Joseph Pommier

Dans une sorte d’ambiance morne

Aussi terne qu’un bloc de brume

Tombant brusquement sur un décor rude

Hangars, déchetteries, bois de grume, carcasses d’automobiles

Avec en lisière du ciel boueux

Une succession de collines vides

Image amère de l’infortune

Imposant son éthique de la souffrance

Des chants névrotiques colorent la nuit

En provenance de lèvres endurcies

Qui connurent des moments délirants

Puis se sont abstenues de toute fantaisie

Pour mieux effacer l’effet anxiogène

Que produisent les désirs indécis

Restés en instance de traitement

Dans un caisson à oxygène

Ou déposés dans une armoire forte

Par des donneurs anonymes

En proie à des spasmes fous

Scintillant comme d’étranges hologrammes

Qu’on projette parfois sur de grands murs mous

A la sortie des villes industrielles

*

Cet homme forcément taré

Détruit à la base

Faussement désolé de devoir

Quitter sa demeure d’os

Pour rejoindre son campement

Près du fleuve immobile

Il en a fait son mandataire

Son double de cœur effronté et moqueur

Apre au gain médiocre joueur

Titubant le soir dans les rainures de l’ombre

Mais souple sur les échéances vivre et mourir

Sont ses seuls biens il le sait et s’efforce d’en jouir

Quelques paroles fortes fusent

Sans la signature du divin

Elles se répandent sur le sol dur

Et vont rejoindre les vieilles morsures

Qu’une main secourable a déposées

Au musée national des coups et blessures

Elles resteront valables

Jusqu’à la relève matinale

Qui viendra un jour ouvrable

Procéder à la collecte sélective

Des mots anonymes qu’on agrafe

Au portail des maisons citadines

Dans l’attente d’une pluie résiliente

Hypothèse doucement délirante

Qu’aucun magicien même diplômé

N’a jamais validée