Atténuation du changement climatique

Bien que le Maroc soit un faible émetteur de gaz à effet de serre (GES), estimés à 75,0 millions T.eq.CO2 en 2004, il est fortement impacté par les changements climatiques, particulièrement au niveau de l’eau et de l’agriculture. Déjà les ressources en eau ont diminué durant les dernières décennies, et sont susceptibles de fortes réductions au cours de ce siècle. La vulnérabilité de l’agriculture qui consomme entre 80 et 90% des ressources en eau risque d’être accentuée face à la raréfaction de l’eau et davantage encore face à l’augmentation du pouvoir évaporant et transpirant de l’air. Les projections climatiques réalisées pour le Maroc montrent une convergence vers un climat plus aride dans le futur (Gommes et al., 2008), en raison de l’augmentation de la température et de la diminution de la pluviométrie, qui va avoir des répercussions négatives sur les rendements agricoles, surtout à partir de l'horizon 2030. Cette aridité aura des conséquences négatives sur les ressources hydriques, la capacité des terres à être cultivées et les niveaux de productivité des terres. Le Maroc est particulièrement vulnérable au changement climatique à cause du modeste progrès technologique réalisé en agriculture, du poids de l’agriculture comme source de revenus et d’emplois et du faible usage d'instruments de gestion du risque sécheresse.

Le Maroc s’est aligné aux côtés des leaders de la communauté internationale pour faire face au fléau du réchauffement planétaire, en signant tous les traités et en développant une stratégie nationale. La stratégie nationale en matière de lutte contre le changement climatique repose sur deux axes majeurs : l’évaluation de la vulnérabilité et la mise en place d’une politique d’adaptation aux impacts du changement climatique et l’atténuation des GES via la mise en œuvre d’une politique de développement à faible teneur en carbone.

Conscient de ces risques, le Maroc s’est engagé très tôt à limiter ou du moins réduire les émissions des GES et assurer une mutation des politiques du pays vers des stratégies de développement sobres en émissions de GES en appui aux efforts de la communauté internationale visant à limiter le réchauffement climatique global a un maximum de 2°C par rapport à l’aire préindustrielle. Dans ce cadre et en appui à sa stratégie de croissance verte, le Maroc a adhéré à l’initiative d’Evaluation des Besoins en Technologies (EBT) mise en œuvre dans le cadre du Programme stratégique de Poznań sur le transfert des technologies par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) et le FEM.

L’agriculture peut jouer un rôle important dans la lutte contre le changement climatique, tout en contribuant à la sécurité alimentaire et à l’éradication de la pauvreté rurale. Au Maroc, la mise en œuvre du PMV peut présenter des avantages additionnels en termes de réduction des émissions de GES à travers notamment l’augmentation du stockage de carbone dans le sol et les végétaux. Le Plan Maroc Vert (PMV) peut donc générer des crédits carbones qui peuvent à leur tour être échangés sur les marchés internationaux du carbone. Ceci reflète les synergies possibles entre l’atténuation du changement climatique et les objectifs du développement rural. Néanmoins, à ce jour, l’accès aux marchés carbone est à ce jour non utilisé.

Les émissions anthropiques nettes de GES au Maroc pour l’année 2000 sont évaluées à 63,4 millions de Tonnes équivalent CO2 (T.eq.CO2) soit 2,21 T.eq.CO2/habitant (Seconde Communication du Royaume du Maroc à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques, 2010). Ces émissions correspondent au solde des émissions totales de GES par les différentes sources (émissions brutes) et des absorptions de CO2 par les écosystèmes végétaux. La contribution directe dans ces émissions de GES est la suivante:

  • CO2 : 37,1 millions de tonnes – soit 58%
  • CH4 : 433.050 tonnes – soit 16,2 millions T.eq.CO2 et donc plus de 25%
  • N2O : 55.040 tonnes – soit 9,9 millions T.eq.CO2 et donc plus de 15%

Une partie importante de ces émissions provient du secteur agricole qui est la deuxième source d'émissions des GES au Maroc (20,6 millions T.eq.CO2), après le secteur de l’énergie. Toutefois, cette estimation a été réalisée sur la base des Lignes Directrices révisées de 1996 publiées par le GIEC pour l’évaluation des émissions directes et indirectes liées à la culture des sols (GIEC, 1997). La méthodologie employée dans ces Lignes Directrices tient compte uniquement de cinq sources d’émissions de GES pour le Module Agriculture (Cheptel domestique, riziculture, brûlage dirigé des savanes, brûlage sur place des résidus agricoles et sols cultivés). Depuis, de nouvelles Lignes Directrices ont été publiées par le GIEC en 2006 (GIEC, 2006) et utilisées pour l’évaluation du bilan carbone du PMV.

L’évaluation du bilan carbone du PMV a été réalisée dans trois études ex-ante recensées, qui se basent sur les Lignes Directrices du GIEC de 2006 (GIEC, 2006):

· Deux études publiées par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) en 2012 (Sutter, 2012a,Sutter, 2012b) et commandées par la Banque mondiale. Dans ces deux études, l’évaluation a été réalisée grâce au logiciel de la FAO « EX-ACT » (EX-Ante Carbon-balance Tool, Version 3) (http://www.fao.org/tc/exact/accueil-ex-act/fr/), qui permet d’estimer le potentiel d’atténuation des projets agricoles dans lesquels sont mis en œuvre des actions modifiant les systèmes de cultures et d’utilisation des terres. Les deux études se basent sur la documentation des Plans Agricoles Régionaux (PAR) disponibles à l’ADA.

o La première étude de la FAO (Sutter, 2012a) évalue le bilan carbone globalement pour tout le PMV dans ses six grandes interventions : Reboisement, reconversion des terres, cultures annuelles, cultures pérennes, pâturages et bétail.

o La seconde étude de la FAO (Sutter, 2012b) détaille l’analyse du bilan carbone pour trois Sous-projets PAR pris comme exemples, en considérant chacune des actions planifiées.

· Une étude commandée par l’Agence pour le Développement Agricole (ADA) en 2012 (non publiée), intitulée « Potentiel d’atténuation du changement climatique dans le secteur de l’agriculture au Maroc », réalisée également grâce à la version 3 du logiciel EX-ACT de la FAO. Cette étude a calculé le bilan carbone pour chacun des 16 PAR du PMV et pour chacune des 5 catégories suivantes : changement d’utilisation des terres, cultures annuelles, cultures pérennes, bétails et intrants.

On remarquera que la contribution des terres de parcours (superficie de près de 33 millions Ha au Maroc), dans le bilan carbone, n’a pas été considérée dans ces trois études.

Les résultats de l’étude de la FAO (Sutter, 2012a) montrent que, globalement, le PMV créera un puits de carbone de 63,6 millions T.eq.CO2 sur la période 2010-2030 (9 années pour la phase de mise en œuvre et 11 ans pour la phase de capitalisation). Ce bilan représente l'équilibre entre les GES émis (3,9 millions T.eq.CO2), principalement en raison de l'utilisation de produits agro-chimiques, et les GES séquestrés (67,6 millions T.eq.CO2), essentiellement par l'adoption de meilleures pratiques agricoles sur les terres cultivées. Le PMV présente donc un potentiel important en termes d’atténuation du changement climatique, dépassant la prévision du potentiel de séquestration (40,5 millions T.eq.CO2) de la Mesure d'Atténuation Appropriées au niveau National pour le secteur agricole présentée par le gouvernement du Maroc à la CCNUCC[1].

L’évaluation du bilan carbone du PMV réalisé par l’ADA montre que le secteur agricole permettra une atténuation des GES de 61,7 millions de T.eq.CO2 à l’horizon 2020. Cette évaluation est proche de celle réalisée par la FAO et qui s’élève à 63,6 millions T.eq.CO2. Cela représente à peu près l’équivalent des émissions de 21 millions de tonnes de gasoil par les véhicules, soit 5 années de consommation au Maroc.

[1] Appendix II - Nationally appropriate mitigation actions of developing country Parties, disponible à l’adresse: http://unfccc.int/files/meetings/cop_15/copenhagen_accord/application/pdf/moroccocphaccord_app2.pdf