Changements climatiques (1/3)

IMPACT DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES SUR L'AGRICULTURE ET LA PÊCHE

Site scientifique à but non lucratif créé par Riad BALAGHI et Mohammed JLIBENE chercheurs à l'INRA (Maroc)

Potentialités d'adaptation et d'atténuation au Maroc

Riad BALAGHI & Rachid DAHAN

Introduction

Les tendances actuelles de réchauffement climatique sont incontestables. Il est très probable que les gaz à effet de serre émis par les activités humaines constituent la principale cause du réchauffement observé au cours de ces cinquante dernières années. Selon les prévisions, ces tendances devraient se poursuivre et s’intensifier au cours du XXIe siècle et au-delà. Les mesures d’adaptation au changement climatique sont indispensables pour faire face aux conséquences attendues. Des instruments politiques et institutionnels, le progrès technologique et l'avertissement agricole peuvent contribuer à s'adapter aux changements climatiques et à réduire, ou tout au moins stabiliser, la concentration des gaz à effet de serre dans l'atmosphère et sur les quatre dimensions de la sécurité alimentaire : disponibilité, accessibilité, utilisation et stabilité. Des recherches supplémentaires sont aussi nécessaires pour combler les lacunes dans les connaissances actuelles et réduire les incertitudes de projections afin d'améliorer la prise de décision liée au changement climatique.

Au niveau mondial, les changements climatiques se traduiront par une fréquence accrue des phénomènes climatiques extrêmes, une variabilité plus importante de la production agricole dans toutes les régions, particulièrement dans les pays du sud aux capacités d'adaptation faibles. Plus on se rapproche de l'équateur et plus l'agriculture sera affectée par les changements climatiques. L'impact le plus important sur l'agriculture est prévu en Afrique qui accuse les taux les plus élevés de pauvreté et d'insécurité alimentaire (figure 1). Dans les pays de l'hémisphère nord, les conditions climatiques seront plus favorables aux cultures, en raison des températures hivernales plus clémentes et des apports en eau plus importants.

Figure 1 : Projections de température et de pluviométrie en raison des changements climatiques dans le monde.

Le Maroc est situé dans une région très vulnérable aux changements climatiques, à cause de l'aridité de son climat et la dépendance de son économie et de sa sécurité alimentaire vis-à-vis de l'agriculture et de la pêche maritime. En raison des capacités limitées d'irrigation, l'agriculture marocaine est tributaire de son climat qui est aride et aléatoire. Les projections de productivité agricole au Maroc, découlant des changements climatiques, ont été analysées grâce à une étude poussée réalisée conjointement par des institutions nationales et internationales (Gommes et al., 2009). Ces projections prévoient que le pays se retrouvera dans une situation critique pour sa sécurité alimentaire en raison des prévisions d'augmentation de l'aridité de son climat.

Le Maroc est doté de ressources halieutiques conséquentes qui contribuent à sa sécurité alimentaire et à son économie (figure 2). Les impacts des changements climatiques sur les ressources halieutiques marocaines n'ont pas encore été estimés avec précision. Les études à l'échelle globale indiquent que les ressources halieutiques et la végétation marine risquent de se détériorer en raison de l'acidification des mers, des changements dans les courants marins et de la pollution provoquée par les grandes agglomérations.

Figure 2 : Régions à forte richesse halieutique. Le Maroc est le pays africain le plus richement doté en ressources halieutiques.

Le Maroc peut adapter son agriculture aux changements climatiques s'il opte pour une meilleure utilisation des terres, des techniques agronomiques peu consommatrices en eau, la sélection de variétés adaptées à la sécheresse, des mécanismes institutionnels de compensation ainsi que l'avertissement agricole. L'agriculture marocaine a déjà commencé à s'adapter aux sécheresses récurrentes apparues depuis le début des années 80 et, l'expérience a montré que la production de technologies adaptées est possible. Le Maroc peut aussi tirer profit des mécanismes internationaux de compensation financière des émissions de gaz à effet de serre, à travers le marché carbone. Le Maroc, qui est très peu émetteur de CO2, possèderait une capacité non négligeable de séquestration de carbone dans ses sols et sa végétation, mais apparemment surtout au niveau de ses grandes étendues maritimes. Pour tirer profit des mécanismes financiers internationaux, des études sont nécessaires pour quantifier avec fiabilité les capacités de séquestration du CO2 au Maroc.

Les changements climatiques et leur impact sur l'agriculture et la pêche

1. Les émissions de gaz à effet de serre à la source des changements climatiques

La Chine est le premier émetteur de CO2 dans le monde depuis 2007 (21% des émissions totales), même si ses émissions par habitant sont relativement faibles. Les émissions de la Chine sont suivies de près par celle des USA (20% des émissions totales). Elles sont en accélération depuis 2001, à un rythme de 524 millions de tonnes/an. Les autres pays du globe n'émettent qu'une fraction du total des émissions (exemple, en 2007 : Inde 4.6%, France 1.3%, Maroc 0.1%, Kenya <0.1%). Les 10 pays les plus pollueurs contribuent à 67.2% des émissions totales de CO2. Le Maroc est donc un pays à faible émissions de CO2 (<1,84 tonnes équivalent CO2/habitant), mais subit de plein fouet des conséquences des émissions des pays industrialisés ou des pays émergents (figure 3). Malgré sa contribution très peu significative aux émissions mondiales, le Maroc s'efforce de mettre en place un arsenal juridique et réglementaire adéquat.

Figure 3 : Emissions de CO2 dans quelques pays contrastés (Source : International Energy Agency, 2009).

Les émissions les plus faibles sont en Afrique (3.0% des émissions totales), en Amérique latine (3.5%), au Moyen Orient (4.8%) et au Pacifique (7.4%). Toutefois c'est en Asie, que l'accélération des émissions de CO2 est la plus forte alors que dans les pays d'Europe du nord les émissions tendent à se stabiliser ou à diminuer comme en Allemagne ou en Pologne (figure 4).

Figure 4 : Rejets de CO2 par la combustion d'hydrocarbures en 2006, par pays (En milliers de tonnes, les valeurs élevées sont en bleu). (Source : International Energy Agency, 2009 http://www.iea.org/co2highlights/CO2highlights.pdf).

2. Les risques des changements climatiques sur la sécurité alimentaire

L'agriculture est le secteur le plus dépendant du climat et le plus exposé aux changements climatiques. Plus de 80% de la variabilité de la production agricole est due aux conditions climatiques dans le monde. La sécheresse, qui sera l'expression la plus fréquente des changements climatiques, est responsable de la majorité des crises alimentaires dans le monde.

Au Maroc, comme dans la plupart des pays en voie de développement, une année pluvieuse signifie une bonne récolte, une meilleure sécurité alimentaire et une croissance économique. En raison de la faible pluviométrie, les rendements céréaliers sont faibles et surtout très volatiles, comparativement à un pays voisin comme l'Espagne (figure 5). En raison de son climat aléatoire, de sa faible capacité d'irrigation et de son faible progrès technologique, le Maroc est le pays où la variabilité des rendements céréaliers est la plus élevée, avec des conséquences négatives sur la gestion de la sécurité alimentaire.

Figure 5 : Rendement du blé au Maroc, comparativement à quelques pays Méditerranéens ou développés (Source : Balaghi & Gommes, 2009).

3. Les limites de l'adaptation par la recherche de nouvelles ressources en terre

Selon les dernières projections de la FAO, la production agricole devra progresser de 70% d'ici à 2050 pour nourrir les 2,3 milliards d'individus. En raison de l'accroissement de la population mondiale, la part de terres arables par habitant diminuera dans le futur (figure 6). En conséquence, les gains de production proviendront essentiellement de l'amélioration des rendements et de l'intensité culturale (90%) sur les terres cultivées existantes plutôt que de l'expansion des terres arables (10%). Pour les pays en développement, la FAO estime que ce ratio sera de 80/20. Mais dans les pays qui souffrent de pénuries de terres, la quasi-totalité de cette croissance devra venir de l'amélioration des rendements, tout en tenant compte du fait que les disponibilités en eau pour l'irrigation iront en diminuant.

Figure 6: Evolutions actuelle et future des ressources en terres comparées à l'accroissement de la population dans le monde.

Par exemple, dans tous les grands pays producteurs de céréales, excepté en Inde, la tendance est à la stagnation des superficies cultivées alors que l'on observe une croissance de la productivité agricole responsable de l'amélioration de la production (figures 7a et 7b). Ce gain de productivité est le résultat du progrès technologique dans les pays développés et de la combinaison du progrès technologique et des capacités d'irrigation encore existantes en Asie (Balaghi & Gommes, 2009). Le Maroc a atteint la limite d'utilisation de ses ressources en terres. Actuellement certaines cultures se retrouvent dans des zones marginales en raison de la pression sur la terre. Le gain de productivité de la céréaliculture est relativement faible au Maroc (0.02 T/ha.an, Jlibene & Balaghi, non publié), mais il est significatif si l'on considère que la céréaliculture est essentiellement pluviale, subissant des sécheresses répétées.

Figure 7 : Évolutions comparées des superficies (7a) et des rendements (7b) des céréales (blés et orge) dans quelques pays à climats contrastés.

4. La dépendance de l'agriculture moderne à l'égard de l'énergie fossile

Il n'existe pas d'agriculture moderne sans énergie. L'agriculture moderne repose sur l'utilisation d'engrais chimiques et de pesticides élaborés grâce à une forte consommation en énergie fossile. De plus, l'agriculture consomme de grandes quantités de plastiques (serres, emballages, outils, etc.) et de carburant pour les engins agricoles et l'extraction de l'eau d'irrigation. L'amélioration de la productivité de l'agriculture repose donc sur la consommation d'énergie fossile (figure 8), dont les réserves mondiales ne sont pas éternelles et qui revient chère à l'importation pour les pays non producteurs. Avec les changements climatiques, des pays nordiques producteurs de pétrole, comme la Russie, vont avoir des conditions climatiques plus favorables à l'agriculture et se retrouveront donc dans une situation très concurrentielle par rapport aux pays actuellement exportateurs de denrées alimentaires comme l'Europe ou les USA.

Figure 8 : Consommation de pétrole par l’agriculture et croissance de la productivité en pourcentage de l’année 1990, prise comme référence à 100.

5. Impact des changements climatiques sur les ressources en eau

La région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) est celle qui souffre le plus du manque d’eau au monde : au niveau mondial, la quantité moyenne d’eau disponible est proche de 7 000 m3 par personne et par an ; dans cette région, elle n’est que d’environ 1 200 m3 par personne et par an. La moitié de sa population vit en situation de stress hydrique et, compte tenu de la croissance démographique envisagée (de quelque 300 millions d’habitants aujourd’hui, cette population est censée atteindre 500 millions environ en 2025), on s’attend à ce que les quantités d’eau disponibles par habitant diminuent de moitié d’ici à 2050.

En ne prenant en compte que les réserves renouvelables correspondant à l’écoulement superficiel et aux nappes renouvelables, il apparaît que, dès 1990, six pays affrontaient déjà des situations de pénurie : Malte, Palestine occupée, Égypte, Libye, Tunisie et Algérie (tableau 1). Une projection sur l’année 2025, prenant en compte les taux de croissance démographique moyens et les variations de consommation résultantes, laisse augurer une dégradation marquée de la situation dans ces mêmes pays mais aussi de fortes tensions sur le reste de la rive sud, Chypre, Syrie, Liban et Maroc.

Tableau 1 : Ressources en eau par habitant (d’après J. Margat, Plan bleu).

6. Impact des changements climatiques sur la désertification

Beaucoup de causes de dégradation des terres sont d'origines humaines mais elles peuvent être exacerbées par les changements climatiques. Les changements climatiques vont probablement accentuer les phénomènes de dégradation des sols et de désertification qui à leur tour vont réduire la capacité des terres à séquestrer le CO2. La désertification apparait en plusieurs endroits du globe mais avec plus d'acuité dans les régions arides et semi-arides d'Asie, d'Australie, d'Amérique du Nord et du Sud et en Afrique (Figure 9).

Figure 9 : Vulnérabilité des terres à la désertification (Source : Soil map and soil climate map, USDA-NRCS, Soil Survey Division, World Soil Resources, Washington D.C, 1998).

Le Maroc est situé dans une zone très vulnérable à la désertification en raison de son climat semi-aride. Les sols au Maroc subissent une érosion à des taux qui dépassent de loin les normes internationales et même comparativement à des pays du pourtour Méditerranéen (tableau 2). L’érosion a des impacts directs aussi bien sur la productivité des terres que sur les ressources en eau mobilisables. Au Maroc, le ruissellement et le vent sont de loin les facteurs de dégradation les plus importants, occasionnant 80% des cas d’altération des sols. Avec l'augmentation des phénomènes extrêmes et de la sécheresse résultants des changements climatiques, les sols du Maroc risquent une dégradation accrue à l'avenir.

Tableau 2 : Dégradation anthropique des sols (Superficies en pour-cent du territoire national, Source: PNUE-ISRIC, 1992).

*Zones appartenant aux milieux désertiques.

7. L'impact des changements climatiques sur le secteur de la pêche et la sécurité alimentaire

Dans le monde, la pêche maritime et l'aquaculture contribuent de façon significative à la sécurité alimentaire. Les changements climatiques vont provoquer une augmentation de l'acidité de l'eau de mer et des modifications des courants marins avec des conséquences néfastes sur la pêche et l'aquaculture. Les changements climatiques vont aussi provoquer l'élévation du niveau de la mer, provoquant l'inondation des terres agricoles, avec des conséquences dramatiques sur les populations. Ces conséquences ne sont pas encore suffisamment évaluées et reconnues. La dégradation des écosystèmes marins par les changements climatiques, par les rejets des eaux usées au niveau des côtes ainsi que par la surexploitation des ressources halieutiques vont affecter sérieusement la sécurité alimentaire dans le monde (figure 10).

Figure 10 : Vulnérabilité des économies nationales aux impacts des changements climatiques sur le secteur de la pêche maritime.

Impact des changements climatiques sur l'agriculture au Maroc

Les projections climatiques réalisées pour le Maroc montrent une convergence vers un climat plus aride dans le futur, en raison de l’augmentation de la température et de la diminution de la pluviométrie, qui va avoir des répercussions négatives sur les rendements agricoles, surtout à partir de l'horizon 2030. Cette aridité aura des conséquences négatives sur les ressources hydriques, la capacité des terres à être cultivées (figure 11) et les niveaux de productivité des terres. Le Maroc est particulièrement vulnérable au changement climatique à cause du modeste progrès technologique réalisé en agriculture, du poids de l’agriculture comme source de revenus (15 % du PIB) et d’emplois (40 %) et du faible usage d'instruments de gestion du risque sécheresse.

Figure 11 : Impact des changements climatiques sur la vocation agricole des terres, selon le scénario A1B (Duce et al., 2008).

L'évaluation des impacts des changements climatiques sur les productions agricoles (Gommes et al., 2009) montre que toutes les cultures et toutes les zones agro-écologiques ne seront pas affectées de la même manière. Les cultures pluviales, particulièrement celles pour lesquelles le progrès technologique est faible, sont les plus vulnérables aux changements climatiques. Les rendements des cultures pluviales vont diminuer en raison de la diminution des disponibilités en eau, de façon plus marquée à partir de 2030. Pour le blé, denrée de base pour la sécurité alimentaire au Maroc, le progrès technologique qui est réalisé jusqu'à présent peut compenser en grande partie l'impact du changement climatique prévu jusqu'à l'horizon 2030 dans les cas des scénarios les plus pessimistes. Au-delà de cet horizon, il sera insuffisant pour contrecarrer l’ampleur de l’effet du changement climatique attendu. L'adaptation de l'agriculture marocaine aux changements climatiques dépendra de la capacité à améliorer les rendements agricoles.

Adaptation de l'agriculture et de la pêche marocaines aux changements climatiques

L'irrigation est un moyen pour diminuer la dépendance de l'agriculture au climat, pour contrecarrer les effets des sécheresses et pour améliorer la productivité de l'agriculture. De tous les secteurs d'activité, l'agriculture est celui qui est le plus demandeur en eau, en raison des besoins croissants en irrigation pour améliorer la production agricole (figure 11). En Asie, où les capacités en irrigation sont plus importantes, il est prévu un accroissement important des prélèvements en eau dans le futur en raison de l'accroissement rapide de la population. Les changements climatiques vont exacerber ces prélèvements sans que ca ne profite entièrement à la consommation en raison des pertes par évaporation qui iront en augmentant.

Figure 12 : Prélèvements et consommation en eau en fonction des continents en prévision des changements climatiques.

L'adaptation de l'agriculture marocaine aux changements climatiques passe par le progrès technologique et les mesures institutionnelles et financières de transfert du risque climatique (assurance agricole, etc.). La création variétale, une meilleure utilisation des ressources naturelles dont principalement l'eau de pluie et les sols, une gestion efficace des intrants agricoles, une meilleure utilisation des terres agricole ainsi que la mise en place d'un système opérationnel d'avertissement agricole et de prévision des récoltes peuvent permettre à l'agriculture marocaine de résister à l'augmentation de l'aridité du climat.

L’avantage que tire le Maroc de sa position privilégiée et de son littoral de 3500 km, sur lequel sont installées 80% de ses infrastructures industrielles et énergétiques, peut devenir un grave handicap du fait des risques de remontée du niveau marin et de raréfaction des ressources en eau, conséquences probables des changements climatiques. Les terres agricoles du bassin du Gharb, ne sont pas à l'abri de la remontée de l'eau de mer.

Dans le secteur de la pêche, les changements climatiques vont se traduire par une perte et une redistribution des ressources halieutiques. Les changements dans la distribution géographique de ces ressources demanderont une redéfinition des limites territoriales de pêche ainsi que des droits de pêche (Balaghi et al., 2009).

Dans les secteurs de l'agriculture et de la pêche il est nécessaire d'avoir des institutions qui gèrent efficacement les ressources naturelles, à travers une gouvernance efficace et des politiques de réduction de la vulnérabilité des communautés locales.

Contribution du secteur agricole et de la pêche à l'atténuation des changements climatiques

Les puits de carbone dans le sol, se trouvent dans les sols qui ont une teneur actuelle en carbone faible, avec un potentiel de séquestration moyen à élevé qui dépend du type de sol, du climat et de la couverture des sols. Les principaux puits de carbone se trouvent en Europe, aux USA, en Amérique du sud, en Afrique centrale, en Asie de l'Est et en Australie. Le Maroc et l'Afrique du nord, ne recèlent comparativement qu'une faible capacité de puits de carbone (figure 13).

Figure 13 : Potentiel de séquestration du carbone dans les sols (FAO, 2007).

Les mesures de sauvegarde des écosystèmes marins sont essentielles à la conservation de la capacité des écosystèmes marins à atténuer les effets des changements climatique par l'absorption du CO2 atmosphérique par la végétation marine. Selon un Rapport de réponse rapide (Nellemann, 2009) préparé par trois agences des Nations Unies (FAO, UNEP et UNESCO), les émissions de carbone, qui représentent la moitié des émissions annuelles de l'ensemble du secteur mondial des transports, sont piégées et conservées par les écosystèmes marins tels que les mangroves, les marais et les prairies sous-marines. Ce sont, en effet, les organismes vivants marins - et non terrestres - qui capturent plus de la moitié (55 %) du carbone biologique ou carbone vert, séquestré dans le monde. Les écosystèmes marins forment donc ce que l'on appelle les puits de carbone bleu de la terre et sont à l'origine de plus de la moitié des séquestrations de carbone dans les sédiments océaniques, environ 71 %. Les puits de carbone bleu et les estuaires piègent et séquestrent entre 235 et 450 terragrammes (Tg C), c'est-à-dire de 870-1650 millions de tonnes de CO2 par an, soit l'équivalent de la moitié des émissions de l'ensemble du secteur mondial des transports, estimé à environ 1000 Tg C par an. L'effet serait comparable à au moins 10 % des réductions nécessaires pour que les concentrations de CO2 dans l'atmosphère se maintiennent en-dessous des 450 ppm afin que le réchauffement climatique ne dépasse pas 2°C. Contrairement à ce qui ce passe sur terre, où le carbone peut rester séquestré plusieurs décennies, voire plusieurs siècles, celui des océans le reste pendant des millénaires.

Conclusion

Le Maroc, qui est un pays à faible émissions de CO2, subit les conséquences des politiques industrielles des pays développés ou émergents. Les changements climatiques vont se traduire au Maroc par des conditions plus contraignantes pour l'agriculture. Les impacts sur les ressources hydriques et les ressources halieutiques ne sont pas encore évalués avec exactitude. De plus, l'augmentation des coûts de l'énergie dans le monde, pour les pays non producteurs de pétrole comme le Maroc, va se traduire par des pertes de productivité de l'agriculture. Par contre, le Maroc peut tirer profit des mécanismes de compensation financière qui seront mis en place par les pays pollueurs. Les capacités des sols et surtout de la mer peuvent être mises en avant pour négocier le "crédit carbone". Cependant, la quantification, aussi bien de l'impact des changements climatiques sur l'économie du pays ainsi que des potentialités de séquestration de carbone seront nécessaires pour négocier les futurs accords sur les changements climatiques.

Références :

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Balaghi R., Badjeck M-C, Bakari D., De Pauw E., De Wit A., Defourny P., Donato S., Gommes R., Jlibene M., Ravelo A.C., Sivakumar M.V.K., Telahigue N., Tychon B.. Managing climatic risks for enhanced food security : Key information capabilities. World Climate Conference 3. Geneva, Switzerland, 31 August–4 September 2009. http://www.wmo.int/wcc3/

Gommes R., El Hairech T., Rosillon D., Balaghi R. 2009. Impact of climate change on agricultural yields in Morocco. World Bank - Morocco study on the impact of climate change on the agricultural sector. Food and Agriculture Organization of the United Nations (FAO). Roma, Italy. 105p. ftp://ext-ftp.fao.org/SD/Reserved/Agromet/WB_FAO_morocco_CC_yield_impact/report/WB_Morocco_20091013.pdf

Balaghi R. & Gommes R. 2009. Climate change impacts on agriculture: Challenge for food security and new opportunities. World Grain Forum. St Petersburg, Russia, 6 – 7 June 2009. http://www.grain-forum.com/