Jour de liberté
Réouverture, on bat la haine à terre avec des bâtons frais. Elle gît comme un hérisson éventré. On creuse avec nos balais, nos bâtons sont plein de piques, les animaux sont nettoyés, les racines remplacées, tout est propre, rendu propre, la fenêtre remplacée - il n’y a plus de porte, tout est en ordre. Les chiens impatients courent de toutes leurs forces, les lampes électriques éclairent la vue et sont faites pour guider les jeunes cavaliers. On a pris les devants, on sait très bien où on va après cette longue pause, la tête levée, l’air poussé par le vent apporte dans nos narines palpitantes une odeur familière. Enfin, nous sommes presque chez nous, on a envie d’aller à eux, ils nous attendent. Nous avons fait un grand détour.
S’ils avaient su que nous passions aux alentours !
On poursuit son chemin sans hésitation, on contourne la carrière, on se dirige vers la colline. Quand on s’approche du campement, on ralentit la marche. Nous touchons au but, on met pied à terre. De loin, la lueur d’un feu. Ne faisons pas de bruit en marchant, notre tête fait de moins en moins mal, on n'a qu’une seule idée, rejoindre le terrain des anciens. Menés à l’entrée du souterrain par un dédale de couloirs, on voit notre peuple mort, allongé sur le sable, qui dort d’un sommeil agité. Le bruit de nos pas le réveille, on se hâte d’enrouler les matelas dans un coin pour se réunir autour du feu, un halètement fait tressaillir, on allume sa lampe électrique. Nous sommes venus à cheval, on nous a guidés, que s’est-il passé ?
“ Si vous voulez vous évader, il faut profiter du sommeil des maîtres. ”
Nous allons sortir du souterrain, des nuages flottent devant nos yeux, on rêve enfin, ça nous paraissait très lointain, la tête est lourde comme du plomb mais les pattes vont nous porter, l’air nous ranimera quand nous serons dehors, nous ne pouvons pas rester ici - mais comment sortir ? Il faut tout de même essayer - on s’engage dans un raccourci.
Il dit : je passerai le premier, nous trouverons une issue, il y a une bifurcation, je le sens. Faut-il prendre à droite ou à gauche, personne ne savait. On aperçut deux bâtons, un long et un court, qui formaient une croix, on poussa un cri, non, pas par là ! Les lampes électriques jettent de longs rayons dans l’obscurité, partout où on aurait pu se tromper, on continuait. Des voix autoritaires nous indiquaient par leur provenance où il ne fallait pas passer, du genre “ arrêtez-vous tout de suite vous m’entendez ”. Et on continuait.
Le soleil s’est levé. Bientôt il dissipera cette brume étrange qui a envahi si brusquement tout le pays, on jette un regard à sa montre, que d’évènements depuis la veille, en nous dirigeant vers l’ouest, nous arrivons au bord de l’Etat, loin du pénitencier, dégagé du monde, pas très loin du village, la pile à peu près s’est éteinte, la lampe électrique ne donne plus qu’une très faible clarté, elle s’éteindra bientôt, relayée par un soleil plein. On se cherche vers le sol - ça alors, enfin notre terre - quelle chance ! Nous sommes de nouveau sur la voie, dire que nous étions si près et que nous ne le savions pas, nous aurions pu être de retour depuis si longtemps, il fera jour, le portail est ouvert, où sont-ils tous ?
Respirez l’air de la liberté.