Hélène Révay
Blâmer le sort dʼavoir cousu
une enveloppe, si hermétique que, la vie même
nʼarrivait plus à sʼinfiltrer
et pourtant lʼarc-en-ciel...
Figure pâle le jour des noces de feu
horizontal face à la mer, du sable plein la bouche
analphabétisme du Notre-Père, assez !
Jʼentends la mouette qui geint dans le sourire du rayon
traverse le pont qui lie les larmes au rire
arrache la mince pellicule
Sous le ciel, encore lʼhésitation
la main avance
puis recule
Seul, traverser
le monde des morts
vers celui des vivants, arc-bouté
***
Ma ville est faite de pierres
labourée à même le roc
Sous la pierre, il nʼy a que le soleil
et la vermine qui pullule
Elle digère des étendues dʼasphalte,
mortes sous le poids des blasphèmes
Ces grandes
plaines de gris...
Quand clignote le soir sur le pont
de cette Faculté qui se vide
Canettes laissées sur lʼherbe
dʼétudiants qui quittent en hâte le lieu
Sʼacheminent vers
dʼautres plaisirs
Il ne me reste plus
quʼà rentrer chez moi
Quand la chaleur épouse
les ombres furtives du soir
Blâmer le soleil,
et adorer la pluie
***
A lʼendroit où filent les années
les mots se perdent les mots se taisent
La coupe est pleine, lʼoreille nʼentend plus que
les vivants, absents
Et lʼhorloge griffe au ciel le cours des nuages
lʼespace fini dʼun temps sans retour
Orphelin du passé, voleur de futur
toujours en passe dʼêtre, le souffle sʼégare
Et nos corps gisent sur lʼasphalte
formant un tas immonde
Comme la pluie manque parfois
dans le murmure des secondes
***
Partir ce 18 mars 1951
partir
A lʼheure où sombrent nos amours mortes
flottantes comme sur un étang glauque
Un sort déjoué une promesse tue
ombres chétives
Le long desquelles il crut entendre ton souffle
qui ralentit pour mieux reprendre
La foi illuminée dʼun pacte désuet
à mort ils lʼont mis
A mort
jusquʼà que même les vivants
Plus de soif pour eux
sur les ruines dʼun temple
Tous affamés
Ruisselant la sueur de leurs ancêtres
Des colonies des colosses
des géants
Dʼun regard splendide
la peur véritable
Nous sommes des égarés en proie au rêve
déplorant nos propres ruines
Soulevant des pierres
bâtissant des charniers