Charles Baudelaire
XII La vida anterior

Yo habité mucho tiempo bajo pórticos altos

Que los soles marinos volvían rutilantes,

Y sus grandes pilares, rectos y desafiantes,

Remedaban, de noche, cavernas de basaltos.


El oleaje, espejando al cielo entre sus saltos,

Mezclaba en forma mística los acordes tonantes

De su opulenta música a los agonizantes

Celajes de un ocaso de rojos y cobaltos.


Fue allí donde he vivido entre delicias calmas,

En medio del azul, de olas, de esplendores

Y de esclavos desnudos, impregnados de olores,


Que aventaban mi frente con pantallas de palmas,

Y cuya única mira era profundizar

La secreta amargura que me hacía penar.


Charles Baudelaire en Spleen e ideal de Les Fleurs du Mal, París [1857]

Trad. Arturo Fruttero


La Vie antérieure


J'ai longtemps habité sous de vastes portiques

Que les soleils marins teignaient de mille feux,

Et que leurs grands piliers, droits et majestueux,

Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques.


Les houles, en roulant les images des cieux,

Mêlaient d'une façon solennelle et mystique

Les tout-puissants accords de leur riche musique

Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux.


C'est là que j'ai vécu dans les voluptés calmes,

Au milieu de l'azur, des vagues, des splendeurs

Et des esclaves nus, tout imprégnés d'odeurs,


Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes,

Et dont l'unique soin était d'approfondir

Le secret douloureux qui me faisait languir.