L'Authion aménagé

A l’aube de la Révolution, la forêt de Beaufort a disparu.
Aucun des projets présentés, pour le dessèchement des marais du val d’Authion, n’a eu de suite. Les habitants se sont opposés à toutes les tentatives de suppression du statut des « communaux », dont ils  jouissent depuis plusieurs siècles.

S’opposant aux grands projets de développement agricole présentés par des concessionnaires, les habitants de la vallée bénéficient, semble-t-il, de la bienveillance de Monsieur, frère du Roi et comte de Beaufort.

La situation n’évoluera pas, pendant la Révolution. Les habitants s’opposent énergiquement au partage des communaux. Ils soutiennent que le morcellement «  ruinerait cet heureux pays » .

Voir : Saint-Pierre du Lac et le val d'Authion

DES PROJETS GRANDIOSES


Après 1789, le dessèchement des marais du val d’Authion est une préoccupation forte des nouvelles assemblées communales.
Il faut néanmoins attendre la promulgation de la loi du 16 septembre 1807 pour engager une concertation réelle entre les communes de l’ancien comté.

Une assemblée des maires et commissaires de la vallée se réunit le 24 novembre 1807. Ceux-ci se déclarent unanimes pour se charger des travaux, sur la base du projet qui a été présenté, en 1771, par le comte Dessuiles.
Le préfet nomme cinq membres pour former une commission qui s’occupera des travaux préparatoires, de concert avec M. Avé, ingénieur en chef. Toutefois comme les plans et nivellement ont été égarés, il faut recommencer.

Dans le même temps, une entreprise de travaux publics de Tours, la compagnie Moreau, entend profiter des dispositions de la loi, en particulier en matière de concession. Le sieur Moreau dépose un projet pour le val d’Authion.
Le projet est ambitieux. Il comporte le dessèchement des marais mais aussi, un canal de navigation et un canal d’irrigation, en perçant la levée de Saumur. Il prévoit l’établissement de beaucoup de ponts et d’usines.
La commission se réunit le 22 septembre pour examiner ce projet. Les maires l’écartent, en raison des erreurs qu’il comporte et de la dépense considérable qu’il engage. L’intérêt du canal de navigation est contesté et le percement de la levée, pour établir un canal d’irrigation, est jugé dangereux.
Mais surtout, les habitants, fidèles à leur position, ne veulent pas être dépouillés de leurs communaux.

Le 1er janvier 1809, les habitants des communes et les propriétaires riverains déposent un mémoire, dont la conclusion est la suivante :
seul, le dessèchement des marais paraît utile et avantageux.

Les habitants de la vallée demandent l’exécution du canal de Sorges à Sainte-Gemmes et des obligations respectives ; 59 000 F ont été avancés pour cette opération sur un coût prévu de 400 000 F .

Ils proposent l’aliénation de 200 ha de communaux pour compléter le financement.


L’administration n’en continue pas moins d’établir des projets d’ensemble et le 20 mars 1815, M. Bétourné, ingénieur ordinaire des marais de l’Authion, présente son œuvre.

Il propose de créer une écluse à Sainte-Gemmes et plusieurs canaux :

- le canal, dit de Saint-Aubin ;

- un nouvel Authion, du pont de Sorges à Vivy ;

- un nouveau Lathan, de Longué à Brain ;

- un nouveau Chappe se rejetant dans une interconnexion à la Fourcelle. 

Les projets de canalisation de l'Authion en 1815

Avec la reconstruction du pont Bourguignon, les seize ponts à établir dans la vallée, l’exhaussement de la levée de Belle-Poule et tous les terrassements, la dépense est évaluée à 1 800 000 francs, à laquelle il faut ajouter 629 000 francs d’indemnités de terrain.

Tous les travaux sont à la charge des communes, excepté le pont Bourguignon et l’exhaussement de la route jusqu’aux Ponts-de-Cé.

Pour financer les travaux, il faudrait vendre 800 ha de communaux.

Il est prévu des ponts en bois mais, à la demande du maire de Beaufort, celui de la Furgeonnière, sous la petite levée, sera en pierre.

Ce projet est adopté par la commission le 17 avril 1815.


Mais un vent de fronde commence à souffler.

En 1816, le conseil municipal des Rosiers se dissocie des autres communes et déclare ne plus vouloir participer à un projet de dessèchement dressé par M. Bétourné.

Les conseils de Beaufort, le 20 mai 1816, puis de Mazé, Corné et Saint-Mathurin, firent de même et contestèrent même la qualification de marais pour la vallée et donc le bénéfice de l’application de la loi du 16 septembre 1807 à ce projet.

Le conseil général des Ponts, saisi par le Préfet, admet dans sa lettre du 29 juin 1816 que la dépense est exorbitante et qu’en se bornant aux travaux strictement nécessaires, tel que l’ouverture du canal St Aubin, elle peut se réduire à 900 000 F et la surface de communaux à vendre ramenée à 200 ha.

Les  rivières et ruisseaux pourraient conserver les cours actuels, avec de simples corrections.

Les choses traînent quelques années et, pour en finir, le 19 novembre 1823, le Roi rend une ordonnance. 

LA DECISION DU ROI DE FRANCE


A la chute de l’Empire, en 1814, la royauté est restaurée en France. Louis, ancien comte de Provence et de Beaufort, accède au trône, sous le nom de Louis XVIII.

Se souvient-il des problèmes des habitants de son ancien comté ?  Pourquoi pas ?

Très probablement, les habitants de la vallée n’ont pas manqué d’intervenir auprès de lui.


Quoi qu’il en soit, le 19 novembre 1823, il ordonne (extrait):

  art 1 – Les ouvrages jugés nécessaires d’après l’avis du conseil des Ponts et chaussées du 31 mai 1816 seront faits conformément aux plans et devis arrêtés. Les travaux devront être commencés incessamment pour être terminés, au plus tard, dans trois ans, à partir du mois de janvier prochain.

   art 2 – Les travaux consisteront dans l’ouverture d’un nouveau canal depuis la roche des moulins de Ste-Gemmes jusqu’au pont Bourguignon, lequel canal se raccordera avec celui se Saint-Aubin, dont on suivra la direction conformément au plan, pour arriver ensuite au lit de l’Authion.

   art 3 – Les terres qui proviendront des fouilles du nouveau canal seront employées à former une digue de défense sur la rive gauche, depuis Ste Gemmes jusqu’à la rencontre de l’ancienne levée de Belle Poule.

   art 4 – Il sera établi des portes de garde, soit à Ste Gemmes, soit au pont Bourguignon, d’après l’option que feront les communes concessionnaires …

   art 5 – Il ne sera fait aucun ouvrage dans l’intérieur de la vallée, à partir du pont de Sorges, jusqu’à la levée de Saumur à Vivy, qu’autant que l’expérience en aura montré la nécessité et l’utilité dans l’intérêt des communes concessionnaires.

    ……

   art 14 – Les communes concessionnaires - Andard, Beaufort, Brain, Brion, Corné, La Bohalle, La Daguenière, Les Ponts-de-Cé (Sorges), Les Rosiers, Saint-Clément, Saint-Mathurin, Saint-Martin de la Place, Mazé et Trélazé – formeront une société sous le nom de communauté de la vallée de l’Authion. Elle sera administrée, tant pour la durée des travaux de dessèchement que pour la conservation ultérieure, par une commission syndicale composée de cinq membres nommés par le Préfet et choisis parmi les propriétaires habitants les plus imposés de la vallée.

Voilà qui met fin aux polémiques.


Les travaux commencent l’année suivante à Sainte-Gemmes. Le nouveau canal est réceptionné par Bétourné le 28 juillet 1828.

Une levée est faite de Ste Gemmes jusqu’à la levée de Belle Poule et une fosse creusée à Sorges. Le nouveau canal est ouvert le 27 juin 1830, à midi. A ce moment, les eaux de l’Authion au pont de Sorges s'abaissent de 0,70 mètre.

Les derniers travaux du canal Saint Aubin au pont de Sorges suivent en 1831-1832.

Les frais sont couverts par la vente des biens communaux. Il en résulte pour la commune de Beaufort, la vente de 27 ha, en 1824 et de 20 ha, en 1826.

Aussitôt, les communes sont consultées sur l’utilité de continuer les travaux de dessèchement, au dessus du pont de Sorges, jusqu’à la levée de Beaufort. Elles répondent unanimement que l’expérience n’a point démontré cette utilité. 

LES GRANDS PROJETS POUR LES TRANSPORTS


Au début du XIXe siècle, l’ère du machinisme commence. Les transports se développent. Il faut créer de grandes infrastructures sur tout le territoire national (voir encadré). Le tissu des voies navigables fait l’objet des plus grandes préoccupations.

La Loire et l’Authion étaient utilisés depuis longtemps pour le transport, bien sûr avec des contraintes saisonnières.

La Loire à Port St-Maur

A partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, avec le renforcement et le pavage de la levée de Beaufort, les charrettes pouvaient aller chercher à Port Saint-Maur les matériaux, en particulier les tuffeaux et les pavés qui arrivaient par la Loire – image 2.

L’Authion était également navigué. Tout ce qui servit à la construction du château de Montgeoffroy, entre 1772 et 1776, fut amené par eau jusqu'au gué de Mazé, par la Loire et l'Authion [RAB].


Une ordonnance royale, en date du 11 juillet 1835  déclare l’Authion navigable et flottable, depuis la chaussée neuve de Vivy jusqu’au confluent avec la Loire. Il s’agit d’une procédure purement administrative, réservant à l’Etat certains droits et sources de revenus, sans forcément préjuger de la qualité de la navigabilité.


Réguler la navigation sur la Loire et compléter l’assèchement de la vallée de l’Authion, tel était, en 1842, l’objectif de l’ingénieur en chef Jean-Charles Prus.


Il  dresse alors un projet de canal de jonction de la Vienne à la Maine, en traversant la vallée de l’Authion.

Le tracé commence à Varennes et rejoint la Maine au nord d’Angers.

Le programme prévoit de :

- construire la jonction de la Vienne à la Maine, pour former un élément de la grande ligne navigable de Bordeaux à Caen ;

- créer, en même temps, l’une des branches du canal latéral à la Loire, d’Orléans à Nantes ;

- compléter le dessèchement de la vallée de l’Authion ;

- faciliter l’irrigation des terrains trop asséchés ;

- mettre à disposition de l’industrie, des eaux disponibles, avec création de huit usines, après satisfaction des besoins de la navigation et des irrigations ;

- disposer de l’une des berges du canal pour recevoir les rails du chemin de fer d’Orléans à Nantes.

Le tracé rectifié de l’Authion se rapproche de la ville de Beaufort.

L’estimation des dépenses est la suivante :

- canal principal               10 800 000 F 

- canaux secondaires            650 000 F 

- rigole de dessèchement    2 550 000 F

                                        ----------------

    total                            14 000 000 F


Ce projet est rejeté par le ministère en 1844. 

Les projets de l'ingénieur Prus

On arrêtera là les grands projets liés à la navigation, d’autant que depuis 1842, un plan de développement du chemin de fer est arrêté avec, en particulier un ligne Paris-Nantes, passant par Tours.

Pour cette ligne, le tracé prévu par Prus sera, à quelque chose près, repris.

Il y aura, semble-t-il, en 1846, un autre projet commun de dessèchement et de navigation, plus modeste. Mais, l’Etat, pourtant propriétaire de l’Authion depuis son classement, refuse de s’engager dans un projet qui concerne les intérêts locaux.


Les communes sont invitées à se limiter au seul dessèchement, en y consacrant leurs propres ressources.


Le syndicat de la communauté de l’Authion demande le 23 mai 1846, la construction de la levée de La Daguenière - ce qui devait provoquer la surélévation des hautes eaux - et ensuite le curage, l’élargissement et le redressement de l’Authion entre le pont de Sorges et le Pont-rouge.


Louis-Napoléon signe, le 29 janvier 1852, un décret déclarant l’utilité publique des travaux de curage et créa une association syndicale de propriétaires prenant le nom de syndicat de l’Authion. Les travaux commencent en 1852, pour s’achever en 1858. Le montant de la dépense est de 400 000 F.


On continuera de naviguer sur l’Authion, tant bien que mal. En 1870, Célestin Port (1) constatait que la rivière était vraiment navigable entre le Pont Rouge et la Loire. Il y circulait dans cette partie environ 120 bateaux par an, chargés de 1200 tonneaux de bois, chanvre, ardoises pierre et chaux.  

L'INONDATION CATASTROPHIQUE DE 1856


Empruntons à un écrivain du XXe siècle cette pensée ligérienne.

« Jour à jour, les hommes volent à la Loire son domaine. Là où elle coulait hier, ils viennent et sèment leur blé, plantent leur vigne et construisent leurs maisons. Ils ramassent l’argile limoneuse, le sable même qu’elle a laissé, les amoncellent sur sa rive et lui disent : tu ne passeras plus. Que lui dirai-je demain, si elle reprend son bien, et si, rentrant là-bas après la crue, je ne retrouve qu’un peu de vase à la place tiède où je dormais ? » (2).


Si depuis novembre 1910, il n’y a plus d’envahissement de la vallée, le fait était fréquent dans les siècles précédents et souvent, suite à la rupture d'une levée.

Celle du 16 mars 1615 a causé de grands dégâts. La crue a détruit l’ancien village de Saint-Martin de la Place.


Tout le monde à entendu parler de l’inondation catastrophique de 1856. Les témoignages écrits sont nombreux.

Tout à commencé au printemps avec des pluies torrentielles ininterrompues. Les premières crues apparaissent le 5 mai.

Le 15 mai, une première brèche s’ouvre à Rigny-Ussé. A peine un léger abaissement des eaux se produit qu’une nouvelle crue survient, produite par le gonflement simultané de la Nièvre, de l’Allier, du Cher et de la Vienne et des autres affluents de la Loire.

La réunion des eaux fournies simultanément par le fleuve et ses affluents, amène une inondation terrible comme de mémoire d’homme il n’en avait été vue.


Le 3 Juin, c’est la digue de Bréhémont qui lâche et bientôt le niveau de l’eau monte de 15 à 20 cm par heure. Le sous-préfet de Saumur envoie 300 bateaux entre Bourgueil et Mazé. Ils sont manœuvrés par les troupes de Saumur.


La rupture de la levée a lieu le 4 juin à 4 h 40, à La Chapelle sur Loire [DIO]. Louis-Pierre Rouillé-Courbe raconte, en 1858 : un bruit formidable éclate ; la levée s’écroule emportée par un déluge qui se précipite d’une hauteur de cinq mètres …, les maisons tombaient …, tombaient. Le torrent renverse tout … et par la brèche de 150 mètres, le fleuve établit son lit dans la vallée de l’Authion, jusqu’à Angers [SCHU].

Le flot atteint Beaufort le 5 juin à 6 heures du soir. On dit que 300 maisons se sont écroulées. Toutefois, il n’y a pas de victime. Les hauteurs de la ville sont encombrées de monde.


Les hauteurs d’eau sont relevées en plusieurs points de la commune.

En voici quelques unes :

-          sur la levée de Canada 2,4 m

-          à Bousseline                2,46 m

-          la maison qui touche le pont de Porteau 1,60 m ; le pont est emporté

-          route de Longué            1,25 m

-          route de Brion              0,67 m   

-          au marais                     1,57 m ; voir les marques laissées sur un petit pavillon

-          au moulin                      1,65 m ; le vieux pont est en partie emporté

-          à l’Izenelle                    2,63 m

-    au gué d’Anjan              2,02 m.

Beaufort entouré d'eau – 1856

En mairie de Gée, le maire de l’époque a fait apposer une plaque sur laquelle, on peut lire, notamment : Les eaux ont envahi la vallée de l’Authion où, dans la ville, elles ont atteint une élévation de deux mètres ; au moulin, cette ville était cernée par les eaux au point qu’on n’en pouvait sortir qu’en bateau, de là, elles sont venues à Gée où elles se sont élevées jusqu’à trois et quatre mètres, au petit Bois-fou …


La Loire ne regagne son lit qu’au bout de quatre à cinq jours.

Beaufort reste plus de six semaines sous les eaux de l’inondation. Les dommages causés aux infrastructures, habitations, animaux et cultures sont considérables. Toutes les récoltes sur pied sont complètement perdues.

Les habitants ont beaucoup reproché aux pouvoirs publics de ne pas avoir pris la décision d’ouvrir la levée, en aval, pour évacuer les eaux de la vallée plus rapidement.


Courageux et infatigables, eux qui ont fuit leurs maisons et leurs champs inondés, ils reviennent cultiver et ensemencer les terres au fur à mesure que les eaux les laissent à découvert en se retirant.

La crue du 15 juin détruit encore l’espérance de cette nouvelle récolte qui ne produisit que pour un petit nombre.

Le millet, le blé noir, les pommes de terre, le chanvre, les navets, les choux, les betteraves donnèrent les meilleurs résultats même semés au mois de juillet.


Grande fut la misère de toutes les populations de la vallée, habituées à l’aisance.

Des dons généreux de l’Empereur Napoléon III et des secours énormes, de plusieurs millions, sont envoyés de tous les points de la France et de l’Europe. Ils sont toutefois insuffisants à soulager tous les maux des malheureuses victimes.

Les maires, adjoints et membres du conseil municipal de Beaufort se montrent à la hauteur de leur mission, pour nourrir, loger et protéger les milliers d’habitants de la vallée, réfugiés à Beaufort.

Chemin d'eau et chemin de fer

Les rivières restaient, jusqu’au XVIIIe siècle, le moyen le plus pratiqué pour pénétrer les continents. Toutefois, leur cours très irrégulier , en raison des inondations et sécheresses, a amené les hommes à leur adjoindre des canaux artificiels. Des canaux, dits à « point de partage », ont permis de franchir des reliefs pour relier des rivières, voire des mers, entre elles.

La première réalisation citée concerne l’Egypte ancienne et le canal de Sésostris reliant la mer Rouge à la Méditerranée.

Des travaux auraient été entrepris, à partir du VIe siècle av. J.-C., pour la traversée de l’isthme de Corinthe, en Grèce.

Les textes citent également la création par les Romains de plusieurs canaux en Europe occidentale, dont le canal de Marius, à la fin du IIe siècle av. J.-C., pour dériver le Rhône jusqu’à Fos-sur-mer [PIN].

Plus près de nous, en France, on canalise des rivières dès le XIVe siècle, avec la Sèvre niortaise, aménagée dès 1325.

Les premiers canaux latéraux apparaissent au XVIe siècle, sur le Clain, pour joindre Poitiers à la Loire par la Vienne.

Puis, vient le projet de Sully de faire communiquer la Loire et la Seine, en franchissant la point de partage des eaux et permettre ainsi aux produits agricoles du Val de Loire d’approvisionner Paris. Ainsi naît le projet du canal de Briare, dont les premiers travaux sont adjugés le 5 février 1604.

Les projets et réalisations locaux se multiplient. Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, la France est le pays le plus avancé dans les travaux de canalisation.

Les p rojets continuent, sous statut de concessions, mais à l'aube de la Révolution, se fait sentir la nécessité de "concevoir et arrêter un plan général de toutes les navigations de France".

Napoléon, plus pragmatique, s'affranchit de cette contrainte et n'autorise que les programmes réalisables et finançables, par l'Etat, en un temps raisonnable. Il en sera ainsi jusque sous le deuxième empire. Mais une concurrence sérieuse apparaît à partir des années 1840. Un nouveau type d’infrastructure de transport naît dans le contexte de l’essor du machinisme : c’est le chemin de fer.


Si les premières voies, avec rails en bois puis en fonte, apparaissent au XVIIIe siècle, en Angleterre, la création d’un réseau ferroviaire français commence en octobre 1828, par une ligne de 18 km, entre Saint-Etienne et Andrezieux, pour le transport du charbon.

En 1831, les premiers voyageurs montent dans des tombereaux garnis de bancs et tractés par des chevaux.

Le 1er mars 1833, les trains passent à la traction à vapeur et une ligne régulière pour les voyageurs relie Saint-Etienne à Lyon. En 1837, la ligne de Paris à Saint-Germain est ouverte.

Le 11 juin 1842, l’Etat impose aux compagnies son plan de développement du réseau.

Le projet porte sur 2500 km de voies sur neuf grandes lignes, à partir de Paris. L’année suivante, Paris est relié à Orléans et, en 1851, Paris est relié à Nantes, par Tours et Angers. Beaufort est desservi par la gare de la Ménitré.

En 1857, pour la première fois, le trafic ferré dépasse le fluvial [DUM].

Le 17 juillet 1879, une loi adopte définitivement le plan Freycinet qui crée, pour les chemins de fer, les lignes dites d’intérêt général : 17000 km reliant préfectures et sous-préfectures.

Quatorze ans plus tard, Beaufort a sa propre gare sur la voie ferrée d’intérêt local Angers-Noyant.

L'AUTHION TRANQUILLE DU DÉBUT DU XXe

A la fin du XIXe siècle, la rivière est arrivée à un état d’envahissement complet, les travaux précédents n’ayant pas été entretenus. En 1883, le directeur général des Ponts et chaussées doit prescrire la réouverture d’un chenal plus régulier.


En même temps, on commence à penser irrigation. Une prise d’eau dans la Loire, à Varennes, est inaugurée le 18 septembre 1884. Simple rigole, elle s’avère de peu d’efficacité.

La même année, on essaye une pompe de refoulement, actionnée par une machine à vapeur, pour assainir le val de la Daguenière. Les finances locales ne permettront pas de réaliser une installation permanente.


Après les inondations de 1927, il faut de nouveau curer l’Authion. La concession des travaux d’entretien et d’exploitation de la rivière est confiée au syndicat constitué par arrêté préfectoral du 29 novembre 1929, pour la partie de la levée de l’école de Vivy jusqu’au pont de Sorges. Les travaux commencent l’année suivante.

On reparle de station de pompage et d’exhaure des eaux de l’Authion au pont Bourguignon.Le financement du projet présenté par l’ingénieur Cadenat, est refusé en 1938, par le directeur des Eaux et du Génie rural [VEY].


La vie, au bord de l’Authion, continue comme par le passé. Les pratiques agricoles restent adaptées au rythme de l’homme et des chevaux. Les propriétés, transmises de père en fils, restent d’importance modeste, mais équilibrée entre terres labourées et prairies.

Le livret édité par la Chambre d’agriculture, en 1934, sur les usages dans le canton de Beaufort, en est le témoin.

L’Authion serpente tranquillement l’été, au milieu des nénuphars et des dépôts de sables et limons. Il se répand pratiquement tous les hivers dans les « îles » riveraines habitées par des « touess’ » (3) de frênes, des saules et peupliers, tous parfaitement entretenus.
Un poète du pays a su merveilleusement en parler.

Qui sont v’nues à través les frênes,
Par l’Auquion bordé d’peûpliers,
Mirant nos joé’s, mirant nos peines,
L’argent des saul’s, l’sang des ousiers.

C’est pourça, quant’, sû’  la Vallée,
Des soérs, l’soulé roug descendra,
Qu’tu créras voér, à la d’vallée,
Ein quiens d’noût jéness’ qui pass’ra. 

Et encore, en parlant des peupliers :

C’est vrai qu’on dirait des moén’s d’auterfoés
Qui s’en vont perier âvec leûs mains jointes, ..

Emile Joulain (4 )
Extraits d’ « Ein p’tit ruisseau » et de «  Les peupliers »


Les ronces et aubépines des haies qui séparent les chemins des prairies, protègent la pousse des jeunes arbres et abritent, à la belle saison, les pies grièches écorcheurs, aujourd'hui, en voie de disparition.

On ne peut quitter  l’Authion de cette époque, sans parler de la pêche. Du goujon au brochet, en passant par la perchaude, le boër, le gardon, la tanche, voire la lotte de rivière, il y en a pour tous, à la ligne comme aux « engins ».
Les parcelles cultivables étant principalement distribuées perpendiculairement à la rivière, chaque exploitant y possède un accès pour l’irrigation mais aussi, pour installer un carrelet (5) de pêche sur la rive – image 5 . Dans le lit de l’Authion, il pose tambours (6) et bosselles (7).
La manœuvre du carrelet se fait, parfois, en cultivant les terres, lors d’un retour « au bout du champ ». Pendant ce temps, cheval et homme soufflent.

Bien sûr, il y a temps en temps, une expédition par une nuit sans lune, ayant pris soin de graisser la poulie, pour qu’elle ne fasse point de bruit.
Il est vrai que dans ces années là, le garde-pêche était compréhensif.
Un de ceux-là, sur le secteur de Beaufort, est, de son propre aveu, parti en retraite sans avoir dressé un seul procès-verbal. Il faut dire aussi qu’il officiait seul et  ne savait probablement pas nager.

Un carrelet de pêche sur l'Authion en 1950

L'ENDIGUEMENT DE L'AUTHION

L’évolution des pratiques agricoles, la mécanisation, le regroupement des propriétés vont, à partir de 1950, contraindre les institutions à modifier le paysage de la vallée de l’Authion.

C’est le département d’Indre-et-Loire qui s’y engage le premier.
En 1953, il entreprend les travaux de curage du Lanne et du Changeon, ce qui provoque dans la région saumuroise des effets catastrophiques sur les cultures [VEY].

Dans un premier temps, le Maine et Loire déclare ne pas avoir les moyens financiers pour effectuer les travaux dans l’Authion. Il commence toutefois des travaux en amont en 1958, en utilisant une procédure d’urgence.
Le 29 janvier 1959, le Conseil municipal de Beaufort attire l’attention des pouvoirs publics sur les risques d’inondation qui menacent les cultures du fait des travaux de curage et recalibrage exécutés, dans la région de Saumur, sur le cours supérieur de l’Authion.
Le conseil s’étonne de ne recevoir aucune information sur les travaux à exécuter sur le cours inférieur et demande à connaître du plan général d’aménagement.

Le 9 avril 1959, le Préfet répond que le projet global comporte :
- l’installation d’une station de pompage aux Ponts-de-Cé ;
- l’irrigation de la vallée ;
- les travaux de recalibrage …
Il convient de commencer par la remise en état de l’Authion.
Il explique que les travaux ont été commencés en amont pour dégager les terrains inondés par les travaux effectués en Indre et Loire, il y a quatre ans.
Les travaux d’assainissement devront se poursuivre sans désemparer. L’irrigation n’est qu’en phase de test. Si l’idée d’associer les travaux d’irrigation aux travaux d’assainissement est à retenir, celà nécessite l’étude d’un aménagement général et rationnel de la vallée où l’irrigation doit par la suite prendre la première place.

Le ministre de l’Agriculture a décidé d’inscrire cet ensemble de travaux, dont le montant est estimé à 11 400 OOO F, dans les programmes d’investissement, avec un concours de l’Etat assez substantiel, au taux de 60 %.

Les travaux se poursuivent activement : curage, élargissement, rectification de tracé, élévation de digues latérales.
La situation s’améliore en amont mais reste bloquée en aval.
Suite aux crues de janvier 1961, le conseil de Beaufort réclame des mesures d’urgences :
- poursuivre le recalibrage sans désemparer ;
- suspendre les travaux prévus sur les ponts de Porteau, Saint-René, Petit-port et Gué de fresne ;
- reprendre le projet de pompage.
La commune se déclare prête à participer financièrement et prie le Préfet de demander au Conseil général de se pencher d’urgence sur le problème.

Les travaux continuent activement jusqu’à Brain-sur-l’Authion. Là, il faut patienter, le temps de régler certaines procédures administratives devenues indispensables.

Le chantier d’endiguement sera finalement terminé en 1969 et la station d’exhaure des Ponts-de-Cé construite en 1974. Compte-tenu des travaux effectués, par ailleurs, sur les ruisseaux affluents, l’assainissement du val d’Authion voit son terme. Dans le même temps, remembrements aidant, les derniers « communaux » sont supprimés.

PETITE HISTOIRE DU PONT ROUGE

L’origine du Pont-rouge n’est pas bien connue. A priori, il existait en 1794. On rapporte que les religieuses de l'hôpital, emmenées à Angers, ont passé au Pont-Rouge [DEN]. Le pont était en bois. Il s'est écroulé en 1810 et le maire de Beaufort a prévu son rétablissement provisoire, le 15 novembre 1810, avec un pont de bateaux.

Pourquoi ce nom de Pont-rouge ? On peut avancer l’idée que ce pont en bois était peint en rouge. A Paris, sur la Seine, deux ponts de bois peints en rouge, avaient le nom de Pont-rouge. Alors, pourquoi pas à Beaufort ?
Le bois du pont écroulé a été vendu à un certain Pierre Leboeuf et la restauration du pont a coûté 9067,30 F. La dépense est partagée entre les communes des Rosiers, de Saint-Mathurin, de Beaufort et la Daguenière.

En 1837, un projet est établi pour reconstruire le pont en pierre. La dépense prévue est de 36 000 F, à partager entre les communes de Beaufort et La Ménitré, commune dont la création est récente (8).
La date des travaux n’est pas connue mais, il est probable qu’ils ont lieu, peu après, puisque le plan de la future route départementale, qui passe dessus, a été approuvé cette année là.

Nous avons noté, au chapitre précédent que des travaux de consolidation et de reconstruction des ponts, sur le parcours de l’Authion, figuraient au programme du projet lancé en 1958.

En effet, le curage d’une rivière abaisse le niveau du lit. Pour l’Authion, ce nouveau curage s’ajoute d’ailleurs, peut-être, à l’effet des travaux de curage effectués, aux environs de 1855. A ce moment, au gué d’Anjan, on avait baissé le niveau du lit de 70 cm.


Les ponts sur l’Authion ont été construits, en pierre, à partir des années 1830. Les piles étaient établies, comme il était coutume de le faire, sur une fondation entourée par un batardeau en palplanches de bois. Celles-ci, pour leur conservation,  ne doivent pas être alternativement, sous l’eau ou hors l’eau. L’abaissement général du niveau du lit fait donc craindre une détérioration.

Ainsi, l’administration a sagement prévu des interventions de reconstruction, ou pour le moins, de protection des piles. 

Les évènements vont précipiter les choses.

A environ 16h30, le 6 mars 1963, l’arche côté rive droite du Pont-rouge s’effondre, sous la violente poussée des eaux, alors que la reconstruction était prévue pour débuter au cours de l’été suivant. Toute circulation est alors stoppée.

Pour rétablir celle-ci, au moins pour les engins agricoles, le maire et le conseiller général interviennent près du général commandant l’école d’application du Génie et du service des Ponts et chaussées. Ils suggèrent l’établissement d’un passage provisoire, par le lancement d’un pont Bailey ou à défaut un pont de bateau.

Malheureusement, le général ne peut répondre favorablement : « j’ai des hommes, mais pas de matériel … ».

Le service des Ponts et chaussées essaye alors l'établissement d’un pont sommaire en terre sur des buses métalliques de 1,75 m de diamètre, mais la violence du courant déplace les buses.

Dès la décrue, le service fait mettre en place un nouveau pont de buses métalliques.

Les travaux du nouveau pont en béton armé commencent dès le mois de mai, pour se terminer avant la fin d’année.

A la suite, quatre autres ponts sont reconstruits. Pour les autres ponts, les fondations sont renforcées, par une jupe de palplanches métalliques.

L'IDÉE D'UN COMPLEXE HORTICOLE ET MARAÎCHER

Le val d'Authion assaini, sa valorisation peut être envisagée, d'autant plus que dans le contexte de développement de l'agglomération angevine, les terrains agricoles situés entre Angers et la Loire risquent de changer de destination.


C'est ainsi que démarrent les études d'un complexe horticole et maraîcher de l'Authion.

Nous ne traiterons pas ici, ce sujet, dont l'histoire est encore trop récente.

Disons simplement que les aménagements se sont enchaînés, le plus souvent pour assurer l'irrigation des terres, avec des objectifs de plus en plus ambitieux.


En même temps, les regards sur le cadre de vie changent. La civilisation paysanne, qui depuis plusieurs siècles avait participé à la construction des paysages ruraux, a disparu en quelques décennies.

Si toutes les maisons de la vallée sont de nouveau habitées, grâce à l'essor économique du val d'Authion, c'est, de plus en plus, par des "urbains".

Les nouveaux habitants ne font pas un retour à la terre. Ils la contemplent, le plus souvent dans le cadre d'activités de loisirs: au théâtre des champs, les acteurs ont déserté la scène et admirent le décor [MON].


Quelques-uns voient plus loin et redoutent que la satisfaction de tous les besoins ne finisse par porter atteinte, de manière irrémédiable, aux milieux naturels.


Où se situera l'équilibre? Il faut le rechercher, avec les spécialistes, dans une perspective à long terme.


Le classement du val d'Authion dans le parc naturel régional Loire-Anjou-Touraine et l'élaboration de chartes, devient une véritable chance, pour éclairer les décideurs (9).

Notes


(1) Ancien archiviste de Maine-et-Loire, auteur d'un dictionnaire historique déjà  cité sur        ce site

(2) Maurice Genevoix- 1922 - dans Rémi des Ranches

(3) touess' :variante locale de tétard

(4) Emile Joulain, dit « Gars Mile », poète patoisant (1900-1989)

(5) carrelet : filet carré suspendu à des enlarmes et actionné par un treuil

(6) tambour : cage en grillage, largement ouvert à une extrémité

(7) bosselle : cage en osier tressé pour la pêche à l’anguille

(8) la commune de la Ménitré a été créée le 21 juillet 1824

(9) une enquête publique pour le renouvellement du classement a été réalisée en 2007.

Références

Bibliographie

[DEN] DENAIS, Joseph, L'hopital de Beaufort et les religieuses qui le desservent, Mlle M.-J. DENAIS, 1934
[DIO] DION, Roger, Histoire des levées de la Loire, Paris chez l’auteur, 1961
[DUM] DUMAS, Maurice, Histoire générale des techniques, Presses universitaires de France, 1996
[MON] MONTEMBAULT, David, L’histoire comparée du val d’Authion et de la Loire armoricaine en Anjou, INH, 2004
[PIN] PINON, Pierre, Canaux, rivières des hommes, R.E.M.P.A.R.T. Ed., 1995
[RAB] RABAULT, Fernand, Extraits transcrits des documents historiques sur Mazé recueillis par A. Leboucher, 1966
[SCHU] SCHULE, Charles-Alain, Les crues inondantes en Anjou aux XIXe et XXe siècles-Archives d’Anjou n° 4 –2000
[VEY] VEYRAT, Patrick, L’aménagement de l’Authion d’Henri II Plantagenêt à Edgar Pisani 1170-1970, mémoire, 1972

Site Internet

Parc naturel régional Loire-Anjou-Touraine
Sage

Entretiens

Cette fiche a été élaborée suite à des entretiens personnels, notamment avec : Clément Beaussier, Claude Bernard, Noël Chapelet, Ralph Clarke, Laurent Coudercy et Alain Durand.
Il convient de les en remercier.
Merci également aux responsables du Parc naturel Loire-Anjou-Touraine, de l'Entente interdépartementale pour l'aménagement du bassin de l'Authion et de la Ligue de protection des oiseaux 49, pour la documentation aimablement fournie.              


Date de mise à jour:27 octobre 2007                          Jean-Marie Schio