Un Hôtel-Dieu depuis 1412

Il y aura bientôt 600 ans, Jean Jouanneaux et sa femme fondent une Maison-Dieu, dans un immeuble qui leur appartient, à l'emplacement des services actuels de la mairie.


En 1633, alors que la peste décime la population, les malades sont transférés au faubourg des Moulins, dans une maison que la Ville vient d'acheter.

Devant les difficultés pour assurer le service des malades, il est fait appel en 1669 aux religieuses hospitalières de Saint-Joseph de la Flèche.


Après avoir traversé douloureusement la période révolutionnaire, les sœurs de Saint-Joseph quittent leur couvent et leur service en 1963 et quelques années plus tard, l'hôpital quitte les bâtiments de l'hôtel-Dieu pour des installations neuves construites à proximité.


Joseph Denais, alors qu'il n'avait que 17 ans, fut autorisé à classer les archives des sœurs.

En 1872, à l'occasion du bicentenaire de la présence des soeurs à Beaufort, il publie leur histoire [DEN], enrichie depuis.

Cette fiche s'appuie, en beaucoup d'endroits, sur les travaux de cet auteur. 

La fondation de la maison-Dieu

pour honneur et révérance de notre seigneur Jésus crist de la benoiste vierge marie monsieur Sainct michel l'ange, monsieur Sainct Jean Baptiste, monsieur Sainct Jean levangeliste, monsieur Sainct martin, monsieur Sainct antoine et madame Saincte catherine, eux ayant pitié et comppassion des pauvres mandiants en dévotion … donne et octroye a toujours mais perpetuellement par heritage à la fondation et dotation de l'aumosnerie ou maison dieu de beaufort et à ce qu' en icelle les pauvres gens soient receuz et hébergez, les malades allimentez et soutenuz jusque a ce qu'ils puissent aller mendier, et ceux qui en la dicte aumosnerye trepasseront, ensevelliz et mis en terre saincte bien et convenablement et à chacun trépassé faire dire et célébrer a sa dicte sépulture, une messe, les pauvres norisses relevée Les pauvres orphelins nouriz et alimentez en la dicte aumosnerye et maison dieu les choses cy apres déclares et premierement l'hostel avec touttes appartenans ainsy que la clouaison des murs le portent auquel est present la dicte aumousnerye ou maison dieu size en la ville de Beaufort ...

C'est ainsi que Jean Jouanneaux et Jeanne, sa femme, fondent le 10 mai 1412 une aumônerie ou maison-Dieu, dans l'hôtel qui leur appartient dans la ville de Beaufort, entre la maison Gatineau d'une part, et la maison Perrot Gringoire, d'autre part. Nous sommes alors à côté de l'emplacement de l'actuel hôtel-de-ville.

Les Jouanneaux sollicitent l'autorisation du comte de Beaufort en le suppliant de se considérer comme le vrai fondateur et qu'il lui plaise de les faire, au dernier vivant, gouverneur et administrateur et qu'ils puissent jouir des fruits, leur vie durant à leur volonté.
Le comte de Beaufort est alors Jean Le Meingre dit Boucicaut devenu comte par mariage avec Antoinette de Turenne, arrière petite fille de Guillaume Roger, premier comte de Beaufort.

Par lettres patentes du 27 janvier 1413, le comte et la comtesse s'empressent d'approuver la dite fondation attendant, par là même, que le service divin soit augmenté dans la ville. Ils abandonnent ce qui pouvait leur revenir d'indemnités au profit de l'hôpital, pourvu que les détenteurs des biens continuent d'acquitter les cens, rentes et autres droits seigneuriaux.
L'administration et le gouvernement de la maison-Dieu sont confiés, leur vie durant à Jean Jouanneaux et sa femme. Après la mort de ces derniers, le sénéchal, le procureur, le receveur du comté et douze des plus notables et suffisants de la ville seront appelés pour élire un nouvel administrateur.
Ils le choisiront parmi les hommes natifs de la ville et jouissant d'une bonne réputation, vie et renommée.
L'administrateur sera tenu, sous peine de destitution, de rendre bon, juste et loyal compte et reliquat, chaque année, devant le collège qui l'a élu.

Jouanneaux tient ses engagements. Il fait construire une chapelle pour l'hôpital et les Beaufortais lui font confiance pour l'administration de la maison et l'accueil des pauvres.
Après la mort des Jouanneaux, signalée en 1449, il faut élire un nouvel administrateur. Ce qui est fait le 8 janvier 1450 en la personne de Jean Boujuau, neveu des prédécesseurs.

Mais les Beaufortais ne tardent pas à constater la dégradation progressive des services de l'hôtel-Dieu, aussi bien pour le service divin que pour l'hospitalité.
Dés le 26 mars 1451, ils se réunissent au sortir de l'église pour donner leur avis et, sans doute, voter des contributions.
L'esprit de la fondation de Jean Jouanneaux se perd.
A Beaufort comme ailleurs, le constat est fait que la meilleure partie des revenus destinés au soulagement des pauvres est gaspillée et même détournée de son objet.
François Ier et ses successeurs vont essayer, par ordonnances de remettre de l'ordre dans la gestion des hôpitaux. Une ordonnance de janvier 1546 contraint les administrateurs d'hôpitaux à présenter leurs comptes devant les juges des lieux et les dits juges de visiter les dits hôpitaux.

Une sentence intervient à Beaufort, le 27 juin 1548, pour faire régir, gouverner et administrer le revenu temporel de l'aumônerie par deux bons et notables personnages natifs de Beaufort, bourgeois ou marchands gens de bien et solvables. Ils sont élus pour deux ans par douze de leurs pairs en présence des officiers du Roi, ici hors de leur juridiction.
Ils sont tenus de distribuer aux pauvres malades de la ville et aux passants, logis, vivres et autres nécessités. Ils doivent entretenir en bon état les bâtiments et dépendances. Ils gèrent les domaines et dressent les inventaires. Ils ne perçoivent aucun salaire.

Il arrive que la nomination d'un administrateur soit contestée. René Le Masson aurait été institué directement par le Roi, bien que n'étant pas né à Beaufort. Un arrêt du Grand conseil, le 3 juin 1556, rétablit à la charge d'administrateur Pierre Migon nommé régulièrement par les habitants.
Trois ans plus tard, un arrêt du Parlement précise que les douze bourgeois électeurs seront précisément les douze plus taxés au rôle de la taille.

Administrer est une chose et s'occuper des pauvres malades est une autre. Il semble que les beaufortais ne sont pas très satisfaits des quelques hospitalières qui interviennent bénévolement à l'hôtel-Dieu.
En 1598, il leur vient l'idée de confier leur hôpital aux Franciscains Récollets de la Réforme qui s'installent à la Baumette d'Angers.
Les Récollets se chargent de faire la démarche correspondante auprès du Roi. Celui-ci, envoie son accord, par lettres patentes, en avril 1599.
L'hôpital compte alors douze malades. Les Récollets installent leur couvent à côté.

C'est alors que les Beaufortais pensent à faire venir un médecin en résidence à Beaufort.
Le médecin Pierre de Lamboulaye (1), choisi avec la caution de trois médecins et trois chirurgiens de la ville, vient juste de s'installer à Beaufort.

En 1626, une première épidémie de peste s'abat sur la ville, pendant que la fièvre paludéenne décime déjà la population.
Les Récollets, dont on connaissait déjà le dévouement aux pestiférés, font ce qu'ils peuvent dans un hôpital fort incommode. Les beaufortais leur en sont gré, si l'on en juge par les dons qui affluent à leur bénéfice.

L'affectation des dons et legs pose quelquefois des problèmes. Ainsi le legs effectué par testament du 17 janvier 1628, par la dame du Gué, est à l'origine d'une procédure judiciaire très longue.
Jeanne Richard, dite la dame du Gué, n'est autre que la belle-mère de Jacques Giroust des Vendellieres, prévôt des marchands et conseiller du Roi, avant de devenir baron d'Avrillé.
Jeanne Richard a ainsi donné la somme de six cents livres de rente annuelle et perpétuelle pour être employée en œuvre de charité et piété et nommé pour cela Etienne Lavollé (2), son neveu, à la fidélité duquel elle a confié la dite rente, sans qu'il soit tenu d'en faire la déclaration d'emploi.
Lavollé oublie de considérer la perpétuité de la rente. Les habitants donnent pouvoir au administrateurs de l'hôtel-Dieu pour réclamer auprès de Lavollé et des héritiers (3) de la dame du Gué, la déclaration du bénéficiaire de la dite rente, en l'occurrence l'hôpital. La procédure, confiée aux experts, dura de longues années.


Plus anecdotique est l'histoire du don de Urbain Pelerin et sa femme, rédigé en lettres gothiques sur parchemin (image 1). Par testaments successifs entre le 31 mars 1587 et le 23 février 1608, ils ont légué à l'Hôtel-Dieu pour le repas des pauvres, le jour du jeudi absolu - jeudi saint de chaque année - et à perpétuité : des fèves en potage engraissées de beurre et huile, du froment pour être mis en pain, du vin franc …
Les héritiers ont respecté le testament, mais en 1664, Jacquine Couscher (4), arrivée en succession, fait envoyer à l'Hôtel-Dieu de la nourriture de si mauvaise qualité et si mal préparée, qu'elle ne peut être distribuée.
Les deux administrateurs Jean Lavollé et André de Fontenay sont obligés de s'en remettre au sénéchal pour ordonner une saisie correspondante sur les revenus des biens de la succession.

Mais il est grand temps de trouver un nouvel emplacement pour l'hôtel-Dieu, pour le bien des pauvres et aussi des Récollets qui veulent agrandir leur maison.

L'hôtel-Dieu au faubourg des moulins

La Ville n'a guère les moyens d'acquérir un immeuble pour installer son hôpital.
Une opportunité se présente avec une construction située au faubourg des Moulins et appartenant aux religieuses du Tiers-Ordre de St-François de La Flèche.
Ces dernières avaient l'intention d'y installer un monastère. Elles y renoncent finalement et acceptent de vendre l'immeuble à la Ville, le 13 décembre 1632, moyennant 1900 livres apportées par l'amortissement d'une rente due par Jacques Perdriau et un don de Anne Phélippeau.

On se contente d'aménagements sommaires et le 29 septembre 1633, les malades sont transférés dans les nouvelles installations, abandonnant aux Récollets les anciens locaux de centre-ville.

La situation pour les malades n'y est guère plus enviable ; couchettes vermoulues garnies de paille usée, à peine couverte de haillons.
Quant en 1637, une nouvelle épidémie de peste arrive, encore plus terrible, l'hôpital est fermé temporairement. Il n'y a d'ailleurs plus personne pour donner des soins. Les pestiférés sont envoyés dans un sanistat (5), sur le coteau des Montensais.

Pour permettre des acquisitions nécessaires à l'amélioration des conditions d'accueil des pauvres au faubourg des Moulins, Jacques Couscher fait don par testament du 24 août 1652 de 2700 livres.
Il y a d'autres dons : Elizabeth Roland pour 300 livres en 1639 ; Daniel Pietreau en 1664 et encore Anne Phelippeau 1667, entre autres.

Dès qu'ils le peuvent les habitants se préoccupent de la construction d'une chapelle pour le nouvel Hôtel-Dieu.
Quand l'évêque Henri Arnauld (6) vient consacrer celle-ci à St Charles, le 12 décembre 1659, il s'émeut des mauvaises conditions où sont tenus les pauvres malades. Il ne constate aucune amélioration lors des visites suivantes.
Aussi, le 27 janvier 1669, il fait assembler les bourgeois et habitants de la paroisse et leur propose de suivre l'exemple de La Flèche où Jérôme Le Royer de la Dauversière (7), administrateur de l'hôpital, a fondé l'Institut des Religieuses de Saint-Joseph (8) et leur a confié en 1636 l'accueil des pauvres malades dans l'hôpital local.
Peu après, Baugé et Laval ont suivi l'exemple, puis Moulins en 1651, Montréal au Canada en 1659 et enfin Nîmes en 1663.

Les beaufortais, pas encore enthousiastes, tentent néanmoins une première démarche le 13 mai 1669, auprès de la maison de La Flèche. Celle-ci donne aussitôt son accord pour envoyer des religieuses à Beaufort, sous réserve de l'accord du Roi.

Les lettres patentes de Louis XIV sont signées le 10 mai 1670 : " il n'y a de choses qui nous soit plus agréables que de contribuer à faire subsister les hôpitaux pour le refuge des pauvres et pourvoir à leurs nécessités tant spirituelles que temporelles, inclinant à l'humble supplication que nous ont faictes les habitans de notre ville de Beaufort-en-vallée, tendant à l'établissement de quelques religieuses hospitalières dites de la Congrégation de St-Joseph pour servir à l'hôpital de cette ville ... "

Reste à rédiger un concordat entre les Beaufortais et les religieuses.
Le 28 janvier 1671, l'évêque Henri Arnauld présente le projet de statut et règlement qu'il avait soumis au Roi. Dans la salle du palais Royal, au-dessus des halles, il y a le procureur des hospitalières et de nombreuses notabilités de la paroisse.

Les dispositions principales du Concordat sont les suivantes :
a) les habitants s'engagent à fournir aux religieuses dans les trois ans qui suivront leur installation, une somme de 3500 livres en argent pour qu'elles puissent construire leurs bâtiments qui devront communiquer avec l'hôpital;
b) les deux administrateurs seront élus tous les deux ans par les habitants, en présence du procureur du Roi, conformément aux règlements précédemment établis ; ils devront rendre leurs comptes, dans l'année où finit leur mandat, devant le juge, le procureur du Roi et les notables ;
c) chacune des religieuses qui fera profession devra verser une somme de 300 livres, une fois payée, dont la jouissance appartiendra à la communauté durant la vie de la professe seulement ;
d) les réparations ou constructions de bâtiments pour l'hôpital seront décidées par les administrateurs sur avis de l'assemblée des habitants ;
e) les malades qui se présenteront à l'hôpital y seront reçus sur le billet de l'administrateur en charge;
f) les religieuses se serviront de la chapelle de l'hôpital et des ornements liturgiques ;
g) les religieuses instruiront les pauvres orphelins qui sont au dit hôpital -au nombre de douze-, suivant les règles de l'ancienne fondation.

Les religieuses n'attendent pas pour envoyer un premier détachement à Beaufort. C'est la Mère des Essarts (9) qui a été choisie comme supérieure de la communauté.

Les sœurs Renée Olivier de la Guittière, Anne Le Tendre et Jeanne Pillet arrivent les premières en mars. Elles s'installent dans une petite maison qui avait été louée pour elles, à côté de l'hôpital.
Ce n'était qu'une pauvre masure en ruines, sans portes ni fenêtres. Il n'y pas possibilité d'y faire du feu. C'est que les notables de la Ville ne montrent guère d'empressement dans l'accueil de la communauté.

Les sœurs travaillent à rendre les locaux à peu près habitables. Elles se découragent et écrivent à la Mère des Essarts qui se trouve à Baugé.
La Mère des Essarts arrive à Beaufort le 31 mai 1671. Elle est accompagnée de Marthe de la Beausse et de Mlle Anne de Melun (10) fondatrices de l'hôpital de Baugé.
Les nouvelles arrivées constatent que le mal n'avait pas été exagéré.

Le 13 juin, Henri Arnauld vient à Beaufort pour délibérer avec le conseil de la Ville sur les affaires de la nouvelle communauté.
Les notables, sans doute mal informés, commencent par confirmer leur opposition à tout soutien aux pauvres et aux religieuses.
Après l'exposé de la Mère des Essarts, leur position s'assouplit et l'évêque reprenant espoir décide de procéder sur le champ à l'établissement solennel à Beaufort de la Congrégation des Religieuses de St-Joseph, sous la règle de St-Augustin.

Ce jour là, la communauté est composée, autour de la Mère des Essarts, des sœurs Anne Le Tendre, Marie Bidault de la Barre, Renèe Olivier de la Guittière, Marie Giroust, simples novices, de Jeanne Pillet, sœur domestique et de Elisabeth Trouvie de la Gasnerie, postulante.
Les religieuses sont enfin installées dans leurs services hospitaliers. Dix jours plus tard, les administrateurs remettent à la communauté les meubles de l'Hôtel-Dieu.

Les difficultés ne tardent pas à réapparaître. En moins de quatre mois, trois des sœurs fondatrices décèdent. Hormis le fait que les familles des décédées réclamaient le reversement des dots, puisque celles-ci n'avaient pas encore prononcé leurs vœux, dehors les habitants ne doutent plus que la peste est installée à l'hôpital.
Anne de Melun et les religieuses sont désespérées. Henri Arnauld vient leur redonner le moral.

Comme personne ne propose d'entreprendre les travaux de constructions indispensables pour les religieuses et les malades, Anne de Melun propose aux sœurs de se cotiser pour acheter les premiers matériaux. Marthe Giroust (11) qui s'était retirée à la communauté, après la mort de sa parente Marie Giroust, met un louis d'or dans la sébille (12).

Elles attaquent les travaux de l'hôpital. C'est le début et avec le temps, les bâtiments tant de l'hôtel-Dieu que du couvent,vont s'élever tout au long de la rue du Moulin, aujourd'hui rue de l'hôpital.
Cette hardiesse ouvre les yeux des habitants qui se mettent à soutenir l'entreprise. Les matériaux affluent, la main d'œuvre aussi, sans doute. Les religieuses croient au miracle. Même le tonneau de vin mis à disposition des nombreux ouvriers semble ne jamais tarir.
Tant mieux, car le sol manquant de résistance, il a fallu creuser les fondations jusqu'à dix ou douze pieds.

Au-delà de ces procédures vouées à la bienveillance divine, peut-on savoir comment les constructions ont été élevées ?

Nous sommes dans le « Grand siècle » mais pour l'édification des bâtiments destinés aux œuvres charitables, il n'est pas d'usage de soigner le décor. Pas de colonnes, pilastres, frontons sculptés …
Tout est simplifié, utilitaire. On parle même de style sévère.
A Beaufort, la pierre de taille est pratiquement réservée aux chaînes, bandeaux et lucarnes, lesquelles sont de petites dimensions. Les remplissages de mur, constitués de moellons de tuffeau et pierres froides, sont enduits avec un mortier de sable et chaux.
Les toits couverts d'ardoises conservent les deux pans à forte pente.

Pour étudier le déroulement des chantiers, il conviendrait d'exploiter les archives des notaires de Beaufort de cette époque. Cette lourde tâche dépasse le cadre de cette fiche.
Pour se faire néanmoins une idée des procédures, nous livrons quelques indications extraites d'actes enregistrés en 1672 et 1673 par Guillaume Vallet, notaire royal de Beaufort.

Les conventions ou marchés passés pour l'hôpital sont signés, chez le notaire, par les administrateurs Pierre Gouin avocat et Claude Creusot huissier, en la présence de Philippe Lemarié (13), sénéchal, et Charles Jameron , procureur du Roi.
Les entreprises choisies pour les travaux sont souvent les mêmes à l'hôpital et au couvent. Le plus souvent, ce sont des entreprises artisanales familiales locales.

C'est ainsi, à titre d'exemple, que Jean Phélippeau et Jean et Gilles Lavollé ont été chargés, le 13 décembre 1672, de fournir les bois de charpente pour la construction de la chapelle et de la grande salle de l'hôpital.
Les hospitalières leur confient une tâche identique, le 24 avril 1673, pour la construction de leur appartenance joignant la chapelle.

Détaillons un peu ce dossier de l'hôpital. Au moment de la signature, en décembre 1672, les murailles des bâtiments sont en parties faites. La fourniture des bois de chêne neuf, bon et marchand équarris, s'appuie sur une liste descriptive et quantitative dressée par Noël Roberdeau, charpentier, et jointe au marché passé le 9 mai 1672, pour l'élévation de la dite charpente.
Il sera aidé par Jean Bousselin, aussi charpentier.

Les marchands de bois sont chargés à leur frais de charroyer le bois à l'hôpital. Ils se réservent d'ailleurs l'exclusivité de la fourniture.
Il faut commencer au plus tôt et terminer avant la Saint-Jean-Baptiste prochaine. Au fur et à mesure des approvisionnements, les administrateurs donnent décharge des quantités livrées et remettent à chaque charretier un morceau de pain et une pinte de vin.
Préalablement, pour faciliter les charrois, les administrateurs se sont engagés à faire réparer les chemins d'accès au chantier.

Suivent les questions de paiement. Passons directement à l'établissement du décompte définitif. Il fait l'objet de la séance du 18 décembre 1673, avec les mêmes interlocuteurs et, en plus, Charles Vallet, receveur des aumônes de l'hôtel-Dieu.
Le montant total des fournitures est arrêté à 2039 livres et 8 sols. Un acompte de 400 livres et la cession d'une créance de 588 livres ont été réalisés à la signature du marché. Reste à devoir 1051 livres 8 sols aux sieurs Phélippeau et Lavollé.
L'hôpital se libère en partie de cette dette par acte du 23 décembre. L'hôtel-Dieu cède une créance de 640 livres 7 sols à recevoir de Charles Giroust qui doit la dite somme à Mathurin Jouanneaux, lequel en a fait cession à l'hôpital ... Oui, il faut suivre.

Ajoutons que dans leur marché pour la construction de la charpente de l'hôpital, les dénommés Bousselin et Roberdeau s'engagent à faire les charpentes des bâtiments que les religieuses feront construire aux mêmes conditions de prix que pour l'hôpital.

Pendant que les bâtiments des pauvres se construisent, les hospitalières pensent à bâtir pour elles-mêmes. On leur avait promis 3000 livres pour acheter les terrains et élever des bâtiments. On leur donne finalement 2500 livres. De 1671 à 1700, pour achats de terrain, construction et entretien de la communauté, elles ont dépensé l'équivalent de 52 180 francs.

Pour le couvent, les marchés sont signés, au parloir des religieuses, par Lézine Bérault des Essarts, supérieure, Antoinette Roseau, assistante et Anne Le Tendre, dépositaire. Les sœurs peuvent éventuellement être représentées par leur procureur, Charles Vallet le jeune, avocat au siège.

A titre d'exemples, en dehors des marchés de fourniture et de construction de charpente déjà évoqués, les dames religieuses passent convention le 23 septembre 1672 avec Pierre Delamotte, maître carreleur et blanchisseur, demeurant à Longué, pour faire enduire, blanchir les murs, pointer les soliveaux, carreler le sol, mettre le devant de la cheminée au carré … dans la chambre que les religieuses ont depuis peu fait construire pour servir de noviciat.

Pour la construction de murailles de bâtiments en 1673, les religieuses passent un marché avec les frères Pierre et Mathurin Cailleau, maîtres maçons aux Rosiers. Les murs sont faits de parpaings de rivière et pierres froides.
Les religieuses paient la maçonnerie au prix de quarante deux sols pour chaque toise de muraille.

Une riche héritière de la ville, Radegonde Vallet (14) consacre pratiquement toute sa fortune au logement des religieuses -portrait ci-contre-.
Elle fait construire, à elle-seule, le chœur, la salle d'assemblée, les parloirs, le premier dortoir, les chambres et les greniers au-dessus. A la fin de l'année 1672, elle remet les clés des locaux en état de s'y loger, sans révéler ce que cela lui a coûté.

A peu près à la même époque, Marthe Giroust fait construire les sacristies. Compte-tenu des autres bienfaits, la communauté lui accorda le titre de bienfaitrice.

En 1674, l'arrivée de nouveaux dons permet d'acheter quatre maisons voisines et leurs jardins. Les jardins sont aménagés et clos de murs.
La présence aujourd'hui, près de la chapelle, d'un vieux tilleul au tronc harmonieusement sculpté par les années et les intempéries, nous pose question.
Joseph Denais nous a signalé un tilleul planté par Anne de Melun au fond du jardin et qui fournissait encore de vigoureuses pousses après avoir été brisé par un orage.
Celui-ci a disparu mais celui-là, présent sur les mêmes plans anciens, ne manque pas d'intérêt - image ci-contre -.
La religion chrétienne accorde au tilleul un caractère sacré dû à l'odeur des fleurs. Il était habituel d'en planter près des églises.

En 1676, après quelques travaux complémentaires, l'hôpital de Beaufort est considéré comme « l'un des plus commodes de France ».
Pour le couchage, les administrateurs fournissent dix couchettes et vingt-deux lits, dont vingt sont garnis de courtines (15) et rideaux de linge. Ils remettent aussi trente-six couettes de lits, des couvertures et des draps plus ou moins usagés, des chemises d'hommes et de femmes et autre linges.

Un hôpital confortable
 

Le bâtiment des pauvres est terminé depuis la fin de l'année 1673.

Il consiste en une grande salle de 100 pieds, approximativement, de long et 30 pieds de large, divisée dans toute la longueur par un refend ouvert d'arcades en plein cintre. La hauteur sous plafond est d'environ 17 pieds. La salle des femmes est du côté sud et celle des hommes, du côté des cuisines installées dans des bâtiments de service, construits entre la grande salle et la rue.

Les salles sont propres, bien éclairées et aérées.

Le personnel se forme et il y a alors six postulantes.

Les religieuses de Beaufort ont montré leurs compétences et leur détermination en matière de construction.

En 1679, deux sœurs sont envoyées au Canada, pour rejoindre la maison fondée le 20 novembre 1659 à Montréal -on dit alors Ville-Marie.

Le fondateur de cette colonie n'est autre que Jérôme Le Royer de la Dauversière que nous avons vu fonder l'Institut des Religieuses de Saint-Joseph.

Le Canada est alors terre de mission. Beaucoup d'Angevins y partent pour commercer ou évangéliser les Amérindiens. Les récits de tortures et massacres qui parviennent en France épouvantent nos sœurs, en particulier Charlotte Gallard, qui n'en était pas moins volontaire et réussira si bien qu'elle sera supérieure de la communauté pendant dix-huit ans.

A leur arrivée, au début du mois d'août 1679, après deux mois de voyage, les sœurs découvrent une communauté logée à l'étroit dans un véritable taudis. Catherine Maumousseau sera nommée dépositaire, pour lancer les travaux.

Revenons à Beaufort. Les travaux terminés, l'hôpital, plus confortable, attire un plus grand nombre de malades.

Les administrateurs prennent la décision de ne plus y accepter les vieillards infirmes.

Avec une aumône de quelques sous par semaine, on les disperse en différents endroits.

Sollicitée par le nouveau curé de Beaufort, la fille du gouverneur du château (16) loua une maison proche de l'hôtel-Dieu et le 19 juin 1681, les premiers vieillards y sont accueillis.

C'est la début de l'hospice des incurables qui va s'agrandir grâce à de nombreux dons.

Nous ne traiterons pas ici cet établissement, sortant du cadre de l'hôtel-Dieu.


Pour accroître la capacité d'accueil, des dons sont faits au profit des pauvres.

Par exemple, Sébastien Marmin, prêtre de l'Hôtel-Dieu, donne en 1681 une somme de 1000 livres à charge des administrateurs de fonder deux lits pour Brion.

Ayant reconnu la nécessité d'ajouter un lit dans la salle des femmes, Marthe Giroust fait faire et placer un lit, à ses frais, sous l'écriteau de sainte-Catherine. Le 11 octobre 1686, elle fait un don annuel et perpétuel de 50 livres de rente pour son usage. Les administrateurs Alexandre Rolland et Jean Chaisteau acceptent ce don, avec le consentement du sénéchal.


En 1696, les religieuses commencent la construction d'un pensionnat pour l'éducation de jeunes filles. Nombre de jeunes filles de bonne famille y ont reçu l'instruction des sœurs hospitalières.

Le bâtiment est élevé en retour vers la rue de l'hôpital, sur laquelle il garde l'enseigne « Pension Saint-Joseph ».

Avec le temps les jeunes filles ont laissé la place aux dames âgées, dans cette pension.


Dans les années qui suivent, l'administration de l'hôpital se retrouve une nouvelle fois dans le doute règlementaire, à cause d'une déclaration du Roi du 12 octobre 1698, portant règlement pour l'administration et gouvernement des hôpitaux et maladreries.

D'après le termes de cette déclaration, il y a désormais un bureau ordinaire de direction composé des officiers du Roi, du maire, un échevin éventuel et le curé.

Outre ces directeurs en titre, des directeurs en nombre suffisant, choisis parmi les notables et habitants, seront élus pour trois ans en assemblée générale.

Le bureau de direction nomme pour trois ans un receveur ou trésorier.

Deux directeurs du bureau de direction seront nommés pour expédier les mandements des sommes devant être payées par le trésorier.


Les titres et papiers concernant les biens de l'hôpital sont placés dans une armoire fermant à deux ou trois clés dont chacune est gardée par ceux qui seront nommés à cet effet.

On voit là une organisation moderne et surtout une préséance des représentants du Roi.


Cette déclaration n'avait pas obligatoirement vocation à s'appliquer aux hôpitaux déjà dotés d'un règlement, comme celui de Beaufort. Il n'empêche que le 22 juin 1708, une assemblée se tient en présence de l'Evêque d'Angers et nomme quatre directeurs qui avec les officiers et prieurs de la ville composent désormais le nouveau bureau de direction. Celui-ci se réunira tous les premiers lundis du mois.

Charles Dutertre est élu administrateur receveur pour deux ans, à six vingt livres de gages.


Parlons maintenant de pharmacie.

Le concordat de 1671 n'avait pas traité ce sujet. Les hospitalières se sont chargées de son fonctionnement. En bonne gestionnaires, elles ont même crû bon de vendre leurs préparations pour servir à financer l'entretien de la pharmacie.

A partir de 1730, Marie-Gabrielle d'Orvaulx, affectée à la pharmacie, développe la petite entreprise.

Avec le bénéfice dégagé par la vente des remèdes, elle achète du lin, du chanvre et du coton, que les malades valides travaillent.

Avec le profit dégagé, Marie-Gabrielle fait mettre des rideaux blancs aux lits des malades, carreler les salles, entre-autres travaux.


Les administrateurs feignent d'ignorer cette entreprise mais dès la mort en 1744 de la Mère Françoise de Contades qui en imposait à tous, ils exigent réparation, par le versement d'une somme jugée considérable.

Ils y sont poussés par les pharmaciens de la ville qui se plaignent de cette concurrence illégale.

Avec la conciliation de l'évêque, il est finalement décidé de modifier le règlement du concordat.

Les hospitalières ne pourront plus vendre de remèdes et l'administration pourvoira aux besoins de la pharmacie au moyen d'un budget spécial.


Quelques années plus tard, en 1749, les sœurs sont incitées à revêtir de boiseries de chêne les murs du chœur et du réfectoire. Les travaux durent six ans et les dépenses s'élèvent à 9445 livres, ce qui obère gravement les finances de la communauté.

La cour verte et le clocher de la chapelle

En cette même année 1749, une cloche due au lorrain Jean-Baptiste Rigure, maître fondeur du Roi est placée dans le clocher de l'Hôtel-Dieu. Elle a été nommée Louise-Marie-Anne par Louis-Charles Dubreuil du Bost, chevalier seigneur de Gargilesse et par Marie-Anne Ribault de L'Isle.

La cloche a été fondue à la diligence de Charles-André Rolland, administrateur de l'Hôtel-Dieu. Le coq de fer battu qui surmonte le toit avait été « posé » par Françoise de Contades, le 7 mai 1733.


La gène financière quasi récurrente dans laquelle se trouve la communauté attire en 1776 l'analyse de l'abbé François de la Brosse, leur nouveau supérieur. La clause du concordat qui oblige les religieuses à verser 300 livres à l'administration à chaque décès de l'une d'elles devient difficilement supportable.

Le montant des dots apportées par les novices a beaucoup baissé. Le recrutement se fait maintenant sur des classes moins privilégiées.

L'évêque présente le 4 novembre 1776 des propositions d'amendement au concordat. Il propose de ramener le versement à 50 livres, payable au jour de chaque profession.


L'assemblée réunie le 27 janvier 1777 y fit droit à l'unanimité, sous réserve de quelques aménagements au bénéfice des pauvres. A l'unanimité ou presque, car M. Le Seillier de la Moisinière faisant fonction de maire objecte que le bureau qui est réuni ne peut être considéré comme une assemblée générale régulièrement composée. Le procureur du Roi passe outre.


Depuis la délibération du 22 juin 1708, il règne un grand désordre dans l'administration de l'hôpital.

Nous l'avons vu, le sénéchal, en sa qualité de commissaire de la Cour, et le procureur du Roi ont pris le pouvoir. C'est le sénéchal qui convoque les assemblées.

Les notables bourgeois et habitants s'estiment lésés dans leurs représentations et persistent à ne vouloir reconnaître que l'ancien gouvernement issu des décisions successives de la fondation, du Grand conseil en 1556 et du Parlement en 1559.

Les décisions prises pour nommer l'administrateur chargé d'expédier et signer les mandements sont dorénavant toujours contestées.


La confusion est à son comble en 1769, quand les trois directeurs élus Roberdeau, Haran de la Barre et Chaussée démissionnent.

Un an plus tôt le sénéchal avait appelé Charles Haran de la Barre au bureau pour rétablir l'ordre dans le chartrier. Les clés lui avaient été remises en conséquence. Avec sa démission, il remet les clés à Mathurin Vallet, maire de la ville.

Il s'ensuit toute une procédure s'appuyant sur des délibérations du corps de ville, de bureau et d'assemblée générale de l'hôtel-Dieu, bien trop longues à décrire ici.


Charles Haran, à qui le procureur du Roi reprochait d'avoir fait payer trois livres chacun l'entrée d'ouvriers à l'Hôtel-Dieu, est soutenu et maintenu administrateur par le corps de ville et les habitants.

Le sénéchal le récuse et lui interdit d'officier. En pleine séance, sénéchal et procureur quittent la salle en emportant chacun une clé de l'armoire où sont remisés chartrier et registre.


Pendant ce temps, par deux fois, les bâtiments de la communauté sont attaqués par un incendie.

Le 2 janvier 1768, c'est le chœur et la salle des assemblées qui sont en feu. Les flammes s'élèvent à une grande hauteur, menaçant les bâtiments de l'hôpital. La magistrature, le clergé, pauvres et riches tous se précipitent pour aider les sœurs.


Quelques années plus tard, quand Jeanne Ciret, devient mère supérieure, la maison de Beaufort accueille alors une trentaine de religieuses. La supérieure, avec l'aide pécuniaire de ses sœurs, fait prolonger vers l'est les bâtiments claustraux. Deux grandes chambres sont créées en bas et six cellules à l'étage.

En 1789, Mlle Ciret de la Sublellerie, sœur de la mère supérieure, donne à la chapelle le grand autel de marbre exécuté par le marbrier Lecrais, d'après un plan de l'abbé Gazeau, curé de Saint-Maurille des Ponts-de-Cé.


Malgré toutes les difficultés, à l'hôpital, le dévouement et l'abnégation des religieuses de Saint-Joseph fait l'admiration de la population beaufortaise.

Du 17 juin 1671 au 31 décembre 1790, les religieuses de Saint-Joseph ont accueilli 32 320 nouveaux malades, soit 270 par an. Elles ont dispensé 584 525 journées-malades.

La communauté va pourtant bientôt vivre des moments dramatiques. 

La mère Ciret et la Révolution 

En cette fin de XVIIIe siècle, la France vit une importante crise financière, en particulier en raison des dettes de la guerre.
Les biens et ressources des institutions religieuses, très nombreuses en France, attirent l'attention. Il est envisagé de les taxer.
Louis XVI décide d'en faire faire un inventaire, dans chaque généralité.

C'est ainsi que les religieuses de Beaufort sont questionnées en 1785, sur leur effectif et l'état des dots versées à la communauté.
Les sœurs sollicitent un délai de réponse, le temps de consulter leur évêque. Cette position est considérée comme un refus.
L'évêque règle le différend mais ne peut s'opposer à l'amende infligée à la communauté.
La monarchie se trouvant en état de faillite virtuelle, sur proposition de son ministre des finances, le Roi décide de réunir les États généraux pour le 1er mai 1789.

Dans leur cahier de doléances présenté à Angers le 16 mars 1789, les beaufortais font part de leurs griefs à l'encontre, entre autres, du clergé.
Les couvents et communautés d'hommes, trop nombreux, sont visés ; les revenus du clergé séculier aussi.
En revanche, il n'est rien retenu précisément à l'encontre des sœurs hospitalières. Elles seront néanmoins prises dans la tourmente de la Révolution.

Le 2 novembre 1789, l'Assemblée nationale décrète que les biens ecclésiastiques sont à la disposition de la Nation, à la charge de pourvoir d'une manière convenable aux frais du culte, à l'entretien de ses ministres et au soulagement des pauvres, sous la surveillance et d'après les instructions des provinces.

Le même jour, la communauté reçoit une lettre de la généralité interdisant « provisoirement » d'admettre des postulantes à la vie religieuse et d'émettre des vœux solennels.
Le 13 février 1790 les vœux sont supprimés dans toute la France. Il est proposé concurremment d'offrir une pension aux religieux qui veulent quitter leur maison. Le texte réserve néanmoins le statu quo provisoire pour les maisons chargées de l'éducation publique ou de charité.

Les sœurs de Saint-Joseph sont en émoi. Elles comprennent bien qu'un statut privilégié leur est maintenu en raison des services qu'elles rendent mais s'attendent à devoir, tôt ou tard, se soumettre à la proscription générale.

Le 5 novembre, la loi dresse la liste des biens qui sont à vendre dès à présent. Les biens des religieuses destinés au soulagement des pauvres font l'objet d'un ajournement.
A la demande de la municipalité, la Mère Ciret, produit le 27 février 1790, le compte exact et détaillé de tous les biens appartenant aux religieuses.
Les revenus nets ressortent à un peu plus de 8888 livres. Avec cette somme, elles nourrissent 33 personnes.

Sur l'injonction du directoire du département, la municipalité de Beaufort se rend le 19 juin à la maison des filles de Saint-Joseph pour vérifier l'inventaire de leurs biens et leur signifier le contenu du décret du 13 février 1790.
Toutes les religieuses de Beaufort décident de ne point quitter, de toutes façons, leur couvent. Elles s'expliquent, par un communiqué de leur mère supérieure. Elles bénissent, chérissent et révèrent leurs vœux, leur stabilité, leur règlement, leurs fonctions au service des pauvres malades.

Les membres de la municipalité reviennent convaincus. Par lettre du 21 juin, ils défendent auprès du comité ecclésiastique de l'Assemblée constituante, la protection du saint établissement des hospitalières, ce qui fut bien compris.

Et voilà le 12 juillet, la célèbre loi sur la constitution civile du clergé, ratifiée par le Roi le 24 août.
Tous les ecclésiastiques fonctionnaires publics doivent prêter le serment d'être fidèles à la Nation, au roi et de maintenir la constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi.
Pour l'instant seuls sont assujettis les évêques, les grands vicaires, les curés, les vicaires, les supérieurs ou les directeurs de séminaires et les professeurs.

Le pape Pie VI croit bon de prendre position et de condamner solennellement la constitution civile, créant un schisme à l'intérieur de la communauté chrétienne.
Le clergé se divise en assermentés et insermentés et dans ceux-ci les prêtres proches des religieuses de Beaufort.
Et voilà que les religieuses sont accusées d'ouvrir la chapelle de l'Hôtel-Dieu à la pratique du culte traditionnel et même de sonner la cloche pour prévenir les habitants. De plus, elles manqueraient à leur devoir d'instruire les enfants qu'elles hébergent dans le culte de l'Eglise constitutionnelle et bien d'autres choses encore.

La situation des religieuses devient beaucoup plus compliquée quand le 29 novembre 1791 un décret oblige tous les religieux à la prestation du serment civique, sous peine de déchéance de tout traitement ou pension, sans compter une peine d'éloignement, voire de prison en cas d'incitation à la désobéissance.

Le lendemain, la municipalité signifie à la communauté que ses biens et les titres lui sont retirés, soit un revenu de 9000 livres, charges déduites.
Nouvelle épreuve pour les religieuses : le 17 février 1792, le confesseur et le chapelain de la communauté partent pour Angers où ils sont assignés à résidence.
Les religieuses sont privées de leur prêtre et directeur de conscience. On leur nomme un prêtre assermenté. Elles refusent son service.

Agacé, le nouveau procureur de la commune, le citoyen Lecluze, commence à montrer son autorité.
Dans une requête à la municipalité du 28 mars 1792, il préconise, sans ambages, pour faire cesser les abus de la communauté « … de faire murer ces religieuses et les remplacer, pour le service des pauvres, par des femmes charitables que vous ne manquerez pas de trouver dans cette ville et qui sont beaucoup plus dignes de la confiance publique par leurs principes constitutionnels ... ».

En août, le port des costumes ecclésiastiques est prohibé. Les religieuses restent insensibles au nouveau décret.
La population beaufortaise est exaspérée par leur entêtement. Le 27 août, elle s'attroupe menaçante devant le cloître. La mère Ciret et sept religieuses sont emmenées de force jusqu'à l'autel de l'église Notre-Dame. On les somme de prêter serment. Les sœurs ne faiblissent pas. Chacun rentre chez soi.

Le procureur Lécluze, de plus en plus outré par la résistance des sœurs et de l'apparente mansuétude de la municipalité à leur égard, fait semblant de démissionner en janvier 1793.
La municipalité réagit et les sœurs se résignent à quitter leur habit religieux.

Deux mois plus tard, c'est le début de l'insurrection vendéenne. Les hussards du régiment d'Aunis stationnent à Beaufort.
Au mois de mai, des prisonniers enfermés dans le château sont emmenés sur la place du Champ de foire et massacrés.
Quelques soldats furieux et ensanglantés se rendent à l'hôpital pour en finir avec la mère Ciret et son adjointe. Courageusement, la mère Ciret se dirige vers eux et, sans leur laisser la parole, leur propose de les soigner. Ce qu'ils acceptent stupéfaits.

Les décrets se succèdent pour poursuivre et punir les suspects à la République.
Le procureur Lécluze saisit l'occasion pour affirmer son pouvoir. Le 19 septembre, il fait arrêter la Mère Ciret, son adjointe Frédérique de Gargilesse et huit autres citoyennes de la ville. Elles sont emprisonnées dans les sous-sols du vieux château.
Les sœurs ne recouvrent leur liberté que le 15 novembre, après l'intervention du citoyen Bardon, commandant des hussards, soulignant que ses soldats malades sont soignés de bonne grâce par les femmes de l'hôpital.
Le Comité révolutionnaire d'Angers a accédé à sa demande, sous réserve que la municipalité surveille attentivement le comportement des religieuses.

Lécluze, qui n'est plus procureur de la ville, mais dorénavant membre éminent de la Société populaire de Beaufort (17), ne peut alors s'empêcher d'exprimer sa rancœur à Angers. Il propose de faire conduire à Angers toutes les religieuses contre-révolutionnaires. Il avance qu'il est à même de trouver à Beaufort des femmes vertueuses qui se feraient un plaisir, un devoir, de consacrer leur temps, leurs forces et leurs soins au soulagement de l'humanité souffrante.

Le 9 janvier 1794, un groupe d'individus s'introduisent dans la chapelle de l'Hôtel-Dieu et s'acharnent sur les objets religieux. Le tabernacle est éventré, les statues, christ et reliquaires jetés à terre. Les tableaux sont lacérés et piétinés. Les vandales entrent alors dans le couvent et détruisent cahiers, livres et papiers qui constituent les archives de la communauté.

Quelques jours après, les exécutions commencent au bois de la Haye, à Angers.
Prévoyant la catastrophe pour les religieuses de Beaufort, la municipalité se déplace à l'hôpital le 21 mars, pour une ultime démarche auprès des sœurs pour les inciter à prononcer le serment : nouveau refus.
René Machefer, de Mazé, membre du conseil général à Angers, est nommé commissaire à Beaufort, le 14 avril 1794, par le district de Baugé. Il est dépêché avec mission d'arrêter toutes les fanatiques, ennemies de l'humanité et de tout principe de fraternité.

L'expulsion des religieuses et leur transport à Angers est irrémédiable, ce qui est fait dès le lendemain.
A 11 heures du matin, le commissaire à la tête d'une petite troupe entre à l'hôpital et fait appeler vingt-deux religieuses (18) résolues à rester fermes dans leur foi. Une visitandine de Saumur (19), alors retirée à l'hôpital, se joint spontanément au groupe.

La municipalité insiste pour que les religieuses soient emmenées en charrette et non à pied comme exigé par le commissaire.
C'est donc quatre charrettes qui partent sous la pluie battante, en milieu d'après-midi. Les religieuses sont quasi à jeun et ne se font pas d'illusion. La mort les attend quelque part.

Le commissaire continue sa mission, sans attendre. Il a été délégué pour procéder au remplacement, dans les vingt-quatre heures, des religieuses, pour que les services hospitaliers ne souffrent d'aucune interruption.
La municipalité avait essayé d'anticiper. Elle avait déjà fait appel public à des candidatures. Personne ne s'est présenté. Une démarche auprès des religieuses de Baugé s'était également soldée par un échec.

Le commissaire se résolut donc à faire réquisitionner provisoirement dix-sept citoyennes, choisies comme « bien-pensantes ». La moitié sont des filles des membres de la Société populaire.
Cinq d'entre-elles présentent des excuses pour ne pas répondre à l'invitation, ce qui est accepté. Les douze autres sont aussitôt installées à l'hôpital, en présence du médecin, le citoyen Chaussée, avec mission de donner à l'humanité souffrante tous les services qu'elle a droit d'attendre des vertus républicaines.
Les femmes déclarent néanmoins n'accepter la fonction qu'à titre provisoire en attendant leur remplacement par le district.
Par la suite, des volontaires se manifestent pour donner les soins à l'hôpital.

Pour rémunérer les femmes qui ne peuvent vivre sans salaire, les administrateurs déposent une requête, le 16 mai 1794, auprès du comité révolutionnaire d'Angers. Ils proposent que les malades interviennent financièrement selon leur possibilité. Le comité va donner son accord.

Le couvent est déserté. Pas tout à fait. La sœur Marguerite, tourière, n'ayant pas été appelée lors de l'expulsion, reste au cloître - plan ci-dessous -.

A côté, dans les dépendances, le citoyen Pananceau, salpêtrier, que l'on a vu tenter d'acheter en 1779, une partie des remparts, installe un atelier de lessivage. Il va fonctionner pendant deux ans, avant que la municipalité ne retire la concession car Pananceau n'a encore acquitté aucun loyer.

Voici donc l'hôpital complètement laïcisé. La chapelle qui dépend de l'hôpital est utilisée pour l'hébergement des malades.

La médecine ancienne

Au Moyen-âge, la santé est d'abord basée sur l'équilibre des quatre humeurs : le sang, le flegme, la bile et la mélancolie qui se trouvent à la croisée des quatre éléments : l'air, la terre, l'eau et le feu, associés eux-mêmes aux qualités : chaud, froid, humide et sec.
La maladie naît du déséquilibre des humeurs et grand principe : chacun est responsable de sa santé[LAT ].
Il faut suivre un régime personnalisé. La nature a prévu de mettre à disposition des bonnes herbes dont la connaissance est primordiale. C'est la science des apothicaires.
Les couleurs jouent un rôle prépondérants : la jaunisse, la rougeole, le mal blanc autrement dit la lèpre. On soigne avec des plantes de même couleur, mais la tumeur noire est mortelle.
Les organes malades sont traités avec des semblables : la surdité avec de l'oreille de lion, la grande consoude consolide les os cassés …

La médecine n'est pas, pour l'essentiel pratiquée dans les hôtels-Dieu, mais à domicile. D'ailleurs, la majorité de la population pratique l'auto-médication.
Les hôtels-Dieu ou hospices sont créés le plus souvent par des religieux pour accueillir les pauvres malades, les voyageurs fatigués, les orphelins et les infirmes.
Les maladreries sont installées à l'écart des centre-villes, pour soigner les lépreux ou ladres. Ces derniers vivent en communauté et doivent obéir à des règles strictes. La maladrerie est quelques fois une simple cabane en bois située au bord d'une route. Les lépreux vivent de mendicité.

Dans les hospices, les soins sont placés sous protection divine, d'où l'appellation de maison-Dieu ou hôtel-Dieu.
Et plus, les saints du paradis sont spécialisés chacun pour une affection. Chaque lit d'hôpital est placé sous la protection d'un saint.

Les médecins finiront par s'inquiéter de cette concurrence.
Ils travaillent avec les yeux et le nez. Ils mirent les urines et apprécient la gravité d'une maladie par son odeur.
Ils sont formés en faculté et entretiennent le mystère sur leur savoir, souvent mis en doute par leurs contemporains. Ils dictent leurs prescriptions en latin. Les médecins délivrent des certificats médicaux, par exemple pour les soldats qui ne peuvent rejoindre leur régiment. Ils procèdent à des expertises et autopsies.
Les femmes qui n'ont pas accès à la faculté ne peuvent exercer la médecine.

Les chirurgiens travaillent avec les mains. Ils sont, pour la plupart, des barbiers, arracheurs de dents, voire forgerons, souvent nomades. Ils sont reconnus par un jury. Ce sont eux qui pratiquent la saignée, opération la plus courante.

Les apothicaires doivent savoir lire et écrire correctement. Il leur faut déchiffrer les ordonnances et étiquettes des médicaments.
Ils se chargent de mettre en oeuvre le clystère.

Pour l'ordonnance ci-contre, la traduction suivante nous est proposée par soeur Bertille Baulieu:

Prenez :
catholicon
diaprunum laxatif  ? onces de chacun en parties égales
miel de mercurial  2 onces
dissouts dans  une livre de décoction de clystère commun
Que le clystère soit fait

Pour l'hôpital 

pour la Fluvie

malade à l'hôpital

le 22 janvier 1645 

Nota :
Le catholicon est un électuaire de séné et de rhubarbe que l’on croyait propre à toute maladie; il est reconnu comme remède universel (sens du mot latin catholicum), une panacée. Pas de rhubarbe pour le clystère.
Le diaprunum est un électuaire à base de pruneaux.
L'électuaire est un médicament fait de poudres composées  et aussi de pulpes et d'extraits, avec des sirops à base de sucre ou de miel.
Le mercurial est une plante herbacée aux propriétés laxatives. Le mélange de jus de mercurial et de miel blanc servait pour les lavements, entre autres  pour les enfants qui avaient des vers.

Les pots à pharmacie doivent porter le nom des remèdes et aussi le mois et l'année de leur fabrication.
L'apothicaire de l'hôpital range en bas des étagères les silènes qui sont des boites de châtaignier, sorte de boisseaux, contenant les matières premières.
Plus haut, sont les médicaments préparés. Les chevrettes en argile, étain, faïence de Nevers ou porcelaine de Sèvres contiennent les sirops, miels et huiles. Les pots à canon sont destinés aux onguents, opiats (20) … Les bouteilles et cruches en verre ou terre contiennent les eaux distillées.
Il y a enfin les piluliers.

A la Renaissance, l'augmentation de la pauvreté conduit les autorités religieuses à donner priorité, pour l'hébergement en hospices, aux indigents et infirmes au détriment des soins aux malades.
L'hygiène se développe. La balnéothérapie connait, paraît-il, une grande vogue.

A l'aube de la Révolution, la médecine et les médecins ont mauvaise réputation. Les hôpitaux aussi d'ailleurs. Ils sont accusés d'entretenir l'indigence, plus que de soigner.
Dans un rapport de 1791 adressé par la Faculté d'Angers à un comité de Salubrité de l'Assemblée constituante, on lit : « La pratique de la médecine à Angers est , comme ailleurs, tombée, au mépris des lois les plus sages, dans la plus vile déprédation. Son exercice est usurpé, tronqué tous les jours par toutes sortes de personnes plus ou moins inhabiles et impropres à ce précieux office. Les chirurgiens, les pharmaciens, les sages-femmes, les femmelettes des maisons de charité de paroisse sont les acteurs et actrices qui perpétuent cet abus destructeur » [ANJ ].
Les Révolutionnaires vont d'abord s'attacher à repenser la formation des médecins, fermant les Facultés [PEC] et renvoyant les aides aux hôpitaux à des fonds de secours bien vite épuisés.

L'expansion de l'hôtel-Dieu 

Grande émotion dans la soirée du 14 avril 1795. Les sœurs de Saint-Joseph arrêtées exactement un an plus tôt et déportées sont de retour à Beaufort. Malheureusement deux d'entre-elles sont décédées
pendant ce temps.

Les religieuses pensent pouvoir réintégrer l'Hôtel-Dieu de suite. L'entrée de l'hôpital comme celle du couvent leur sont aussitôt interdites par l'autorité municipale. C'est qu'entre-temps les hôpitaux ont été nationalisés.
L'effectif des soignantes de l'hôpital s'est peu à peu consolidé avec des citoyennes de la ville et des environs.

Les réactions de la population, à un retour des religieuses, sont à craindre. Il vaut mieux demander à la Société populaire de statuer.
A plusieurs reprises, pendant la détention des religieuses, des pétitions avaient été adressées à cette société pour solliciter leurs réintégration. A chaque fois, le citoyen Lécluse était monté à la tribune pour faire rejeter la question.

La dernière intervention en date avait été présentée le 28 février 1795 sous la présidence du citoyen Béritaut l'aîné. Quelques jours plus tôt, les religieuses acquittées venaient de sortir de leur prison de Lorient.
Lécluse monta à la tribune pour se défendre de l'accusation présentée précédemment, affirmant que les sociétaires n'avaient aucun souci des pauvres malades.
Il se sentait accusé personnellement de s'opposer au retour des religieuses. Il fut obligé d'avouer que l'hôpital était dans un véritable état de dénuement par manque de fonds. Le citoyen Chaussée, médecin de l'hôpital, en avait informé le représentant du peuple lors d'une visite de celui-ci. Il n'y avait eu aucune suite.

Lécluse croit alors gagner du temps en proposant d'adresser à Angers une pétition des membres de la société pour réclamer des fonds.
C'est alors que le citoyen Lorier (21), saisissant l'opportunité, propose de faire signer cette pétition par tous les habitants de la ville et de nommer un commissaire pour la présenter. Cette proposition est acceptée à l'unanimité.

Leur situation ne se précisant pas, les religieuses sont obligées de se disperser. La plupart sont accueillies dans des familles beaufortaises. D'autres rejoignent d'autres maisons de la congrégation.
L'administrateur de l'Hôtel-Dieu, le citoyen Pelé, qui avait toujours reconnu la qualité des soins donnés par les religieuses et leur entière disponibilité, s'adresse sans tarder au district de Baugé pour faire réintégrer les religieuses. Le district qui devait d'ailleurs bientôt être supprimé, ne répond pas.

A la fin du mois d'août 1795, les clubs révolutionnaires sont dispersés, donc la Société populaire.
Les discussions continuent entre le conseil municipal et le nouveau directoire du département, pour le retour des religieuses à l'Hôtel-Dieu. Leur départ a privé l'humanité souffrante des secours que l'expérience, le zèle et les vertus compatissantes procuraient à l'infirmité.
Le régime intérieur de la maison a singulièrement souffert de cette absence. Les dépenses se sont multipliées, alors que le nombre de malades diminuait. La pharmacie est restée sans direction.
Tout s'y fait au hasard. Les infirmières de remplacement, sans expérience, sans vocation pour cet emploi répugnant et mal payées, menacent de démissionner.

Jusqu'en avril 1797, le directoire d'Angers ne bouge pas et sur une dernière sollicitation de la municipalité, il répond le 22 avril qu'il ne faut plus l'importuner avec ce sujet. Ce que fit justement la commission administrative de l'hôtel-Dieu de Beaufort.

Avec la loi du 7 octobre 1796, l'Etat s'est déchargé de la gestion des hôpitaux. Il rend ce qui reste de leur patrimoine et charge l'administration municipale de l'arrondissement de leur surveillance immédiate.
Cette administration nomme une commission administrative composée de cinq citoyens résidant dans le canton qui élisent entre eux un président et choisissent un secrétaire. La commission élit un receveur qui rend compte tous les trois mois.
Quelques années plus tard, une circulaire désignera comme président-né le maire de la commune où est implanté l'hôpital.

A Beaufort, puisque l'hôpital avait l'autorisation de recruter huit hospitalières rémunérées, la commission choisit de nommer des citoyennes vivant dans la commune, en l'occurrence les huit ex-religieuses encore disponibles.
La commission propose dans un concordat de fixer le salaire annuel de chaque hospitalière à 100 livres, en numéraire. L'hôpital recevrait, par ailleurs, 240 boisseaux de froment, 60 de seigle, à la charge de nourrir la cuisinière et le jardinier ; 6 busses de vin du pays de bonne qualité, 10 cordes de gros bois et 600 fagots à deux liens, aux conditions de cuire le pain et de chauffer la lessive des malades ; 1200 livres de viande de boucherie ; enfin 390 livres en numéraire pou achat de beurre, sel, œufs, charbon, huile à manger et à brûler, chandelle, savon, poisson, légumes secs, poivre, sucre, épicerie et toutes autres sortes de provisions : au total 1190 livres par an.
Cette proposition est acceptée le 18 septembre par 1797 par l'administration centrale.

Rien ne s'oppose plus, en principe, au retour des hospitalières à l'hôtel-Dieu.
Sauf que l'on exige d'elles un nouveau serment pour devenir fonctionnaire de la nation. Nouvelle réticence des sœurs. Il faut encore patienter.

Enfin, après la nomination de Bonaparte comme premier consul, la politique à l'égard des communautés religieuses s'assouplit et le 14 mai 1800, la municipalité de Beaufort réintègre officiellement les ex-sœurs hospitalières.
Elles sont installées le 21 mai. Jeanne Ciret est nommée directrice et économe.
Il faut maintenant réorganiser le service, procéder aux réparations les plus urgentes, rouvrir la chapelle saccagée et transformée en dortoir pour les malades.

Le concordat signé en 1801 entre le Pape et la France, rétablit les fondations religieuses. Le 28 juin 1802, les sœurs hospitalières reprennent les habits de leur ordre.
Napoléon devenu empereur oblige les congrégations à présenter leurs statuts au Conseil d'Etat.
Les statuts approuvés le 28 décembre 1809 disposent en particulier :
« art 1: L'hôpital de la ville de Beaufort est gouverné par une congrégation de filles connues sous le nom de Filles de St-Joseph …
art 2 : Le but de leur institution est de soigner les malades dans les hôpitaux …
art 5 : La supérieure est nommée à la majorité des suffrages par les sœurs hospitalières … la nomination d'assistante, d'instructrice, des novices et de dépositaire se fait dans la même forme.
art 6 : les autres emplois sont nommés par la supérieure ... »

L'accueil des orphelins n'est plus dans la mission.
Avec le décret du 27 avril 1805, l'idée de faire calculer le prix de journée dans les établissements de bienfaisance est avancée. La méthode n'est pas indiquée et ne le sera qu'à la fin du siècle. Néanmoins les receveurs et administrateurs des établissements doivent rendre des comptes.

En 1807, la commission administrative décide l'agrandissement de l'hospice des malades. Le projet prévoit de porter à 40 lits la capacité d'accueil.
Un premier plan est dressé par l'entrepreneur René Riobé. Les salles existantes sont agrandies sur trois croisées vers l'ouest. Le bâtiment est allongé de 16 mètres, avec étage. A la suite des salles, des corridors donnent accès à une chambre des bains. S'y ajoute, un nouveau mur de clôture.
Le montant du devis est de 22 727, 09 francs.

Ce projet trop sommaire ne reçoit pas l'accord du Conseil des bâtiments civils.
Une nouvelle étude plus complète est confiée à l'architecte Corcelle de Bordeaux. Il détaille bien les contraintes d'environnement. Les salles sont prolongées de 18 mètres environ. Le bâtiment est prolongé au-delà, avec caves, un rez de chaussée comprenant salle de bains, salle de pansements ; deux chambres à deux lits pour des malades payants, latrines, un étage avec salle d'assemblée et son antichambre, une pharmacie, un entrepôt de lingerie ; un grenier pour une grande lingerie.
L'adjudication du 15 mars 1811 porte sur un montant de travaux de 24 500 francs.
Quelques modifications portant sur les maçonneries sont apportées par l'architecte Louis François (22), chargé du suivi des travaux . La réception des travaux est prononcée le 5 avril 1813.
La pharmacie est finalement implantée au rez-de-chaussée, face à une salle de chirurgie.

Vers la fin de la monarchie de juillet, des tensions réapparaissent dans les questions religieuses.
Le 29 mai 1846, la question est posée en conseil municipal pour savoir qui est aujourd'hui propriétaire des bâtiments de la communauté. Peut-on encore les considérer comme bien national ?
Une commission est nommée pour y réfléchir. Dans sa conclusion, le rapporteur Béritault, juge de paix, avança que le décret du 26 décembre 1810 érigeant la communauté en institution publique est un titre de possession des dames religieuses.
S'il fallait le considérer autrement, leur présence tranquille dans les lieux pendant longtemps et les actes de propriété, notamment de constructions qu'elles y ont accompli, sont un bon argument pour leur rendre leurs biens non vendus, comme cela a été fait pour les émigrés. Le débat est clos.

Pour mieux délimiter leur propriété, du côté Est, les religieuses commandent, en 1828, à Jacques Riobé, entrepreneur de bâtiments, la construction du mur en pierre de Brion ou Mazé, en bordure de rue et de l'ancienne douve. Le mur aura environ trois mètres de hauteur et vingt pouces d'épaisseur.

En 1848, un autre projet d'extension de l'hôpital est confié à l'architecte Bibard (23). Il porte sur un bâtiment construit sur deux niveaux, en équerre par rapport au précédent. Destiné à recevoir tous les services, il permet de dégager le vieux bâtiment pour l'accueil de nouveaux lits - image ci-dessous -.

La capacité d'accueil des deux grandes salles, une de chaque côté du corridor d'accès au nouveau bâtiment, est porté à 56 lits.
Dans l'extension, le rez-de-chaussée regroupe les salles de bains, la salle d'opération, « l'ensevelissoir » et des locaux de dépôt. A l'étage se trouvent la pharmacie et le laboratoire, une grande lingerie et une grande chambre.
Un pavillon d'accueil, non prévu au projet initial, est construit face au grand portail d'entrée de la rue de l'hôpital.
La réception des travaux est prononcée le 10 juillet 1850. Le montant des travaux réalisé est de 31 546, 93 francs.

Cette extension se révèle particulièrement opportune en juin 1856. Dans la nuit du 3 au 4, la Loire rompt les digues et inonde toute la vallée. La communauté, autorisée à la levée de la clôture (24), accueille 32 personnes. Les bestiaux sont abrités dans les hangars et tout le fourrage qui a pu être sauvé est entassé dans le jardin.

L'hôpital et la communauté vont bientôt avoir à faire face à des évènements encore plus graves.

Au temps des grandes guerres 

Au début du mois d'août 1870, les troupes françaises de l'armée du Rhin s'engagent à la frontière allemande. Le 4, c'est le premier revers.
Sollicités par le ministre de la guerre, le maire de Beaufort et l'administration des hospices mettent cinquante lits à disposition des blessés ou malades de l'armée du Rhin.
Le ministre envoie une lettre de remerciement le 15 août.

Une ambiguïté subsiste. Un mois plus tard, le maire écrit au sous-préfet pour lui faire part d'une demande de la commission des hospices. Celle-ci souhaite que les lits soient affectés à des blessés et refuse les malades ordinaires provenant des hôpitaux militaires.
Le sous-préfet s'étonne de cette position qu'il n'a point eu à connaître ailleurs dans l'arrondissement.
La commission persiste dans sa position et le maire en informe le sous-préfet par lettre du 18 septembre.

Nous sommes alors au début du siège de Paris. Trois semaines après, Gambetta arrive à Tours pour lever une nouvelle armée.
En décembre, un premier convoi de blessés arrive à l'hôpital qui est aussitôt transformé en ambulance. Les malades présents sont transférés dans des pièces de service, pendant que les militaires blessés occupent les deux grandes salles et le corridor Ste-Anne (25) - plan ci-dessous -.


Les habitants de la ville fournissent des lits. Des militaires restent à l'hôpital jusqu'au 18 février 1871.
Les hospitalières auraient pu souffler un peu si une terrible épidémie de variole n'était venue encombrer l'hôpital de moribonds.

Quatre ans plus tard, les sœurs de St-Joseph ont à craindre de devoir quitter Beaufort. Leur nouvel évêque, Mgr Freppel, a connaissance que le Dr Grimoux, maire de Beaufort et médecin de l'hôpital, a pris la tête d'un cortège pour un enterrement civil, premier du genre.
Il s'en irrite trop spontanément et menace de retirer les sœurs de l'hôpital si le docteur continue ses visites à l'hôpital.
Le docteur n'a pas l'intention de céder à l'injonction. La mère supérieure fait une démarche auprès de lui, lui confirmant qu'elle ne peut s'opposer à sa hiérarchie.
Pour apaiser les esprits, le docteur Grimoux accepte, à contre cœur, d'arrêter ses visites à l'hôpital. En échange, il est bientôt nommé administrateur.

En 1880, il demande, à ce titre, l'établissement d'un plancher pour l'assainissement des salles et la construction de nouveaux lieux d'aisances. L'architecte Beignet (26) réalise ce projet.
L'évêque s'étant, entre-temps, apaisé, le docteur Grimoux demande sa réintégration comme médecin de l'hôpital, ce qui lui est accepté. Il démissionne alors de son poste d'administrateur.

La situation financière de l'hôpital devenant préoccupante, les administrateurs décident de supprimer dix lits et de faire payer 1,5 franc la journée, les malades hors commune, à moins que leur mairie ne prenne en charge leur séjour.
Jusqu'alors seize communes envoyaient leurs malades à Beaufort.
Deux communes, parmi les plus importantes, conteste cette décision et intentent un procès. Elles sont déboutées.

Avec l'avènement au pouvoir du cartel des gauches en 1902, la tension vis à vis des institutions religieuses augmente sérieusement.
Le docteur Chevalier (27), maire et républicain militant, rêve de laïciser l'appareil de santé de la ville.
Il ne trouve pas, dans la gestion de l'hôpital, de raisons majeures de bousculer les choses.
Un inspecteur des hôpitaux vient à l'hôtel-Dieu, 26 août 1902. Il visite les installations, accompagné de l'ordonnateur et de l'économe. Il se montre satisfait de la tenue de l'établissement, comme d'ailleurs de tous ceux tenus par les sœurs de Saint-Joseph, Laval et Beaufort, en tête.

Au motif de réaliser des économies de gestion, le docteur Chevalier tente de réunir sous une même direction, les deux hospices, celui de l'hôpital et celui des incurables géré par la communauté des sœurs de Saint-Martin la Forêt.
Il laisserait à charge des religieuses de Saint-Joseph l'établissement d'un tunnel sous la rue qui les sépare. Malice ? Comme les sœurs de Saint-Joseph sont cloîtrées, elles ne peuvent traverser la rue.
Cette dépense n'est évidemment pas supportable par la communauté et de chaque côté on s'engage à faire des économies. Pour leur part, les sœurs de Saint-Joseph acceptent de supprimer deux des huit hospitalières, dont le traitement est alors de 500 francs annuel. La commission accepte cette proposition, le 2 février 1903, et chaque congrégation reste en son domaine. Seuls les dispensaires sont réunis.

L'application de la loi de séparation de l'Église et de l'État du 9 décembre 1905 ne provoque pas de troubles particuliers à l'hôpital, même si les religieuses regrettent de ne plus pouvoir, à partir de 1909, prier dans les salles des malades.

Il faut bien vite penser à autre chose. Dans la nuit du 31 août au 1er septembre 1914, les premiers blessés de guerre arrivent d'Alsace, dans un état lamentable.
Une ambulance municipale est créée à Beaufort en octobre, dans des locaux proches de l'hôpital, pour les moins atteints soignés par des femmes bénévoles.
A l'hôpital, on reprend l'organisation de 1870. Les hospitalières se multiplient mais, très vite des restrictions de nourriture s'imposent Il n'y a plus de café noir pendant la veille de nuit. De jour, le pain est rationné et la boisson remplace le vin.

Pendant les années 1914 et 1915, il séjourne jusqu'à 123 soldats à la fois et 744 reçoivent les soins des religieuses.
L'hiver 1916 est des plus rigoureux. Les malades civils qui demandent à rentrer à l'hôpital sont refoulés par les autorités militaires. Il faut garder des lits disponibles.
Enfin en juillet 1917, les militaires libèrent l'hôpital et le 13 août 1917, la fermeture de l'ambulance municipale est prononcée. Les malades pourraient redescendre dans les salles, si le 19 août n'arrivait un convoi de vieillards évacués de la région d'Armentières. Sept autres convois suivent.

Après la guerre, le pauvre hôpital se retrouve dans un état pitoyable. Les murs sont délabrés et le manque de propreté et d'hygiène n'est plus tolérable.
La fréquentation de l'hôpital a augmenté. Du 1er janvier 1801 au 31 décembre 1920, l'hôpital a accueilli 51 867 nouveaux malades, soit 432 par an. Les hospitalières ont dispensé 1 466 432 journées-malades.

Pour se mettre à niveau, en première urgence, le service d'eau est installé à l'hôpital. Depuis une dizaine d'années, il ne pouvait plus y avoir de bains.
L'architecte Mornet d'Angers est chargé par les administrateurs d'élaborer un projet de rénovation.
Les travaux commencent le 16 août 1930, pour se terminer en fin d'année.
Les boiseries qui séparent les salles sur une demi-hauteur sont surmontées de vitrages jusqu'au plafond. Quatre boxes vitrés sont aménagés dans chaque salle pour y placer les contagieux.
Le chauffage central est installé dans les salles, la pharmacie, lingerie, chambre de réserve, chambre des paquets, chambres de bains des pensionnaires, corridors, chambre du Sacré-Cœur, chapelle, sacristies, bureau de la sœur économe, cabinets …
Les murs des salles, chambres et corridors sont peints de trois couches de peinture vert clair.
Les cabinets sont reliés à un réseaux d'assainissement qui va jusqu'au ruisseau.

Les religieuses qui attendaient ces rénovations depuis plusieurs années sont ravies.
Elles ont l'idée de se donner des ressources en créant une pension de famille. En effet, elles sont devenues moins valides pour tirer bénéfice de leur jardin potager.
L'occasion leur en est donnée quand elles sont contactées par un notaire dont la cliente souhaite faire un don à la communauté, sous la condition qu'elle puisse y être accueillie pour ses vieux jours.
Les travaux commencent le 1er décembre 1930 dans l'ancien pensionnat de jeunes filles. Ils sont financés par plusieurs dons.
En fin d'année 1931, il y a sept pensionnaires. Le 9 décembre, une statue de Saint-Joseph, père et protecteur de la pension, est placée au-dessus de la porte d'entrée, rue de l'hôpital.

Quelques années plus tard un nouveau conflit mondial se déclare. De nouveau l'hôpital et ses religieuses se consacrent aux militaires blessés.
Le 1er septembre 1939, le signal de la mobilisation est donné et immédiatement, il faut congédier une bonne partie des malades pour préparer 70 lits pour des patients de l'hôpital d'Angers qui doivent laisser la place à un hôpital de Paris.
Un premier convoi de 77 malades arrive le lendemain. Ils sont partagés entre l'hôpital, l'hospice des incurables et l'école libre.
Quinze jours après, l'école est débarrassée pour mettre des réfugiés et 31 malades sont transférés à l'hôpital. C'est un labeur écrasant partagé par les religieuses et les infirmières bénévoles.
Le 24 juillet 1944, il faut encore accueillir 53 hommes réfugiés venant de l'hospice Sainte-Marie d'Angers.

Mais le 11 août, quelques voitures de soldats américains passent rue de l'hôpital. Aussitôt les hospitalières sortent les drapeaux et les hissent au-dessus de la communauté et l'hôpital, avec les inscriptions « Bienvenue aux alliés, Hôtel-Dieu Beaufort - Montréal » (28).

Après la libération, la France doit se reconstruire et moderniser ses institutions.
La création de la Sécurité sociale en 1945 va modifier profondément la gestion de la santé.

Vers un hôpital moderne

Depuis le début des années 1940, l'accueil dans les hôpitaux s'élargit en raison de l'amélioration des techniques médicales, de l'apparition des assurances sociales et l'accroissement du nombre de malades solvables. C'en est fini de la Maison-Dieu ou de l'hôpital-hospice réservé aux indigents.
Tenant compte de la professionnalisation des huit sœurs hospitalières, la commission administrative de l'hôpital augmente leur salaire qui passe de 600 à 1000 francs mensuels, au 1er janvier 1944.

De nouveaux besoins apparaissent. Depuis quelques temps, les hospitalières sont sollicitées pour recevoir les futures mamans.
Le 1er novembre 1943, le docteur Colonna d'Istria accouche sa femme à l'hôpital. Les sœurs ont aménagé pour cela une chambre dans la pension Saint-Joseph.
D'autres suivent. Les médecins et sages-femmes réclament des locaux adaptés.

La commission administrative confie à l'architecte André Mornet l'étude de création de six lits à l'étage du bâtiment longeant la rue de l'Hôpital.
Le ministère rejette le projet présenté en octobre 1945, en raison de son manque d'intérêt.
Il est conseillé au président de la commission de viser un projet de maternité de quinze lits à vocation intercommunale, avec salle de chirurgie et centre de protection maternelle et infantile.
La commission propose des modifications légères en renommant son projet en maison d'accouchement. Sans succès, ce projet est abandonné en 1949.
En attendant mieux, trois chambres sont réservées dans l'aile sud construite en 1848.

En août 1958, une maternité de douze lits est enfin installée avec accès direct à partir de la rue de Lorraine.
Le 7 janvier 1963, une sage-femme est embauchée pour suppléer aux religieuses.
En 1969, il y aura 269 naissances dans cet établissement.

En 1958, plusieurs ordonnances réforment l'organisation hospitalière.
L'hôpital de Beaufort devient hôpital rural dans la nouvelle classification.
Les grandes salles des malades ont grand besoin de modernisation. Un permis de construire est déposé le 6 septembre 1958 pour une première tranche de travaux. Le dossier a été confié aux architectes Mornet et Samain.
Dans la grande salle des hommes, dix boxes à 1,2 ou 4 lits et 4 cabinets de toilette sont créés, pour 23 lits au total.
Le bâtiment ne reçoit que des modifications intérieures, sauf l'ouverture de baies d'éclairement nouvelles.
Les travaux qui comprennent l'installation d'un foyer-réfectoire sont évalués à 18 millions de francs maximum. Ils sont financés pour partie sur fonds propres par la vente de deux fermes.

Il semble -nous n'avons pas trouvé les dossiers correspondants- que des travaux identiques ont été réalisés dès 1960, pour la grande salle des femmes.
Puis en 1961, c'est l'aménagement de chambres au-dessus des cuisines et de chambres de maison de retraite, à l'étage de l'aile nord, au-dessus des bureaux d'administration.

Peu après, la commission administrative fait part au conseil municipal de son projet de créer un Institut médico-professionnel pour mineurs débiles mentaux moyens de sexe masculin. La commission déclare disposer de l'emplacement nécessaire pour un établissement de 60 lits minimum.
Le conseil municipal donne un avis favorable le 1er avril 1963.

L'effectif des religieuses de St-Joseph diminue d'année en année. Elles doivent bientôt se résoudre à abandonner le couvent de Beaufort et les soins à l'hôpital.
Un accord est trouvé avec les sœurs de Sainte-Marie la Forêt, encore présentes aux Incurables, de l'autre côté de la rue.
La supérieure de Sainte-Marie-la-Forêt assure alors le maire de la présence de huit religieuses globalement sur les deux établissements.
Les religieuses de Saint-Joseph, après près de trois siècles de présence, quittent donc Beaufort.

Dès le mois de mai, elles reçoivent des visiteurs dans leur couvent. Certains viennent pour acheter des meubles et autres objets qui ne serviront plus.
En août, elles déménagent et tous les jours des acheteurs se présentent pour la moindre chose. Les sœurs en sont attristées mais trouvent cela « beau puisque c'est le détachement ».
A l'issue d'une touchante cérémonie d'adieux organisée le 27 septembre 1963, le maire les remercie longuement de leur travail et de leur dévouement. Il termine « il me semble que quelque chose se brise dans notre hôpital et que toujours il y manquera le sourire et la bonne parole de nos sœurs ».
En cadeau, les religieuses et la mère Dubois, leur supérieure, emportent de Beaufort un souvenir durable : un très joli missel, un crucifix et autres objets religieux.

Les religieuses de Saint-Joseph laissent derrière elles les sépultures de toutes leurs sœurs décédées à Beaufort. La dernière est sœur Marie Cailleau décédée le 15 septembre 1961.
Les sépultures sont regroupées dans une cave située au-dessous du chœur et accessible à partir de la cour verte - image ci-contre. Les registres des sépultures depuis le 21 mai 1800 ont été conservés.
Des fosses sont parfois envahies par l'eau. Quand le maçon veut y placer le cercueil de la sœur Marie La Ferre, le 7 mars 1961, il constate qu'il y a 40 centimètres d'eau. Il est obligé de pomper cette eau. Trois dalles de béton ont été ensuite posées au-dessus du cercueil préalablement étanché.

Quand les bâtiments de la communauté sont libérés, la commission administrative décide de les acquérir pour y installer le centre médico-pédagogique. Le prix de vente est annoncé à 400 000 francs.
Pour le financement, l'hôpital vendra des propriétés, en particulier 47 hectares de communs sur les communes de La Ménitré, Mazé, Saint-Mathurin et Les Rosiers.
Le conseil municipal donne son accord. Le 6 mars 1964 et le 30 juin suivant, puis le 7 octobre 1966, il garantit les emprunts, à hauteur totale de 478 056 francs pour financer les travaux d'aménagement.
Le permis de construire, dont le dossier est préparé par l'architecte Mornet, pour la création de l'Institut médico-professionnel -IMPro- dans les anciens bâtiments de la communauté, est accordé le 22 décembre 1966.

La chapelle, les sacristies, le réfectoire et le chœur des religieuses restent au dehors de l'occupation de l'IMPro. Compte tenu de leur grand intérêt patrimonial, la sauvegarde de ces locaux et des meubles qu'ils contiennent est préservée par une classement à l'inventaire des monuments historiques, le 16 octobre 1969.
Nous devons aux élèves de l'IMPro d'avoir réalisé en 1977 des travaux de restauration au réfectoire de la communauté. Dûment encadrés, ils ont remplacé quatre mètres carrés de panneaux et vingt mètres de moulures. Ils ont repeint murs et plafonds.

L'ancien couvent des religieuses de Saint-Joseph acquiert ainsi une certaine notoriété. Un réalisateur de cinéma, Bertrand Tavernier choisit l'endroit pour y tourner en 1974 une scène du film « Que la fête commence ». On y voit l'abbé Dubois, premier ministre du Régent Philippe d'Orléans, apprendre à dire la messe - photo ci-dessous.

Par la loi du 31 décembre 1970, le système hospitalier est de nouveau profondément modifié.
L'hôpital public est maintenu reconnu comme « pivot » du système sanitaire français [BON].
La commission administrative est remplacée par un conseil d'administration dont les compétences sont partagées avec un directeur devenu le véritable gestionnaire de l'hôpital.
Le conseil d'administration est composé de neuf membres. Le président est le maire de Beaufort.

Et l'on parle maintenant d'humanisation. Le 16 mai 1977, le directeur de l'hôpital dépose un dossier de permis de construire, préparé par l'architecte Mornet, pour réaliser des aménagements.
Le projet prévoit, pour la partie médecine, de supprimer les boxes des grandes salles, construire un plancher intermédiaire et créer, avec tout le confort, sur deux niveaux, dix-neuf chambres pour 38 lits. S'y ajoute une chambre d'isolement.
En plus, dix chambres individuelles sont aménagées à l'étage de l'aile Est, au-dessus des cuisines.
Le certificats de conformité des travaux est accordé le 10 mars 1980.
Ces travaux ont pu être mené à leur terme après la fermeture de la maternité intervenue dans le courant de l'année 1979 (?). En 1977, il n'y eût plus que 53 naissances.

Cette modernisation donne satisfaction pour quelques années, mais bientôt il faut repenser l'ensemble des services hospitaliers et compenser le départ des dernières religieuses de Sainte-Marie-la-Forêt intervenu en août 1979.

Un nouvel ensemble immobilier

Les années 1990 voient les installations de l'hôpital quitter les bâtiments de l'ancien hôtel-Dieu, pour des bâtiments neufs construits de l'autre côté de la rue de l'hôpital.
Avec la réforme hospitalière du 31 juillet 1991, les hôpitaux ruraux deviennent des hôpitaux locaux, établissements publics de santé, à la croisée du sanitaire et du médico-social.

En 1996, l'IMPro quitte l'ancien couvent des religieuses de Saint-Joseph.
L'ensemble des bâtiments situés au sud de la rue de l'hôpital reçoit de nouvelles affectations.
Les locaux et terrains de l'ancien hôpital sont, en partie, remis par bail emphytéotique à l'office départemental HLM pour y créer des logements sociaux.
Divers services sociaux sont installés dans les autres bâtiments disponibles.

Après ce démembrement-remembrement, il reste quelques locaux réservés par la municipalité. La mémoire de l'Hôtel-Dieu et du couvent y est conservée aujourd'hui.
Il a d'abord le noyau constitué de la chapelle, des sacristies, du chœur et du réfectoire des religieuses. Le classement au titre des monuments historiques les préserve de toutes décisions non concertées, mais pas nécessairement de l'oubli.
Il y a aussi, accolé à ce noyau, par dessous, les sépultures des religieuses, au moins quatre-vingt huit dont les emplacements sont enregistrés, depuis sœur Françoise-Aglaé Hilaire en 1842, jusqu'à sœur Marie Cailleau en 1961.

Enfin, la pharmacie est conservée à son emplacement, avec son mobilier, bon nombre de pots et ustensiles. La table et les instruments de chirurgie ainsi que plusieurs autres objets de valeur y ont trouvé asile, sous haute protection.

Puisse le présent récit donner l'envie de s'immerger dans ces lieux chargés d'histoire et de symboles. La municipalité réfléchit à un projet qui donnerait cette possibilité, à l'instar de sites similaires (29) ouverts au public.

L'hôtel-Dieu de Beaufort a été fondé le 10 mai 1412. Il y aura bientôt 600 ans.
Il reste un peu de temps, mais tout juste, pour préparer un anniversaire digne d'une des plus anciennes fondations locales.


Notes



(1) Pierre de Lamboulaye, originaire de Bretagne, a fait ses études à Paris et Caen. Il a obtenu ses « lettres de doctorande » le 22 mars 1594.
(2) Etienne Lavollé naît le 1er février 1583, fils de Jean, beau-frère de Jeanne Richard.
(3) Ce sont les enfants de Jacques Giroust et Marie Gervais, dont Marthe, Madeleine et Charles.
(4) Jacquine Couscher est fille de Jacques Couscher, receveur général du comté de Beaufort, décédé le 16 septembre 1653.
(5) Un sanistat est un établissement d'hébergement en cas d'épidémie.
(6) Henri Arnauld est évêque d'Angers de 1650 à 1692. Il a toujours prêté un grande attention au fonctionnement des communautés religieuses féminines qu'il visitait régulièrement.
(7) Jérôme le Royer de la Dauversière naît à la Flèche en 1597. Il est conseiller du Roi, receveur des tailles à l'élection de la Flèche, fondateur de Ville-Marie ou Montréal.
(8) L'institut des religieuses de Saint-Joseph est approuvé comme congrégation religieuse le 19 novembre 1643, par l'évêque d'Angers.
(9) Lézine-Scholastique Bérault des Essarts (1633-1702) est alors première professe à Laval.
(10) Anne de Melun, princesse d'Epinoy, est née près de Mons, le 2 mars 1619. Elle essaie de passer incognito, sous le nom de sœur de la Haye.
(11) Marthe Giroust, marquise de Bonnevaux, est fille de Jacques Giroust des Vandellières. En 1636, elle épouse Jean de Bonnevaux, marquis d'Avoir.
(12) Philippe Le Marié seigneur de l'Epinay est conseiller du Roi, gouverneur de la ville et château de Beaufort.
(13) La sébille est un bol en bois servant à collecter les aumônes.
(14) Radegonde Vallet naît le 12 janvier 1633. Elle est fille de Charles Vallet, procureur du Roi et de Radegonde Ciret. Son frère Charles devient seigneur d'Avrillé.
(15) Les courtines sont ici des rideaux de lit.
(16) C'est probablement Anne Le Marié qui épouse le 26 octobre 1656 Urbain de Chambes de Méridor, marquis d'Avoir.
(17) La Société populaire de Beaufort, filiale du club des Jacobins, est créée le 23 novembre 1793. Elle est forte de plus de 150 membres. Les clubs révolutionnaires sont supprimés par la Convention le 23 août 1795.
(18) Ce sont Jeanne Ciret, Marie Monoir, Jeanne de Cherbon, Anne Maré, Madeleine Garreau, Frédérique du Breuil du Bost de Gargilesse, Marie Ropart, Jeanne Duval, Marguerite Régnier, Marie Janvier, Thérèse Blain, Marie Lemaître, Marie Cherbon de Chérigny, Marie Houssin, Françoise Mabille, Anne Lemay, Jeanne Coutillé, Marie Lemay, Jeanne Vallet, Marie Aubreau, Françoise Pasquier et Renée Aubert.
(19) Marie-Julie Cigogne.
(20) L'architecte François est simultanément chargé de la surveillance de travaux comparables aux Incurables.
(21) Auguste Bibard, d'une vieille famille beaufortaise, est auteur d'un projet de théâtre municipal en 1873, non réalisé.
(22) La clôture est l'espace réservé aux religieuses « cloitrées » dans un couvent.
(23) Galerie construite pour relier directement le couvent aux grandes salles des malades.
(24) Auguste Beignet, né à Beaufort, réalise plusieurs chantiers à Beaufort. Il est inspecteur des travaux diocésains entre 1878 et 1882.
(25) Auguste Chevalier est maire de 1896 à 1904. Il fait réaliser le musée qui abrite les collections de Joseph Denais.
(26) Les religieuses ont inscrit Montréal pour rappeler à d'éventuels soldats canadiens que leur congrégation est présente dans leur pays.
(27) En particulier, l'ancien hôtel-Dieu de Baugé, confié également en son temps aux religieuses de Saint-Joseph de la La Flèche. Il ne faut pas y manquer l'apothicairerie.

 


Références

Bibliographie

[ANJ] – Auteur non précisé, La médecine et la chirurgie en Maine-et-Loire en 1791 – L'Anjou historique juillet 1927
[BON] - BONNICI, Bernard, L'hôpital, obligation de soins, contraintes budgétaires -  éd. La documentation française
[DEN]- DENAIS, Joseph, L'hôpital de Beaufort et les religieuses qui le desservent- Editions de l'Ouest 1932
[LAT] – Collectif, La santé au moyen-âge -  éd. La tour Jean Sans Peur 2008
[PEC] – PECKER, André, La médecine à Paris du XIIIe au XXe siècle – Fondation Singer-Polignac Ed. Hervas 1984
[SIB] - SIBENALER, Jean,  Les hospitalières de Beaufort-en-vallée -  Nuances 2003




Entretiens

 

Cette fiche a pu être élaborée grâce aux  informations et documents communiqués par:

- les archives départementales, avec le soutien particulier de Elisabeth Verry, Lydia Dosso, Sandra Varron

- le service départemental de l'inventaire: Thierry Pelloquet et Bruno Rousseau

- les archives des hospitalières de Saint-Joseph de la Flèche : sœurs  Bertille Beaulieu et Jeanne Blanche

- le service culturel de la communauté de communes de Beaufort-en-Anjou : François Parain

- la conservation du musée Joseph Denais : Sophie Weygand

- Maine-et-Loire Habitat : Jacky Mingot


sans oublier mes contacts particuliers habituels à Beaufort, notamment Clément Beaussier, Alain Pasquier et Louis Servins.


Grand merci à tous.



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  Date de mise à jour: 5 décembre 2010              Jean-Marie Schio