Un château-fort à découvrir

                           

Le vieux château-fort de Beaufort-en-Vallée a donné son nom à la ville.

Ses ruines cernent une butte qui domine les flancs de la Vallée.


Leur grand intérêt est reconnu : « les ruines, que bien des villes envieraient et qui, avec les documents et les collections du musée devraient former un centre d’attraction de grande qualité » Henri Enguéhard, architecte des monuments historiques en 1953.


Quelques décennies plus tard, « le château de Beaufort est sans doute un des plus intéressants de l’Anjou, par l’originalité de son type » Jacques Mallet archéologue.


Le château est cité dans les ouvrages qui font autorité en matière de fortifications médiévales : « le château de Beaufort-en-vallée, progressivement transformé à partir de 1346, en partant d'une motte à enceinte, pour accueillir un logis à deux tours, au caractère tout à fait exceptionnel » Jean Mesqui , dans « Châteaux et enceintes de la France médiévale », en 1991.


Mais, que connaissons nous vraiment de ce monument ?

Histoire des châteaux-forts en Anjou


A partir du Xe siècle et la féodalité, les seigneurs petits ou grands veulent protéger leurs résidences. Dans le même temps, ils affichent leur puissance en démontrant leur capacité à se défendre.

Ainsi naissent et se multiplient les châteaux-forts. Jusque là le mot château désignait plutôt  un lieu fortifié à usage militaire ou de protection d'une population [PAN].

Le principe consiste à créer des barrières successives, palissades et douves entourant la demeure seigneuriale établie en hauteur, dans un donjon, en respectant une hiérarchie. La chambre du seigneur est en haut.

Les particularités du terrain sont bien sûr utilisées. Les éminences naturelles sont exploitées mais il est tout aussi courant d'utiliser, en plaine, la terre extraite au creusement de douves pour « emmotter » (1) le château,  primitivement entièrement construit en bois.


Les broderies de ce que l'on appelle la tapisserie de Bayeux réalisée au XIe siècle, nous montrent la construction d'un tel château –image ci-dessous– et l'attaque d'un autre.

Plus près de nous, nous pouvons voir une reconstitution d'un château à motte à la Haie-Joulain, commune de Saint-Sylvain d'Anjou.

Sur le territoire de la commune de Saint-Mathurin sur Loire, le lieu-dit la Motte-Fauveau, au beau milieu de la vallée, a peut-être connu une telle construction.

Suivant les moyens du seigneur et les ressources locales, les constructions en bois sont remplacées par des maçonneries de pierre, au même endroit ou non. Le bois continue néanmoins d'être utilisé, notamment dans les étages supérieurs.

Les invasions successives bretonnes et normandes au pays d'Anjou, les velléités des comtes de Blois, amènent les administrateurs de cette province à organiser la défense, en particulier sur les bords de la Loire.

Les Ingelgériens (2) parsèment le territoire de châteaux forts.

L'un de ceux-ci, Foulques III Nerra (3), devenu comte d'Anjou en 987 à l'âge de dix-sept ans, entend mener un combat à mort contre le comte de Blois.

C'est un grand bâtisseur. Il a la réputation d'avoir, avant son décès en 1040, construit une centaine de châteaux [DEL] de Saint-Florent-le-Vieil à Montrichard et de Mirebeau à Château-Gontier.

Il a fait construire, à Langeais en 994, l'un des premiers donjons, encore en élévation en France.


Foulques Nerra veut éviter les batailles de rase campagne. Ses projets reposent sur une stratégie de défense en profondeur. Les châteaux sont suffisamment rapprochés les uns des autres pour que des renforts soient rapidement disponibles, quelque soit le lieu attaqué [BAC].

Dans chaque château, Foulques Nerra installe un châtelain, homme de confiance choisi parmi ses proches. La construction des châteaux-forts résidences continue ainsi jusqu'à son apogée au XIIIe siècle.


Du règne de Saint-Louis jusqu'à la guerre de Cent ans, la relative pacification intérieure met au second plan les préoccupations de défense guerrière. 

Quelles sont alors les dispositions typiques d'un château-fort ?


La principale est l'enceinte où les défenseurs doivent pouvoir se déplacer rapidement et sortir, si besoin est, pour contre-attaquer. Les tours encadrent des courtines droites aux murs épais. Pour des raisons d'économie, des tours sont parfois remplacées par de simples guettes agrafées en haut des  courtines.


Les murailles doivent résister aux machines de guerre de plus en plus puissantes. Cette enceinte est établie sur un plan polygonal à peu près régulier.

Des créneaux (4) ou mieux des mâchicoulis (5) en pierre couronnent le tout. Les espaces vides du plancher permettent de protéger verticalement les murs par des tirs ou des jets de pierre.

De larges fossés extérieurs doublent cette enceinte. Ils sont secs, ou noyés si la géographie le permet.


La porte d'entrée vers l'intérieur de l'enceinte est le point fragile pour la défense. Elle s'établit au premier niveau d'une tour particulière ou bien, elle est encadrée de deux tours.

Le pont levis sur les fossés est encore de fonctionnement rudimentaire.  Il est protégé verticalement par des  bretèches (6). 


A l'intérieur des murailles, les bâtiments que l'on construit sont adossés aux murs. Les donjons de pierre qui avaient succédé aux tours de bois ont tendance à disparaître des nouvelles constructions.

Il faut placer le logis du seigneur avec la grande salle de réception, une chapelle, les locaux de garde, des écuries, magasins, caves et autres communs. Une cour centrale dégagée permet les déplacements rapides entre locaux et systèmes de défense.

Par la porte, on peut accéder à une basse-cour d'importance variable, disposant elle-même d'un premier système de protection.


Avec la guerre de Cent-Ans (7), les fortifications reprennent raison d'être pour se protéger des chevauchées anglaises mais aussi des bandes de routiers (8) qui dévastent les campagnes.

Les éléments défensifs des châteaux forts sont renforcés et modernisés : porte d'entrée mieux protégée; lignes de tir concentrées en haut des courtines et des tours; modification des archères pour les adapter à l'arbalète...


De 1355 à 1370, l'Anjou est un terrain d'affrontement entre les armées anglaise et française. La Loire est une barrière naturelle qu'il faut défendre en quelques places fortes.

Les imposantes murailles du château d'Angers dissuadent les Anglais. Les combats se reportent sur les Ponts-de-Cé, Saint-Maur et Saumur, entre autres.

Le calme commence à revenir après la bataille du Vieil-Baugé, en 1421, et la défaite, face à Jean des Fontaines, du duc de Clarence (9) arrivé en toute hâte de sa garnison de Beaufort.


Le XVe siècle est une période de transition avant la Renaissance, mais sur le plan politique il est dominé par l'affermissement du pouvoir royal [ROC]. Les châteaux fortifiés sont condamnés, à terme, à disparaître.


Pour le moment, il est question de leur donner un habitat plus confortable, plus décoré, plus ouvert. Des petites pièces intimes, garde-robes et études viennent s'insérer aux côtés des traditionnelles chambres et antichambres. Leurs cheminées, réduites à des chauffe-pieds diffusent mieux la chaleur [CHA].

Selon les termes de Jacques Androuet du Cerceau (10), cette modernisation des distributions intérieures, « les commodités du dedans », précède la recherche de régularisation des façades, « la symétrie par le dehors », inspirée de l'Italie.


Les Anglais boutés hors du royaume, René d'Anjou, le récent duc d'Anjou, par ailleurs roi de Naples, relève les châteaux dévastés par la guerre et les embellit comme il en a vu dans ses campagnes d'Italie. Il commence par agrémenter de jardins son château d'Angers.

Pour ses sorties bucoliques, il construit d'élégants manoirs, comme à Launay, à la Ménitré et au village de Reculée.


Après la mort de René d'Anjou, en 1480, Louis XI réunit le duché à la couronne. Les guerres féodales ne sont plus qu'un douloureux souvenir. L'Anjou retrouve paix et prospérité.

Les grands officiers royaux insufflent un renouveau architectural. Pour leurs résidences, le style Renaissance est à la mode.


Les châteaux forts, s'ils ne sont transformés, sont voués à l'abandon, voire à la destruction pendant les guerres de religion, comme ce fut le cas du château d'Angers, sur décision de Henri III.

Fort heureusement pour ce château, la mise en œuvre de la démolition fut lente et finalement abandonnée.

Le château royal de Beaufort

Il y a très longtemps, la Loire en creusant sa vallée, a laissé émerger quelques îlots marneux, plus ou moins vastes, plus ou moins hauts – voir image ci-dessous– .

L'un d'eux, resté en bordure de la vallée périodiquement envahie par les eaux, fait moins d'un demi kilomètre de diamètre mais il est resté plus haut que d'autres. Son sommet est près de 25 mètres plus haut que les terres de la vallée.
Sur le vieil itinéraire d'Angers à Tours, le site est certainement propice à l'établissement de positions fortifiées.
Nous ne sommes pas vraiment sûr que celtes ou gallo-romains aient utilisé ce promontoire sur la vallée régulièrement inondée, pour y établir un camp militaire.

Pour des premières références textuelles, il faut attendre les dernières années du XIe siècle [GOD].

Un différend entre les moines de l'abbaye de Saint-Maur et le prévôt local est porté devant la cour de Beaufort, « in curia Bellifortis ».

Mieux daté : les moines de Saint-Maur se plaignent auprès de Foulques le Jeune (11) venu visiter l'abbaye vers 1120, des mauvaises habitudes du prévôt du château de Beaufort quand il venait festoyer au couvent, à l'occasion de la fête de Saint-Maur.


Alors, ce château existant en 1120, par qui a t-il été construit ?

A tout seigneur, tout honneur, les guides touristiques l'attribuent généralement à Foulques Nerra. Ce n'est pas exclu mais, aucune référence sérieuse ne vient l'attester et il ne figure pas dans les listes rapportées par les références vues ci-dessus.

Il s'inscrit  néanmoins parfaitement dans la stratégie militaire des comtes angevins de Foulques Nerra à Foulques le Réchin (12).

C'est à ce dernier que nous devons les premiers récits historiques sur l'Anjou, en particulier sur les exploits de ses comtes ingelgériens.


Nous ne pouvons douter que le « beau fort », comme on l'appelait, était construit en maçonnerie de pierres. Des noyaux de murs semblent subsister aujourd'hui de cette époque.

Il se dit [DEN] que des Plantagenêts, comtes d'Anjou et rois d'Angleterre, y ont séjourné dans la deuxième moitié du XIIe siècle, jusqu'à ce que Guillaume des Roches, le 7 avril 1203, prenne le château sur les Anglais, pour le comte du roi de France.


Le château de pierres a-t-il été précédé d'un donjon de bois ? Il n'a été trouvé aucun élément qui permette de répondre par l'affirmative. Par contre, des restes de palissades et de fossés entourant château, basse cour et jardins ont bien été retrouvés lors de la construction de l'immeuble de la Caisse d'Epargne, à la fin du XIXe siècle.


En s'aidant des plans dressés en 1784 pour faire reconnaître le domaine royal, il est possible de donner un tracé probable de cette grande enceinte défensive –voir image ci-dessous.

Revenons à l'histoire.

Après quelques offensives et contre offensives, le fils de Philippe Auguste, futur Louis VIII, qui a déjà fait araser le château d'Angers, fait détruire en grande partie celui de Beaufort en 1212 .

Le calme revient après la défaite de Jean-sans-Terre, à la Roche aux moines, en juillet 1214. Le Plantagenêt regagne son île.

Beaufort avec l'Anjou rejoignent le domaine royal pour quelques temps.


Puis vient l'épisode le plus glorieux de l'histoire du château de Beaufort avec l'érection de la terre en vicomté, le 7 juin 1344, puis en comté, en 1347.

En mai 1342, Jean le Bon (13), en reconnaissance de services rendus au royaume, tant par le pape Clément VI que par Guillaume Roger, son frère, fait donation à ce dernier d'une rente annuelle de mille livres tournois avec droit de juridiction, haute, moyenne et basse et un château, là où la dite rente sera assise.

L'année suivante, le Roi accorde lui-même une rente complémentaire de même montant.

 

Jean le Bon choisit pour cela la châtellenie de Beaufort. Pourquoi ce choix ?

Différentes raisons ont été avancées, dont le besoin de renforcer la défense militaire du comté à cet endroit et, par ailleurs, la nécessité de surveiller la poursuite de l'assainissement du val de Loire.


Les revenus en divers droits, taxes et péages sont estimés à 1000 livres 56 sous et 3 deniers [RIV].

Le château fait partie de la donation, du moins ce qu'il en reste. Jean donne en même temps les maisons sises au-dessous où demeurait « le châtelain et  toute juridiction ».

En octobre 1342, le Roi approuve la donation et accorde à Guillaume et ses héritiers le droit de faire rebâtir et fortifier, comme bon leur semblera, le dit château.


Guillaume s'empresse d'installer à Beaufort un prévôt pour administrer la justice et deux receveurs pour percevoir les revenus de toute nature.

Le 7 juin 1344, les château, châtellenie et prévôté de Beaufort sont érigés en vicomté.

Le lendemain, le comte d'Anjou ordonne à ses sénéchaux et baillis de ne troubler en rien le nouveau vicomte dans ses possessions et l'exercice de ses droits.

  

Sans tarder, Guillaume Roger fait dresser les devis des travaux à entreprendre pour la reconstruction du château. Les travaux  commencent  dès le mois de novembre 1346. Hugues de Jaïf est chargé de la surveillance et du paiement des dépenses. Il est remplacé un an plus tard par Jean du Solier (14).

Pour les travaux de maçonnerie, le premier maître d’œuvre,  Guillaume Laureau, est bientôt remplacé en septembre 1348, par Thibault de Viliers assisté des contre-maîtres Jean de Bertold et Gilet de Viliers.

Le nombre de maçons et compagnons présents sur le chantier atteint, à certains moments, le chiffre de 75. Il y aura aussi une dizaine de charpentiers.


Pour l'approvisionnement des matériaux, il est fait appel aux charretiers locaux professionnels ou occasionnels.

Les moellons de tuffeaux et pierres froides, matériaux de remplissage, sont extraits de carrières locales. Les pierres de parement et d'encadrement, sont acheminées depuis les carrières des paroisses de Sait-Cyr et Dampierre, près de Saumur et, pour celles que l'on veut plus résistantes, de Langeais et  Cheillé, en Touraine [GUI].

Le bois de charpente est taillé au fur et à mesure de la demande dans les chênes de la forêt environnante.

Pour la couverture, Jean de Solier accompagné de Thomas le couvreur se rend à Juigné, en bordure de Loire pour acheter des ardoises « bonnes et clères » à Agnès de Lauda. Une commande sera faite ensuite à la carrière de Belle-Poule, pour terminer les travaux, notamment sur la tour au-dessus du portail et la couverture du pont d'accès.


De 1346 à 1349, les dépenses enregistrées atteignent 4000 livres. Entre-temps, le vicomté de Beaufort est érigé en comté. Les travaux se poursuivent jusqu'en 1356 [DEN].

Guillaume Roger ne s'y intéresse que de loin. Il ne viendra jamais à Beaufort mais il demande à Jean de Solier de venir lui présenter les comptes en Auvergne.

  

Quel est alors l'aspect du nouveau château de Guillaume Roger.

Si le texte du devis de maçonnerie de 1346 est bien parvenu jusqu'à nous, il y a des difficultés d'interprétation pour juger des réalisations.

Ce qui était prévu a-t-il été réalisé ? Quels suppléments ont été décidés ? Le texte lui-même manque de précision, s'appuyant souvent sur une situation de l'existant que nous ne connaissons pas.

Essayons néanmoins de dégager les éléments principaux, avec ce qu'il nous est possible de voir aujourd'hui.


Le château ceinture la partie supérieure de la motte. L'enceinte fortifiée, entourée de fossés larges et profonds, a une trentaine de mètres de diamètre. Les murs de 31 pieds (15) de haut sont crénelés et pourvus d'échauguettes (16), de place en place, là où il n'y a pas d'autres constructions.

Le château, proprement dit, s'appuie au sud-ouest sur cette enceinte.

Au niveau de la  cour intérieure, il comprend une grande salle de 48 pieds de long par 34 pieds de large, flanquée d'un côté et de l'autre d'une tour libérant, au même niveau, une salle voûtée de 15 pieds au carré. Tours et salle sont construites sur un ou deux étages de caves.

Au-dessus, c'est un étage pour les chambres, chapelle, garde-robes et autres locaux de services.


Tout cet ensemble est élevé en pierres de tuffeau. La hauteur s'harmonise avec  celle du mur d'enceinte.

Un étage de charpente organisé pour la défense surmonte le tout.


Depuis l'extérieur, l'accès au château passe par une porte surmontée d'une tour à deux étages de maçonnerie, organisée pour la défense. Au-dessus, un étage de charpente porte la couverture.  Les dimensions intérieures des pièces de cette tour sont de 18 pieds au carré.

Malheureusement, nous ne savons pas placer cette porte sur l'enceinte. Côté ville ou côté champs, les deux hypothèses ont été présentées.

Nous y reviendrons plus tard, à la lumière de documents postérieurs.


Pour les épaisseurs de mur, nous pouvons les mesurer aujourd'hui sur les premiers niveaux. Il était demandé au devis une épaisseur de mur décroissante de bas en haut soit, de 9 pieds aux fondations à 7 pieds à l'étage supérieur.

Tous ces murs sont percés d'archères (17) dont le rôle principal est d'éclairer les pièces sans fenêtres.

Complétons la description par des éléments divers de service comme le puits, dont l'emplacement n'est pas révélé mais qui existait avant la reconstruction.

Des latrines ont été décrites avec minutie avec leur système de vidange et d'aération. On voit encore très bien les évacuations au côté de la tour sud –image ci-contre.
Le projeteur avait également demandé la mise en place d'une grande pierre pour l'évacuation des eaux aux différents étages.

Enfin, pour exposer, à tout le pays environ, la bannière du seigneur, deux épis ornés d'une boule de plomb sont posés au faîte de la couverture de la tour au-dessus de la porte.


Nous avons dit que Guillaume Roger, comte de Beaufort et premier du nom n'est jamais venu à Beaufort. Le château n'est pas résidence seigneuriale.

Son fils Raymond,  qui jouit pendant plusieurs années du comté de Beaufort, s'attache au duc Louis Ier d'Anjou, en qualité de chambellan. S'il séjourne à plusieurs reprises en Anjou, il préfère résider au manoir de la Ménitré.



Il faut donc attendre 1442 et la prise d'intérêt de René duc d'Anjou au comté de Beaufort, pour voir de nouveau quelques interventions écrites relatives à l'amélioration de la résidence du château de Beaufort.

En 1454, le mercredi 30 janvier, Thibault Decré, lieutenant du capitaine de Beaufort se rend au marché. A la criée, il informe la population qu'il a fait publier les marchés des ouvrages que le roi René a ordonné de faire au château, à prix fixés, certains étant néanmoins mis au rabais. Il est prévu de répéter cette publication chaque semaine.

Nous n'avons malheureusement plus aucune trace des documents écrits et nous ne savons pas de quoi il s'agissait. On peut penser que les travaux furent suffisamment importants pour en faire une résidence royale, même secondaire, au goût de l'époque.


A cette date, René d'Anjou, avec son maître d’œuvre Guillaume Robin, commence également les travaux  d'agrandissement et de modernisation de ses résidences de campagne angevines [FAV], en particulier à la Ménitré, à Baugé, à Launay, après s'être occupé des châteaux d'Angers et de Saumur.

Ces marchés de 1454 servent de référence pour ajouter à la liste précédente l'agrandissement du château de Beaufort et, en particulier la construction de la tour polygonale nord, dont il nous reste deux étages, sans planchers ni couverture.

Nous y reviendrons.


Contrairement aux autres résidences nommées, nous n'avons aucun détail des travaux réalisés à Beaufort, sinon qu'en décembre 1457, René a payé quatre livres à Noël Boulet, menuisier, pour avoir ferré huit fenêtres et quatre lucarnes dans les combles au dessus de la grande salle du château.

Il n'est pas plus question de Beaufort dans l'inventaire que René fait dresser en 1472 des biens, meubles et ustensiles de ses résidences d'Anjou.

Il venait de décider de vivre en Provence et d'y emmener sa cour. Jeanne ne le suit pas tout de suite.

Précisons que René d'Anjou ne s'occupait pas de la gestion courante du comté de Beaufort. Il en avait remis l'usufruit à son épouse, donc à Jeanne de Laval après son mariage en 1454.


Quand René fait son ultime testament, le 22 juillet 1474, il donne le comté de Beaufort en douaire à Jeanne de Laval.

En octobre 1480, peu après la mort de René, Jeanne de Laval décide de quitter la  Provence et revenir en Anjou, plus près de sa famille.

Elle fait transférer quelques 16 quintaux de tapisseries et d'objets divers, à Beaufort, pour venir y résider, avec son sénéchal, René Breslay et le capitaine du château, Thibault de Cossé.

Pour son confesseur, Bernard de Brancas, elle a fait construire un petit logis « sis à la motte du chastel » [GOD]. C'est dans celui-ci que, plus d'un siècle plus tard, le collège de Beaufort est installé.

Jeanne de Laval s'éteint au château le 19 décembre 1498. Comté et château retournent au domaine royal.


Il faut alors attendre le tout début du XVIIe siècle, pour avoir de nouveaux documents écrits concernant le château.

Avant de les examiner, il convient de réviser les hypothèses anciennes sur les éléments constitutifs  du château.

Dernières suggestions et choix d'un plan

Petit préalable sur la partie supérieure de la motte ceinte par les murailles.
Le niveau a-t-il évolué dans le temps, au gré des occupations successives ?
A l'occasion de l'enfouissement d'un réservoir d'eau potable, en 1955, des terrassements importants ont été réalisés en profondeur dans la butte. L'occasion de réaliser des relevés archéologiques précis n'a, a priori, pas été utilisée alors.
La découverte d'un puits ayant fait croire un moment à des vestiges d'un oppidum gallo-romain, des experts sont dépêchés sur le site et les travaux sont suspendus provisoirement.

Dans un premier rapport du 31 octobre, le directeur de la VIe circonscription archéologique du Mans écrit :
[…] je n’ai observé d’intéressant sur place qu’un puits central ; un puisard au blocage irrégulier et fort grossier vers le SO ; un fragment de mur épais en gros blocage à mortier blanc « de cendre » de chaux très fourni vers le nord-est [...] qui laissent entendre le travail de l’homme à cet étage de la butte mais c’est au moyen-âge semble-t-il …

Il n’apparaît pas que « la butte » ait été rapportée. La coupe, au moment des travaux, n’a rien révélé et pas d’objets ou débris quelconques.

Nos ancêtres ont pu utiliser une butte naturelle que l’érosion des temps géologiques et préhistoriques avait respectée…

De son côté, Henri Enguéhard, architecte des monuments historiques, précise dans son rapport du 4 novembre : nous n'avons pu identifier dans toute cette excavation qu'un fragment de mur de fondation du XVe , hourdi de cendres de chaux, à l'emplacement de la 4ème tour disparue.

Il y a  donc bien un puits au centre de la cour, comme il figure d'ailleurs sur un plan (18) dressé vers les années 1860.

D'autre part, l'idée ancienne de l'existence d'une quatrième tour se matérialise. Malheureusement, il n'y a pas eu d'investigations supplémentaires. Seule une trace sur la coupe du terrassement a été photographiée.


Quelques années plus tard, sur l'initiative de Mlle Marie-Joseph Denais (19), quelques jeunes gens armés de pioches sont partis à la recherche de vieilles maçonneries au nord-est de la butte. Un  petit pan de mur a été mis à jour. Sans suite.

Plus efficacement, le service archéologique de Maine et Loire commence à travailler sur le site, en 2002. Des premiers résultats ont été présentés en 2004 [LIT].

 

La résidence principale du château est bien constituée, au sud de la motte, par une grande salle flanquée des deux tours carrées où sont regroupés les services –image ci-dessous.

Ce plan pourrait être considéré comme anachronique du point de vue d'un objectif de défense, car contraire aux règles de flanquement (20). Nous sommes donc plus près d'une résidence fortifiée que d'un château-fort. Le seigneur veut principalement exposer sa puissance.


Plus novateur est le point de vue du service sur l'implantation du portail d'entrée.

Jusqu'alors, la porte d'entrée avec son pont-levis était vue au sud de l'enceinte, au-devant de la salle. Il faudrait maintenant la considérer au nord-est, du côté de la ville.


Nous voulons bien suivre ici les archéologues, pour différentes raisons.

Au sud-ouest de l'enceinte, c'est la garenne, la forêt qui descend doucement vers la vallée et se veut défensive, interdisant les voies d'accès.

Du côté de la ville, il faut bien privilégier les communications, même si parfois il convient de fermer rapidement la porte.

Ici comme ailleurs, les constructeurs ont prévu une sortie secondaire, côté champs, sous la forme d'une poterne « pour issir du château sans aller par devant, par le pont ». Cette sortie, accessible par les caves du château avait son débouché au niveau du fond des fossés. Elle est encore bien visible aujourd'hui au pied de la tour sud –image 5 à droite


Un projet de modification du tracé des remparts de la ville, établi en 1635, nous apporte des éléments plus formels.

Au début du XVIIe siècle, les habitants de Beaufort expriment le souhait de restaurer et renforcer  les clôtures de la ville.

En 1626, Louis XIII, conseillé par Richelieu, ordonne que soient détruites toutes les fortifications qui sont au milieu du royaume.

Comme nous le verrons plus loin, le château est, pour la plus grande partie, abandonné à la ruine.


Sur la requête des habitants, le Roi autorise, en mars 1635, la démolition et la mise en adjudication de la vente des matériaux au bénéfice de la ville, pour les deux-tiers et, pour un tiers aux moines des Récollets qui veulent construire leur couvent.

Le château étant censé disparaître, la ville doit retrouver une ligne de protection, avec murs et fossés, en ses lieu et place.


C'est l 'objet d'un devis descriptif joint à la publication de l'adjudication. Nous ne détaillerons pas ici les dispositions de ce devis puisqu'aussi bien l'adjudication n'a pas été poursuivie.

Le château, même à l'agonie, est resté debout et les nouvelles clôtures  n'ont pas été élevées.


Contentons nous de présenter un extrait de ce devis qui traite d'une clôture entre le portail du Puits Bauchard et celui des Moulins en passant devant la porte du château.

Nous partons du sud-est de la motte, à l'arrière du monument aux morts actuel «  Item depuis la dite tour du coin du pâtis de la fuie (21), jusqu'au coin des fossés du château, continuer une muraille qui y sera bâtie et construite de neuf le long du rempart et fossé de la fuie, jusqu'au dit coin du fossé du château auquel endroit sera construite et bâtie une grosse tour ronde qui flanque dans les dits fossés de la fuie et du château. Item depuis la dite grosse tour continuer un pareil pan de muraille jusqu'au premier pilier de pierre qui sert du côté de la ville à  porter le bout du pont par lequel l'on entre au dit château, sur lequel pilier et en l'étendue de celui-ci sera construite et bâtie une petite tourelle en forme de guérite… »

Il n'y a plus guère de doute maintenant sur l'emplacement du pont et de la porte d'entrée au château.

En même temps, nous positionnons une fuie, normalement à l'extérieur de l'enceinte et du côté du sud-est.


Il est maintenant plus aisé de reconsidérer un tableau peint par François Roberdeau en 1768 et exposé au musée Joseph Denais.

Il s'agit du « Christ de la sénéchaussée de Beaufort ». Sur le tableau, au pied de la croix, l'artiste a peint une vue simplifiée du château-fort. Celle-ci a  été prise jusqu'à maintenant pour une interprétation toute personnelle, sans rapport crédible à la réalité.

Nous pouvons peut-être revoir cette position.


En effet, sur cette peinture, la porte d'entrée du château est visiblement placée près de la tour octogonale et ses deux fenêtres caractéristiques.

Et pourquoi ne pas croire que François Roberdeau a vu ou, pour le moins, a pu s'informer auprès de proches, de l'apparence du château avant sa démolition.

Comme nous le verrons plus loin, celle-ci est intervenue, pour sa plus grosse part, entre 1737 et 1744.


François Roberdeau est né à Beaufort-en-vallée le 9 septembre 1729, dans une famille de notaires actifs à Beaufort depuis 1697.

En 1768, il est conseiller du Roi, lieutenant particulier civil à la sénéchaussée. A notre avis, il pouvait réunir des informations sur l'aspect réel du château avant démolition.


Source archives départementales 49

Sa peinture a  servi plus tard au père Dubord (22), pour réaliser un dessin, puis en 1838, à Peter Hawke (23) pour une gravure intitulée « Le château tel qu'il était autrefois »  – image ci-contre– [GOD].

A part, une quasi copie non signée du dessin, en 1896, il n'existe pas d'autre essai de représentation, avec la porte d'entrée près de la tour octogonale.


Au sujet de cette dernière, nous avons vu que certains auteurs en ont attribué la construction au roi René. D'autres [GUI] ont estimé sa construction décidée par Jeanne de Laval, à la fin du XVe siècle.

Le volume de la tour s'engage dans un talus rectangulaire. Le raccord est assuré par de superbes éperons de maçonnerie. On a dit de ces talus qu'ils étaient à « l'angevine » [MES].

L'implantation de la tour sur la ceinture de la motte a certainement été inspirée par les constructions précédentes.

Il se dégage aujourd'hui que le traitement stylistique de la dite tour tranche avec ce que l'on connait pour le XVe siècle angevin.

Témoin, les deux fenêtres de cette tour qui sont les seules encore visibles dans les ruines du château.

Chacune est scellée dans un panneau maçonné en retrait du nu extérieur  de la façade.

Une mouluration très ronde constituée d'une baguette torique d'un fort diamètre encadre chaque ouverture. Elle est interrompue, de part et d'autre, par un chapiteau purement symbolique -image ci-dessous-

Ce dispositif ornemental  oriente les archéologues vers une construction dans la deuxième moitié du XIVe siècle, donc par la famille Roger.


L'accès au portail depuis la ville passe alors par un pont que nous avons bien du mal à situer sur la configuration actuelle des lieux.

Des remblais ont été remaniés suite à la création d'une plate-forme pour la construction du nouveau collège en 1869-1871.

D'ailleurs, il paraît qu'une des caves du château a alors été éventrée au milieu de la nouvelle place [DEN].


Terminons ce chapitre en parlant du dernier résident du château avant sa ruine.

C'est, dans les années 1580, Jean de Simier, garde-robe et chambellan  de François d'Alençon, duc d'Anjou et frère de Henri III.


François, aussi comte de Beaufort, s'est intéressé au comté. Il en a fixé les limites et démarcations en 1576, peut-être avec l'aide sur place de Jean de Simier qui est un de ses favoris.

Jean est missionné en Angleterre, en 1579, par François au sujet d'un projet de mariage avec la reine Elisabeth I.

Jean de Simier plut à la Reine. Nous ne savons pas très bien quelle partie il a jouée en Angleterre.

François, lui, se tourne plutôt vers les Pays-Bas, mais il meurt en 1584.

Duché et comté retournent à la couronne et sont mis en adjudication. Jean de Simier après avoir, entre temps, épousé Louise de l'Hôpital, meurt en 1588.

Le château est délaissé et sa ruine est engagée.

Ruines ou vestiges : regards croisés

Parler de ruine c'est envisager une disparition inexorable.

Nous donnons ci-après quelques réflexions, la plupart extraites des actes d'un colloque organisé en1990, sur le thème « Faut-il restaurer les ruines ? [CAEN].

La  ruine est le fatidique rappel qu'à l'instar des humains et des civilisations, les monuments meurent aussi.

Les ruines ont un droit à se consommer, à continuer leur parcours. Elles nous rappellent la marche du temps. Marguerite Yourcenar (24) n'a-t-elle pas écrit « tout bâtisseur à la longue n'édifie qu'un effondrement  ? ».

Cette perspective de déchéance et de mort, dans une société qui veut faire preuve de maîtrise du futur, nous indispose. Elle perturbe notre tendance à tout ordonner et restaurer à l'identique.


Restaurer simplement au nom de l'intérêt artistique ? Mais Elie Faure (25) a écrit, « le fétichisme des ruines qui pousse l'homme à les entretenir et à les relever sort de la conception insensée de l'art qui sépare l'art de la vie » .


Sur le sentiment de ruine, les réponses des pouvoirs publics ont évolué, dans des directions parfois opposées, au cours des deux siècles passés.

Bruno Foucart (26) définit une tragi-comédie en quatre actes.

Au début du XIXe siècle, la ruine apparaît comme l'un des beaux-arts, une fatalité et une source d'inspiration romantique. Les ruines, symbole du temps qui passe, meublent les tableaux.

Vers le milieu du XIXe siècle,  la ruine est un signe d'échec qu'il faut combattre. Une politique de recensement et de restaurations ambitieuse est engagée avec des architectes comme Viollet-le-duc (27).

Au début du XXe siècle, une archéologie toute puissante rétablit la ruine comme valeur de témoignage du passé.

A la fin du siècle, il semble que le goût des restaurations et restitutions réapparaisse, témoin peut-être d'un optimisme retrouvé.


Michel Parent (28) apporte un autre éclairage. Si la ruine est le résultat d'une action agressive dont la finalité est la destruction, le vestige, au contraire, est ce qui reste quand tout a disparu. Il permet de retrouver la trace de l'idée de l'objet, sinon de l'objet lui-même.

La tradition romantique nous a habitué à une vision des ruines  où le rêve l'emporte sur la réalité.


Aujourd'hui, le visiteur veut comprendre ce qu'il voit et identifier la fonction des bâtiments dont il ne subsiste plus que les fondations.

Nous le voyons bien. Professionnels, scientifiques et artistes s'opposent souvent sur les stratégies.

Jean-Pierre Babelon (29) a eu cette conclusion tranchée, lors du colloque cité ci-dessus : « les monuments n'appartiennent pas aux experts, archéologues, historiens, architectes, ils appartiennent à la population qui les voit, les admire, les visite, qui paye les travaux ».

Le château visité en 1601
 

Après plusieurs péripéties que nous avons développées dans - la saga des comtes de Beaufort – le comté de Beaufort vient, en toute fin du XVIe siècle, dans les mains de Scipion Sardini, un financier italien arrivé en France dans l'entourage de Catherine de Médicis.

En bon comptable, il fait rapidement un bilan des propriétés qu'il a prises en engagement. Il charge Me Jacques Sorin, le contrôleur de son domaine de « faire faire les visitations des ruines et démolitions du château, pour faire les réparations les plus utiles et nécessaires ».

Au jour convenu, le 14 décembre 1601, les conseillers, avocats et procureurs du Roi, les représentants de Scipion Sardini et les experts désignés parmi les maîtres artisans de Beaufort, se rendent au château pour examiner celui-ci, pièce par pièce.

Les visites se poursuivront sur trois jours. Dans chaque pièce, chaque artisan donne, pour sa spécialité, la liste des travaux à faire pour la remettre en état et leur coût.
Le procès-verbal qui en est dressé, à la fin des opérations, permet de dénombrer une certain nombre d'éléments correspondant à des travaux à réaliser.

Il n'y a malheureusement que peu de repères géographiques pour suivre le parcours des participants. Nous ne pouvons donc pas dresser de plans, à partir de ce document.Nous ferons néanmoins une approche un peu globale des principales parties du château, partant de l'hypothèse du portail d'entrée du côté de la ville.
La citation dans le document des différents greniers et tours permet d'isoler des bâtiments.
Un croquis schématique ci-dessous permet de suivre l'exposé qui suit, sans autres prétentions.

La transcription du dit procès-verbal est joint à cette fiche. Le lecteur qui dispose d'un peu de temps et d'un œil neuf pourra se lancer dans une nouvelle investigation.

Après les travaux effectués, par la famille Roger d'une part, et René d'Anjou d'autre part, le château résidence de Beaufort est au XVIe siècle enserré dans ses murailles.

Logis et bâtiments de service se développent autour d'une petite cour centrale.

Au total, il y a plus de trente salles ou chambres. Elles sont presque toutes dotées de cheminées. S'y ajoutent des garde-robes, cabinets d'étude, galeries et allées de liaison couvertes.

Pour les réserves, il y a plusieurs caves voûtées, des celliers et basses fosses.

Pour la vie domestique, il y a cuisine, office, boulangerie, buanderie et un puits au milieu de la cour.

Comme nous le verrons, les grandes écuries étaient situées à l'écart du château. De même la fuie est hors la ceinture de douves.


Pour aller un peu plus dans le détail, commençons par le portail d'entrée.

Après avoir monté la rue de la Motte (30), il faut franchir la douve sèche en empruntant le pont dormant, puis le pont-levis.

Avant de passer le portail, sur un côté, une petite cour en terrasse est bordée d'un muret. Aux temps anciens, un abri appelé ravelin permettait de positionner un canon, pour défendre l'accès au pont et au château.

 

Au seuil du pavillon d'entrée, la porte de bois, barrée de losanges, s'ouvre sur la cour intérieure pavée.

La salle du corps de garde est au-dessus. Elle est desservie par une galerie qui permet d'accéder, elle-même, à la courtine et aller jusqu'aux vieux greniers que nous verrons ci-après.

Au-dessus de la salle de garde, la maçonnerie continue avec une autre chambre.

Au-dessus, encore, un étage de charpente et terrasse abrite une deuxième chambre. Une galerie l'entoure. Elle est dotée d'une petite étude à un de ses angles.

Le grenier au-dessus a vue sur la cour par une lucarne.

L'accès aux différends niveaux se fait par un escalier à vis enfermé dans une tourelle dont l'emplacement ne peut être précisé.


Du portail d'entrée, le logis ancien nous fait face, en haut de la cour. A la date de la visite, il est occupé par le capitaine du château, le sieur de Beauchamps (31).

Le logis s'appuie, de chaque côté, sur les deux anciennes tours de Guillaume Roger.

Au niveau des fossés, il y a les caves et basses-fosses auxquelles on descend depuis la cour par un escalier de pierre d'au moins 40 marches. Il y faut bien un palan de 20 pieds de long pour descendre le vin dans les caves.


Au dessus, au niveau de la cour, à gauche de la descente d'escalier, nous entrons dans une salle basse en forme de cuisine, les anciennes cuisines qui étaient fort belles étant écroulées.

De là, il y a accès à la chambre du capitaine, puis à une petite antichambre.

La salle basse d'entrée permet de communiquer aussi avec la «  chambre cerisiers » voûtée, où il était habituel de mettre le magasin du château. Cette chambre communique avec les caves. Nous estimons  qu'il s'agit de la salle basse du rez-de-cour de la tour sud-ouest.

La dite salle basse communique aussi avec une autre salle voûtée. Ce serait bien celle de la tour sud, autre vestige.


Nous passons à l'étage. Nous y voyons deux chambres, une petite antichambre et une galerie conduisant aux garde-robes qui sont   probablement  dans la dite tour sud, au dessus de la salle voûtée.

Sur cet ensemble, les combles sont entourés de colombages assortis de quelques tourelles, le tout posé sur des râteliers (32) de 5  pieds de haut. Ces combles abritent les « vieux greniers » dans lesquels on avait autrefois installé des canonnières, sur le mur sud.

Plus récemment, des chambres ont été aménagées sur une partie de ces greniers, du côté du soleil couchant. Elles disposent chacune du confort d'une petite cheminée, en manière de « chauffepied ».


En revenant sur la cour, à partir du portail d'entrée, sur la droite nous avons la tour près de la porte. Ce ne peut être que la tour nord, la tour octogonale qui montre aujourd'hui ses  fenêtres vers la ville, mais on disait alors vers le pont.

Cette tour était accolée à un bâtiment de grandes dimensions qui communiquait  avec la tour sud-ouest. Pour simplifier, appelons-le « le grand logis », puisque c'est là que nous trouvons, en principe, « la grande salle » et les chambres du Roi.


Au rez-de-cour, une salle sert d'écurie depuis que les grandes écuries qui étaient situées en dehors du château sont en ruines. C'est Jean de Simier, dont nous avons parlé ci-dessus qui a fait cette modification.

A ce sujet, les écuries anciennes pouvaient se situer près de la douve qui descendait du château vers la porte de ville. La rue actuelle de la Douve aux chevaux y prendrais alors un sens historique.


A côté de cette salle utilisée en écurie, une salle de même grandeur a été transformée au niveau des ouvertures, pour servir de prison.

Pour recarreler entièrement ces deux salles, il faut fournir pour l'une 8000 carreaux et pour l'autre 6000. Nous avons ainsi une idée des surfaces de ces pièces, en comptant sous réserve de meilleure information, environ cent unités au mètre carré.


De cette salle, un escalier permet d'accéder à la première chambre de la tour. Lors de la visite, l'accoudoir de la fenêtre regardant sur le pont y est à refaire. Ce détail nous permet d'identifier la tour octogonale.

Par contre, l'escalier et donc la différence de niveaux entre prison et chambre de la tour pose question, pour le moment.


Au-dessus des deux salles précédentes, écurie et prison, c'est la grande salle. Un quart du sol est décarrelé. Il faut 3000 carreaux pour le refaire. La totalité de la salle représenterait donc 12 000 carreaux, soit une estimation de surface de 120 mètres carrés.

Cette salle est équipée de deux cheminées. Elle est éclairée par trois croisées (33). Pour vitrer ces dernières, il faut 115 pieds de verres. Les poutres du plafond étaient enfermées de lambris. Pour le refaire, il en faut environ 64 toises (34).

A une extrémité de la grande salle nous revenons sur la tour et la même fenêtre qu'au niveau inférieur.

A l'autre bout, il y a la chapelle.


A l'étage supérieur, il y a deux chambres appelées, les chambres du Roi. D'une de ces deux chambres,une porte permet de revenir dans la tour.

Une galerie en forme de « machicoulis » longe ces chambres. Nous sommes bien au niveau supérieur des murailles. Il y a quatre fenêtres regardant sur le couchant. Cette galerie se prolonge pour aller jusqu'au donjon dont nous parlons ci-après.

La galerie dessert aussi une petite chambre, après les chambres du Roi.


Au-dessus, les combles abritent des greniers dotés de cinq lucarnes. Les charpentiers préconisent de boucher celles qui sont du côté du soleil couchant, le côté le plus exposé à la pluie.

Ces lucarnes font penser à celles qui ont été payées par le roi René en 1457.

La tour nord abrite une quatrième chambre qui ne semble pas accessible depuis les greniers du grand logis et étonnamment, dans le rapport de visite, nous n'avons aucune information sur les combles propre à la tour.


Les experts ont aussi visité, ce qu'ils ont appelé le donjon.

Nous pensons qu'il se situait  dans la tour sud-ouest, au-dessus de la chambre cerisiers.

La première chambre de ce dernier, à côté des vieux greniers est accessible depuis le logis du capitaine, en passant par une petite étude faite en voûte de pierres.  Cette chambre communique par une petite allée et un escalier avec « la grande salle ».


Plus haut, il y a trois étages successifs, a peu près identiques. Ils comportent chacun une chambre, une petite antichambre et des petites garde-robes ou études.

Les combles du donjon ont une ossature de charpente en pavillon. Il y a une lucarne vers le midi et une autre vers la cour.

Concernant le donjon, une mention du rapport « le pavillon du donjon à l'entrée du pont-levis » est troublante, par rapport à nos hypothèses. Mais peut-être que le terme de donjon pouvait être utilisé pour plusieurs tours hautes.


Il reste quelques locaux de service à placer.

Les belles cuisines et offices se sont écroulées quelques années avant la date de la visite. Dans la cour, elles sont vers la fuie. On y entrait du côté de la salle du logis du capitaine. Elles pouvaient donc être en bas-côté, devant la tour sud. La découverte en 1955 des restes d'un puisard dans la butte, à proximité, peut renforcer cette hypothèse.


Il y a aussi une boulangerie et une buanderie, avec deux chambres au-dessus, desservies par une galerie. Ce bâtiment est situé à proximité de la tour près de la porte, vers le pavillon du portail.

Sur le côté est de l'enceinte, une courtine relie le pavillon du portail aux vieux greniers. La muraille est traitée côté ville, en pierres de taille et côté cour, en maçonnerie. La couronnement du mur est constitué d'un chaperon en pierre dure.

Au centre de la cour, il y a un puits dont l'ouverture est protégée par une chemise de charpente. Il est équipé d'une roue et un treuil.


Nous terminons par le pont dormant et levis franchissant la douve sèche. Supportés par quatre piliers, le pont est précédé d'une muraille.

Les maçonneries apparaissent dans toute leur intégrité et il n'est besoin que de refaire des garnissages, crépis et ajouts  de pierres dures.

Nous avons reconnu ci-dessus la difficulté pour situer mieux le pont, du fait des travaux réalisés lors de la construction du collège, en 1869.


Pendant les trois jours de visite, pièce par pièce, chaque expert a donné une estimation des travaux à réaliser.

Pour la maçonnerie, les charpentes, la menuiserie, la serrurerie, la vitrerie et les carrelages, il faut compter 10 543 livres. Les couvertures et les pavages s'y ajouteraient, après constat des quantités réelles à exécuter.

Pour se donner aujourd'hui une idée de l'importance de cette somme, donnons quelques références de prix unitaires.

Le pavage est estimé quatre livres la toise, soit une livre le mètre carré. Le carrelage est estimé à une livre et demi le cent de carreaux ou un mètre carré. Très grossièrement, on passerait ainsi de une livre à environ quarante euros. Mais toutes choses ne sont pas égales et il est vain de trouver une véritable correspondance.


Le procès-verbal se termine par cette conclusion : « Compte-tenu de l'état du château, il n'y a aucune chambre dont on puisse s'accommoder, faute de fenêtres, vitres, portes, terrasses, carreaux et ferrures.

Pour y remédier il faudrait commencer par les couvertures pour la conservation des bâtiments et faire portes, fenêtres, vitres et recarreler toutes les chambres, tant du logis du sieur de Beauchamps capitaine, que les autres.

Il faudrait acheter les matériaux et les faire mettre en œuvre à la journée, en observant chambre par chambre ce qui est réutilisable ... ».


A la remise du procès-verbal, le sieur Sardini s'est vu taxé de  la somme de 176,5 livres, à répartir entre magistrats, officiers, greffier et experts.

Le château peut être remis en état d'habitabilité, pour peu que quelqu'un s'y intéresse maintenant.

La gestion des ruines

En 1601, le château est donc quasi inhabitable.

Scipion Sardini ne s'intéresse qu'aux revenus du comté et ne se sent pas concerné par des travaux de remise en état, pas plus à Beaufort qu'à la Ménitré, deux ans plus tard.

Henri de la Tour, qui a réglé ses comptes avec Scipion Sardini, revient bientôt en jouissance du comté de Beaufort. Puis c'est le cardinal de Richelieu qui achète celui-ci en 1628.
La mise en adjudication des matériaux a été abandonnée et la construction de nouvelles murailles pour fermer la ville devant la motte n'a, en conséquence, pas été réalisée.

Le château n'en continue pas moins de se ruiner par l'effet des intempéries et le manque d'entretien dans la majorité de ses bâtiments et dépendances.
Il n'est pas exclu que l'on ait commencé à araser les plus hautes tours.

La situation n'est toutefois pas irrémédiable puisque l'on sait que Philippe Le Marié  (35), gouverneur du château et de la Ville, dans  le dernier quart du XVIIe siècle, y fait réaliser des travaux.

Son objectif est de relever certains ouvrages et rendre le château habitable, alors qu'il l'a trouvé en ruines lors de sa nomination.


Quand Erasme de Contades (36) le remplace, dans cette fonction, en 1690, il estime néanmoins que les bâtiments du château  sont en mauvais état et menacent ruines.

Le procureur du Roi est saisi pour appeler en garantie les héritiers de Philippe Le Marié décédé. Les scellés sont apposés sur l'habitation de ce dernier.

Comme les héritiers peuvent apporter la preuve des travaux réalisés avec les quittances des ouvriers, il leur est finalement accordé main-levée des scellés.


Ils ne peuvent toutefois s'opposer à une expertise de l'état du château réclamée par Erasme de Contades. Suite à un ordre de l'Intendant de la généralité de Tours, Michel Couscher (37), assesseur en la sénéchaussée de Beaufort, ordonne le 30 avril 1691 l'expertise et fait procéder à la nomination des experts commis d'office.

Comme en 1601, il est fait appel aux représentants des maçons, charpentiers, couvreurs d'ardoises, terrasseurs-carreleurs, menuisiers, serruriers et vitriers.

Nous n'avons malheureusement pas trouvé les dossiers de cette procédure. Nous aurions alors été plus éclairés sur l'état du château, à la fin du XVIIe siècle.


A l'issue de cette opération, Erasme de Contades n'a pas manifesté son intention de réhabiliter le château de Beaufort. Son action en expertise ne visait qu'à le garantir d'éventuelles réclamations.

Quand il décède en 1713, son fils cadet Gaspard le remplace à la gouvernance du château et de la Ville de Beaufort.


Le château est délaissé et douze ans plus tard,  Louis XV fait don au principal du collège de « ce qui reste des ruines du château et lui permet de les faire démolir pour les employer aux bâtiments du dit collège […] en vue de nouveaux accroissements ». Il donne ainsi le coup de grâce au château qui est officiellement transformé en carrière.

Les matériaux de démolition ont-ils pris la direction du collège ?

Un carnet découvert en archives fait état pour la période d'août 1737 à octobre 1744, de 5850 tuffeaux, 1670 charretées de moche (38), 462 de pierres  et 15 de pavés  extraits par des maçons et habitants de la ville [GUI]. C'est considérable mais il n'y a qu'une seule citation pour un transport vers le collège.


Le site reste domaine royal et, dans les années qui suivent, le gouverneur donne des autorisations de venir puiser des matériaux dans les ruines. Il en est ainsi en 1769, pour l'agrandissement de l'hospice des Incurables.


De nouveau, à partir de 1771, il est porté attention au château, comme à l'ensemble des propriétés domaniales du comté. Louis Stanislas Xavier, comte de Provence et frère du Roi, reçoit l'Anjou en apanage et donc, le comté de Beaufort.

Le prince apanagiste dispose ainsi d'une grande quantité de pouvoirs qu'il exerce pour le compte du Roi. Il est très attentif aux questions fiscales.

Il engage rapidement l'exécution d'un bilan des réparations et reconstructions à faire sur les bâtiments à charge du Roi.


Les ruines du château sont évoquées. En se rendant sur place le 17 septembre 1772, le sénéchal et le procureur du Roi reconnaissent que « du château il ne subsiste plus qu'une tour non couverte et deux autres vestiges de tour. A quoi le sieur Beauchamp en sa qualité (39) nous aurait représenté que du dit comté de Beaufort dépend une infinité de terres hommagées qui relèvent en plein fief de la grosse tour du dit château, que cette tour étant la « glèbe » du fief, il était important de la réparer pour cette marque du lieu où les obéissances doivent être rendues. En conséquence, nous commissaire susdit avons ordonné aux dits experts de procéder sur le champ à la visite prisée et estimation des réparations à faire à la dite tour, à quoi il nous auraient répondu qu'ils ne pouvaient procéder aux dites opérations que dans un travail particulier à cet égard ».

La tour dont il est question est très probablement la tour nord qui de toutes façons fut réhabilitée partiellement ultérieurement.

Le 25 septembre les experts remettent leur rapport. Pour remettre la tour du château en bon état, les halles, les murs, portes et fossés de la ville, le château de la Ménitré […] il en coûtera 285 516 livres.

Nous ne pouvons dire quels travaux ont été engagés suite à cette opération. Probablement, peu de choses, voire rien.


Quelques années plus tard, après expertise, le conseil du Roi autorise la démolition des portes et murailles de la Ville. Dans la même période, le 1er octobre 1779, le Roi a réuni à son domaine les domaines et droits dont jouissaient les gouverneurs des places, sauf les fossés, remparts et autres objets de l'intérieur. Les ruines du château restent propriété du gouverneur, alors que les  jardins, garennes et pâturages qui l'entourent et qui représentent trois arpents sont, en principe, remis à la Couronne.

Il semble néanmoins que le gouverneur, Louis Georges Erasme de Contades (40) veuille en conserver la jouissance pour en faire profiter le principal du collège, que l'on veut toujours honorablement traiter.


Tout cela n'a bientôt plus d'importance.

En 1790, une nouvelle organisation administrative et judiciaire s'installe. Le gouvernement du château et de la Ville est supprimé. L'ancien château devient bien national. Il est vendu en 1796.

L'acheteur, Jean Forest, est marchand cirier à Beaufort.  Il en tire des revenus en louant à titre d'habitation chacune des trois tours et les terres attenantes, jardins, pâtures, vignes et autres.


Une trentaine d'années passe. La municipalité n'oublie pas le château, ce monument d'antiquité qui a donné un nom à la ville.

Le conseil municipal, dans sa séance du 6 mai 1832 demande le démarrage d'une procédure d'acquisition. Un expert de Fontaine-Guérin, le sieur Anis, est commis pour établir un dossier d'estimation.

Il semble que la municipalité ait alors saisi une opportunité. En effet, à la même date, le notaire Béritault prépare la vente de tous les biens dépendant de la succession de Jeanne Jannin, veuve de Jean Forest et décédée le 22 août 1831.


Le trentième lot de la vente concerne l'ancien château. La description dans le cahier des charges est la suivante :

1- une première habitation occupée par Michel Jousseaume et les veuves Chalopin et Breton et composée d'une chambre froide au pied de la tourelle, une chambre à four et cheminée, une chambre à cheminée et un cabinet sur la dite chambre froide, deux greniers sur le tout ;

2- une seconde habitation occupée par la veuve Ronfleux et composée d'une cave voûtée au pied de la tourelle et d'une chambre voûtée avec four et cheminée au-dessus de cette cave ;

3- la troisième est occupée par Goujon et est composée d'une cave voûtée au pied de la tourelle, une chambre voûtée et à cheminée sur cette cave et une autre chambre à cheminée surmontée d'un grenier ;

4- esplanade, jardins, pâtures autrefois douves du château, terres et vigne en dépendant, le tout en un seul tenant situé ville de Beaufort et affermé au dit Goujon seul et principal fermier obligé.

Les divers héritages contiennent un hectare 60 ares 10 centiares, soit 10 boisselées 47 centièmes pour les habitations, esplanades et pâtures.

Dans le cahier des charges, l'ensemble est estimé 8000 francs.


Arrêtons-nous sur cette description.

La première habitation semble correspondre à la tour nord.

Se superposent dans la tour : une chambre froide, en fait la cave voûtée pour laquelle on a percé une porte d'entrée dans l'épaisse muraille, côté nord ; la chambre à cheminée et un cabinet, au-dessus et  sur un plancher refait, un grenier.

A côté, se trouveraient la chambre à four et cheminée, avec grenier au-dessus, sous une couverture en appentis construite sur des vestiges du grand logis.

La deuxième habitation est vraisemblablement la tour du milieu. Par conséquence, la troisième doit être la tour sud, ce qui implique qu'il y avait alors une chambre accolée à cette tour, d'où les traces de cheminée et de pénétration d'abouts de solives, à gauche de la porte d'entrée de la tour.


L'adjudication préparatrice a eu lieu le 2 mai. Un accord tacite est manifestement intervenu avant, entre municipalité et héritiers  Forest. Après seize enchères, le lot est attribué, pour un montant de 11 050 fr, à Jeanne Forest, pour et au nom de la commune de Beaufort. Celle-ci est représentée par François Marie Danquetil de Ruval conseiller municipal, lequel s'engage personnellement par contrat du 23 mai.

Le procès-verbal est enregistré le 1er juin 1832. La procédure de transfert vers la commune s'éternise en raison des difficultés financières de celle-ci.

Tout semble se débloquer en 1836. Le 15 septembre, le sous-préfet de Baugé propose au Préfet d'approuver l'acte rédigé par Me Guy, notaire.


Sans plus tarder, la commune met en location cette nouvelle propriété, en particulier par bail à ferme du 29 décembre 1838, au bénéfice de Mathurin Goujon, cultivateur et tisserand, et son épouse, pour les terres cultivables et « la tour du milieu » qu'ils s'engagent à habiter personnellement.



Source : archives départementales 49

Au fil des années, les ruines de l'ancien château vont servir d'hébergement, de plus en plus social et provisoire, voire pour de simples abris à denrées ou matériels.

Le logement de la tour nord semble le mieux utilisable.

Sur un tableau réalisé en 1840 et conservé au musée Joseph Denais, nous voyons distinctement une menuiserie de fenêtre à la chambre  basse. En 1895, sur une photo, il y a même un rideau à cette fenêtre -image 9-.  Malheureusement le local accolé à la tour s'effondre quelques années plus tard.


L'ancien château-fort ne peut plus être habité. Il est largement ouvert aux curieux et aux enfants qui y croisent leurs épées de bois.

L'état de ruine est, cette fois, définitivement déclaré sur l'ensemble de la motte.

Les ruines préservées, mais encore 

L'avenir des ruines du château ne manque pas d'attirer l'attention des pouvoirs publics.

Considérées, au niveau régional, comme   présentant un intérêt d'histoire ou d'art suffisant pour en rendre désirable la préservation, elles sont inscrites le 27 janvier 1951 à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques (41), précisément au titre de « ruines ».

Elles sont,  de fait, vouées à garder perpétuellement ce statut.


Nous avons vu ci-dessus qu'en 1955, une procédure d'urgence a été lancée pour vérifier l'existence de traces d'un oppidum (42) gallo-romain. Dans l'affirmative, un classement (43) aurait été prononcé.

Mais pas de traces de campement. L'origine de la ville de Beaufort est incontestablement du côté de Saint-Pierre-du-Lac.


Quand Henri Enguéhard est venu examiner le chantier de construction du réservoir, il en a profité pour faire modifier les plans d'exécution pour une meilleure intégration visuelle dans le site. Ouf !

Le château-fort devient un château d'eau particulièrement discret ; heureuse conversion.


Du fait du statut des vestiges, l'aide de l’État peut être sollicitée pour assurer des travaux indispensables à leur conservation. Des travaux de consolidation des maçonneries ont ainsi été réalisés en 1966, en particulier sur la tour nord.


Par contre, la préservation d'un monument historique implique la protection de ses abords définis par un champ de visibilité.

A défaut de document particulier approuvé pour définir localement celui-ci, ce champ de protection est un cercle de 500 mètres.

A l'intérieur de ce champ, tout projet immobilier doit recueillir l'accord de l'architecte des bâtiments de France.

Le château, même sans châtelain, même en ruines, continue de contrôler la vie des beaufortais, au nom de l'intérêt public.


C'est alors en toute légitimité que ces derniers aspirent à mieux connaître ce monument, témoin du développement de leur ville.

Certes, la présence au sommet de la motte de quelques restes de murailles de tuffeaux  constitue un signal fort, visible depuis toutes les routes d'accès à la ville.  C'est un point d'intérêt dans la vallée, mais nous voulons en savoir plus.


Que peuvent nous transmettre ces pierres ?

Le passé de ce château est autant résidentiel que militaire. Quelle était sa constitution, aux plus belles de ses années ?

Nous avons ici dressé un état des lieux de nos connaissances qui restent bien minces et encore basées sur beaucoup d'hypothèses.


Avec le temps, d'autres ressources vont se découvrir dans les bibliothèques et archives.

Il faudra pouvoir les confronter avec un examen minutieux du site et donc, ne perdre aucune occasion d'inspecter en détail les vestiges.

Il reste ici et là quelques pierres travaillées voire sculptées, des traces d'écriture ou de peinture qui ne demandent qu'à se révéler sous quelques couches de badigeon, sans compter des assemblages de cailloux qui frôlent la surface des sols.


En entretenant l'intérêt de la découverte auprès des habitants, en ouvrant parfois quelques portes, en associant les compétences, progressivement les vestiges de la motte peuvent libérer des secrets sur le chemin de la découverte d'une « idée du château ». 


Notes

(1) emmotter, c'est apporter des remblais contre les fondations, souvent préexistantes,  du château à construire
(2) Ingelgériens, dynastie de vicomtes et comtes d'Anjou créée par Ingelger à la fin du IXe siècle
(3) Foulques Nerra (970-1040) est arrière-arrière petit fils d'Ingelger
(4) créneaux = petite ouverture dans le parapet qui protège le chemin de ronde ; permet le tir et la surveillance vers l'extérieur
(5) machicoulis = ouverture par laquelle on lance des projectiles vers le sol
(6) bretèches = segment de machicoulis placé au-dessus d'une porte
(7) la guerre de Cent ans, de 1337 à 1453, est une succession d'affrontements entre dynasties Angevine et Française
(8) les bandes de routiers sont des compagnies de mercenaires qui, entre les batailles de la guerre, dévastaient les campagnes
(9) le duc de Clarence est Thomas de Lancastre (1387-1421), frère de Henri V roi d'Angleterre
(10) Jacques Androuet du Cerceau (1515-1585) est graveur et architecte français
(11) Foulques le Jeune (1094-1144) est comte d'Anjou de 1109 à 1129
(12) Foulques le Réchin (1043-1109), père de Foulques le Jeune, est comte d'Anjou de 1069 à 1109
(13) Jean le Bon (1319-1364), comte d'Anjou en 1332, devient roi de France en 1350
(14) Jean du Solier – Curé de Saint-Etienne de Biémars au diocèse de Tours
(15) le pied, mesure de longueur, vaut à peu près 33 cm ou un tiers de mètre
(16) échauguette = petite loge accrochée au sommet de la muraille pour abriter un veilleur
(17) archère = fente dans un mur pour permettre le tir à l'arc ; peut être transformée en canonnière par agrandissement
(18) plan général des alignements des rues de la ville approuvé le 10 avril 1863
(19 ) Marie-Joseph Denais (1889-1965), fille du créateur du musée Joseph Denais
(20) flanquement = possibilité de tirer sur le côté, par une avancée de construction, par exemple une tour
(21) la fuie est un colombier sur pied séparé du corps du logis, privilège du seigneur haut justicier au moyen-âge
(22) Achille Chanciergues du bord (1780-1877), professeur de peinture à Beaufort
(23) Peter Hawke (1801-1887), dessinateur et graveur britannique, professeur d'Anglais à Paris
(24) Marguerite Yourcenar (1903-1987), écrivain élue à l'Académie Française en 1980
(25) Elie Faure (1873-1937), historien d'art et essayiste français
(26) Bruno Foucart, professeur d'histoire de l'art, président du Comité du patrimoine culturel en 2006
(27) Viollet-le-duc (1814-1879), architecte français rationaliste, inspirateur du mouvement Art nouveau
28 ) Michel Parent (1916-2009), inspecteur général des monuments historiques, président du comité du patrimoine mondial
(29) Jean-Pierre Babelon, né le 17 novembre 1931, historien, archiviste paléographe, membre de l'Académie des inscriptions et belles lettres
(30) la rue de la Motte est devenue rue du Château
(31) le sieur de Beauchamps pourrait être Pierre Le Royer
(32) râteliers = dans les combles, murs supportant la toiture à l'égout
(33) croisées = fenêtres dotées de remplage en bois ou en pierre en forme de croix
(34) toises = mesure de longueur valant 6 pieds, soit environ 2 mètres
(35) Philippe Le Marié de Montortier, mort le 17 mai 1690, capitaine d'un vaisseau du Roi
(36) Erasme de Contades (1633-1713), seigneur de Montgeoffroy
(37) Michel Couscher (v. 1623-1708), sieur de Montplacé, conseiller du Roi
(38) la moche = masse informe de débris de maçonnerie
(39) le sieur Beauchamp est un agent d'affaires du comte de Provence
(40) Louis Georges Erasme de Contades (1704-1795), seigneur de Montgeoffroy, maréchal de France en 1758
(41) on dit aujourd'hui inscrit au titre des monuments historiques
(42) l'oppidum est chez les Romains un lieu de refuge public fortifié
(43) le classement au titre des monuments historiques est le plus haut niveau de protection juridique

Références

Bibliographie


[BAC] BACHRACH, Bernard S. « Les châteaux de Foulques Nerra », Archives d'Anjou n° 18, 2008

[CAEN] Sous la présidence de BABELON, Jean-Pierre, « Faut-il restaurer les ruines ? : actes du colloque, Mémorial de Caen », Direction du Patrimoine, 1991

[CHA] CHATENET, Monique, « L'architecture et l'art d'habiter en France à la Renaissance », dossier de l'Art n° 17, février 2010

[DEL] – DELAHAYE, Nicolas, « Histoire de l'Anjou, des origines à la veille de la Révolution », Pays et terroirs, 2005

[DEN] – DENAIS, Joseph, « Le château de Beaufort et ses seigneurs », Éditions de l'Ouest, 1928

[FAV] – FAVIER, Jean, « Le Roi René », Fayard, 2008

[GOD] – GODARD-FAULTRIER, Victor, « L’Anjou et ses monuments »   à vérifier

[GUI] – GUITTON,  Arnaud, « Le château de Beaufort-en-Vallée », Ville de Beaufort-en-Vallée

[LIT] – LITOUX, Emmanuel, PRIGENT, Daniel, HUNOT, Jean-Yves, « La reconstruction du château de Beaufort-en-vallée au milieu du XIVe siècle » Université d'été à Tours, juillet 2004

[MES] - MESQUI, Jean, « Châteaux et enceintes de la France médiévale », Ed. Picard, 1991

[PAN] - PANOUILLE, Jean Pierre, « Les châteaux forts dans la France du Moyen Age », Editions Ouest-France, 2007

[RIV] – RIVAIN, Camille, « Beaufort-en-Vallée et son château », Mémoires de la Société nationale d'agriculture, sciences et arts d'Angers – année 1887

[ROC] – ROCOLLE, Pierre, « Le temps des châteaux forts Xe-XVe siècle » Armand Colin, 1994


Sites Internet,


Sur l'architecture des châteaux et enceintes le site de Jean Mesqui, avec le livre cité ci-dessus consultable en ligne.


Entretiens


Cette fiche a été élaborée suite à des entretiens personnels, notamment avec :

Jean-charles Forgeret de la médiathèque de l'architecture et du patrimoine au ministère de la Culture

Emmanuel Litoux du service départemental d'archéologie du Conseil général 49

Thierry Pelloquet et Bruno Rousseau du  service départemental de l'inventaire du Conseil général 49

Des collaborateurs du service des archives départementales du Conseil général 49

Louis Servins et Jean-Jacques Farion, pour la mémoire locale.


Nous les remercions, spécialement pour les documents communiqués .

 

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Date de mise à jour: 2 mars 2012             Jean-Marie Schio