Fabrice Farre

I – Aucun

Dans la transparence du mur de lumière

je ne suis personne.

Je n’ai nulle histoire qui puisse

se raconter. Je guette sans mélancolie

les boulevards propres et Boson sous la poussière

ne me restitue jamais la masse qui me revient.

II – Péage

Tu es rentré trempé jusqu’aux os

ton vêtement était sec à l’aller, prompt

à garder la mémoire et le bruit des voix.

Au retour, la pluie a tout effacé. C’est

une existence bredouille dont il ne reste

que le passage fugace des deux roues

sur le sol glacé du noir autoroutier

et les visages des rencontres s’épuisent.

III – Enveloppes

Occasionnellement, les méduses reviennent

elles nous effraient comme l’idée

de ne jamais partir. Mais la pensée

du long voyage nous abat et nous

concevons ces monstres mous dès lors

que nous ne toucherons jamais à la mer.

Rester apaise tout à coup même si

nous ne servons à rien dans le monde figé.

IV – Neige

Nous buvons un café sans savoir

les limites des murs proches.

Les mots m’emportent, penses-tu

en silence. Juste après le regard

que je jette dehors, tu expliques

soudain qu’il me sera difficile de

trouver le terme exact de cette

après-midi. Serai-je orphelin

de cette absence, l’absence

que tu gagnerais si je perdais.

V – Utilité

Serai-je plus utile à écouter

les pas des passants sur la pluie, ou

à travailler pour vivre.

Je peux toujours démissionner

d’une tâche jamais d’une saison.

S’il me fallait délaisser le cours,

la pensée jamais saisissable

qui s’épuise je ne sais où,

vivrais-je à mourir ainsi.

VI – Centrer

Ton visage devrait entrer dans ce cadre

improvisé. C’est toujours une histoire de choix.

Tu ne souris pas, rien n’est conventionnel

ni sur ton visage ni dans la ville

qu’on oublie. Ce qui se resserre est

sans doute dû à mon obstination à

bannir le flou ; à la tienne lorsque tu fixes

hors limite. (Là, je crois en l’éternité : une fois

de plus on saurait la porter en nous un instant).