EMV 17.2 et 17.6

Note: signification du surlignage de couleur:

o Rose pêche: Dieu, Esprit de Dieu EN l'homme

o Jaune: pneuma, esprit, âme spirituelle et immortelle

o Vert: psyché, âme psychique

o Bleu cyan: soma, corps physique

COMMENTAIRES:

1- Trois concupiscences et trois règnes

Ce passage, où il est question de l'état originel et des conséquences de la faute d'origine, établit clairement un lien entre la triple concupiscence et les trois règnes (ou niveaux) de l'homme. La question se pose alors à savoir si chacune des trois concupiscence doit être associée spécifiquement à l'un des trois règnes. On obtiendrait ce qui suit:

  • Concupiscence de la chair - Chair / corps physique (plaisirs)

  • Concupiscence des yeux - Âme psychique (désirs)

  • Orgueil de l'esprit - Âme spirituelle (rébellion de la volonté contre Dieu)


2- Trois "strates" ou "couches" dans l'homme

Le mot "strati" (niveaux) pourrait être traduit également par les mots : "strates" ou "couches". Le mot "niveau" sous-entend qu'il y a des niveaux plus bas et plus élevés. Les mots "strate" ou "couche" me semblent ajouter une dimension de profondeur: il y a des strates (ou couches) plus profondes et d'autres plus superficielles. Cela me semble un aspect important. La strate la plus superficielle est la première a être perçue: c'est le corps physique. Un peu plus en profondeur, il y a la strate de l'âme psychisme. Plus en profondeur, il y a enfin la strate de l'âme spirituelle (esprit) qui est la plus subtile et la moins perceptible. Dans d'autres passages, nous voyons que c'est dans l'âme spirituelle qu'habite l'Esprit divin, Celui-ci constituant ainsi une 4e strate, la plus profonde de toutes.

Cette notion de profondeur est présente dans l'Autobiographie, page 352, quand Maria écrit:

Dans le corps il y a l’âme et dans l’âme il y a l’esprit.


3- Trois "strates" : la terre visible et les deux mondes invisibles

À propos du mot "strati", j'aimerais attirer l'attention sur un autre emploi de ce mot dans le corpus valtortien. En EMV 78.7, Jésus dit:

Observez ce beau ciel d'été. Il vous paraît qu'il finit là, que sa limite c'est où l'air semble une voûte de saphir ? Non, plus loin il y a d'autres [les] couches plus pures, des azurs plus nets, [Oltre vi sono gli strati più puri, gli azzurri più netti] jusqu'à l'azur inimaginable du Paradis où le Messie amènera les justes morts dans le Seigneur.

Apparemment, il s'agit là de pure poésie. Mais en réalité, Jésus fait ici référence à une très ancienne conception de notre monde, présente dans de nombreuses traditions, incluant la nôtre. Selon cette Tradition, notre terre physique serait enveloppée de couches superposées mais non physiques. Et c'est dans ces "couches" que seraient situés le Paradis terrestre (première couche) ainsi que le Paradis céleste (deuxième couche) dont parle ici Jésus. Ces deux couches ou strates constituent en quelques sortes deux mondes invisibles autour de notre planète physique et visible.

Dans notre propre tradition judéo-chrétienne, on retrouve cette conception dès la Genèse.

  • En effet, selon une très exacte traduction de l'hébreu: "Dieu (Élohim) créa les deux cieux et la terre" (Gn 1,1). "Notre" monde (il n'est pas ici question de l'univers) est donc constitué de la terre physique (avec son propre ciel azuré), d'un premier ciel, et d'un deuxième ciel: ce qui donne un monde constitué de TROIS niveaux... tout comme l'homme est constitué de TROIS niveaux. Et, au-delà de ce troisième niveaux (le deuxième ciel), et enveloppant "notre" monde "ternaire" ou "trinitaire", il y aurait la Divinité: la même structure que l'homme, mais inversée. Ceux qui connaissent cette Tradition ont bien remarqué ce parallèle étonnant. René Guénon le notait: "La constitution [de l'homme] est analogue à celle [du monde], de sorte qu'on doit nécessairement retrouver des éléments qui se correspondent rigoureusement de part et d'autres." (Guénon, La Grande Triade)

  • En 2 Cor 12, 2-4, saint Paul témoigne d'une grâce mystique pendant laquelle il s'est élevé dans ces couches supérieures: "Je connais un homme dans le Christ qui, voici quatorze ans - était-ce en son corps? Je ne sais; était-ce hors de son corps? Je ne sais; Dieu le sait - cet homme-là fut ravi jusqu'au troisième ciel. Et cet homme-là - était-ce en son corps? Était-ce sans son corps? Je ne sais, Dieu le sait --, je sais qu'il fut ravi jusqu'au paradis et qu'il entendit des paroles ineffables, qu'il n'est pas permis à un homme de redire."

  • Dans notre tradition, cette conception est corroborée par de nombreux auteurs et mystiques, dont les plus fameux sont sainte Hildegarde et la bienheureuse Anne Catherine Emmerick dont les visions sont si riches en détails. Parmi les noms moins connus, j'ajouterais le Livre d’Hénoch, saint Ephrem, sainte Lydwine de Schiedam et la bienheureuse Catherine de saint Augustin.

Même si de façon très succincte, je pense avoir suffisamment montré que cette conception traditionnelle de "notre" monde constitue l'une des clés pour comprendre l'anthropologie ternaire en général, et celle présente dans les écrits de Maria Valtorta en particulier. Il semble en effet y avoir un lien entre notre "niveau" de sanctification et le "niveau" auquel nous pouvons nous élever à l'intérieur de "notre" monde, en nous approchant toujours davantage de la Divinité. Cette Divinité qui est - à la fois - au plus profond de notre être personnel ... et "au plus haut des cieux".

Dès lors que l'on connaît cette Tradition, et que l'on admet que le Paradis terrestre puisse être dans le premier monde de l'au-delà, l'expression "chute originelle" (conséquence du péché originel) revêt une signification bien réelle. Cette Tradition projette également un éclairage nouveau sur un enseignement de la Vierge Marie à propos de son Assomption (EMV 651.14). Elle y décrit la situation originelle de l'homme qui devait monter vers Dieu, en passant, sans mourir - et donc en être complet (corps-âme-esprit), de la Terre d'en-bas au Paradis terrestre, puis du Paradis terrestre au Paradis céleste :

651.14 - Mais, c’est pour témoigner de sa première pensée créatrice en ce qui concerne l’homme destiné par Lui, Créateur, à vivre en passant sans mourir du Paradis terrestre au [Paradis] céleste, dans le Royaume éternel, que Dieu m’a voulue, moi, Immaculée, au Ciel en âme et en corps sitôt finie ma vie terrestre.

Moi, je suis le témoignage de ce que Dieu avait pensé et voulu pour l’homme : une vie innocente et ignorant les fautes, un tranquille passage de cette vie à la Vie éternelle comme quelqu’un qui franchit le seuil d’une maison pour entrer dans un palais, l’homme avec son être complet fait d’un corps matériel et d’une âme spirituelle serait passé de la Terre au Ciel, en augmentant la perfection de son moi que lui a donnée Dieu, de la perfection complète à la fois de la chair et de l’esprit qui était, dans la pensée divine, destinée à toute créature qui serait restée fidèle à Dieu et à la Grâce. Cette perfection, l’homme l’aurait atteinte dans la pleine lumière qui existe aux Cieux et les remplit, venant de Dieu, Soleil éternel qui les illumine.

Pour conclure cette parenthèse, un autre extrait de Maria Valtorta EMV 132.5:

Venez ! Allons vers le Seigneur ! Moi devant, vous à ma suite. Allons aux eaux salutaires, aux pâturages saints, allons vers les terres de Dieu. Oubliez le passé. Souriez à l'avenir. Ne pensez pas à la boue, mais regardez les étoiles. Ne dites pas : "Je suis ténèbre", mais dites : "Dieu est Lumière". Je suis venu vous annoncer la paix, dire aux paisibles la Bonne Nouvelle, guérir ceux qui ont le cœur brisé par trop de choses, annoncer la liberté à tous les esclaves, et en premier lieu ceux de Mammon, libérer ceux qui sont prisonniers de leurs concupiscences.

Je vous dis : l'année de grâce est arrivée. Pour vous, ne pleurez pas par la tristesse qu'éprouve le pécheur. Ne pleurez pas, vous qui êtes exilés du Royaume de Dieu. Aux cendres je substitue l'or et l'huile aux larmes. Je vous revêts d'habits de fête pour vous présenter au Seigneur et dire : "Voici les brebis que Tu m'as envoyé chercher. Je les ai visitées et rassemblées, je les ai comptées, j'ai cherché celles qui étaient dispersées et je te les ai amenées en les arrachant aux nuages et aux brouillards. Je les ai prises au milieu de tous les peuples, je les ai réunies de toutes les régions pour les conduire à la Terre qui n'est plus la terre et que Tu as préparée pour elles, ô Père Saint, pour les amener sur les cimes paradisiaques de tes fertiles montagnes où tout est lumière et beauté, le long des rivières des célestes béatitudes où se rassasient de Toi les esprits aimés de Toi.