases a tant de difficultés à dériver des règles ☹) :

SYNT = CONJ | PRÆD

La proposition conjonctive

C’est cet agencement qui décrit les propositions subordonnées qui sont introduites (de façon non obligatoire) par une conjonction (conj) comme on peut le voir dans les propositions de la première phrase de la citation d’en haut. Mais il est aussi valable pour l’énumération de syntagmes du même type qui se fait à l’aide de conjonctions (p. ex. tölgyfából ácsolt, vasalt sarkú és kulcslyuk nélküli ajtó – une porte faite de bois de chêne, armée de coins de fer et sans trou de serrure). La syntaxe de la proposition conjonctive est la suivante :

CONJ = (conj) + Synt | CONJ + CONJ | ∅

Le rôle des termes syntaxiques

Les termes syntaxiques peuvent être spécifiés par des questions aussi précises que la part spécifique des groupes syntagmatiques. Par exemple, si on s’intéresse au prédicat (præd, prædicatum; en tant que part du groupe syntagmatique Præd), il faut faire abstraction du sujet, c’est-à-dire la question « mit csinál – qu’est-ce qu’il fait ? » (3ᵉ sing) est inadmissible, puisqu’elle se réfère à un sujet défini. La question licite qui se reporte uniquement au champ sémantique de l’action serait donc « mi történik – qu’est-ce qui se passe ? » (3ᵉ sing auto). Voyons donc quelles sont les questions auxquelles les prédicats de la citation introductive sont censés répondre :

    • Mi történt – Qu’est-ce qui s’est passé ? [Az, hogy] építtetett, körülvétette, ácsoltak, megvasalták, csináltak – [Qu’…] [elle] fit bâtir, [elle] fit entourer, [on] fit (de bois), [on la] ferra, [on] fit;
    • Mi történhessen – Qu’il puisse se passer quoi ? [Az, hogy] szivároghasson – [Qu’il] puisse passer;
    • Mi történjen – Qu’il se passe quoi ? [Az, hogy] legyen – [Qu’il] soit;
    • Mi történhessék (auto) – Qu’il puisse se passer quoi ? [Az, hogy] átlopakodhassék – [Que cela] puisse passer.

On n’apprendra que la porte « vasalt sarkú lett – fut armée de coins de fer » que si l’on aura posé la question suivante :

Milyen lett – [Elle] devint comment ? Vasalt sarkú lett – [Elle] fut (devint)

Donc, pour déterminer le supplément, il faut d’abord connaître le verbe. Mais le présent d’un prédicat attributif n’a pas de verbe (celui-ci ne se « présente » pas, en quelque sorte ☺), ce qui nous prive d’employer un verbe dans la question :

Milyen – [Elle est] comment ? Vasalt sarkú ∅ – [elle est ] …

On peut mettre la place de la copule en évidence en la transposant au passé comme dans l’exemple précédent. Par contre, le sujet (sub, subjectum), comme tous les suppléments non attributifs d’ailleurs, ne peut jouer son rôle qu’en présence d’un verbe – c’est ce qui le distingue d’un attribut externe (attr, attributum) :

Ki ácsoltatta – Qui l’a fait faire ? Az asszonysub ácsoltatta – C’est la jeune femme qui l’a fait faire.

Ki ∅ az oroszlán – Le lion c’est qui ? A férje ∅ az oroszlánattr – Le lion c’est son mari.

Pour conclure, l’élucidation du rapport des suppléments avec le prédicat verbal par des questions simples s’avère bien plus pratique que la classification classique (.hun) qui, elle, n’est pas très appropriée pour l’analyse d’une phrase. Par contre, ce rapport ne dépend que de la désinence du supplément, c’est-à-dire de sa catégorie lexicale et de son cas, s’il en a un – et cette désinence se retrouve sur l’interrogatif la plupart du temps.

Cela nous permet de faire la différence entre :

    • le sujet dont le cas est le nominatif (nom, nominativus),
    • le complément d’objet (obj, objectum) dont le cas est l’accusatif (acc, accusativus),
    • le complément participant (adat, adverbium dativum) dont le cas est le datif (dat, dativus),
    • puis avec l’aide des cas restants le complément circonstanciel (adv, adverbium) dont la catégorie lexicale est l’adverbe,
    • ou bien en l’absence de tous ces critères l’attribut externe.

Dans le tableau ci-dessous les questions indiquées ne concernent que l’interrogatif objectif (mi – quoi ?), mais elles sont bien sûr aussi envisageables – avec l’exclusion du prédicat – avec sa contrepartie subjectif (ki – qui ?) :

La différence entre les attributs externe (attr) et interne (apad) est que le premier n’appartient pas à un groupe syntagmatique d’attribut qualificatif (Attr) dont la part spécifique (spec) à position fixe serait formée par le second. Il est à noter qu’un tel groupe syntagmatique n’est qu’un des groupes nominaux qui peuvent tous devenir des attributs (qu’ils soient internes ou externes) si leur noyau (gene) n’est pas un adverbe. De plus, l’attribut externe est – en tant que terme syntaxique – maximal, et sa place n’est pas fixée.

Le complément participant (adat, adverbium dativum) peut être aussi un sujet possédant (sub poss, subjectum possessivum), c’est-à-dire le « sujet » d’une possession externe dont la position est indépendante de l’objet possédé (obj poss, objectum possessivum). Cette relation de possession constitue en fait une proposition imaginaire qui fait office d’attribut possessif dont le prédicat serait la copule « van » :

    • Az asszonynak a képen ábrázolt oroszlán a férje = ((az asszonynak)sub poss)adat + (a képen ábrázolt oroszlán)sub + ((a férje)obj poss)attr + ∅
    • ⟦(az asszonynak)adat + [van]præd + (a férje)subattr poss

La fonction d’un infinitif

L’infinitif est un substantif qui diffère des autres en ce qu’il peut certes porter des suffixes pronominaux (pros, pronominalis suffixum), mais pas des désinences de cas nominaux. C’est pour cette raison que son rôle ne peut être clarifié que par la question qui le concerne, comme l’analyse des exemples suivants l’illustrera :

  • Avant d’en arriver à notre citation↑, le lion avertit le père de la jeune fille que :
    • « Tüstént fölfalom, aki hozzá mer nyúlni az én táncos-dalos pacsirtámhoz – Je dévore tout de suite celui qui ose toucher à mon alouette qui chante et sautille ! »
  • Immédiatement après ladite citation, le conte continue par la phrase suivante :
    • « Csak kilincsre nyílt az ajtó, s ahhoz a kilincshez nem volt szabad másnak hozzányúlnia, mint a királyfi feleségének – La porte ne s’ouvra qu’avec une béquille à laquelle personne à part la femme du prince ne pouvait y toucher. »
  • En d’autre mots :
    • A kilincshez egyszerűen nem szabadott hozzányúlni – On ne pouvait pas toucher à la béquille !

Dépendant de la question convenable, l’infinitif (inf, infinitivus) peut représenter un complément d’objet, un sujet, ou bien tous les deux :

    • Mit mer – Qu’ose-t-il ? (([Hozzá]nyúlni)inf )obj mer – [Il] ose [y] toucher.
    • Mi [nem] volt szabad (construction intransitive) – Qu’est-ce qui [n’]était [pas] permis ? ((Hozzányúlni)ainf + pros)sub nem volt szabad – Ce qui n’était pas permis, c’était d’y toucher.
    • Mit/ Mi [nem] szabadott (.hun) (construction transitive) – Que [ne] pouvait-on [pas] / Qu’est-ce qui [n’]était [pas] permis ? ((Hozzányúlni)inf + ∅)obj | sub nem szabadott – Il n’était pas permis d’y toucher.

Bien que le deuxième infinitif – c’est-à-dire celui qui est conjugué – soit le sujet grammatical de la phrase, son sujet logique est le terme syntaxique qui est marqué par le datif ergatif (ἐργάτης – celui qui travaille). Cette contexture ressemble à celle de l’attribut possessif de la section précédente, ce qui démontre que l’infinitif conjugué est une manifestation de plus du principe de l’analogie plutôt qu’une exception :

    • (ahhoz)adv + (a kilincshez)adv + (nem volt)præd neg + (szabad)attr + ((másnak)dat erg)adat + (hozzányúlnia)sub
    • ⟦(másnak)adat + (nem volt szabad)præd neg + (hozzányúlnia)subsub erg

Il faut encore noter que ni l’attribut possessif (attr poss) qui contient un complément participant, ni le sujet ergatif (sub erg) ne sont pas des syntagmes, c’est-à-dire des groupes de mots qui figurent réellement dans un ordre linéaire dans la phrase, mais des connexions paradigmatiques fictives !

Les termes syntaxiques inclusifs

Le complément d’objet du premier supplément de la phrase analysée dans l’introduction n’apparaît pas au niveau du terme syntaxique (M : mondatrész – le constituant syntaxique), mais au-dedans de celui-ci. Sa fonction n’est soi-disant « propagée » vers l’extérieur que par l’intermédiaire de la postposition conjonctive « is – aussi ». Celle-ci et la postposition de négation « se(m) – ni » forment des termes syntaxiques singuliers qui incluent leur syntagme spécifique dans le rôle d’un autre terme syntaxique qui est indépendant de la proposition subordonnée où elles se trouvent. Ces postpositions réalisent ainsi deux opérations logiques ensemblistes qui sont parfaitement complémentaires*. La première s’appelle l’inclusion conjonctive, et la seconde l’inclusion complémentaire. Elles sont définies comme suit (en utilisant le signe usuel « ¬ » de la négation) :

    • M is, ⬘ is = ⬙ M ∪ ⬘
    • M se(m), ⬘ se(m) = ¬⬙ M ∩ ¬⬘ = ¬(⬙ M ∪ ⬘ )
L’inclusion conjonctive
L’inclusion complémentaire

Le développement du prédicat

Les axiomes de la phrase↑ permettent d’éclaircir sans équivoque l’ordre des mots dans toute phrase. En théorie, le prédicat est un groupe syntagmatique récurrent qui s’augmente de manière tout à fait régulière vers la gauche – ce qui fait de la phrase entière une structure dégressive –, mais le marquage invariable du centre d’intérêt par la préposition verbale (qui est d’ailleurs un trait plutôt turc qu’ouralien) a pour conséquence le déplacement du verbe vers l’avant quand la description prédicative est rendue plus précise. Prenons par exemple la partie déjà analysée dans la première section↑ :

  1. Mi történt – Qu’est-ce qui s’est passé ?
    1. 0(ácsoltak – [on] fit) : miből ácsoltak – de quoi fit-on ?
    2. 1(kemény tölgyfából – de bois de chêne dur) + 0(ácsoltak) : mire ácsoltak kemény tölgyfából – sur quoi fit-on [quelque chose] de bois de chêne dur ?
    3. 2(a teremre – sur la salle) + 1(ácsoltak) + 0(kemény tölgyfából) : mit [is] ácsoltak a teremre kemény tölgyfából – qu’est-ce qu’on fit de bois de chêne dur sur la salle [de plus] ?
    4. 3(ajtót is – aussi une porte) + 2(ácsoltak) + 1(a teremre) + 0(kemény tölgyfából) – On fit (installa) aussi une porte de bois de chêne dur sur la salle.

Le prédicat de cette phrase a donc été virtuellement précisé trois fois (n = 3), et le résultat en est que la préposition verbale actuelle précède le verbe, tandis que les deux (n − 1) précédentes le suivent en raison de la rotation de celui-ci. À chaque étape, c’est la préposition verbale qui représente ce dont on parle en ce moment, c’est pourquoi il est plus utile de normaliser la phrase par rapport à la position du verbe, ce qui se fait très facilement par la soustraction du nombre de postpositions verbales de l’indice de chaque terme syntaxique ( = xn + 1) :

1(ajtót is) + 0(ácsoltak) + −1(a teremre) + −2(kemény tölgyfából)

L’indice reste ainsi proportionnel à l’importance de l’information, mais sa valeur négative sur un des termes syntaxiques indique que le « pas » (supposé) que celui-ci représente est présumé connu – c’est la dimension de l’information de fond, c’est-à-dire contextuelle qui doit s’aligner sur l’environnement de la phrase.

La règle de rotation

Comme nous venons de le voir, il faut que l’information « nouvelle » (új) vienne toujours avant le verbe. Si l’on y ajoute la dimension du « connu » (ismert), on peut facilement illustrer la règle de rotation qui est probablement la particularité la plus signifiante du hongrois et qui consiste en le fait que les réponses aux questions rendant le prédicat plus précis tournent autour du verbe.

Donc si : « egyszer volt, hol nem volt – il était une fois », la question est alors : « mi [is] volt egyszer – qu’est-ce qu’il était une fois [aussi] » ?

La règle de rotation

(Sans avoir le moindre rapport avec l’ordre linéaire des traductions françaises ☹, la règle de rotation exige qu’on ajoute de l’information à une situation (A) de la manière suivante :

    1. C’était le connu qui était aussi une fois.
    2. Comment était le connu aussi une fois ?
    3. Le connu aussi était une fois du nouveau.)

Cette règle pourrait paraître peu importante, si ce n’était pas pour son usage obligatoire quand le verbe du prédicat doit être mis à la négative, ou quand celui-ci forme lui-même le centre d’intérêt de la phrase comme dans le cas d’une sommation qui se passe normalement d’une préposition verbale et qui peut aussi servir à faire décider l’interlocuteur d’une question :

    • Ajtót is ácsoltak a teremre kemény tölgyfából – On fit aussi une porte de bois de chêne dur sur la salle.
    • Tényleg ácsoltak ajtót is a teremre kemény tölgyfából – Fit-on vraiment … ? Nem ácsoltak ajtót sem a teremre kemény tölgyfából – [Non,] on ne fit pas de …
    • Ácsoltak ajtót is a teremre kemény tölgyfából – Fit-on … ⁈ Igen/ Nem – Oui/ Non.
    • Ácsoljanak ajtót is a teremre kemény tölgyfából – [Qu’]on fasse … ⁉

L’adjonctif verbal ne diffère des autres prépositions verbales que par le fait qu’une fois dans cette position, il forme un mot composé avec le verbe :

    1. ácsolták az ajtót is – On fit aussi une porte sur …
    2. Mire ácsolták rá az ajtót is – Sur quoi fit-on aussi une porte ?
    3. A teremre ácsolták rá az ajtót is – C’est sur la salle qu’on …

Les suppléments multiples

La réponse (C) ressemble fort à la phrase « A teremre ráácsolták az ajtót is », mais elle s’en distingue tout de même – encore faut-il savoir en quoi, et c’est justement la règle de rotation qui va nous le dire (comme quoi cette règle est le meilleur outil pour expliquer les différences subtiles entre des phrases dont la traduction française serait la même, particulièrement dans le cas de négations souvent multiples ☺). C’est que l’antécédent de la dernière phrase est dissemblable et elle fournit la réponse à une autre question :

Az ajtót is ácsolták – La porte aussi fut faite : Mire és « hová » ácsolták az ajtót is – Sur quoi et « où » fut-elle faite ? (une précision double portant sur l’objet et le lieu de l’action)

Une telle question complexe prescrit des éléments multiples qui sont à fournir tous à la fois par la réponse donnée. C’est notamment le cas de la première phrase de la citation introductive, dans laquelle le dévoilement de l’information est encore et toujours obligatoirement dégressif :

    1. Építtetett – [Quelqu’un] fit bâtir.
    2. Hol, ki és mit építtetett – Où et qui fit bâtir quoi ?
    3. 3(otthon) + 2(az asszony) + 1(egy termet) + 0(építtetett) – [Une fois] à la maison, la jeune femme fit bâtir une salle.

Cela revient à dire que les termes syntaxiques dont l’indice est positif (x ≥ 0) sont la réponse conjuguée à la toute dernière question pensée qui aurait abouti à la phrase présente. Ces termes forment l’information actuelle, tandis que ceux à indice négatif (x < 0) fournissent l’information présumée, celle qui est dans tout cas moins importante. Cette division générale d’une phrase hongroise est bien illustrée par l’achèvement imaginé pour l’occasion pour le conte qui nous servait d’exemple (.hun) :

Les termes d’une phrase

La structure de la proposition prédicative

D’après ce qui a été dit en haut, chaque phrase possédant un prédicat se divise en trois parties : le prédicat verbal (Præd, prædicatum), la progression de termes additionnels qui peuvent précéder le groupe syntagmatique du prédicat et qui y ajoutent un supplément d’information (EXT+, extensio), et finalement, si besoin est, l’ensemble des termes qui sont jugés moins nouveaux (EXT). L’indice de tous ces termes syntaxiques est déterminé par leur nombre (m) et celui des postpositions « passées » (p) selon la méthode d’analyse illustrée par l’exemple de la section précédente :

    • EXT+ = m − p − 1Synt + … + 2Synt
    • EXT = −1Synt + … + −pSynt

Une proposition prédicative (PRÆD, prædicatio) peut tout aussi bien inclure une autre ou même la proposition vide comme la proposition conjonctive↑ l’a déjà fait (avec le résultat que chacune de ces deux propositions peut aussi inclure l’autre ☺) :

PRÆD = EXT+ + Præd + EXT | ⁕ + PRÆD + ⁕ | ∅

Le dernier sera le premier : le texte

C’était le rhéteur ibérique Quintilien qui fit « tisser » par ses élèves au Ⅰº siècle de notre ère les mots en un « tissu » dans son Instruction oratoire. Comme le tissu s’appelait textum en latin, le résultat en est encore de nos jours le texte. Bien que le texte soit « tissé » d’une façon strictement linéaire ce qui en fait un syntagme, il possède – au contraire de tout autre syntagme hongrois – une structure progressive par rapport à l’information contenue :

TEXT = SYNT + ⁕+

La définition ci-dessus n’est intéressante que pour la seule raison qu’elle décrit le symbole de départ (et non pas d’arrivée comme sa place à la fin de la description de la syntaxe pourrait laisser penser ☺) de cette grammaire générative du hongrois. Ce qui est par contre très important, c’est que la syntaxe des unités d’information présentées n’est pas égale pour toutes les unités, et par la suite leurs caractéristiques comme l’ordre interne de leurs éléments qu’on appelle communément l’ordre des mots diffèrent. C’est probablement ce fait généralement peu connu qui conduit aux malentendus concernant l’ordre des mots du hongrois.

Il serait donc utile de résumer les attributs de la syntaxe des trois unités syntagmatiques les plus importantes :

Épilogue

Si la syntaxe ci-décrite diffère substantiellement de celle que l’on connaît des grammaires scolaires, c’est qu’elle est essentiellement concernée par les phénomènes d’ordre linéaire, pour la simple raison que c’est le seul moyen de fournir une explication suffisamment exhaustive pour les particularités grammaticales du hongrois. Particulièrement, l’utilisation sous-jacente de la sémantique dans la présentation usuelle de la syntaxe conduirait à des structures syntagmatiques négligées ou bien ayant des limites diffuses, parce que décrites à l’aide de notions qui elles-mêmes ne sont pas précisément définies. Cela rend d’habitude impossible et la reconnaissance pourtant relativement facile de ces structures avec leurs interconnexions, et l’apprentissage des règles néanmoins simples qui régissent l’usage de ces structures inévitables.

Il est bien regrettable que les manuels de grammaire suivent une approche plutôt sémantique, ce qui est en vérité une pratique due à Aristote, le philosophe grec qui avait eu une influence incommensurable sur la culture européenne. Quand il établit la tradition de cette pratique au Ⅳᵉ siècle avant notre ère dans son ouvrage intitulé Organon (ὄργανον – outil d’instruction), la grammaire était considérée comme l’une des sciences logiques qui ne servait qu’à la compréhension des textes, c’est-à-dire à leur interprétation philosophique – appelée l’herméneutique –, sans se préoccuper de la construction interne des phrases (dont les règles, à vrai dire, ne sont pas faciles à saisir dans le grec ancien ou une langue quelconque indo-européenne ☹).

Qui plus est, le grec ancien, comme plus tard le latin et l’allemand (ce sont ces deux derniers qui ont eu le plus d’influence sur les grammaires hongroises) sont tous des langues qui se prêtent bien à une approche paradigmatique qui est plutôt contre-productive dans le cas du hongrois. En effet, celui-ci n’est vraiment abordable qu’à l’aide d’une description syntagmatique qui ne pouvait s’effectuer que grâce aux outils linguistiques du ⅩⅩᵉ siècle. La méthode n’en reste pas moins inhabituelle, mais il en va de même pour la langue hongroise, alors il n’y a pas de quoi se plaindre ☺.

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* Remarque :

C’est la même sorte de complémentarité extraordinairement précise qui règnerait entre les conjonctions « és – et » respectivement « vagy – ou » – du moins si l’on tient compte du signifié de v (.hun) ☺. Selon la conception classique – indo-européenne – ces conjonctions ne seraient que duales (.eng) :

Conjonction
NAND
Disjonction
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