F. U.-Menninger

Sur les bords de l'infini

on ne sait jamais

mes parents et grands-parents avaient gardé

toutes sortes d’objets usagés

au cas où ils les réutiliseraient

on ne sait jamais

clous rouillés élastiques fatigués

vêtements mités draps troués

casseroles bosselées meubles par les vers rongés

livres déchirés montres et pendules arrêtées

l’herbe a poussé dans le jardin oublié

où les outils font toujours le guet

l’âme hantée par les ombres du passé

qui partout se sont déployées

à l'ombre d'un noyer

nous étions assis à l'ombre d'un noyer

dont les lourdes branches ployaient

sous leur charge de feuilles patinées

mais le temps s'est mis à virevolter

tandis que nos âmes sorties de leur bogue dansaient

et que nos corps à l'arbre s'enracinaient

il ne reste aujourd'hui sous le noyer

que l'ombre incertaine des jours passés

et le chuchotis des feuilles argentées

sur les bords de l'infini

revenir à petits pas perdus

sur les bords de l'infini

d'où nous venons

et où nous retournons

l'âme et le coeur saisis

dans l'immense nue

parfois l'écho lointain

d'un autre moi

traverse la page blanche

pour réveiller l'enfance

qui traverse nos émois

et toujours nous étreint