Merci

Il y a bien longtemps, vous en souvenez-vous, j’entrais dans votre classe la peur au ventre, l’âme triste, les idées confuses et c’est en traînant les pieds que je franchis le seuil de votre classe et je pensais : à quoi bon, à quoi bon essayer d’étudier, je ne suis qu’un âne, depuis déjà trois ans, les maîtres me répétaient ces paroles, l’an dernier encore, je passais mon temps au fond de la classe puisqu’il avait été décidé une fois pour toutes que je n’étais bon à rien et qu’il était inutile de s’occuper de moi. Les camarades de classe, cruels, ricanaient, me montrant du doigt et, à la récréation, ils m’injuriaient et refusaient de partager leurs jeux. Parfois un enfant venait vers moi, mais alors, il était mis aussitôt en quarantaine par le groupe. Je restais sur mes gardes et devenais agressif.

Pourquoi aurais-je appris des leçons ou fait des devoirs puisque je ne comprenais rien à rien ! Ainsi, les jours passaient, semblables, monotones, tristes…

J’étais seul, et vous, vous êtes arrivé, vous avez demandé mon nom, et vous. n’avez pas ri. Vous m’avez regardé normalement, mais je pensais encore que, tôt ou tard, vous alliez me reléguer au fond de la classe, comme l’avaient fait vos prédécesseurs. Et c’est l’air renfrogné, les épaules basses, le menton sur la poitrine que je vous répondais du bout des lèvres. C’est alors que m’ayant fait lever les yeux, vous m’avez pris par les épaules et vous avez lancé la phrase magique : « On t’a toujours dit que tu étais nul. C’est faux ! Personne n’est nul, et si tu le veux, tu peux réussir, cela ne tient qu’à toi : il faut que tu apprennes tes leçons ; je t’aiderai, je sais que tu le peux ! Je sais que tu le peux ! »

Comment se faisait-il que quelqu’un s’intéresse à moi tout à coup ? Et voici que je voulais vous plaire, vous faire plaisir, vous prouver que vous n’aviez pas tort de me faire confiance. Personne encore ne m’avait parlé ainsi. À partir de cet instant, cher maître, et grâce à vous, ma vie a changé. J’ai compris que seule la volonté pouvait nous faire avancer. Bien sûr, j’ai eu des moments de doute, mais je me suis aperçu que, si je les apprenais, ces leçons, eh bien, je les savais ! Les élèves de ma classe n’en revenaient pas, Je commençais à avoir de bonnes notes, mais ce qu’ils ne savaient pas, c’est que dans l’ombre, vous veilliez. Vous m’aidiez, et vous m’encouragiez. Les enfants commençaient à me regarder différemment, ils n’osaient plus m’insulter et, petit à petit, me laissaient jouer avec eux. Je me sentais plus à l’aise et c’est ainsi que, grâce à votre soutien, j’ai pu poursuivre mes études, ayant toujours en tête vos paroles d’encouragement. Aujourd’hui, je peux me targuer d’avoir une bonne situation que j’estime vous devoir.

Merci.

René

Mémoire de maîtres, paroles d’élèves _ Librio