Rire et morsure de l'errant
1.
A l’auberge étrange
l’orgue des fosses, vert de nuit
sa propre lune
tous chats
J’ai vu passer celui qui, dans un sac,
a le lent couteau des plaines tournées
l’adieu aux villes de l’Est
cavernes d’été
dont les murs hurlaient
« fugitif éternel »
J’ai vu des martyrs et des saints
parler en volutes
aux yeux isocèles,
ramassés, dans l’ombre
lèvres sur le jardin
riant vers moi flou et cymbales
Sais-tu que là
des hommes,
en exil pourtant,
fêtaient la vie
Avant que le don des fleurs
et le sucre brûlé
ne lèvent leur Empire
les enfants de la clairière
cimes et trapèzes de roches aux mâchoires
tous libres et sauvages
j’ai vu cela
oui !
2.
Et quand cela je l’avais vu
le feu du raisin sur les tempes
les gemmes
comme la côte bringuebalée
je me suis allongé dans l’averse
je me suis endormi sur le vide
et l’aube
c’était de retrouver la rue
Un guetteur
Sans courbes du marteau
sans machines
sans incendies de criquets et d’oiseaux
Et pourtant
les herbes hautes où je perdis des frères
sucre viride penché dans le murmure
Les heures russes
où tout se mêle
Le ciel
à la balafre caressante,
tous sifflent le danger
et crient :
« fraisil, fraisil
ils passent le fleuve ! »
Le ressac et la mort
Ainsi la ville mourut.
Je dormais là quelques-à-jamais
à même l’orée,
dans les attentes d’eau
Ignorant les roues immenses
montagnes aux bruits des rameurs
Éphémères
Infiniment
Ignorant qui sortit des fumées
Qui tua le premier,
du rouage vers le sable
ou des peaux de terre et safran
J’étais ces chênes
étrangers à vos villes
pour qui glissent
les équerres d’au-dessus,
ces contre-allées
qui savent
la révolution courbe
Des iris d’aube
l’étain m’est repris
Oui
j’ai rêvé ces crevasses
- le sablier s’y brise -
retirer sa peau
pour perdre ses frères
mais l’or gras
vous rappelle aux semblables
et je quittais la Nuit sans balafre
Réfraction tendre
Près d’un arbre à oreilles :
« Enfant
j’ai connu Géricault.
- Jéricho ?
- Oui, Jéricho. »
Puis le safran
ne pesait plus sur mes paupières
et cette fronde qu’est le
jour
ne lavait plus mon cœur.
Le Cyan y fit un puits sans fond
Echappé
Le long
je suivais la sève
mes veines
j’égrenais
le silence aux racines
la mousse
et les récits des cailloux d’eau
Et comme un sabbat
l’ombre portée des veilleurs
apaisait le corail à mon front
« perdez-moi ! »
aux pentes, livre sans fin
l’écaille dans le rire méandreux
sans regret,
plus d’iris de cuivre
plus de suie couturée
rien que la promesse du feu.
En bas
où se love la course
je brûlais les derniers masques
Les monstres
Au bas, le fleuve hurlant
Angles inouïs
Vigies
argent
et
chair
Jaugé depuis la stèle
j’ai pensé :
« Être écaille
Salle des machines
Mère !
Qu’ils me prennent
me fondent sur la maille.
Je dois marcher sur vous
de l’intérieur. »