Petite introduction à l'anthropologie ternaire



Qu'est-ce que l'anthropologie?

Le terme anthropologie vient de deux mots grecs, anthrôpos, qui signifie « homme », et logos, qui signifie science, parole, discours. Il s'agit donc d'une étude qui vise à mieux connaître l'être humain. C'est un domaine d'étude très vaste et qui a de nombreuses ramifications.

Pour nous, ici, nous nous concentrons sur l'anthropologie en tant qu'étude de l'homme en tant qu'homme: sa nature, sa structure, la hiérarchie de ses facultés, les interactions entre ses différents composants. Nous nous intéressons aussi à la condition originelle de l'homme, aux desseins de Dieu sur l'homme, aux conséquences de la faute originelle, aux effets de la Rédemption, à sa condition actuelle, et à l'événement marquant que sera sa résurrection future.

Il s'agit ici d'une anthropologie qui tient compte aux données de la science, mais qui est résolument religieuse, s'appuyant sur la Sagesse présente dans les grandes religions. En effet, nous croyons que la réalité ne se limite pas à ce que nous pouvons voir, toucher et mesurer sur le plan physique. Il y a d'autres plans, et l'homme y participe. Pour connaître ces autres plans, il faut donc nous fier d'une part, à ceux qui, avant nous, y ont eu accès de quelques façons, et d'autre part, à Dieu qui parfois soulève un peu le voile sur ces réalités qui sont d'autant moins perceptibles qu'elles sont plus subtiles.

Anthropologie binaire et ternaire

Parler d'anthropologie binaire ou ternaire, c'est aborder le problème de la structure ou de la composition de l'homme. L'anthropologie binaire distingue en l'homme deux composants principaux: le corps et l'âme (ou esprit). C'est la conception la plus courante employée dans l'Église Catholique. L'anthropologie ternaire distingue en l'homme trois composants principaux: le corps, l'âme et l'esprit. Peu employée de nos jours, cette conception est présente dans plusieurs religions et dans la Bible elle-même. On y a recours car elle semble mieux correspondre à la réalité.

Pour l'anthropologie binaire, l'âme et l'esprit sont synonymes et interchangeables. Pour l'anthropologie ternaire, il importe au contraire de les distinguer et de les situer à des niveaux différents, l'esprit étant plus élevé et plus digne que l'âme, tout comme l'âme est plus élevée et plus digne que le corps.

L'enjeu n'est pas anodin. L'esprit étant plus subtile et plus difficile à saisir, on risque fort de l'oublier tout à fait si on le confond avec l'âme! Par exemple, on pensera avoir la foi (esprit) parce qu'on en a le sentiment (âme). Et on pensera avoir perdu la foi du moment qu'on en aura perdu le sentiment! Mais le fait de savoir que la foi n'est pas surtout une question de sentiment, on sera rassuré lorsque surviennent les inévitables périodes d'aridité, à travers lesquelles Dieu veut justement purifier notre foi de toute attache sentimentale l'empêchant de s'élever plus haut.

Dans les autres religions

L’anthropologie ternaire est une notion très ancienne que l’on retrouve dans de nombreuses cultures et religions antiques. Les grecs connaissait la trilogie "soma-psyche-pneuma". Dans l'hindouisme, une des religions dont l'origine est parmi les plus antiques, l'anthropologie ternaire est présente:

Pour certains auteurs, tels R. Godel, J. Thomas, J. Biès, la trilogie occidentale « soma-psyche-pneuma » pourrait donc avoir des liens de filiation avec les triades équivalentes de l’Inde. Ce n’est pas le lieu d’interroger ici l’histoire de l’hindouisme afin de savoir sous quelles formes exactes se présentaient les trilogies anthropologiques conçues par cette religion dans ces temps antiques, qui, en principe, doivent seuls nous retenir dans ce chapitre. Remarquons seulement que les différentes branches actuelles de l’hindouisme s’enracinent dans un passé fort lointain, passé dont ces branches portent toujours, tels des fruits, les révélations fondamentales. Or, il ne fait pas de doute que différentes phases de l’hindouisme observables aujourd’hui proposent une compréhension fondamentalement ternaire de l’être humain. (M. Fromaget, Corps Âme Esprit, (version pdf) p. 107)

Comme le montrent les citations suivantes, la notion de deux âmes en plus du corps est présente dans les religions dites "primitives" d'Afrique, en Indonésie, dans l'Égypte antique, et dans le Confucianisme (Chine):

Peut-être est-il possible de ramener toutes les âmes [c'est-à-dire celles auxquelles on croit dans la plupart des religions d'Afrique], abstraction faite du corps, à deux notions de base : l'âme périssable et l'âme impérissable. (E. Damann, Les Religions de l'Afrique, p.20)

Cette distinction [que font les primitifs d'Indonésie entre les deux âmes] se retrouve chez de nombreux peuples. W.F. Otto [un spécialiste allemand] confirme d'ailleurs cette affirmation en écrivant qu'on appelle en général ces deux âmes «âme de vie» et «âme de mort». (A. Des Georges, La Réincarnation des âmes..., p.16)


Ils [les Égyptiens de l'Antiquité] attribuaient à l'homme, en plus du corps physique, deux éléments subtils : le ba [...] et le ka... (idem, p.41)


Le Maître [Confucius] écrivit ; «L'homme a deux âmes : P'o et Houen. La première [...] anime le corps [...]. La deuxième, âme supérieure, se forme [...] par la respiration...» (Idem, p. 268)

Plusieurs anthropologie ternaire

Le but de la présente étude n’est pas de répéter ou de résumer les excellents ouvrages existants sur le sujet. Je ne me considère nullement comme un expert en la matière. Mais j’en sais suffisamment pour affirmer qu’il n’y a pas UNE SEULE anthropologie ternaire, mais bien PLUSIEURS anthropologies ternaires.

Cette variation provient probablement de la difficulté à distinguer entre l’âme et l’esprit, entre le psychique et le spirituel. Cette difficulté est bien exprimée dans la lettre aux Hébreux : « La parole de Dieu est vivante et opérante, et plus pénétrante qu'aucune épée à deux tranchants, et atteignant jusqu'à la division de l’âme et de l'esprit » (He 4, 12). En effet, il n’est pas toujours aisé de départager les facultés appartenant à chacun des deux composants les plus subtils de l’homme.

Une autre difficulté vient du fait de devoir déterminer si l’esprit en l’homme doit être distingué ou non de l’Esprit de Dieu qui habite en l’homme. L’esprit EN l’homme est-il l’esprit DE l’homme, ou est-il l’Esprit DE Dieu EN l’homme?

À ces différences possibles sur la conception ternaire de l’homme, s’ajoutent des différences de vocabulaire : l’emploi de mots différents pour signifier une même réalité, ou l’emploi d’un même mot pour signifier des réalités en tout ou en partie différentes. C’est notamment le cas pour les mots: esprit, âme et coeur.