La notation inverse

Tout à l’envers : 42

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Considérons pour commencer un petit problème mathématique :

7 × ( 7 – 7 ) × 1 =

Eh bien, il y a une méthode pour calculer cette expression sans avoir recours à des parenthèses et même au signe d’égalité :

7 7 7 – × 1 ×

Le résultat est chaque fois le même, mais la seconde méthode se passe de règles de priorité et n’a donc pas besoin de marques spéciales pour indiquer le début et la fin des opérations prioritaires. À chaque signe d’opération correspond plutôt un résultat intermédiaire bien défini :

7 7 7 – → 7 0 × → 0 1 × → 0

Si par hasard dans le premier calcul on « oubliait » les parenthèses, alors on aboutirait au résultat faux mentionné dans le sous-titre. Mais pour se gourer autant avec la seconde méthode, il faudrait vraiment modifier l’expression :

7 7 × 7 1 × –

Derrière toutes choses

La méthode sans parenthèses introduite plus haut est appelée notation polonaise inverse. Elle est sans équivoque et ne connaît pas de symboles superflus qui ne désignent aucune opération par eux-mêmes.

C’est une notation post-fixée de la sorte qu’on emploie en tant qu’utilisateur bien plus souvent qu’on ne le pense : une telle notation est par exemple à la base du langage de programmation PostScript qui est le fondement du Portable Document Format dont chacun devrait avoir déjà entendu parler dans la forme d’un « fichier PDF ».

On peut s’en douter déjà : à cause du principe d’agglutination et l’utilisation de postpositions à la place de prépositions, le hongrois est aussi une sorte de notation post-fixée*. Cela a pour conséquence que cette langue partage avec la notation polonaise inverse aussi bien l’avantage d’une description moins redondante que l’inconvénient d’une représentation inhabituelle difficile à appréhender.

Attacher les choses dans le bon sens

Si le principe de construction des mots est l’agglomération de suffixes innombrables à leur bout, il faut bien se rendre compte que l’ordre des choses d’avant en arrière ou post-fixé est alors le plus naturel, bien qu’il renverse totalement la logique des prépositions.

Pour illustrer cette différence fondamentale, nous prenons un exemple extrait de l’ouvrage « KEMÉNY Ferenc et al. – Magyar Nyelvünk Tökélyéről » : a düledező viskó tetején ülő fekete gólya la cigogne noire assise sur le toit de la cabane caduque. Par convenance nous utiliserons les abréviations suivantes :

    • adj : adjectif;
    • apad : adjectif apposé;
    • art : article;
    • part pres : participe présent;
    • part præt : participe passé;
    • poss : possessif objectif;
    • prep : préposition;
    • subs : substantif;
    • supe : superessif, c-à-d. un complément de lieu définissant une position sur qch.

En comparant les tableaux, on peut faire les constatations suivantes :

    1. La représentation nº I est plus rectiligne parce que les mots (et les suffixes) sont simplement alignés de gauche à droite tandis qu’avec le nº II, on a l’impression que comme s’il y avait des parenthèses à chaque préposition puisqu’elles nous forcent à attendre le mot suivant pour comprendre le terme correspondant, changeant ainsi la direction de l’analyse;
    2. Dans l’expression nº II, les articles sont redondants parce qu’ils sont nécessaires pour exprimer le genre grammatical d’un substantif. C’est donc encore une sorte de parenthèse locale qui n’a de signification que pour ce substantif et qui, par conséquent, manque dans le hongrois.

Les phrases aussi?

Examinons maintenant dans la lumière de nos connaissances acquises jusqu’ici une phrase entière. L’exemple suivant provient de « Klára KOROMPAY – Les difficultés d’apprendre le hongrois du point de vue des étudiants dont la langue maternelle est française » (.pdf.hun) :

    • A tegnapi értekezleten hozott döntés értelmében írtuk alá ezt a szerződést C’est en raison de la décision prise à la réunion d’hier que nous avons signé ce contrat.

En raison de l’ordre de mots relativement flexible en français qui permet de suivre la plupart du temps celui du hongrois, l’inversion de la logique ne touche pas forcément à la totalité d’une proposition. Ainsi, dans le tableau nº III, seules les composantes 1–5 du syntagme nominal sont inversées. Du coup, on pourrait les incorporer dans un exemple plus optimiste :

    • Kijelentjük a tegnapi(1) értekezleten(2) hozott(3) döntés(4) értelmében(5), hogy a magyar ezentúl könnyű Nous déclarons de par(5) la décision(4) prise(3) à la réunion(2) d’hier(1) que le hongrois sera dorénavant facile…

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* Note :

La notation dont nous parlons ici n’est pas à confondre avec la notation hongroise qu’on utilise dans le numérique.

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