25 août 2022

Axe 2 - Questionnements conceptuels: politiques de reconnaissance, discours d’autorité et la construction social de la différence



8H QC

Présentation de l'axe 2

Monica Rahme (UFMG) / Marcelo Silva de Souza Ribeiro (UNIVASF)

9H QC

Plénière


9H30 QC


Pause


Présentation des étudiant.e.s



10H QC

Les ateliers LIBRAS: quel leadership sourd? Quels apprentissages pour les entendants?

Fernanda Cilene Moreira de Meira (UFMG)

Brève description : Les expériences de socialisation des enfants et adolescents atteints de surdité dans l'environnement familial et scolaire sont fondamentales pour leur développement cognitif, émotionnel et social. Le langage des sourds se développe à travers des mécanismes de compensation et de dépassement (VYGOTSKY, 1989), des stratégies de communication au moyen de gestes et de langue des signes, leur principal moyen de communication et facteur décisif dans le développement des fonctions psychiques supérieures (pensée, mémoire, abstraction, entre autres). La langue des signes est composée d'une structure et d'une organisation similaires aux langues orales, possède une grammaire propre et permet la communication de concepts concrets et abstraits entre atteints de surdité, et entre ceux-ci et entendants (QUADROS, 1997). Comme tout langage, la langue des signes intègre, avec les relations sociales, les processus fondamentaux pour la constitution du sujet (VYGOTSKY ; LURIA, 1988), en tant que médiation dans l'échange d'expériences, de connaissances et d'accès à des cultures différentes. Sur la base de ces présupposés, on comprend que l'interaction entre sourds, à travers la langue des signes, sera la base de leur développement social, cognitif et psychologique. Pour résumer, la défense de l'utilisation de la langue des signes dans les processus éducatifs formels et non formels se fonde sur les travaux de plusieurs auteurs qui soulignent : 1. le fait que l’acquisition du langage doit se concentrer sur l'activité discursive au moyen de et sur le langage pour la constitution de la pensée (GUARINELLO, 2007) ; 2. l'importance du langage pour le développement de la pensée et des fonctions exécutives supérieures (TONIETTO, 2011) ; 3. la relation entre le développement de la pensée verbale et la manière dont le sujet opère sur la réalité (WERNER, 2015) ; 4. la relation entre l'activité éducative, la communication et l'appropriation de la production culturelle humaine historiquement développée (BERNARDES, 2011) ; et 5. l'importance des relations sociales et linguistiques dans la constitution de l'individu (GOLDFELD, 2002). Ainsi, la question directrice de cette recherche est la suivante : dans quelle mesure la communication entre sourds et personnes entendantes dans l'environnement familial et scolaire, médiée ou non par la langue des signes, affecte-t-elle l'apprentissage et les relations sociales des personnes atteintes de surdité ? L'hypothèse est que la privation ou l'utilisation de stratégies de communication informelles et précaires entraînent chez ceux-ci des difficultés dans les relations interpersonnelles, de mauvais résultats scolaires, une stigmatisation et un déficit dans les interactions sociales. La méthodologie utilisée est celle de la recherche-action, à travers laquelle « la pratique est améliorée par l'oscillation systématique entre l'agir dans le domaine de la pratique et la recherche la concernant ». (TRIPP, 2005, p. 446). Les données seront analysées par une approche qualitative à travers l’établissement de catégories d'analyse, définies, en principe, selon : la caractérisation des sujets ; l'évolution et la transformation de la manière de penser, de sentir et d'agir par rapport à la surdité, à la communication et à la perception de soi ; le positionnement tout au long du processus et d'autres catégories pouvant apparaître comme pertinentes au moment de l'analyse.

Justification de l'axe : Considérant l'Axe 2 - Questionnement conceptuel : les politiques de reconnaissance : discours d'autorité et construction sociale de la différence - la présente recherche vise à approfondir la réflexion sur l'inclusion de personnes atteintes de surdité dans le milieu scolaire, à travers la promotion de la langue des signes, entendue ici comme un moyen fondamental pour le respect des spécificités linguistiques de la personne atteinte de surdité. Les limitations dans les processus communicatifs et la vie avec des personnes entendantes exclusivement empêchent l'enfant atteint de surdité de se percevoir comme un participant du groupe familial, et le non partage des expériences sociales et linguistiques peut influencer la construction de l'identité de cet enfant. Ainsi, à travers la proposition d'ateliers de Libras (langue des signes brésilienne), appelés École de Libras, nous espérons stimuler l'apprentissage de la langue des signes et la communication entre entendants et personnes atteintes de surdité. Les ateliers permettent à ces derniers, à leurs familles et aux enseignants de s'engager dans un projet démocratique et collectif qui, progressivement, grâce à l'apport de chaque participant, peut « contribuer ou converger vers la transformation réelle de nos conditions d'existence, afin que le véritable sujet humain voie le jour » (CIAMPA, 1989, p.74) et aider à surmonter les inégalités économiques, politiques, sociales et culturelles produites historiquement.



10H40 QC

L’idéalisation du locuteur natif en enseignement des langues secondes : source de tensions dans la construction identitaire des futurs enseignants

Andréanne L.Nolin (UQTR)

Brève description : Le nombre croissant de recherches à l’international portant sur l’attrition des enseignants novices (Alava, 2015 ; Hernandez et Méard, 2014 ; Karsenti, Collin et Dumouchel, 2013 ; OCDE, 2020 ; TALIS, 2018) témoigne d’une préoccupation scientifique et institutionnelle pour la condition de ces derniers débutant dans le métier. Tant au Québec qu’à l’international, ce départ de la profession constitue une perte de capital financier et humain pour le secteur de l’éducation en raison des coûts élevés de la formation (Barnes, Crowe et Schaefer, 2007 ; Kamenzi, Tardif et Lessard, 2015 ; OCDE, 2020). Cette décision individuelle d’abandonner la profession est en grande partie liée à la perception que l’enseignant a de sa profession. À cet effet, Kamanzi, Barroso Da Costa et Ndinga (2017), dans leur recherche sur le désengagement professionnelle, démontrent qu’un rapport négatif à la profession en lien avec l’identité. Ce rapport négatif à la profession peut dans une dialectique entre soi et autrui influencer négativement les collègues dans leur rapport à la profession. Les difficultés des futurs enseignants à façonner leur identité professionnelle peuvent être derrière leur départ précoce de la profession (Beijaard, Verloop et Vermunt, 2000 ; Zimmerman, 2016). La construction de l’identité professionnelle des enseignants est un processus complexe (Dubar 1996 ; Gohier, Anadón, Bouchard, Charbonneau et Chevrier, 2001 ; Zimmerman, 2016). Les défis sont encore plus nombreux pour les enseignants de langues secondes (L2) puisque des tensions identitaires sont vécues si l’enseignant est un locuteur natif ou non natif de la langue qu’il enseigne (Varghese, Motha, Trent, Park et Reeves, 2016). S’en tenir à la dichotomie de locuteur natif et locuteur non natif réduit et dévalue la richesse des interactions et des compétences par lesquelles les enseignants de L2 négocient leur identité professionnelle (Matsumoto, 2018). Les recherches qui emploient cette lunette binaire pour approcher l’identité professionnelle ne peuvent comprendre ce concept dans sa complexité (Rudolph, Selvi et Yazan, 2015). Ces tensions vécues par les futurs enseignants viennent s’ajouter, voire fragiliser leur processus de construction identitaire. La présente recherche tente de mieux connaître les représentations des futurs enseignants de L2 à l’égard de la construction de leur identité professionnelle.


Justification de l'axe : Mon projet de recherche se positionne sur l’axe 2 : discours d’autorité et construction sociale de la différence. Plus spécifiquement, sur la tension identitaire locuteur natif (LN) - locuteur non natif (LNN) de la langue que vivent les futurs enseignants de langue seconde. Selon Chomsky (1965), un LN de la langue serait la seule source fiable d’information linguistique et la finalité de l’enseignement d’une langue seconde serait l’atteinte d’une compétence langagière proche de celle du LN. Selon Muni Toke (2013), le LN ne serait pas une catégorie valide en linguistique parce qu’elle serait plus politique que scientifique. Selon cette auteure, le LN serait avant tout une idéologie de l’état-nation. Ce modèle de LN-LNN est hautement critiqué dans les sphères universitaires (Freeman, 2016) alors que, encore aujourd’hui, les pratiques d’embauche révèlent que le LN demeure avantagé contrairement au LNN auprès des employeurs (Karas et Faez, 2021), renforçant le sentiment d’incompétence et de marginalisation des LNN. Selon Hyme (1996), c’est précisément cette dimension idéalisée du locuteur natif qui est politisée en une quête d’une universalité artificielle. Cette communication jette un regard critique sur l’idéalisation du LN en enseignement des langues seconde et des tensions que cela crée pour les futurs enseignants.



11H20 QC

Enseigner les réalités autochtones et les sujets sensibles: pratiques et défis en milieu collégial

Léa Lefevre-Radelli (UQTR)

Brève description : Le projet proposé vise à mieux comprendre les perceptions et les pratiques des professeurs et membres du personnel du milieu collégial québécois, dans un contexte de sensibilisation aux réalités autochtones. Ainsi que le soulignent Fast et Drouin-Gagné (2019 : 96), « teachers may (…) avoid introducing Indigenous knowledges and pedagogies into the classroom because they don’t know where to begin and are intimidated by the prospect of facilitating difficult discussions ». L’histoire des pensionnats indiens et de la colonisation font ainsi partie des « savoirs difficiles » (Britzman, 1998 : 755). Ceux-ci font émerger des traumatismes sociaux et historiques et exigent une réelle préparation des enseignants en termes de contenu curriculaire et de pratiques pédagogiques (Cote-Meek, 2014; Hirsch, 2012). Les défis liés à la mise en place de pratiques liées à l’autochtonisation et la sécurisation culturelle seront examinés à travers les perspectives inclusives et critiques. Celles-ci permettent de prendre en compte à la fois le rôle des institutions dans la reproduction des inégalités et les possibilités de transformation sociale. La perspective inclusive, d’abord développée dans le champ de l’adaptation scolaire et sociale, a ensuite été appliquée dans le domaine de l’éducation liée à la diversité ethnoculturelle (Potvin et al., 2015; Potvin, 2017). Elle aborde l’importance des changements structurels pour faire en sorte que tous les élèves aient leur place de plein droit sans être stigmatisés. Dans le champ des études autochtones, Lachapelle (2017) a montré qu’adopter une perspective inclusive permettrait d’aller au-delà de l’établissement de mesures de soutien aux étudiants autochtones, pour changer les pratiques et représentations de l’ensemble des étudiants et des membres du personnel. La pédagogie critique aborde quant à elle les rapports de pouvoir à l’œuvre dans l’enseignement en classe, la production des connaissances et les structures institutionnelles (McLaren 2000 :35). Elle préconise des pratiques enseignantes basées sur l’approche réflexive, l’examen de ses propres biais culturels, la reconnaissance du rôle des émotions, l’empowerment et la réflexion critique des étudiants (Hooks, 1994; Kincheloe, 2004; Sleeter et McLaren, 1995). La recherche se fondera sur une démarche qualitative et exploratoire. Des entrevues semi-dirigées avec des enseignants et des membres du personnel des cégeps permettront de documenter leur perception des réalités autochtones, ainsi que leurs perceptions de leur rôle, de leurs pratiques et des défis et obstacles liés à une telle démarche. En considérant le contexte étudié et les théories déployées pour l’analyser, la recherche visera à répondre aux questions suivantes : 1) Comment l’ensemble des membres du personnel des cégeps francophones comprennent-ils leur rôle par rapport à la prise en compte des perspectives autochtones? 2) Quelles pratiques les enseignants réalisent-ils concrètement dans leurs classes, selon leurs disciplines ? Quelles pratiques les membres du personnel non-enseignant réalisent-ils? S’ils ne mettent pas en place de pratiques particulières, quelles en sont les raisons? 3) Quels défis se posent dans leur mise en œuvre de ces pratiques?


Justification de l'axe : Mon projet se situe dans l’axe 2. Lors de ma thèse, soutenue en 2019, j’ai réalisé des entrevues avec des étudiants autochtones des universités francophones de Montréal. Mes résultats montraient que les étudiants faisaient face aux conséquences du racisme systémique, reproduit au sein de l’institution universitaire. Suite à ces travaux, dans cette recherche postdoctorale, je souhaite décentrer le regard en tournant l’attention non plus vers les Autochtones, mais vers les enseignants non-autochtones, et plus particulièrement blancs et québécois. Dès le début du XXe siècle, des membres des groupes racisés (non-autochtones) pressaient les Blancs d’arrêter d’étudier « l’Autre » et de tourner leur regard sur eux-mêmes, en explorant ce que signifiait être blanc dans des sociétés si fortement racisées (Sensoy et DiAngelo 2012 : 120). Je m’interrogerai plus spécifiquement sur la pertinence de la notion de « whiteness », issue des Critical racial studies et reprise dans les travaux sur la pédagogie critique, pour contribuer à la compréhension des perceptions des enseignants et de leurs choix pédagogiques concernant la prise en compte des perspectives autochtones. J’émets ainsi l’hypothèse que les travaux portant sur le racisme et la perspective inclusive (pensée prioritairement envers les communautés racisées non-autochtones) peuvent contribuer à la compréhension des réalités autochtones, bien qu’ils aient été très peu mobilisés dans la littérature francophone portant sur les peuples autochtones.


12H QC


Pause-repas


Présentation des étudiant.e.s



13H QC

L'accès et la persévérance scolaire des étudiants autochtones à l'Université de l'État de Rio de Janeiro - UERJ

Francine Cristina de Menezes Nunes (UERJ)

Brève description : Ce travail, en cours d'élaboration, a pour objectif d’étudier l'accès et la persévérance scolaire des étudiants autochtones dans les universités de l'état de Rio de Janeiro et de chercher à comprendre, à partir de leurs perspectives, les dynamiques de résistance et de sociabilité qu'ils mettent en oeuvre pour maintenir leurs identités ethniques dans des contextes urbains et universitaires. Pour ce faire, la recherche s'appuiera sur les questions suivantes, qui permettront d'orienter le processus de recherche : les étudiants autochtones sont-ils forcés au silence dans les villes et dans les universités ? Quels sont les défis rencontrés par les étudiants universitaires autochtones ? Souffrent-ils de préjugés lorsqu'ils entrent dans les universités ? Dans cette recherche, nous utiliserons certains concepts clés : modernité/décolonialité (Mignolo, 1998), (Santos, 2002), (Quijano, 2005) ; interculturalité critique et décoloniale (Walsh, 2019) ; identité et différence (Hall, 2006) ; et le concept de diaspora (Hall, 2003), pour comprendre la situation des peuples autochtones dans leurs différents territoires (villages, villes, universités).

Pour ce séminaire, nous présenterons un examen des publications sur les thèmes les plus récurrents dans le débat sur l'action positive et les quotas pour les populations autochtones au Brésil et une enquête statistique sur les étudiants autochtones issus des quotas à l'Université de l'État de Rio de Janeiro. Nous chercherons également à mettre en évidence les défis et les conflits actuels que ces étudiants rencontrent pour accéder aux universités publiques brésiliennes.

Justification de l'axe : L'étude s'inscrit dans le deuxième axe de ce séminaire qui porte sur les politiques de reconnaissance : les discours d'autorité et la construction de la différence. Cet axe renvoie au débat sur la reconnaissance de la diversité : de quelle manière les discours institutionnels et les politiques gouvernementales sont eux aussi construits et confirment le processus de construction identitaire des publics qu'ils entendent inclure. En ce sens, nous considérons que les expériences et les difficultés rencontrées par les étudiants autochtones lorsqu'ils cherchent à accéder à l'université publique brésilienne, ainsi que les défis auxquels ils sont confrontés pour y persévérer, permettent une discussion riche sur la structure coloniale présente dans le contexte universitaire qui finit par renforcer les préjugés à l'encontre des étudiants autochtones, même lorsqu'il utilise des ressources telles que l'action positive ou les quotas pour chercher à les inclure. Ce processus se produit de différentes manières, comme l'exclusion de l'identité de ces étudiants et le racisme institutionnel imposé par la dissimulation des données de l'institution.

Comme nous le verrons dans notre étude, le discours d'autorité de l'université, les règles de prise en compte des droits des autochtones dans la politique de quotas, aboutissent souvent à une forme d'obstacle à l’insertion des autochtones qui vivent dans les centres urbains, car ils doivent prouver leur identité culturelle sur la base de règles qui ne tiennent pas compte de leur condition diasporique dans les centres urbains, ce qui empêche une relation directe avec la FUNAI (l'organisme gouvernemental qui reconnaît officiellement l'identité autochtone) ; cela entrave également l'accès des autochtones des villages en ne proposant pas de formes spécifiques d'entrée à l'université pour ceux qui n'ont pas le portugais comme première langue.


13H40 QC

Blanchité et majorité : enjeux conceptuels d’une ethnographie du choix scolaire au Québec

Xavier St-Pierre (UQTR)

Brève description : Mon projet doctoral s’intéresse au rôle de l’école dans la reproduction des inégalités à partir de la position du groupe majoritaire au Québec dans un contexte régional éloigné des grands centres urbains. Ce projet de recherche part du postulat qu’il est nécessaire « tourner le regard vers les dominants » (Eid, 2018, p.144) alors que la recherche sur les inégalités tend à ne pas analyser la position du groupe majoritaire. Inspiré par le travail de Pinçon et Pinçon-Charlot (2005), on peut ainsi se demander comment pourrait-on comprendre l'interaction dynamique entre l'espace social et l'espace scolaire sans prendre en compte les écoles occupées par le groupe au sommet de la hiérarchie sociale?

Dans ce projet, je m’intéresse aux rapports sociaux inégalitaires liés à la classe et la race en dialogue avec les travaux sur la reproduction des inégalités et de la sociologie des élites particulièrement ancrés dans l’héritage de Pierre Bourdieu (Bourdieu et Passeron, 1970). Ce projet de recherche propose de combler une des lacunes de la « sociologie des élites » ancrée dans un cadre bourdieusien qui est attaché à la hiérarchisation sociale selon la classe et qui ne prend pas en compte d’un côté la diversité des élites et de l’autre les hiérarchisations sociales liées à la race et au genre dans les rapports de domination (Cousin et al., 2018).

De plus, alors qu’au Québec les travaux sur la reproduction sociale sont surtout réalisés dans une posture quantitative, ce projet de recherche souhaite rendre compte de la quotidienneté des systèmes de hiérarchisation sociale. Si les études quantitatives ont permis d’expliquer la réussite des élites au Québec et la segmentation du système scolaire québécois, des études qualitatives apparaissent nécessaires afin de mieux comprendre la reproduction en tant que telle et les contextes dans lesquels se construisent les relations de pouvoir.

L’objectif est de comprendre la manière dont se déroule la reproduction des inégalités liées à la race et la classe dans la vie scolaire quotidienne à partir du maintien des privilèges. À partir d’une approche ethnographique et sociologique, la thèse vise ainsi à décrire la manière dont les inégalités liées à la race et à la classe prennent forme à et autour de l’école.


Justification de l'axe :

Les politiques de la reconnaissance de la « différence » des groupes «minoritaires» se sont notamment développées en rapport à l’« aveuglement aux différences » (Taylor, 1992). S’intéresser au groupe majoritaire permet de réfléchir aux possibilités et aux écueils des politiques de la reconnaissance notamment en mettant en lumière de quelle manière la position sociale et les marqueurs du groupe majoritaire demeurent souvent absents alors que c’est la «différence» des groupes minoritaires qui fait l’objet des politiques. On peut penser aux concepts de blanchité ou de colons qui sont toutefois peu utilisés au Québec alors que les concepts de «minorité visible», personnes racisées, Autochtones font partie des discours publics. Ensuite, les concepts de minoritaire/majoritaire sont relationnels: ils impliquent l’un et l’autre en se construisant à partir d’un certain agencement des rapports de pouvoir. Juteau a montré comment on qualifie d’ethnique, l’humanité de l’autre, ainsi « alors que la spécificité culturelle est assignée aux minoritaires, celle du groupe dominant passe inaperçue parce qu’elle a valeur de norme, d’universel » (2015, p. 108). Par exemple, le concept de colon est intimement lié aux identités autochtones et se construit en rapport avec le groupe qu’il veut remplacer sur le territoire. Toutefois, contrairement aux Autochtones, les colons peuvent se faire reconnaitre en tant qu’individus sans passer par une identité de groupe. Qui plus est, les politiques de la reconnaissance, centrées sur la «différence» masquent le fait que les termes de la reconnaissance, particulièrement en contexte colonial (Coulthard, 2015), sont définis par le groupe majoritaire qui, lui, demeure indéfini. S’intéresser au groupe majoritaire permet ainsi de discuter des enjeux qui traversent les demandes de reconnaissance comme la méritocratie et le colorblindness. Ma présentation proposera de discuter dans une perspective sociologique – c’est-à-dire en analysant de quelle manière l’identité du groupe majoritaire est également construite socialement – de la définition du groupe majoritaire et de ses marqueurs, des concepts qui servent à le cerner ainsi que du risque d’essentialisme de certains concepts qui vise à définir le groupe majoritaire comme celui de blanchité (Eid, 2018).



14H20 QC

Identité, itinérance formative et pratique professionnelle : récits de femmes noires orthophonistes dans une recherche (auto)biographique

Suellen Mayane de Paiva Santos (UNIVASF)

Brève description : Cette proposition d'étude s’ancre dans une approche multiréférentielle, impliquée et fondée sur la pensée décoloniale. Elle vise à comprendre les histoires constitutives de l'identité de femmes noires orthophonistes. Le choix de ce thème de recherche a été motivé par l'inquiétude éprouvée durant mon expérience en tant que femme noire, professionnelle de santé, orthophoniste et chercheuse, et l’observation de la façon dont l'imbrication entre race et genre produit des particularités dans l'histoire de femmes noires travaillant dans le domaine de la santé.

Ainsi, cette étude propose de rendre possibles les histoires de femmes noires ayant eu accès au milieu universitaire et qui sont actuellement des professionnelles de santé travaillant comme orthophonistes, afin de comprendre comment se composent leurs trajectoires de vie et leur identité.

L’aspect décolonial qui sert de socle théorique à cette étude traduit un engagement pour l'autonomie de femmes noires, apportant, en ce sens, une construction collective dans le but d’écrire l'histoire à leur manière. Cet engagement vise également à comprendre la complexité de la colonialité et le type d’impact qu’elle produit sur le sujet.

Le parcours méthodologique de cette étude se concentrera aussi sur l'approche (auto) biographique, qui peut être associée à la pensée décoloniale, puisque parler et écrire sur soi génère des processus (auto) formatifs et, par conséquent, peut produire des questionnements et des attitudes sur les dimensions de la colonialité de l'être, du savoir et du pouvoir. C'est en pensant à ces processus que ce projet vise à discuter des questions ethno-raciales dans le domaine de l'orthophonie, du point de vue des femmes orthophonistes noires.

Dans cette optique, cette étude a pour objectifs spécifiques : l’appréhension des récits liés à la construction de l'identité raciale et de genre d’orthophonistes noires ; la description des récits de femmes noires sur la formation académique en orthophonie ; la description des récits de pratique professionnelle d’orthophonistes noires et l'appréhension des expériences liées au fait d'être une femme noire travaillant dans le domaine de la santé.

Ancrée dans l'épistémologie multiréférentielle (Macedo, 2020), cette recherche sera menée à travers une approche qualitative interprétative. Dans cette voie, on adoptera la méthodologie de la recherche (auto) biographique, puisque cette étude met l'accent sur les récits de soi comme éléments de compréhension du sujet et de sa collectivité, mais aussi comme des processus réflexifs fondés sur la rencontre avec sa propre histoire (Delory-Momberger, 2016).

Pour la construction de l'itinéraire d'information, l’élan de biographisation dans cette recherche s’inscrira dans le sillage de l'expérience d'écriture de vie[1] et de l'entretien (auto) biographique narratif, qui seront les dispositifs de production de l'information au cours de cette étude. En considérant la perspective qui structure ce projet et en tenant compte de ce qui est recherché à travers elle, l'interprétation des informations qui seront collectées se fera à travers l'herméneutique de Gadamer.

La recherche se déroulera dans un environnement virtuel et la sélection des participantes sera fondée sur le fait qu'elles se déclarent femmes noires, diplômées en orthophonie et qu’elles aient au moins un an de pratique professionnelle dans ce domaine. Le présent projet, qui a été soumis au Comité d'éthique, est toujours en cours d'évaluation. Le début du processus de recherche et de collecte d'informations aura lieu après l'approbation du Comité.

Cette recherche apporte des bénéfices indirects. À travers elle il sera possible de connaître la réalité des participantes, dans une quête de visibilité des thèmes qui seront discutés. Elle favorisera aussi la mise en place d’un lieu qui mette en relation l'orthophonie et les questions ethno-raciales. On considère également que la dynamique de recherche pourra avoir des répercussions sur le renforcement identitaire des participantes, puisque les approches narratives (auto)biographiques ont aussi un rôle d'autoréflexion.


[1] « Éxpérience d’écriture de vie », escrevivência, en portugais, est un concept élaboré par Conceição Evaristo dont un des sens souligne l’importance d’enregistrer des mémoires et des expériences du quotidien. Il s’agit, ainsi, d’une façon pour les femmes noires d’écrire sur leur propre vie et sur celle de leur collectivité.


Justification de l'axe : Parce qu’il part d'une approche multiréférentielle, impliquée par et fondée sur la Pensée Décoloniale, visant à comprendre les récits constitutifs de l'identité des femmes noires orthophonistes, ce projet correspond doublement à l'axe en question, précisément parce qu'il fait référence à des aspects conceptuels/théoriques et méthodologiques. Cette pertinence se justifie par le fait que le projet implique des questions ethno-raciales et de genre articulées à la formation professionnelle. Je considère qu'il s'intègre à cet axe puisqu'il apporte un questionnement conceptuel et met l'accent sur la constitution de l'identité des femmes noires orthophonistes. Il y a sur ce point une convergence de discussions sur la formation professionnelle, sur le genre et sur les questions ethniques. Comme indiqué plus haut, ce projet comporte également des pertinences méthodologiques, puisqu'il cherche à appréhender les histoires liées à la construction de l'identité raciale et de genre d’orthophonistes noires et à leurs expériences dans la formation académique et la pratique professionnelle. Les aspects théoriques et la méthode sont donnés sur le mode de l’implication, notamment parce qu'il y a une valorisation des histoires de vie, des récits présentés par les participantes, y compris de ce que l'on appelle les « expériences d'écriture de vie ». Ainsi, ce projet cherche à rendre visibles les histoires de vie de femmes noires orthophonistes en ce qui concerne la construction de leur identité, leurs expériences dans la formation académique et la façon dont elles vivent la pratique professionnelle, dans le souci de dépeindre à la première personne ces femmes noires comme auteures de leurs propres trajectoires.



15H QC

Retour sur la journée

  • Comment articuler les principes d'auto-déclaration et les soi-disant « critères objectifs » de validation des identités?

  • Les catégories des groupes ciblés peuvent-elles à la fois assurer des droits et réifier des dynamiques de pouvoir et des positions subordonnées ?

  • Comment la psychanalyse peut-elle contribuer à la « gestion » de populations spécifiques ? La perspective clinique peut-elle contribuer à penser les impasses vécues par les sujets dans ce processus de construction identitaire aujourd'hui ?