Charles Baudelaire
XII La vida anterior
Yo habité mucho tiempo bajo pórticos altos
Que los soles marinos volvían rutilantes,
Y sus grandes pilares, rectos y desafiantes,
Remedaban, de noche, cavernas de basaltos.
El oleaje, espejando al cielo entre sus saltos,
Mezclaba en forma mística los acordes tonantes
De su opulenta música a los agonizantes
Celajes de un ocaso de rojos y cobaltos.
Fue allí donde he vivido entre delicias calmas,
En medio del azul, de olas, de esplendores
Y de esclavos desnudos, impregnados de olores,
Que aventaban mi frente con pantallas de palmas,
Y cuya única mira era profundizar
La secreta amargura que me hacía penar.
La Vie antérieure
J'ai longtemps habité sous de vastes portiques
Que les soleils marins teignaient de mille feux,
Et que leurs grands piliers, droits et majestueux,
Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques.
Les houles, en roulant les images des cieux,
Mêlaient d'une façon solennelle et mystique
Les tout-puissants accords de leur riche musique
Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux.
C'est là que j'ai vécu dans les voluptés calmes,
Au milieu de l'azur, des vagues, des splendeurs
Et des esclaves nus, tout imprégnés d'odeurs,
Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes,
Et dont l'unique soin était d'approfondir
Le secret douloureux qui me faisait languir.