roziere charles0

12.289 caractères avec compteur-de-caracteres.com

___________________________________________

Louis Charles Rozière, dit Charles Rozière, est un industriel, né à Villejuif (94) le 8 mai 1825 et décédé aux Lilas (93) le 10 août 1907.

Son usine se trouvait rue de Bagnolet (actuelle av du Maréchal Juin) aux Lilas. Elle subsistera jusqu'aux années 1960-70. 

Il est l'auteur de nombreuses inventions au service de la ménagère.  Après le "Parfum des potages", il créé en 1863 les "Pastilles Rozière", pastilles à l’oignon pour colorer les bouillons, et publie en 1866 un recueil de recettes "le petit cuisinier". Parallèlement, il développe un savon à la Panamine.  Ses produits connaîtront un vif succès soutenu par la réclame et l'identité de sa marque au carrosse en forme de marmite. Sa réussite entraînera nombre de contre-façons contre lesquelles il multipliera les procès. 

Républicain modéré, il devint également le 4°Maire de la toute jeune commune des Lilas, durant presque 5 années (mars1874-oct1876 & jan1878-avr1880).  

source: alain chalier   20/02/2019

Un peu d’histoire

Jean Hurel (1) et Nicolas Pierrot (2) nous rapportent qu’à partir des années 1870, une quarantaine d’entreprises - attirées par le coût raisonnable des terrains et des baux, la patente moins élevée et les droits beaucoup plus faibles que ceux de l’octroi parisien - s’installent à l’ouest et au centre du territoire communal, le long de voies conduisant à la rue de Paris. On y retrouve des établissements de taille moyenne, à l’importante longévité puisque détruits au cours des années 1960-1970 : les usines de caoutchouc et de celluloïd Kalker et Hemmen, les fabricants d’arômes Patrelle et, assurant le même type de production, les établissements Rozière, 1, rue de Bagnolet (actuelle avenue du Maréchal-Juin).

En 1868, Rozière fût l’un des premier à installer sa production de pastilles d’oignons aux Lilas (Patrelle ne la transférera de Romainville qu’en 1889). Comme beaucoup des patrons autrefois, Rozière réside à côté de son usine. On y recense : 10 chevaux vapeur, 30 adultes et 1 préadolescent. En 1889, Le Panthéon de l’Industrie indique que l’usine est composée d’immenses bâtiments de deux étages, occupe une superficie de 5 000 m², possède une force motrice de plus de 45 chevaux, et les incessantes livraisons ont rendu nécessaire l’installation d’un pont-roulant.

Charles Rozière tutoyait ses ouvriers avec une rudesse familière. Comme tous les petits patrons de l’époque, il connaissait parfaitement les familles des employés et son épouse visitait les plus démunis. Il organisait des sorties dominicales pour ses ouvriers, en chars à bancs. En septembre, il les conviait au pèlerinage de Notre-Dame des Anges, occasion d’un pique-nique "familial" avec le patron. Pour la circonstance, le plateau du char était surmonté d’une énorme marmite, coiffée d’un couvercle, frappée du nom de l’entreprise, dans laquelle s’engouffraient les familles.

En 1897, Courteline fait allusion aux "pastilles Rozière" dans la scène 3 de sa saynète de la Voiture versée : "Les oignons cuisaient dans de grandes cuves. Une fois cuite, la pâte destinée à la confection des pastilles passait dans un laminoir. Opération dangereuse, puisqu’un ouvrier de Rozière y trouva la mort en 1899. Cette pâte était ensuite découpée au moyen de couteaux spéciaux".

En 1931, Rozière occupe une dizaine d’ouvrières à la fabrication du savon de Panama, une dizaine d’ouvriers pour préparer la Panamine et une quinzaine de salariés des deux sexes pour l’arôme et les Pastilles. Celles-ci sont enveloppées et enfermées dans des boîtes de cinq kilos par des ouvrières travaillant chez elles.

L’homme et ses innovations

Dans son livre paru en 1858 « Ce qu’on voit dans les rues de Paris » Victor Fournel (3) s’emploie à décrire les nombreux changements de la société parisienne. Au chapitre « enseignes et affiches », il reprend les écrits de Charles Rozière vantant ses produits : « Pour introduire une amélioration quelconque dans les usages de la vie, il faut toujours parler aux sens autant qu’à l’intelligence.

...Voilà l’histoire des Boules-Rozière : nos annonces multipliées, nos prospectus enthousiastes, mais vrais, la forme même de nos voitures… , tout a pu paraître étrange ; mais les essais ont suivi la curiosité. Aujourd’hui ceux qui doutaient, les Brillat-Savarin et les Berchoux, tous les aristocrates de la gastronomie se servent uniquement des Pastilles Rozière…

….En 1819, M. Charles Rozière, mon père regretté, fut le premier qui eut l’idée de faire cuire des oignons dans un four… Je perdis en 1848 ce guide habile, et sans renoncer aux études scientifiques auxquelles mon père m’avait appliqué, je pris sérieusement la suite de ses affaires.

...Un homme d’esprit, qui ne dédaigne pas de s’occuper des choses ordinaires de la vie, nous écrivait : « C’est une révolution complète dans le pot-au-feu ! » - J’accepte le mot… : c’est une révolution, du moins toute à l ‘avantage des personnes qui sortent de la vieille routine »

C’est en 1863 que Charles Rozière dépose à l’Institut National de la Propriété Industrielle (4) l’invention qui va faire sa renommée : les "Pastilles Rozière".

Cote du dossier 1BB10109(3)

Type de brevet Certificat d'addition

Titre moyen de préserver les extraits et sels déliquescents, et de les mettre en pastilles capsulées, notamment les pastilles d'extrait pur d'oignon

Nombre d'additions 3 additions

Année de dépôt 1863

Déposant ROZIERE

Adresse du déposant Paris (14, rue du Plâtre-Saint-Jacques, Seine)

Profession du déposant négociant

Mandataire BRESSON

Adresse du mandataire Paris (51, rue de Malte, Seine)

Numéro de dépôt 10109

Date de dépôt 25/02/1863

Mot clé moderne PRODUIT CHIMIQUE

Mot clé historique EXTRAIT D'OIGNON

Classe 14.1

En 1866, il fait publier "le Petit Cuisinier" (12), par Charles Rozière, une petite plaquette (13x8 cm) de 29 pages contenant des recettes de cuisine. On y trouve 8 pages, sur papier orangé, de publicité de produits de Rozière, dont le Similor-liquide ou la Calvanoïde, insérées au milieu de la plaquette, pour d'autres produits en 2ème de couverture et in-fine (Pastilles-Rozière pour le pot-au-feu). Elle Comprend également une illustration in-texte : usine Rozière à Romainville (près Paris).

Tout en continuant la production des pastilles d’oignon, il se met à fabriquer du savon détachant. Il possède des sablières, des jardins maraîchers… et monte un instant une verrerie (1871).

Le Panthéon de l’Industrie (5) -revue hebdomadaire Internationale Illustrée des Expositions et des Concours, Moniteur de l’Exposition Universelle de 1889- consacre deux pleines pages à Charles Rozière dans son N°729 (3). Egrot, le rédacteur, se montre bien renseigné et fort élogieux, et rend la lecture complète de l’article fort intéressante.

Il y est question, évidemment, des Pastilles Rozière : Les pastilles introduites dans le pot-au-feu, dans les sauces, dans les ragoûts, leur donnent, en même temps qu’une teinte tout à fait appétissante, un parfum exquis, une saveur délicieuse où le goût de l’oignon est associé à celui de petit légumes.

...Ces pastilles sont de purs extraits végétaux aussi parfaitement sains que peut le demander hygiéniste le plus exigeant. Elles sont de forme ronde et de couleur noire. ...la préparation de M. Rozière a encore l’avantage de l’empêcher (le potage) de sûrir et de lui assurer, par conséquent, une longue conservation.

Mais aussi des savons à la Panamine : Après de longues recherches, M. Rozière réussit, en 1866, à extraire de l’écorce de Quillaja une émulsion à laquelle il donna le nom de Panamine, pour rappeler le non vulgaire de bois de Panama.… Pour déjouer (la concurrence), M. Rozière imagina la préparation d’un savon...à la saponine (extrait de saponaire) et réunit ainsi de la plus heureuse façon les propriétés détersives des deux extraits… Ce précieux savon est vendu sous la forme d’un carré long, portant au centre une lessiveuse ; il a de plus une qualité matérielle appréciable, c’est qu’il est à la portée des bourses les plus modestes.

et du succès de Charles Rozière : ces produits si universellement appréciés aujourd’hui en France mais aussi dans une bonne partie de l’Europe, figureront avec avantage à l’exposition du Centenaire, classe 45 et classes 70,71, où la considération qui leur a été donnée aux expositions antérieures ne pourra que se confirmer avec plus d’éclat

L’homme et la politique 

Outre ses activités professionnelles, Charles Rozière fut le quatrième maire des Lilas de mars1874 à octobre 1876, puis de janvier 1878 jusqu’à sa démission en octobre 1880, sous la IIIe république où la ville des Lilas construit son histoire. 

A cette époque, le conseil municipal est composé des notables de la ville et des principaux contribuables. Mais les désaccords sont nombreux, comme les démissions. C’est dans ce contexte que le préfet désigne Charles Rozière comme nouveau maire. Ses mandatures seront consacrées essentiellement à expédier les affaires courantes, comme le rappelle l’article du bulletin du centenaire de la ville,1967 (p12-13). 

Publicité et marketing 

Déjà à son époque, Charles Rozière maîtrisait tous les codes de la vente. Des boîtes richement décorées et une marque efficace avec l’alliance d’un carrosse et d’une marmite qui apporte le pot-au-feu dans les foyers. Des encarts publicitaires dans les journaux nationaux et régionaux et des cadeaux associés à l’achat du produit.

Courrier du ménage: le Pot-au-feu du Mardi-Gras 

Nous, vivons vraiment en un temps de grands progrès, et les ménagère à venir cette année feront bien d’imiter la sage prévoyance de la Mariée du Mardi-Gras, qui s'est fait escorter dans sa promenade par le boeuf gras et la voiture pot-au-feu, soigneusement approvisionnée de Pastilles Rozière. C’était un véritable spectacle vraiment réjouissant que celui de ce pot-au-feu enrubanné. Si Rozière faisait à Londres une semblable exhibition, nous lui garantirions un succès égal à celui qu'il a obtenu à Paris. 

Concurrence et contre-façon 

Curiosité de l’histoire, les usines des deux créateurs qui se disputent le marché des arômes d’oignons, Rozière et Patrelle, sont situées aux Lilas. L’usine Victor Delepoulle s’invitera dans le jeu en s’installant aux Lilas en 1881. La fin du XVIIIe siècle connaît un essor industriel considérable propice à la concurrence loyale et aux abus de la contre-façon. 

Avec la plume des journalistes de l’époque la lecture de leurs compte-rendus des jugements en contre-façon est assez cocasse : force reste à la Loi, avec sourire, culture et morale. 

Extrait de la gazette du Palais du 22 août 1863, Article de M. Henrys.  "M. Rozière se vante de fabriquer des pastilles colorantes pour le bouillon, fort au- dessus de toutes les autres, et il se croit permis de les exalter : "L’esprit du Seigneur souffle où il veut, dit-il, et il est certain qu’il inspire plus particulièrement les hommes laborieux, dans les inventions les plus utiles au bien-être général. En partant de ce principe, il n’y a pas d’orgueil à considérer comme une inspiration de premier ordre l’invention des pastilles Rozière. » Et M. Rozière met son produit sous le patronage de saint Antoine et de saint Benoît en ces termes : Entre tous les solitaires qui ne vivaient que de racines et des bulbes de terre que la terre produisait près de leur retraite, saint Antoine est celui qui s’est distingué par l’usage fréquent qu’il faisait de l’oignon...". Nous recommandons aux jolies femmes cette manière de se distinguer. « C’était à peu près la seule culture que ce grand saint se permettait dans son désert. Les voluptueuses tentations auxquelles il fût exposé seront aisément comprise par les chimistes et les naturalistes, qui connaissent et analysent les sucs et les vertus nutritives de l’oignon... ». Oh ! Oh ! Monsieur Rozière, voilà une explication qui sent un peu le fagot, il me semble. Saint Benoît, aussi saint que saint Antoine, mais plus célèbre sous le rapport de la science, regardait l’oignon comme le légume le plus propre à réparer les forces physiques et intellectuelles des religieux de l’ordre qu’il fonda, et d’où sont sortis tant de savants dans tous les genres. » Ainsi l’on ne dira plus d’un ouvrage longuement travaillé : « Il sent l’huile » mais « il sent l’oignon » tant pis pour les délicats qui n’aiment pas ce parfum-là. Il paraît que saint Antoine et saint Benoît n’ont point protégé M. Rozière contre les abus de la concurrence, les ingrats ! Et M. Rozière accuse M. Carpentier, autre fabricant de pastilles colorantes pour le bouillon, d’avoir enfermé sa marchandise dans des bocaux, flacons et bouteilles semblables aux bouteilles, aux flacons, aux bocaux dont il se sert lui-même, et revêtus d’étiquettes pareilles aux siennes. 

M. Carpentier, de son côté, reproche à M. Rozière d’avoir médit de ses pastilles dans certaine chanson imprimée à la dernière page d’une brochure que l’épicier donnait gratuitement à la pratique qui achetait un flacon-Rozière de 1 franc. Le Tribunal a condamné M. Carpentier a changer la forme de ses bocaux et de ses étiquettes, et à payer à M. Rozière 2,000 francs de dommages-intérêts ; M. Rozière à ne plus citer dans sa publication le nom de M. Carpentier, et à s’abstenir de toute allusion aux produits de son confrère. 

Journal du Loiret le 10 décembre 1866 

Pastilles pour le Pot-au-feu. Le succès incontestable des Pastilles Rozière pour colorer le bouillon, a donné naissance à de nombreuses contrefaçons, et malgré les jugements rendus, quelques épiciers se laissent tromper en achetant, à un vil prix, des produits composés de caramel, de pécule et de chicorée, et les vendent pour des pastilles d’oignons et de légumes, produits dont M. Rozière est l’inventeur. Pour éviter ces abus, demandez des pastilles Rozière, pour le port-au-feu, exigez sur les flacons et sur les boîtes la signature Rozière et l’étiquette représentant la Voiture-Marmite.

La famille des Rozière

Sources :