Ethis Gabrielle - Pizzoli Henriette

Gabrielle ETHIS  (1896-1943)   &   Henriette PIZZOLI  (1920-1943)  (matricules 31625 & 31626 auschwitz)

infoslilas201907

Une famille de militants

Cette histoire nous parle des destins croisés de Gabrielle Papillon et de son mari Marcel Ethis, de Fernand Papillon, frère aîné de Gabrielle, d'Henriette Papillon, fille de Fernand, ainsi que de son mari Pizzoli et de son amant Alphonse Baconier.

Gabrielle, née en 1896, épouse le montreuillois Marcel Éthis, né en 1894. C'est un artisan-fondeur que son épouse aide dans sa petite entreprise de l'atelier attenant au pavillon du 33 rue de la Fraternité à Romainville. Ils n'ont pas d'enfants mais adoptent Espérance Perez que la guerre civile espagnole a rendu orpheline.  

Hébergement du frère de Maurice ThorezEn juin 1942, 19 détenus communistes s’évadent du camp d’internement allemand de Royallieu, près de Compiègne. Parmi eux, Louis Thorez (frère de Maurice, S.G. du PCF) et Henri le Gall . L'épouse de Thorez était soeur-de-lait d'Alphonse Baconier. Ignorant de son passé récent de délateur, ils se présentent chez lui, espérant y trouver refuge. Le garagiste refuse, mais les oriente vers sa voisine Henriette Pizzoli, celle qu’il avait "fréquenté" en l'absence de son mari, et continue toujours d’importuner de ses avances. Elle accepte d'héberger ces fugitifs qu'elle ne connait pas mais qu'il lui présente comme des amis voulant échapper au STO. Elle leurs laisse son domicile et s’installe elle-même chez sa tante Gabrielle Éthis où ils seront nourris le midi. C'est alors que Alphonse Baconier les dénonce par un courrier "abonym" et les accuse de complicité, agissant autant par jalousie que par haine du communisme. 

Internement, Déportation

Internées depuis une demi-année au Fort de Romainville, Gabrielle Éthis et Henriette Pizzoli, sont transférées le 21 janvier 1943 à Royallieu, près de Compiègne, avant d'être déportées à Auschwitz, dans le "convoi des 31000". Elle auront le triste privilège d'être les deux premières femmes de ce convoi à y être enregistrées et tatouées, sous les n°31625 et n°31626.

Sympathisant du parti communiste, Marcel adhère aux Amis de l’Union Soviétique. A l’avènement d’Hitler, le couple héberge des communistes allemands ayant fui l’Allemagne.Henriette sa nièce, naît en 1920 à Romainville. Elle adhère en 1937 à l’UJFF d'obédience communistes. Cartonnière de métier, elle épouse un Pizzoli. 

Déchéance civique d'un père

Fernand Papillon, père d'Henriette, est conseiller municipal communiste à Romainville, depuis 1935. En 1940, il est déchu de son mandat électif par le gouvernement Lebrun, pour appartenance au Parti Communiste. 

Dénonciation & arrestationLe vendredi 10 juillet 1942, les inspecteurs de la BS1 débarquent (brigades spécialisées dans la traque aux "ennemis intérieurs", principalement communistes, prisonniers évadés et réfractaires au STO; dépendant de la direction centrale des RG de la préfecture, elles travaillent en étroite collaboration avec les polices allemandes). Ils procèdent à l’arrestation de Gabrielle, d'Henriette et des fugitifs. 

Gabrielle meurt au bout de seulement quelques semaines. L’état civil français a enregistré son décès au 1° mars 1943. Les rescapées ne l’ont jamais entendu faire un reproche à sa nièce. 

Henriette ne lui survivra pas bien longtemps. Atteinte du typhus, elle est transférée au Revier, l'infirmerie du camp d'Auschwitz-Birkenau. C’est dans cet endroit qu’elle meurt, le 16 mai 1943, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp. Elle n'a que 23 ans et laisse derrière elle une petite-fille de 4 ans qui sera élevée par ses grands-parents.

Déportation en camp de prisonnier d'un mariAprès la défaite des armées françaises, le soldat Pizzoli, mari d'Henriette, est envoyé en Allemagne, dans un camp de prisonniers de guerre. Il s'en échappera pour revenir à Romainville se cacher chez sa mère.

Amours, Trahisons et Marché noir

Avant cela, Henriette Pizzoli avait entamé une liaison avec Alphonse Baconier, un voisin marié de 40 ans, pratiquant le marché noir avec son camion utilisé pour la société allemande SSK Staffel. Mais, quand elle veut rompre, l’homme la menace de révéler le secret de l'évasion de son mari qu’elle lui a naïvement confié. Furieux, il menace de la tuer et finit par dénoncer le mari de son ex maîtresse et son père Fernand, qu'il qualifie de "dangereux communiste". Les perquisitions ne donnent rien mais la trahison d'Alphonse Baconier est évidente pour tous.

Le 22 juillet, Henriette Pizzoli est conduite -seule- au camp allemand du Fort de Romainville, aux Lilas.  Sa tante, Gabrielle Éthis, y est transférée le 7 août. Elles sont les deux premières futures “31000” à y être enregistrées.

Le 11 août 1942, Marcel Ethis, Louis Thorez et Henri Le Gall sont fusillés au fort du Mont-Valérien, à Suresnes, parmi 88 otages. Alphonse Baconier le sera un peu plus tard. Le corps de Marcel Ethis est incinéré au Père-Lachaise, puis inhumé au cimetière de Bagneux le 29 août. Après-guerre, il sera ré-inhumé au carré militaire du cimetière de Romainville. 

sources & références:

http://www.memoirevive.org/henriette-pizzoli-nee-papillon-31626/

http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article132611

Résistantes et résistants en Seine-Saint-Denis: un nom, une rue, une histoire. Monique Houssin, éditions de l'atelier 2004

Le convoi du 24 janvier. Charlotte Delbo, éditions de minuit 1998