Pourquoi fait-on ce que l’on fait ?
Les mécanismes qui motivent nos comportements restent la plupart du temps implicites. Au sens large la motivation comprend l’ensemble des processus consistant à former des buts de façon à guider le comportement. Un but est défini comme la représentation d’une récompense anticipée, c’est-à-dire une situation potentielle à laquelle on attribue une valeur importante.
Les recherches en neurosciences ont permis au cours de la dernière décennie de comprendre comment les valeurs subjectives, qui déterminent l’orientation et l’intensité de nos comportements, sont codés dans le cerveau.
D’importantes questions sont maintenant en mesure d’être résolues :
comment les valeurs cérébrales sont construites à partir des différentes dimensions du contexte (coûts, bénéfices, risques, état physiologique, relations sociales etc.);
comment ces valeurs cérébrales gouvernent le comportement, notamment en termes d’effort (on dépense davantage d’énergie lorsqu’il y a davantage en jeu) et de choix (on sélectionne l’option qui maximise la valeur attendue);
comment ces valeurs cérébrales sont mises à jour par les mécanismes d’apprentissage associatif ou par les interactions sociales.
Pour répondre à ces questions, notre projet consiste à mettre en place une approche mixte :
les neurosciences cognitives chez l’homme, qui sont centrales dans la mesure où nous voulons comprendre notre propre fonctionnement et celui des patients dont la motivation paraît déficitaire (apathie) ou incontrôlable (compulsion) ;
la neurophysiologie chez le singe, qui est essentielle pour pouvoir décrire le traitement de l’information au niveau du neurone et déduire des relations causales en observant les conséquences comportementales de manipulations cérébrales;
la modélisation computationnelle, qui est indispensable pour interpréter précisément et relier quantitativement les différents niveaux de description (depuis les cellules nerveuses jusqu’aux sorties comportementales en passant par l’activité du cerveau à large échelle).
les bases neurocognitives de la confiance en soi, qui sont nécessaires pour comprendre comment les humains surveillent et évaluent leurs propres capacités cognitives.
Ce projet vise non seulement la réponse à des questions fondamentales mais aussi des applications dans les domaines de la clinique, du management et de l’économie.
Sur le plan scientifique, nous espérons aboutir à un modèle formel expliquant comment le cerveau peut constituer les motifs de nos actions, c’est-à-dire transformer des informations relatives au contexte social ou physiologique en production d’effort mental ou physique, ou en prise de décision. Ce modèle neuro-computationnel permettra d’inférer l’état de systèmes cérébraux spécifiques à partir de l’observation du comportement, et inversement de prédire les conséquences comportementales d’altérations spécifiques du cerveau.
Sur le plan clinique, nous sommes en train de caractériser les troubles motivationnels présents dans un grand nombre de pathologies neurologiques et psychiatriques. Ce faisant nous aurons développé plusieurs paradigmes qui permettront de tester chez les patients l’intégrité de processus motivationnels ciblés, et donc d’améliorer le diagnostic et personnaliser la prise en charge.
Sur le plan du management, nous cherchons à identifier les conditions de travail qui permettent de motiver le personnel tout en évitant des fatigues pathologiques comme le syndrome de burn-out qui devient de plus en plus fréquent ou le syndrome de surentraînement chez les sportifs qui conduit à des pratiques dopantes.
Sur le plan économique, nos travaux contribuent à éclairer certains comportements irrationnels qui restent mal expliqués par les théories actuelles de la décision. En effet, les processus motivationnels mis en place dans le cerveau au cours de l’évolution emploient certaines heuristiques qui sont bien adaptées au cas écologique général, mais qui peuvent fourvoyer les décideurs dans les situations artificielles du monde économique, et avoir des conséquences dramatiques pour la société.
Publication de livre:
Les vacances de Momo Sapiens, Notre cerveau, entre raison et déraison, Pessiglione M., 2021, Odile Jacob