Jean-Pierre Parra
Un coeur enfoncé
1
Sans lumière dans l’obscurité
tu cherches
os usés sous les forces chaque jour diminuées
le soupçon d’air de liberté qui resplendit
tu avances
sans appui et avec appui
pour disparaître hors de la vie
2
Homme en rage
devant les ouvrages de la vie détruite
tu sens
silencieux dans l’attente des dangers du jour
la peur glacée qui fond
tu te sens
esprit renversé
autorisé à raisonner
3
Salive salée
salive sanglante
crachée sous les coups
sur la terre rendue écarlate des larmes de sang
tu offres
dans la présence immédiate de la mort
ta vie
4
Chemise ensanglantée de ton propre sang
tu désires
langue non tenue
par la douleur accueillie
la liberté pour le peuple
ruisselant du sang de ses martyrs
tu puises
coeur libre né de l’espoir différé
tes forces
raison de ton côté
dans le sang de tous versé
5
Pieds chargés des chaînes de la terre
et coeur resserré par la douleur
tu croises
couvert de poussière et de sang
les corps confiants
arrachés à la vie
par les adversaires des hommes
6
Dés de ton bonheur lancés
dans les jours comptés
tu vis
conscient de tes obligations sous le ciel mauvais
sur ton crédit
tu renonces
heures brisées en miettes par la mort infligée
à la vie
7
Homs ville martyre
Bouleversé
par les regards éteints scrutés
tu tombes
déchiré par le désespoir
à genoux
tu pleures
sang venu tout bas sans récompense venue
l'avenir
8
Ombre perdue à la lisière de la nuit
tu respires
approche sentie
les meurtres implacables
tu tombes
âme écrasée par la barbarie
en sommeil
9
Meurtres implacables respirés
à l’ombre des morts récents
tu t’endors
yeux en prière
d’un sommeil de mort
10
Hôpital d’Homs, Syrie
Coeur vidé de sang qui bat encore
dans ton corps en dissolution abandonné
tu supplies
enfermé hors du monde
les hommes aux coeurs embrumés
qui torturent
11
Pitié tue
sous les nuages de sang amassés
tu suis
lèvres closes gardées dans l’horrible présent connu
le chemin de la nuit
12
Vivant
visage devenu grave
dans l’attente du pire
tu te tiens
vide immense creusé dans ton coeur
un peu à l’écart
de ta vie reformée
par le bruit mauvais du lendemain en marche entendu
13
Tombé
sans défense
à terre
pour être écrasé
tu supplies
tête ensanglantée
du regard
14
Heureux
face à l’armée qui tue le plus beau
de regarder le ciel sans bouger
tu reprends
corps troué par la balle
un peu confiance
tu reposes enfin
coeur vidé de sang
dans la mort