Jeudi 26 août

Thématique de la journée : Équité et justice sociale en enseignement supérieur: transformation ou maintien du statu quo ?

Séminaire de recherche : présentation des projets des participants


8h10 QC


Comprendre le bien-être des étudiants universitaires internationaux du Québec dans une approche axée sur la psychologie positive

Zina Kharchi (UQTR)

Au Québec, il y a longtemps que les termes éducation et internationalisation sont conjugués ensemble et cela fait environ 20 ans maintenant que le terme internationalisation fait l’objet de plusieurs discours. Le terme a été largement utilisé en sciences politiques et ce n’est qu’au début des années 80 qu’il atteint son apogée de popularité en éducation (Knight, 2003). Selon la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec, FNEEQ, la problématique de l’internationalisation a pris un nouveau virage, selon une approche utilitariste et marchande, à partir des années 1990 avec la foulée de la mondialisation, de l’économie du savoir et du libéralisme. Ceci dit, en tant qu'activité commerciale mondiale, la mobilité étudiante générerait des profits de 30 milliards de dollars US par année (Morin, 2008). Les frais de scolarité forfaitaires des étudiants étrangers, leurs frais de subsistance, loyer et autres représentent un considérable apport au pays: près de 6 milliards de dollars à l’économie canadienne en 2008 et plus de 8 milliards en 2010 (CIC, 2012).

Dépassant l’aspect économique, l’internationalisation de l’enseignement supérieur est perçue selon Knight (2003) comme étant le processus d’intégration d’une dimension internationale, interculturelle ou mondiale ayant pour objectif la prestation du système éducatif. Plus clairement, Morin (2008) définit l’internationalisation telle vue au départ et actuellement:

Au départ, l’internationalisation de l’éducation supérieure était un processus plutôt volontaire qui répondait essentiellement à des considérations politiques, culturelles et géostratégiques. Présentement, la mondialisation incite les gouvernements et les institutions à utiliser les universités comme de véritables outils au service du développement économique et du positionnement stratégique, tant sur le plan local que mondial. (p. 76)

Plusieurs pays, dont le Canada, se font concurrence afin d’attirer le plus d’étudiants internationaux possible. Il est présumable que leur nombre passera au double d’ici 2022 ayant comme premier but d’accueillir les meilleurs talents étant donné que le pays a besoin des meilleurs pour alimenter l’innovation qui stimule à son tour la prospérité économique. Au Québec précisément, le nombre d’étudiants internationaux est en constante croissance depuis des années: 22 096 étudiants et étudiantes inscrits en 2006 et 32778 en 2013 (MESRS, 2013), dont 19 820 étudiants inscrits au 1er cycle, 8 012 au 2ème cycle et 4 946 inscrits sont des étudiants de 3ème cycle.


Pendant leur séjour d’études à l’étranger, dans notre cas au Québec, les étudiants internationaux font face à plusieurs défis de divers ordres, notamment des embûches relatives à la maîtrise de la langue d’enseignement, des difficultés liées à l’adaptation à la vie académique, le choc climatique… (Chevrolet, Bertel et Decamps, 1977; Germain et Vultur, 2016; Maïnich, 2015). L’expérience de mobilité étudiante occasionne également une adaptation culturelle perçue comme une série d’ajustements comportementaux et émotifs de l’individu face aux différences culturelles (Montgomery et Bourassa-Dansereau, 2018), différences qui sont à l’origine de l’adaptation des étudiants internationaux (Al-Harthi, 2006). C’est dans cette veine que s’inscrit ma thèse, qui vise à comprendre, à travers l’adaptation culturelle d’étudiants universitaires internationaux, le sentiment de bien-être qu’ils éprouvent pendant leur séjour d’études au Québec en dépit des défis rencontrés.


De plus près, à travers des entrevues individuelles avec des étudiants internationaux, mon projet de recherche permettra de comprendre comment les étudiants internationaux éprouvent du bien-être. Ainsi, le bien-être de ces étudiants sera documenté dans une approche axée sur la psychologie positive dans le sens où l’accent ne sera pas seulement mis sur ce qui occasionne leur mal-être, mais surtout sur ce qui les amène à se sentir bien au cours de leur processus d’adaptation et les stratégies qu’ils mobilisent pour ce faire. En effet, plusieurs recherches quantitatives traitant du bien-être ont été répertoriées surtout en littérature anglophone mais rarement sont celles qui traitent ce phénomène en profondeur. Au Québec, la thèse de Mainich (2015) portant sur la persévérance des étudiants internationaux dans les cycles supérieurs rapporte en conclusion que le bien-être des étudiants étrangers dépend de leur relation avec leurs directions de recherche; de leur alimentation ainsi que de leurs pratiques religieuses.


Alors, les entrevues réalisées auprès des étudiants étrangers permettront de documenter les pratiques d’équité et de justice sociale dont se servent les institutions universitaires ainsi que les stratégies qu’elles mobilisent pour: accueillir ces étudiants internationaux; les aider à travers leur intégration et cheminement scolaire; accommoder leur diversité… Ceci afin de définir entre autres les pratiques les plus accueillantes en matière de bien-être des étudiants internationaux ainsi que les services aux étudiants étrangers qui leur sont les plus bénéfiques. Donc questionner l’expérience des étudiants étrangers dans les universités québécoises permettra d’éclairer les pratiques gagnantes mises en œuvre dans ces dernières pour favoriser leur bien-être et documenter toutes celles qui les aident à éprouver du bien-être et le maintenir ainsi que celles qui pourraient nuire à leur sentiment de bien-être.


Enfin, ceci permettra de tirer des conclusions en ce qui a trait à la perception de ces étudiants envers ces services et pratiques qui leur sont destinés versus ceux offerts aux étudiants locaux. Enfin, les recommandations émises à la fin de ce projet serviront aux institutions de voie pour favoriser le bien-être des étudiants internationaux et revoir si nécessaire leurs pratiques.


RÉFÉRENCES

Al-Harthi, A. S. (2006). Distance higher education experiences of Arab Gulf students in the United States : A cultural perspective. The International Review of Research in Open and Distributed Learning, 6(3).

Chevrolet, D., Bertel, L., & Decamps, E. A. (1977). Les problemes d'adaptation des etudiantsetrangers au systeme universitaire francais. Revue française de pédagogie, 30-44.

Germain, A. et Vultur, M. (2016). Entre mobilité et ancrage : les étudiants internationaux à l’INRS Institut national de la recherche scientifique. Récupéré de http://espace.inrs.ca/3344/1/germain-vultur-2016.pdf

Knight, J. (2003), « Interview de Jane Knight », IMHE Info, no 1, OCDE, Paris, p. 2.

Maïnich, S. (2015). Les expériences sociales et universitaires d’étudiants internationaux au Québec, le cas de l’Université de Montréal : Comprendre leur persévérance aux études (thèse de doctorat inédite), Université de Montréal, Montréal, Québec.

Montgomery, C., & Bourassa-Dansereau, C. (2018). Mobilités internationales et intervention interculturelle: théories, expériences et pratiques. PUQ.

Morin, S. (2008). Mondialisation et internationalisation en éducation supérieure. Dossiers politiques, 75‑79.



8h30 QC


L’« expérience d’écriture de vie » d’une orthophoniste noire

Suellen Mayane de Paiva Santos (UNIVASF)

Cette étude est construite à partir de mon « expérience d’écriture de vie »* en tant que femme noire, orthophoniste, travaillant dans une clinique traditionnelle. Elle a pour objectif de décrire les expériences relatives à mon parcours formatif. Je propose également une réflexion sur la pathologisation de la vie et son association avec des expériences de non-lieu. Enfin, je cherche à rompre des musellements historiquement engendrés.

Tous les chemins que j’ai parcourus jusqu’ici ont traversé ma formation identitaire. Être une femme noire issue d’une famille noire qui récupère et transmet son histoire par le récit oral est une motivation pour parcourir ces chemins et donner suite à ces mouvements que les plus jeunes de ma famille ont toujours connus.

Ces récits ont toujours été traversés par les injustices sociales qui touchent les populations noires de façon très particulière, comme autant de reflets de la colonialité, pratique encore vivante. Ainsi, la famille, qui est responsable de ses descendants, à partir des processus par lesquels elle est déjà passée, finit par les préparer en tant que personnes noires, afin de garantir leur développement et leur survie, consciente de la façon dont le peuple noir est traité par la société raciste.

Dans ma réalité, l’éducation et la connaissance ont rapidement été conçues comme des passerelles vers le succès. Davis (2016) décrit la quête d’émancipation de la population noire par le biais de la connaissance. Il s’agit d’une aspiration qui a toujours existé et qui se confronte à la logique de la colonialité associant le peuple noir à l’incapacité intellectuelle.

Dans le contexte académique brésilien, la mise en place des quotas comme politique d’action positive a eu comme conséquence une plus grande présence de personnes noires dans les universités. Le décalage quantitatif entre étudiants blancs et noirs dans l’enseignement supérieur reste néanmoins flagrant dans certaines formations. De plus, au cours de mon expérience, j’ai pu observer d’autres éléments, tels que la faible présence d’enseignants noirs et l’absence, dans les programmes, des questions raciales et d’une pensée critique sur ces thèmes. Malgré tous les obstacles qui séparent les personnes noires de l’environnement académique, c’est pendant mon baccalauréat, mais toujours en dehors des cours, que j’ai pu me rapprocher du Mouvement Noir et avoir accès aux discussions liées au développement de la diversité de nos demandes.

Dans mon parcours professionnel, d’autres questions sont devenues encore plus évidentes, provoquant un sentiment de non-lieu et de musellement face aux processus de la clinique traditionnelle. Concevant la clinique privée comme un lieu d’héritage élitiste, blanc et réservé à certaines populations, je sentais que ma présence représentait souvent pour l’« autre » une position de subalternité, ou qu’elle causait un certain malaise chez ceux qui percevaient ma mobilisation en tant que femme noire consciente d’elle-même et de son rôle dans cet espace.

Dans ce contexte, sachant que les femmes noires subissent une double oppression, de genre et de race, Gonzalez (1989) esquisse un panorama des stéréotypes attribués à la femme noire. Ces stéréotypes émergent du mythe de la démocratie raciale afin de domestiquer nos corps et dépendent de la façon dont nous sommes perçues dans certaines situations. Ces relations se maintiennent et ont tendance à nous dominer actuellement. Ainsi, le facteur race est un grand mécanisme de distribution des personnes dans la hiérarchie sociale et définit des lieux pré-établis socialement pour les personnes noires qui, par conséquent, occupent des positions inférieures dans ce système (Gonzalez et Hasenbalg, 1982).

Quand une femme noire occupe un espace qui ne lui était pas destiné, les dynamiques d’oppression sont également présentes et peuvent entraîner des processus de pathologisation de son existence. Nos corps sont pathologisés une deuxième fois lorsque nous brisons le silence et nous exprimons sur ces schémas qui nous disqualifient et infériorisent. Il n’est pas rare, dans ces moments, que l’on rapproche nos récits de la « folie ».

La conscience de ces sens façonne ainsi mon activité, dans une perspective décoloniale, et me fait penser à l’auto-affirmation comme forme de résistance. Ainsi, les idées ici écrites visent, d’une part, à établir une relation entre l’orthophonie et les questions raciales et, d’autre part, à proposer un témoignage d’une professionnelle noire au sujet de sa formation et de son activité productrice de soin.

*« Expérience d’écriture de vie », escrevivência, en portugais, est un concept élaboré par Conceição Evaristo dont un des sens souligne l’importance d’enregistrer des mémoires et des expériences du quotidien. Il s’agit, ainsi, d’une façon pour les femmes noires d’écrire sur leur propre vie et sur celle de leur collectivité.

Références :

DAVIS, A. (1981). Mulheres, raça e classe. São Paulo: Boitempo, 2016

FANON, F. (1963). Pele Negra, Máscaras Brancas. Salvador: EDUFBA, 2008.

GONZALES, L.; HASENBALG, C. Lugar de Negro. Rio de Janeiro: Ed: Marco Zero Limitada, 1982.

GONZALEZ, L. Racismo e sexismo na cultura brasileira. In: Encontro Anual da Associação Nacional de Pós Graduação e Pesquisa em Ciências Sociais. Rio de Janeiro. p. 223-245. 1980.


8h50 QC


Équité et justice sociale dans la mise en oeuvre de mesures socio-éducatives en milieu ouvert - L’anglais comme activité extra-scolaire de resocialisation

Luanda Miranda Mai (UFSB)

L’idée de ce projet de recherche est le fruit d’années de pratique de la chercheuse au sein de l’Assistance Sociale, notamment dans la mise en œuvre de Mesures Socioéducatives (MSE) en milieu ouvert. Le titre même du projet : « L’anglais qui enferme, l’anglais qui libère - une expérience d’enseignement/apprentissage de la langue anglaise auprès d’adolescents en conflit avec la loi » est provocateur, car il indique que la langue anglaise peut être abordée de façon colonisée ou décolonisée et que de cela dépend son potentiel libérateur ou oppressif. Il s’agit pour nous de souligner que la langue anglaise est généralement enseignée de manière colonisée, ce qui pourrait constituer un facteur supplémentaire d’oppression et de marginalisation d’un public faisant l’objet de MSE, statistiquement en retard scolaire et constitué principalement d’adolescents noirs provenant des périphéries.

En matière de justice sociale, le Brésil a une tradition de violence à l’égard de l’enfance et de la jeunesse pratiquée par l’État « de droit » lui-même qui, au nom d’une prétendue protection, viole les droits des adolescents. En effet, l’idée que la détention des adolescents ayant commis des infractions diminuerait les indicateurs de violence est courante dans la société brésilienne. Toutefois, cette association de l’adolescence au crime, y compris en tant que protagonistes, n’est pas confirmée par les statistiques et les études sur la violence. Au contraire, les chiffres indiquent que la récidive est bien moindre dans le système socioéducatif que dans le système pénal général. Les statistiques montrent aussi que la scolarisation des adolescents marginalisés est en augmentation, bien que leur persévérance scolaire soit encore un grave problème. De manière générale, les adolescents quittent l’école quand ils entrent dans le crime et leur retour s’avère difficile tant par la situation qu’ils vivent que par les résistances des acteurs scolaires.

La réalité des adolescents en conflit avec la loi diffère sensiblement de ces idées reçues. Malgré les prétentions du système, leur protection reste précaire, dans la mesure où les conditions minimales pour les éloigner du crime sont loin d’être remplies. Les politiques publiques dirigées vers cette population, comme les MSE dans le cas de cette étude, sont extrêmement précaires. Bien que des progrès aient pu être perçus ces dernières années, la loi est dans son ensemble peu appliquée. Le manque d’opportunités s’inscrit dans un processus fondé sur « la chance d’être né dans une classe ou dans une autre » et les politiques publiques peuvent elles-mêmes favoriser la production et la reproduction de subalternités. Ainsi, l’égalité formelle devant la loi ne se traduit pas concrètement en équité et en justice sociale. Comme le soulignent opportunément Baumann et May (2010) : « [...] bien que toutes les personnes soient libres [...] certaines sont plus libres que d’autres, car leurs horizons et choix d’actions sont plus vastes [...] ». Ainsi, au Brésil, la criminalité, principalement chez les adolescents, reste un problème social causé par nos inégalités historiques.


Ce projet s’inscrit donc dans cette quête de justice sociale et d’application d’une législation pertinente. L’auteure se propose de mener une recherche interdisciplinaire sur l’enseignement et l’apprentissage de la langue anglaise pour un public d’adolescents en conflit avec la loi en tant qu’activité extrascolaire de resocialisation. Le projet a pour objectif général l’analyse des possibilités de resocialisation de l’enseignement de l’anglais en tant qu’activité extrascolaire auprès d’un public d’adolescents faisant l’objet de MSE, au moyen de méthodologies actives et de manière décolonisée. Les objectifs spécifiques sont: mettre en place un cours de courte durée de langue anglaise auprès d’un public d’adolescents faisant l’objet de MSE au CREAS - Centre de Référence Spécialisé d’Assistance Sociale - de Teixeira de Freitas, Bahia, Brésil, afin d’évaluer le potentiel de l’anglais comme activité de resocialisation; étudier, au moyen de méthodologies actives, les processus d’enseignement de l’anglais auprès d’adolescents en conflit avec la loi; comprendre le lien que ces jeunes établissent entre le monde, la langue anglaise, la société et leur propre personne.

La méthodologie utilisée sera la recherche-action. L’un des outils de collecte de données sera le cours de courte durée en langue anglaise, afin d’évaluer la possibilité de faire de l’anglais une activité extra-scolaire de resocialisation. L’impact social le plus immédiat de cette recherche sera de fournir aux adolescents en conflit avec la loi de la municipalité de Teixeira de Freitas, Bahia, l’accès à un cours de langue anglaise de courte durée. On se fondera sur la méthodologie de la recherche-action, afin de promouvoir l’équité, la justice sociale et l’accès à l’éducation.

Principales références :

BAUMANN, Zygmunt, MAY, Tim. Aprendendo a pensar com a sociologia. 1. Ed. Rio de Janeiro: Jorge Zahar, 2010.

FREIRE, Paulo. Pedagogia do oprimido. 50. Ed. São Paulo: Paz e Terra, 2011

MÉSZÁROS, István. A educação para além do capital. 2 ed. São Paulo: Boitempo, 2008.

HONNETH, Axel. Luta por reconhecimento: a gramática moral dos conflitos sociais. 3 ed; São Paulo: 2003.

PENNYCOOK, Alastair. The Cultural Politics of English as an International Language. 1 ed. Routledge, 2017.

SPIVAK, Gayatri Chakravorty. Pode o subalterno falar? 1 ed. Belo Horizonte: UFMG 2010.


9h10 QC


Inégalités, décrochage et persévérance dans l’enseignement secondaire intégré : une analyse dans la perspective du processus pédagogique

Iza Manuella Aires Cotrim Guimarães (UFMG)

Cette recherche a pour but d’analyser le rapport entre inégalités sociales, inégalités scolaires, décrochage et persévérance scolaires dans l’enseignement secondaire intégré, au sein d’un Institut Fédéral, en considérant l’organisation du processus pédagogique et ses implications dans la décision que prend l’étudiant de continuer ou non sa formation. Pour ce faire, il faut reconnaître que les inégalités s’inscrivent dans le vaste contexte des relations sociales produites par le capitalisme. Au Brésil, l’éducation professionnelle, notamment l’enseignement secondaire intégré, présente des particularités liées à la dualité entre formation générale et professionnelle, fortement marquées par les inégalités sociales et scolaires. Le décrochage scolaire est un processus complexe dépendant de divers facteurs et situations, parmi lesquels figurent le parcours et les conditions socio-économiques des étudiants, l’environnement culturel familial, l’accès au capital culturel et social, les profils individuels et scolaires, entre autres éléments. Il s’agit donc d’un phénomène socialement inégal qui rend manifestes les inégalités sociales à l’école et qui doit être considéré en tant que construction historique et sociale. Cependant, nombre d’études sur ce phénomène se contentent de produire un profil des étudiants qui abandonnent leur formation et, si l’explication qui en est donnée peut inclure des facteurs liés aux conditions socio-économiques et aux parcours des étudiants, l’analyse n’est pas toujours menée de façon articulée et approfondie. Le phénomène de décrochage se constitue dans le contexte du processus pédagogique et subit donc l’influence des pratiques éducatives, du positionnement et de l’attitude qu’assument l’institution d’enseignement et les professionnels de l’éducation. Avec un taux élevé, le décrochage scolaire est un phénomène marquant dans le Réseau Fédéral de l’Éducation Professionnelle, Scientifique et Technologique. Toutefois, on constate que la plupart des études sur le thème portent sur la formation générale et qu’il y a des lacunes en ce qui concerne la formation professionnelle. La présente recherche, développée à partir d’une étude de cas dans l’Institut Fédéral du Nord de Minas Gerais / Campus Januária, en est au stade de l’analyse des données. Une étude bibliographique sur le thème a déjà été menée en considérant les contributions théoriques des principaux chercheurs qui se sont intéressés au rapport entre inégalités sociales et organisation de l’école dans la société capitaliste, notamment Antonio Gramsci, Pierre Bourdieu et François Dubet, auxquels viennent s’ajouter d’autres spécialistes ayant étudié la formation professionnelle au Brésil, ainsi que le décrochage et la persévérance scolaires des étudiants. Afin d’atteindre nos objectifs, un questionnaire a été proposé à des étudiants ayant terminé leur formation, à des étudiants décrocheurs et à des étudiants en cours de formation dans l’enseignement Secondaire Intégré du Campus Januária. Des entretiens ont également été réalisés avec des étudiants ayant fini leur formation et d’autres l’ayant abandonnée. Nous avons aussi analysé les documents au niveau national et dans l’institution sur laquelle se concentre la recherche portant sur le décrochage et la persévérance scolaires et sur les actions à mettre en place. L’analyse des données, en cours d’élaboration, permet déjà d’identifier quelques conclusions importantes, liées, notamment, au profil des étudiants les plus susceptibles de décrocher et aux facteurs influençant leur décision. Ainsi, parmi les éléments qui caractérisent les étudiants faisant partie de ce groupe à risque, on peut souligner : le faible revenu des familles, le fait d’être issu de l’école publique, le fait d’être noir et le fait d’avoir redoublé au moins une année scolaire. Par ailleurs, on a pu constater que les étudiants bénéficiant de programmes institutionnels de soutien financier et de résidence étudiante sont plus persévérants et susceptibles de conclure leur parcours, bien que des facteurs de risque pour le décrochage soient présents. On a pu également vérifier que le soutien de la famille, des amis et des pairs est un aspect qui a une grande influence sur la décision de continuer la formation. Les étudiants issus de familles à faible revenu qui peuvent compter sur le soutien de celles-ci, en particulier de leurs mères, sont plus susceptibles de continuer leur formation, en dépit des difficultés. Ces aspects sont d’une grande importance pour que l’institution puisse combattre le décrochage et renforcer les actions favorisant le maintien des étudiants en formation, mais cette recherche montre aussi que le rapport entre décrochage et inégalités sociales ne concerne pas exclusivement le profil socio-économique des étudiants les plus susceptibles de décrocher. Les inégalités sociales dans l’enseignement secondaire technique sont associées aux perceptions, aux perspectives et aux intérêts présents dans les différents groupes d’étudiants, ce qui oriente leurs parcours scolaires. Il faut aussi prendre en compte les perceptions et les décisions des enseignants, des responsables et des autres professionnels de l’éducation qui influencent l’organisation du processus pédagogique et donc les choix et les parcours des étudiants. La soutenance de cette thèse est prévue pour le mois de décembre 2021. On espère à partir de cette étude pouvoir contribuer à une meilleure compréhension de ce phénomène dans le contexte de la formation professionnelle, en particulier dans celui de l’Enseignement Secondaire Intégré, par l’approfondissement et la réorientation du débat et, ainsi, favoriser l’identification de propositions stratégiques effectives au regard de la persévérance scolaire.


Références

BOURDIEU, Pierre. A escola conservadora: as desigualdades frente à escola e à cultura. In: NOGUEIRA, Maria Alice; CATANI, Afrânio. Escritos de Educação. 11 ed. Petrópolis, RJ: Vozes, 2015, p. 43-72.

BOURDIEU, Pierre; CHAMPAGNE, Patrick. Os excluídos do interior. In: NOGUEIRA, Maria Alice; CATANI, Afrânio. Escritos de Educação. 16 ed. Petrópolis, RJ: Vozes, 2015, p. 243-255.

BOURDIEU, Pierre; PASSERON, Jean-Claude. Os Herdeiros: os estudantes e a cultura. Trad. Ione Ribeiro Vale. 2 ed. Florianópolis: Editora da UFSC, 2018.

DORE, Rosemary; LÜSCHER, Ana Zuleima. Permanência e Evasão na Educação Técnica de Nível Médio em Minas Gerais. Cadernos de Pesquisa, São Paulo, v.41, n.144, p. 772 – 789, set/dez, 2011.

DORE, Rosemary; SALES, Paula Elizabeth Nogueira. Origem social dos estudantes como contraponto à evasão e à permanência escolar nos cursos técnicos da Rede Federal de Educação Profissional. In: DORE, Rosemary; SALES, Paula Elizabeth Nogueira; SILVA, Carlos Eduardo Guerra (Orgs.). Educação Profissional e evasão escolar: contextos e perspectivas. Belo Horizonte: RIMEPES, 2017, p. 113- 134.

DUBET, François. As desigualdades multiplicadas. Revista Brasileira de Educação, n. 17, p. 5-19, mai./jul. 2001.

__________. A escola e a exclusão. Cadernos de Pesquisa, n. 119, p. 29-45, jul. 2003.

__________. Os limites da igualdade de oportunidade. Cadernos Cenpec, v.2, n.2, p.171-179, dez. 2012.

DUBET, François; DURU-BELLAT, Marie; VÉRÉTOUT, Antoine. As desigualdades escolares antes e depois da escola: organização escolar e influência dos diplomas. Sociologias, Porto Alegre, n.29, p.22-10, jan-abr. 2012.

GRAMSCI, Antônio. Maquiavel, a Política e o Estado Moderno. Trad. Luiz Mário Gazzaneo. 5 ed. Rio de Janeiro: Editora Civilização Brasileira S. A., 1984.

_________. Cadernos do Cárcere: Os intelectuais. O princípio educativo. Jornalismo. Volume 2. Trad. e Ed., Carlos Nelson Coutinho; Coedição, Marco Aurélio Nogueira e Luiz Sérgio Henriques. 3 ed. Rio de Janeiro: Civilização Brasileira, 2004.

__________. Cadernos do Cárcere: Maquiavel. Notas sobre o Estado e a política. Volume 3. Trad. e Ed., Carlos Nelson Coutinho; Coedição, Marco Aurélio Nogueira e Luiz Sérgio Henriques. 3 ed. Rio de Janeiro: Civilização Brasileira, 2004.

RAMOS, Marise Nogueira. . Ensino Médio Integrado: Possibilidades e desafios. In: FRIGOTTO, G.; CIAVATTA; M.; RAMOS, M. (Orgs). Ensino Médio Integrado: concepções e contradições. São Paulo: Cortez, 2005, p.106-127.

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9h30 QC


Manières de penser, de sentir et d’agir des enseignants relativement à l’école de Bento Rodrigues dans le contexte de la rupture du barrage de Fundão

Adriane Cristina de Melo Hunzicker (UFMG)

Ce projet de recherche de doctorat a pour thème les Représentations Sociales en Mouvement (RMS) des enseignants de l’École Municipale Bento Rodrigues (EMBR) à Mariana. Le 5 novembre 2015, l’école a été touchée par la rupture d’un barrage contenant 55 millions de m3 de déchets de minerai de fer qui a causé des dégâts socio-environnementaux tout au long du bassin hydrographique du Rio Doce, dans les états de Minas Gerais et d’Espírito Santo (Brésil). Cette situation a entraîné des violations des droits de l’homme, puisque 20 personnes sont mortes, dont deux élèves de l’EMBR. Trois villages ont été déterritorialisés dans les municipalités de Mariana et de Barra Longa, Bento Rodrigues étant le premier à avoir été atteint. Les habitants ont perdu, outre leur logement, leurs conditions de production et de reproduction de la vie. La communauté scolaire et les habitants de Bento Rodrigues ont été installés dans la ville de Mariana, un nouveau contexte économique, social et culturel. L’EMBR a changé d’adresse à deux reprises dans l’attente de sa relocalisation. Durant cette période provisoire, l’école s’est vue obligée de revoir son fonctionnement, avec des altérations dans sa structure matérielle et administrative, ainsi que dans sa fonction sociale destinée à l’usage collectif (fêtes et réunions de la communauté). Les résultats de Hunzicker (2019) ont mis en évidence le fait que les enseignants font l’expérience de tensions face aux défis présents dans le quotidien scolaire, comme la discrimination des élèves surnommés « pieds boueux », au moment où l’EMBR partageait les locaux d’une autre institution à Mariana. En continuité avec l’étude réalisée dans le cadre de ma maîtrise, il s’agit, dans le cadre du doctorat, de comprendre la façon dont les enseignants articulent leurs représentations sociales sur les aspects liés à l’avenir incertain de l’école. L’étude sera centrée sur les conditions de l’installation définitive de l’école afin de connaître la manière dont les enseignants réagissent aux changements affectant son profil. Jusqu’à la rupture du barrage, l’EMBR fonctionnait comme une école de campagne. Son transfert vers la ville a modifié cette situation, compte tenu du mode de vie que les habitants ont alors adopté. La réinstallation de Bento Rodrigues s’effectue dans un nouveau territoire approuvé par le plan directeur de la municipalité en tant qu’espace urbain. Ce processus de classification du village et de l’école comme “urbains” pourra entraîner de nouveaux défis pour les enseignants. La question proposée est de comprendre la manière dont les enseignants vivent ce processus de changements successifs dans le fonctionnement de l’école. Pour ce faire, nous utilisons comme repère théorique la triade territorialisation-déterritorialisation-reterritorialisation (T-D-R) et les RSM. La discussion sur la T-D-R est en rapport avec le concept de territoire traité en géographie (Haesbaert, 2020). La théorie des RSM, liée à la psychologie sociale, est construite et approfondie dans les recherches du Groupe d’Études sur les Représentations Sociales (GERES), ainsi que dans l’ouvrage d’Antunes-Rocha et Ribeiro (2018). Le Groupe étudie des contextes éducatifs liés aux sujets issus de classes minoritaires qui passent par des situations génératrices de changements. Cette recherche est rattachée à la ligne de recherche Psychologie, Psychanalyse et Éducation du Programme de Post-graduation en Éducation Connaissance et

Inclusion Sociale, de la Faculté d’Éducation de l’Université Fédérale de Minas Gerais, sous la direction de Dr. Maria Isabel Antunes-Rocha. La question qui fonde le problème de recherche est en rapport avec le processus de déterritorialisation par lequel passe l’école depuis plus de cinq ans. Cette situation ne se limite pas à l’infrastructure, elle touche également les connaissances produites, la subjectivité des personnes et les changements dans les pratiques. Dans ce parcours, les enseignants peuvent avoir des difficultés à organiser leurs pratiques en fonction du caractère provisoire de l’identité de l’institution. La démarche méthodologique de cette étude comprend : l’analyse documentaire de l’EMBR ; l’interprétation des données d’entretiens narratifs; l’observation d’événements relatifs aux processus décisionnels sur l’avenir de l’EMBR, organisés par l’école elle-même, des organismes gouvernementaux et des mouvements sociaux et éducatifs. Dans ce contexte de violation des droits de l’homme, mener cette recherche auprès des enseignants se justifie par l’importance du rôle de ces professionnels dans le processus de réparation et de compréhension des causes, des limites et des possibilités de la reconstruction de l’offre scolaire. L’école est une institution publique de l’État brésilien qui peut contribuer à reconstruire les moyens de production et de reproduction de la vie ayant été impactés, en favorisant la réflexion en matière de lutte pour la justice sociale. De plus, les enseignants sont des médiateurs entre l’école, les élèves et les familles, ce qui les met quotidiennement en relation avec les victimes directement atteintes.


Références

ANTUNES-ROCHA, M. I.; RIBEIRO, L. P. (orgs.). Representações Sociais em Movimento: pesquisas em contextos educativos geradores de mudança. Curitiba: Appris, 2018. 112p.

HAESBART, R. O mito da desterritorialização: do “fim dos territórios” à multiterritorialidade. 12ª ed. Rio de Janeiro: Bertrand Brasil, 2020. 395p.

HUNZICKER, Adriane C. de M. O rompimento da Barragem do Fundão: repercussões nos saberes e práticas das professoras da escola de Bento Rodrigues. Dissertação de Mestrado em Educação: Mestrado Profissional em Educação e Docência (Promestre). Universidade Federal de Minas Gerais, Faculdade de Educação, Belo Horizonte, 2019. 170p.


10h30 QC


Table-ronde « Équité et justice sociale en enseignement supérieur: transformation ou maintien du statu quo ? »

Table-ronde « Équité et justice sociale en enseignement supérieur: transformation ou maintien du statu quo ? » qui se penchera sur les limites des mesures d'équité comme critère principal de justice pour le fondement des politiques publiques et des politiques institutionnelles en enseignement supérieur. L'Université est une institution en transformation dont le rôle de gardienne du savoir universel et de formatrice des élites est remis en question. Quels changements institutionnels sont nécessaires pour réduire la production d'inégalités dans l'enseignement supérieur ? Quelles expériences permettent d'analyser les nouveaux rôles que joue l'enseignement supérieur dans la production ou le dépassement des inégalités et des hiérarchies sociales au Brésil et au Québec ? Quelles nouvelles pratiques pédagogiques ou de gestion sont possibles ?

Trajectoires d’étudiant.e.s noir.e.s ayant bénéficié de quotas d’accès à l’enseignement supérieur: inertie, réforme ou réinvention des universités brésiliennes

Rodrigo Edinilson (UFMG)

L’enseignement supérieur, un levier dans la lutte contre les rapports sociaux d’oppression? Réflexions critiques sur les politiques Équité, Diversité, Inclusion et leur mise en œuvre

Marie-Odile Magnan (UdeM)


12h30 QC


Pause-repas



13h30 QC

Groupe de travail

Échanges en sous-groupes à partir d’une étude de cas suivis d’une discussion en grand groupe sur les initiatives transformatoires au sein de l’université